« Je le trouve dans le talent de saisir les principes généraux, et d’enchaîner les idées entre elles par la force des analogies : c’est véritablement le talent de penser en grand. […] Ces esprits étroits et rampants prennent toujours les choses une à une, et ne les voient jamais comme elles sont, parce qu’ils n’ont pas saisi l’ensemble qui montre clairement l’usage et l’harmonie des parties différentes : science confuse, amas de poussière, qui ne fait qu’aveugler la raison, et la charger d’un poids inutile. […] Profitez de ses idées originales et hardies, c’est la source du grand et du sublime ; mais donnez du corps à ces pensées trop subtiles ; adoucissez par le sentiment la fierté de ses traits ; abaissez tout cela jusqu’à la portée de nos sens : nous voulons que les objets viennent se mettre sous nos yeux ; nous voulons un vrai qui nous saisisse d’abord, et qui remplisse toute notre âme de lumière et de chaleur. […] » Mais si la nature, en vous accordant le talent de penser en philosophe, vous a refusé cette heureuse sensibilité qui saisit le beau avec transport, et le reproduit avec force ; si vous n’êtes qu’un esprit toujours réfléchissant, la règle devient plus sévère à votre égard, et vous bannit de l’empire du goût ; éloignez-vous : la raison séparée des grâces, n’est qu’un docteur ennuyeux qu’on laisse tout seul au milieu de son école. […] Je l’avoue ; mais un autre excès plus dangereux encore, c’est l’audace effrénée de la raison, cette curiosité inquiète et hardie, qui n’attend pas, comme la crédulité stupide, que l’erreur vienne la saisir ; mais qui s’empresse d’aller au-devant des périls ; qui se plaît à rassembler des nuages, à courir sur le bord des précipices, à se jeter dans les filets que la justice divine a tendus, pour ainsi dire, aux esprits téméraires : là, vient ordinairement se perdre l’esprit philosophique.
Or, le moyen le plus sûr pour atteindre ce but est de remonter à la première origine des mots, de les suivre dans leurs formations successives, de bien saisir l’analogie qui existe entre eux, et de voir l’usage qu’en ont fait les meilleurs écrivains. […] Le langage ainsi analysé devient la peinture vivante de nos idées ; notre esprit se plaît à en saisir les rapports, notre imagination les voit comme sur un tableau, et notre mémoire vient facilement à bout de s’en souvenir. […] Il importe donc beaucoup, pour connaître exactement les diverses significations d’un même mot, de bien saisir les rapports qui existent entre le sens primitif de ce mot et celui que l’analogie des idées est venue établir. […] Il importe donc, si l’on veut parler et écrire avec justesse, de bien saisir cette différence, et de choisir avec discernement les mots qui doivent être l’expression la plus exacte de nos pensées.
Habile à varier les formes de l’admiration, comme à insinuer le blâme, il expose et comprend plus qu’il ne conclut, et c’est à l’état d’épigrammes qu’il faut saisir parfois ses arrêts1. […] Un roi plein d’ardeur et d’espérance saisit lui-même ce sceptre qui, depuis Henri le Grand, n’avait été soutenu que par des favoris et des ministres. […] Madame de Sévigné étudiait Tacite ; et cette main délicate et légère, qui savait décrire avec des expressions si vives et si durables les scandales passagers de la cour, saisissait les crayons de l’éloquence et de l’histoire pour honorer la vertu de Turenne. […] Le secret de votre longue prospérité théâtrale, c’est, je crois, d’avoir heureusement saisi l’esprit de notre siècle, et fait le genre de comédie dont il s’accommode le mieux et qui lui ressemble le plus, une comédie vive, dégagée, pressée, non pas un grand tableau d’art, qu’on aurait peu le loisir d’étudier, mais une suite de portraits expressifs qui amusent, qui passent, et dont pourtant on se souvient. […] Mais c’est dans notre temps surtout, dans l’horizon de Paris, sa vie d’affaires et de plaisirs, sa banque, son commerce, sa littérature, c’est autour de vous, c’est aujourd’hui, c’est hier que vous avez saisi vos modèles et reçu vos inspirations.
