On ne peut pas dire que le style de Térence, de Phèdre, de Salluste, de César, de Cicéron, de Tite-Live, de Virgile, d’Horace, soit le même. […] La preuve en est qu’un bon orateur est presque toujours infailliblement approuvé du peuple, et qu’il n’y a sur ce point, comme le remarque Cicéron, aucune différence de sentiment et de goût entre les ignorants et les savants51. […] Avouez que ni Cicéron, ni Varron, ni Lucrèce, ni Virgile, ni Horace, n’eurent la moindre part aux proscriptions. […] Il me tomba, en même temps, un Sénèque dans les mains, je ne sais par quel hasard ; puis, des lettres de Brutus à Cicéron, dans le temps qu’il était en Grèce, après la mort de César : ces lettres sont si remplies de hauteur, d’élévation, de passion et de courage, qu’il m’était bien impossible de les lire de sang-froid ; je mêlais ces trois lectures, et j’en étais si ému, que je ne contenais plus ce qu’elles mettaient en moi ; j’étouffais, je quittais mes livres, et je sortais comme un homme en fureur, pour faire plusieurs fois le tour d’une assez longue terrasse, en courant de toute ma force jusqu’à ce que la lassitude mît fin à la convulsion.
La narration sera claire, selon Cicéron, si l’on emploie un style correct et précis, si l’on présente les faits dans l’ordre naturel et chronologique, enfin si l’on s’abstient des digressions et des épisodes inutiles.
En effet, elle est toute dans le sentiment, et dans le sentiment produit à la vue d’un objet ; or, la vivacité, la violence du sentiment épuise et abat, et ne peut, par conséquent, se soutenir longtemps : Animorum incendia , dit Cicéron, celeriter restinguuntur.