Peu de temps après, le Génie du christianisme étonna par la grandeur de son objet et la richesse d’un plan qui embrassait sans effort une prodigieuse variété de connaissances en tout genre : on y admira surtout le parti que l’imagination et la sensibilité de l’auteur avaient su tirer d’un sujet qui semblait ne devoir offrir que des discussions arides, que des raisonnements secs et abstraits ; et on lui sut gré de nous avoir donné un cours presque complet d’histoire naturelle, de poésie, d’éloquence, une poétique enfin de tous les beaux arts, au lieu de traités théologiques sur la nécessité et la vérité de la religion chrétienne.
. — Le théâtre, dont on a dit que le Cid avait parmi nous inauguré la grandeur, devait être le plus riche domaine de notre poésie, comme de la chaire chrétienne a été celui de notre prose.
Massillon (du petit nombre des élus) veut prouver que peu de chrétiens ont droit de prétendre au salut à titre d’innocence ; il parcourt les états, les conditions, les diverses occupations des hommes : « Le frère dresse des embûches au frère ; le père est séparé de ses enfants, l’époux de son épouse ; il n’est point de lien qu’un vil intérêt ne divise ; la bonne foi n’est plus que la vertu des simples ; les haines sont éternelles ; les réconciliations sont des feintes, et jamais on ne regarde un ennemi comme un frère : on se déchire, on se dévore les uns les autres. […] Il est rare, en effet, que l’orateur chrétien plaide la cause des absents, à moins qu’il ne parle en faveur des pauvres, des orphelins, comme saint Vincent de Paul, lorsqu’il dit aux femmes pieuses qui composaient son auditoire, en leur montrant les orphelins dont il était le protecteur, sans soulagement, sans secours, et près d’expirer devant elles : « Or sus, mesdames, la compassion et la charité vous ont fait adopter ces petites créatures pour vos enfants. […] Un païen, dans le Polyeucte de Corneille, parle ainsi des premiers chrétiens : Ils font des vœux pour nous qui les persécutons. […] Fléchier, dans le même éloge : « Puissances ennemies de la France, vous vivez ; et l’esprit de la charité chrétienne m’interdit de faire aucun souhait pour votre mort. […] Bossuet emploie ce tour à la fin de l’oraison funèbre de la reine d’Angleterre : « Combien de fois a-t-elle remercié Dieu humblement de deux grandes grâces ; l’une de l’avoir fait chrétienne ; l’autre… Messieurs, qu’attendez-vous ?