« Pour peu que le sujet soit vaste ou compliqué, je reviens toujours à Buffon, il est bien rare qu’on puisse l’embrasser d’un coup d’œil, ou le pénétrer en entier d’un seul et premier effort de génie ; et il est rare encore qu’après bien des réflexions, on en saisisse tous les rapports. […] Faire jaillir d’un sujet cette pensée unique qui en est l’âme n’appartient qu’au génie fécondé par la méditation, et non-seulement peu d’écrivains y parviennent, mais il n’est pas même donné à tout lecteur de saisir, là où elle se trouve, cette unité qui ajoute à l’ouvrage, quel qu’il soit, dramatique ou oratoire, historique ou philosophique, une haute valeur et un puissant intérêt. […] Dès l’exorde, vous saisissez sans peine la pensée principale : « Les grands sont les premiers objets de la fureur du démon ; — ils doivent donc plus que tous autres se tenir en garde contre la tentation et la combattre. » Mais ce second membre de phrase, ce conséquent reste sous-entendu ; il sera aisé de le déduire de l’ensemble du discours. […] Il renferme, sans doute, une haute leçon de moralité pour les grands ; le prêtre fait sagement de la saisir et de l’exprimer ; mais l’orateur aurait dû la préparer autrement. […] Là ils chercheraient à saisir ou à rattacher le fil parfois brisé ou mêlé, du moins en apparence.
Si l’on y réfléchit bien, on verra que ce n’est rien autre chose que la faculté de saisir, de combiner et d’exprimer des rapports inaperçus par le grand nombre, et que ce qu’on nomme communément pensée, style, n’est en général qu’une perception et une combinaison de rapports2. […] Quiconque est vivement ému voit les choses d’un autre œil que les autres hommes. » Or, pourquoi la faculté de saisir et de formuler les rapports, commune à divers degrés, organiquement ou accidentellement, à tous les hommes, ne pourrait-elle pas, comme les autres, se développer par l’exercice ? […] Lui aussi s’habitue par l’usage à saisir des rapports inappréciables pour les masses, à les combiner, à les exprimer ; il s’exerce réellement à l’esprit et au génie. […] Le plaidoyer même et le discours que l’avocat ou le représentant semble n’adresser qu’aux juges ou à ses collègues, saisis par la sténographie, ont bientôt franchi les murs de la chambre ou de la salle d’audience, pour pénétrer dans les provinces les plus reculées.
Cet art serait impuissant sans la nature, c’est-à-dire sans certaines facultés innées qui nous font saisir et formuler les rapports dans le domaine intellectuel, comme les sens perçoivent et apprécient les rapports dans le domaine physique. […] Sans vouloir donner les règles de disposition de chaque groupe d’idées dans tous les genres possibles, et en se bornant aux plus importants, on remarque que : Dans les écrits qui ont pour objet l’exposition des faits, racontés ou dialogués, l’ordre chronologique ou la gradation de l’intérêt trace la marche à suivre ; Dans les compositions didactiques et oratoires, il y a diverses manières de procéder : Ou l’on commence par une synthèse que développe ensuite l’analyse ; Ou l’on saisit un détail de l’analyse, et de détail en détail on parvient à la synthèse ; Ou l’on oppose à une thèse, l’opinion contraire que l’on appelle antithèse, et l’on concilie les deux opinions par une troisième qui prend le nom de synthèse. […] 2° Saisir le ton convenable à la nature du sujet et au but de l’écrivain. […] L’antonomase, sorte de synecdoque, qui substitue un nom commun à un nom propre, et réciproquement, ou bien un nom propre ou commun à un autre moins expressif ; La métalepse qui emploie l’antécédent, le conséquent, une accessoire quelconque de l’idée pour l’idée elle-même ; La catachrèse, qui, prenant un mot dans un sens extensif, abusif, l’applique à une idée qui, elle-même, n’a point ou n’a plus de signe propre et exclusif dans la langue ; L’hyperbole, qui compare, comme la métaphore, une idée à des idées semblables, mais d’une manière exagérée, en allant au delà de la vérité, pour la faire mieux saisir ; La litote qui, dans la même intention, reste au contraire en deçà de la vérité ; L’euphémisme et l’antiphrase que l’on rapproche de la litote, le premier se contentant d’adoucir l’idée par l’expression, l’autre disant précisément le contraire de ce qu’elle veut dire. […] Enfin on range parmi les figures certaines formes de langage ou tours de phrase qui modifient la manifestation de l’idée, en faisant saisir d’une manière plus vive que les formes simples et positives le mouvement de l’âme et la vue de l’esprit.
Personne, parmi les anciens, n’a saisi, avec plus de finesse que Plutarque, les rapports qui existent entre ces deux orateurs, et aucun écrivain moderne ne les a plus clairement exposés que La Harpe. « J’ai toujours cru, dit-il, que ce qui importait le plus n’était pas de décider une prééminence qui sera toujours un problème, attendu la valeur à peu près égale des motifs pour et contre, et la diversité des esprits ; mais de bien saisir, de bien apprécier les caractères distinctifs et les mérites particuliers de chacun. […] On ne peut le critiquer, parce qu’on est saisi.
