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194. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bossuet, 1627-1704 » pp. 89-123

Ainsi étant retranché et enveloppé en lui-même, il ne vous présente plus que des piquants ; il s’arme à son tour contre vous, et vous ne pouvez le toucher sans que votre main soit ensanglantée, je veux dire votre honneur blessé par quelque outrage ; le moindre que vous recevrez sera le reproche de vos vains soupçons.

195. (1879) L’art d’écrire enseigné par les grands maîtres

Ainsi, depuis que l’on s’est aperçu que par la puissance de la parole on dominait les esprits et les âmes, depuis qu’entre la vérité et le mensonge, entre le bon droit et la fraude, s’est élevée cette guerre, dont l’éloquence est tour à tour l’arme offensive et défensive, chacun à l’envi s’exerçant au combat, pour s’en procurer l’avantage, la rhétorique a dû former un art, ainsi que la lutte et l’escrime, ou, pour la comparer à un objet plus noble, ainsi que la guerre elle-même : Nam quo indignius rem honestissimum et rectissimam violabat stultorum et improborum temeritas et audacia, summo cum reipublicœ detrimento ; eo studiosius et illis resistendum fuit et rei-publicœ consulendum. […] C’est là qu’on voit se développer cet art, qu’il possédait si éminemment, de manier l’arme de la parole, cet art d’ordonner un discours comme si l’on rangeait une armée en bataille, de rassembler, de distribuer ses forces, de les employer à propos après les avoir ménagées : de prendre un poste avantageux, de s’y tenir comme dans un fort, præmunitum atque ex omni parte causæ septum (de Orat. lib. […] Ces rhéteurs avaient pris la peine de classer toutes les causes oratoires, et d’assigner à chaque espèce les moyens qui lui convenaient : c’est ce qu’on appelait loca : arsenal oratoire, où il faut avouer que les armes étaient rangées avec beaucoup d’ordre et de soin. […] On croit voir cette armée, on croit entendre le bruit des armes et des chariots : tout est dépeint d’une manière vive qui saisit l’imagination. […] Mais en nos siècles où les charmes Ne font pas de pareilles armes Qu’on voit que le plus noble.   

196. (1883) Poétique et Rhétorique (trad. Ruelle)

Aussi l’Iliade, l’Odyssée, servent chacune de texte à une ou deux tragédies, l’Épopée de Chypre à un grand nombre, la petite Iliade à huit, et même plus : le Jugement des armes, Philoctète, Néoptolème, Eurypyle, le Mendiant, les Lacédémoniens et la prise de Troie, le Départ de la flotte, Sinon et les Troyennes. […] Exemple, ce vers sur les armes : Leurs lances étaient plantées droit sur le bout151. […] Et, comme chacun des biens n’est pas mérité par n’importe qui, mais qu’ils comportent une certaine corrélation et convenance (par exemple, la beauté des armes n’a pas de rapport de convenance avec le juste, mais avec le brave ; ni les brillants mariages avec les gens nouvellement enrichis359, mais avec les nobles), conséquemment, si, tout en étant un homme de bien, on n’obtient pas un avantage qui réalise cette convenance, il y a place pour l’indignation : et de même encore, si l’on voit un inférieur entrer en lutte avec un supérieur et, surtout, si le conflit porte sur un même objet.

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