Cependant il ne règne que par droit de conquête ; il jouit plutôt qu’il ne possède, il ne conserve que par des soins toujours renouvelés ; s’ils cessent, tout languit, tout s’altère, tout change, tout rentre sous la main de la nature : elle reprend ses droits, efface les ouvrages de l’homme, couvre de poussière et de mousse ses plus fastueux monuments, les détruit avec le temps, et ne lui laisse que le regret d’avoir perdu par sa faute ce que ses ancêtres avaient conquis par leurs travaux. […] L’homme peut donc non-seulement faire servir à ses besoins tous les individus de l’univers, mais, avec le temps, changer, modifier et perfectionner les espèces : c’est le plus beau droit qu’il ait sur la nature. […] Cette unité de dessein fait qu’on voit, d’un seul coup d’œil, l’ouvrage entier, comme on voit de la place publique d’une ville toutes les rues et toutes les portes, quand toutes les rues sont droites, égales et en symétrie. […] Car le plus grand plaisir que reçoivent les hommes de guerre, c’est de fourrager le plat païs, voler les païsans, brusler les villages, assiéger, battre, forcer, saccager les villes, massacrer les bons et méchants, jeunes et vieux, tous âges et tous sexes ; se laver au sang des meurtris, souiller les choses sacrées, raser les temples, blasphémer le nom de Dieu et fouler aux pieds tout droit divin et humain.
Vérité incontestable, vérité de tous les temps ; vérité si sensible, enfin, qu’il sembleront inutile de s’y arrêter, s’il n’était devenu nécessaire de ne perdre aucune des occasions qui peuvent y ramener ; si nous ne frémissions encore de la dissolution affreuse qui a été la conséquence indispensable de l’oubli de ses droits, du mépris et de la négligence de ses maximes. […] » En effet, Romains, sans qu’il soit nécessaire de vous rappeler ici le sort de chacun en particulier, vous pouvez, d’un coup d’oeil, voir ceux qui, de concert avec le sénat, ont relevé la république abattue, l’ont délivrée d’un brigandage domestique ; vous pouvez, dis-je, les voir plongés dans la tristesse, revêtus d’habits de deuil, traduits en justice, exposés à vivre loin de leur patrie, de leurs enfants ; à rester privés de leur ville, de leur réputation, de toute leur existence : tandis que ceux qui ont attaqué, confondu, violé, détruit tous les droits divins et humains, ne se contentent pas de paraître en public avec un air satisfait, triomphant ; mais, sans y être forcés, absolument tranquilles pour eux-mêmes, ils se plaisent à précipiter dans le péril les citoyens les plus fermes et les plus courageux. […] « Qui de vous, Romains, ignore que, dans l’origine des choses, les hommes, avant de connaître le droit civil et naturel, erraient à l’aventure, dispersés dans les campagnes, et ne possédaient que ce qu’ils pouvaient ravir ou conserver par la force et par la violence, par les coups et par les meurtres ?
L’âne vint à son tour, et dit : « J’ai souvenance Qu’en un pré de moines passant, La faim, l’occasion, l’herbe tendre, et, je pense, Quelque diable aussi me poussant, Je tondis de ce pré la largeur de ma langue : Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net2» A ces mots, on cria haro1 sur le baudet. […] Marri j’en fus ; car celui qui travaille Par juste droit doit avoir à manger. […] Delille, s’inspirant de ces vers, a montré aussi dans ses Jardins, chant II,… Le pas leste et vif de la jeune laitière, Qui, l’habit retroussé, le corps droit, va trottant, Son vase en équilibre, et chemine en chantant.