Un poète avait dit, dans les termes suivants, que les secrets des destins n’étaient pas enfermés dans les entrailles des victimes : Donc, vous vous figurez qu’une bête assommée Tienne votre fortune en son ventre enfermée, Et que des animaux les sales intestins Soient un temple adorable où parlent les destins ? […] Prenons un autre passage du même exorde de Bossuet : Vous verrez dans une seule vie toutes les extrémités des choses humaines : la félicité sans bornes aussi bien que les misères ; une longue et paisible jouissance d’une des plus nobles couronnes de l’univers ; tout ce que peuvent donner de plus glorieux la naissance et la grandeur accumulées sur une seule tête, qui ensuite est exposée à tous les outrages de la fortune, etc. […] Citons quelques phrases de ce dernier sur la mort de Turenne : Je me trouble, messieurs : Turenne meurt, tout se confond, la fortune chancelle, la victoire se lasse, la paix s’éloigne, les bonnes intentions des alliés se ralentissent, le courage des troupes est abattu par la douleur et ranimé par la vengeance, tout le camp demeure immobile. […] Les personnages principaux seront des hommes tellement puissants, que le héros aura souvent besoin de leur conseil ou de leur bras, de leur crédit ou de leur fortune. […] On pourrait dire que la fortune des personnages intéressés dans l’action est comme un vaisseau battu par la tempête : ou le vaisseau fait naufrage, ou il arrive au port, voilà la double espèce de dénouement.
Rarement il réfléchit à l’incertitude des évènements, celui que la fortune n’a jamais trompé. […] L'influence de la fortune est très-grande en toutes choses, mais surtout à la guerre.
C’était pour le genre démonstratif, par exemple, tout ce qui pouvait contribuer à faire louer ou blâmer quelqu’un, comme sa naissance, sa patrie, son éducation, ses parents, ses qualités physiques et morales, sa fortune, ses emplois, etc. ; c’était pour le genre délibératif toutes les considérations par lesquelles il était possible de recommander une mesure générale, ou d’en dissuader, comme sa convenance, sa justice, sa facilité, le profit ou la gloire qu’on en devait retirer, l’influence qu’elle aurait sur la prospérité des amis de la patrie, ou sur le désastre des ennemis. […] Il en donne cet exemple heureusement choisi : Un homme était accusé d’avoir assassiné un parent dont il était l’héritier ; on manquait de preuves directes : « Mais, dit l’orateur, vous attendiez une succession, et une succession considérable ; vous étiez dans une position malheureuse, vous étiez vivement poursuivi par vos créanciers ; vous aviez offensé le parent qui vous avait légué sa fortune ; vous saviez que son intention était de changer son testament, et vous n’aviez pas de temps à perdre. » Chacun de ces arguments, ajoute Quintilien, est peu concluant par lui-même ; mais groupés ensemble, ils produisent assez d’effet. […] Lorsque, dans les siècles postérieurs, l’on eut fait de la poésie un art régulier, à l’étude duquel on se livra pour acquérir de la gloire et de la fortune, les poètes entreprirent de peindre des sentiments qu’ils n’éprouvaient pas ; dans le calme du cabinet, ils cherchèrent plutôt à imiter la passion qu’à l’exprimer ; ils tâchaient d’exalter leur imagination ; et, pour suppléer à la chaleur naturelle qui leur manquait ; ils donnaient à leurs compositions une sorte d’éclat au moyen des ornements que l’art venait leur offrir. […] Lui demanderai-je si j’aime mieux mourir libre les armes à la main que de vivre sous un tyran ; si cette vie n’est autre chose que le passage à une vie heureuse et durable ; s’il est quelque puissance au monde capable d’imposer à l’homme de bien ; si la fortune perd ses menaces quand elle s’attaque à la vertu ; s’il suffit de vouloir ce qui est louable, et si le succès ajoute à ce qui est honnête ?