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26. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre V. De l’Éloquence politique chez les Français. »

On la vit s’élever tout à coup à une hauteur de pensées, et à une magnificence de diction proportionnées aux objets qu’elle traitait ; la langue française acquit, dans la bouche des Mirabeau, des Maury, des Lally-Tolendal, etc., une force d’expression, un caractère d’énergie oratoire, dont elle n’offrait pas encore de modèle, et dont nous multiplierions volontiers les exemples, si ces matières, complètement étrangères, d’ailleurs, aux études des jeunes gens, n’avaient de plus l’inconvénient de rappeler des souvenirs auxquels il est difficile de toucher, sans réveiller des passions. […] Mais quelle idée se fera la postérité, de ce prodigieux Mirabeau, de ce géant politique qui pesa un moment sur la France entière, et qui l’eût peut-être écrasée du poids de son ascendant populaire, si la providence n’eût brisé tout à coup l’instrument qu’elle avait daigné employer pour donner de grandes et terribles leçons aux princes et aux peuples de la terre ? […] Telle fut, pour notre patrie, l’époque du régime révolutionnaire ; le coup le plus mortel qu’il ait porté à la langue et à l’éloquence françaises, n’est pas seulement d’avoir introduit une foule de mots barbares déjà oubliés, et qui ne pouvaient survivre aux choses qui les avaient introduits dans le discours, mais d’avoir accoutumé les esprits à déraisonner sans cesse, par l’affectation même de vouloir toujours raisonner, et de rester sans cesse à côté de la vérité en disant autre chose que ce qu’on voulait dire, ou en le disant autrement qu’on ne le devait.

27. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Voltaire. (1694-1778.) » pp. 140-145

A peine commençait-il de respirer dans cet endroit, que les deux rois paraissent tout à coup derrière lui. […] Charles et ses principaux officiers étaient armés d’épées et de pistolets : chacun tira deux coups à la fois, à l’instant que la porte s’ouvrit, et, dans le même clin d’œil, jetant leurs pistolets et s’armant de leurs épées, ils firent reculer les Turcs plus de cinquante pas ; mais, le moment d’après, cette petite troupe fut entourée. […] Au moment que le roi se vit saisi, la violence de son tempérament et la fureur où un combat si long et si terrible avait dû le mettre firent place tout à coup à la douceur et à la tranquillité ; il ne lui échappa pas un mot d’impatience, pas un coup d’œil de colère ; il regardait les janissaires en souriant, et ceux-ci le portaient en criant Allah, avec une indignation mêlée de respect.

28. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre IV. — Du Style. »

Romulus, dans une assemblée où il survint tout à coup un grand orage, fut mis en pièces par les sénateurs, qui le trouvaient trop impérieux, et l’esprit d’indépendance commenta dès lors à paraître dans cet ordre. […] On y voit les deux amis jouir d’une douce félicité troublée tout à coup par le fatal désir des voyages qui s’empare de l’un des deux pigeons. […] On conçoit à peine comment les plans en furent tracés, et dans quels termes les ordres furent expédiés aux ouvriers ; cela semble une pensée fugitive, une rêverie brillante, qui aurait pris tout à coup un corps durable, un songe réalisé. […] Ce fut pendant ce temps que Bayard reçut un coup d’arquebuse qui lui brisa les reins et causa sa mort. […]  » Alors on entendit tout à coup un cri de douleur ; Jacques était tombé sur le sol froid de l’église, au pied de la croix voilée, tout à côté d’une tombe relevée par quelques débris d’armoiries, vanité mondaine sur la poussière et la mort.

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