Nisard a dit de cette poésie délicieuse : « Elle s’épanche en des vers d’une harmonie que Racine même n’a pas connue : ce charme ne cessera qu’avec la langue française2. » Priére de l’indigent O toi dont l’oreille s’incline Au nid du pauvre passereau, Au brin d’herbe de la colline Qui soupire après un peu d’eau ; Providence qui les console, Toi qui sais de quelle humble main S’échappe la secrète obole Dont le pauvre achète son pain ; Charge-toi, seule, ô Providence, De connaître nos bienfaiteurs, Et de puiser leur récompense Dans les trésors de tes faveurs ! […] La cascade La cascade qui pleut dans le gouffre qui tonne Frappe l’air assourdi de son bruit monotone ; L’œil fasciné la cherche à travers les rameaux ; L’oreille attend en vain que son urne tarisse ; De précipice en précipice, Débordant, débordant à flots toujours nouveaux, Elle tombe, et se brise, et bondit, et tournoie, Et du fond de l’abîme ou l’écume se noie, Elle-même remonte en liquides réseaux, Comme un cygne argenté qui s’élève et déploie Ses blanches ailes sur les eaux2. […] Il me semblait déjà dans mon oreille entendre De sa touchante voix l’accent tremblant et tendre, Et sentir, à défaut de mots cherchés en vain, Tout son cœur me parler d’un serrement de main3 ; Car, lorsque l’amitié n’a plus d’autre langage, La main aide le cœur, et lui rend témoignage4. […] Dans chaque village s’élève ta sainte maison, et le son de l’orgue et les chants des chœurs résonnent pour toute oreille.
Mais, dans ce cas, il faut faire en sorte que le troisième pied soit un dactyle suivi d’une césure ; autrement le vers serait dur à l’oreille, comme le suivant : Sī cū | rāt cōr | spēctān | tīs tĕtĭ | gīssĕ quĕ | rēlā. […] Et ces vers d’Horace ont été amplifiés d’une manière admirable par un poète français : « La Mort a des rigueurs à nulle autre pareilles ; « On a beau la prier, « La cruelle qu’elle est se bouche les oreilles, « Et nous laisse crier. […] « Il y a dans les vers une cadence simple, commune, ordinaire, qui se soutient également partout, qui rend le vers doux et coulant, qui écarte avec soin tout ce qui pourrait blesser l’oreille par un son rude et choquant, et qui, par l’heureux mélange de différentes mesures, forme cette harmonie si agréable qui règne dans tout l’ensemble d’un poème. […] 6° Les cadences douces, quand il n’y a point de lettres ni de syllabes dures à l’oreille : Qualem virgineo demessum pollice florem Seu mollis violœ, seu languentis hyacinthi. […] 7° Les cadences dures, quand on emploie des consonnes rudes, comme des r, des s, des x, des élisions produites par la rencontre de voyelles dont le choc blesse l’oreille.
Par un heureux mélange de la période et de l’incise l’oreille est satisfaite, la vivacité se joint à la majesté du style. […] En prose, il faut varier habilement la chute des phrases pour ne rebuter ni l’esprit ni l’oreille. […] Elles donnent de la dignité au style, que la familiarité des mots usuels qui frappent incessamment nos oreilles tend à dégrader. […] Satisfait de se faire comprendre, l’auteur ne cherche à plaire, ni à l’imagination, ni à l’oreille. […] L’oreille du public est aujourd’hui tellement accoutumée à un style correct et orné, qu’il ne serait pas prudent d’en négliger l’étude.