Une fois la pensée mère, celle qui donne l’unité de dessein, bien comprise et bien saisie, il s’agit, disions-nous, de disposer les principales idées dans leurs justes proportions avec cette pensée première, et de grouper ensuite, selon les mêmes rapports, les idées accessoires autour des idées principales, en sorte que chacune d’elles amène la suivante, et que celle-ci se rattache étroitement à la précédente. […] Il y a plus : il serait impossible de bien saisir le côté théorique d’un genre quelconque, sans en présenter en même temps le côté historique. […] Or il me semble, et c’est là que je voulais arriver, qu’il existe un moyen pratique, en quelque sorte, de parvenir à cette unité, et par conséquent à toutes les vertus qui en dérivent, c’est de bien saisir ce que j’appellerai le point culminant d’une narration ou d’une thèse. […] Encore une fois, saisir le point culminant d’une narration ou d’une thèse est d’une aussi puissante influence sur cette partie de l’ouvrage, que l’est sur l’ensemble la parfaite intelligence de l’unité de dessein.
Si l’on admet entre elles une division fictive, ce n’est que pour venir en aide à notre faiblesse, et nous faire mieux saisir les qualités et les défauts qui affectent plus spécialement chacune d’elles, quand l’une ou l’autre n’atteint pas le but commun. […] Enfin, le jeune écrivain, bien pénétré de tout ce qui vient d’être dit, aura trois objets en vue dans l’étude de l’expression : se former un style, saisir le ton convenable au sujet, et, enfin, quels que soient le style et le ton, acquérir préalablement les qualités essentielles et accidentelles de l’élocution, et apprendre à y distribuer avec habileté les ornements dont elle est susceptible. […] Pour saisir le ton convenable, considérez attentivement l’objet de votre ouvrage ; appliquez-vous à en apprécier la nature, à en pressentir les développements, à saisir d’avance le point de généralisation auquel vous pourrez porter vos idées.
Appliquez-vous à saisir le plan, la marche de l’auteur, le but qu’il veut atteindre, la vérité, la justesse des pensées et du style. […] La traduction est aussi l’un des meilleurs exercices pour former le style, parce qu’elle met à la fois en mouvement l’intelligence, pour comprendre le sens d’une langue étrangère ; le goût, pour saisir les beautés de l’auteur ; le style, pour chercher à le bien rendre. […] L’imagination est cette faculté de l’âme par laquelle on saisit vivement les objets absents ou présents, fictifs ou réels, pour les modifier, les embellir, les représenter à son gré. […] Une personne d’un goût sûr et délicat saisit vivement les beautés et les imperfections d’un ouvrage ; un instinct de l’âme les lui fait sentir ; la réflexion s’y mêle, et le jugement suit aussitôt.
Mais quand le sujet est vaste, compliqué, d’un ensemble malaisé à saisir au premier coup d’œil, ou bien quand il faut l’aborder et le poursuivre dans ses détails, avant de l’avoir assez longtemps et assez complétement étudié, il ne sera peut-être pas inutile de recourir à une méthode qui aplanisse les difficultés et aide à la découverte des développements. […] Mais si l’infinie variété des idées, selon les modifications des sujets, des temps, des lieux, des personnes, s’oppose à ce qu’on puisse les discipliner et les classer rigoureusement, si même il serait à regretter qu’on parvînt jamais à les enregistrer, comme on fait des mots dans un lexique, elles ont cependant un certain nombre de caractères communs qui, présents à la mémoire et saisis à propos, contribuent assurément à leur développement rationnel : par exemple, elles ont toutes un sens, donc on peut les définir ; elles ont toutes une expression, donc on peut en discuter le signe : presque toutes en renferment plusieurs autres, donc on peut les analyser ; et ainsi de suite. […] Quant à la définition, si vous ne voulez qu’exposer et instruire, sans plaider une cause, sans soutenir une opinion, votre définition ne doit avoir que les qualités exigées en logique ; il suffit que le lecteur puisse saisir nettement l’idée, la distinguer de toute autre, l’embrasser dans son ensemble. […] Chacun choisit l’endroit qui lui paraît le plus éclatant dans une si belle vie : tous entreprennent son éloge, et chacun, s’interrompant lui-même par ses soupirs et par ses larmes, admire le passé, regrette le présent et tremble pour l’avenir. — Synthèse : Ainsi tout le royaume pleure la mort de son défenseur, et la perte d’un seul homme est une calamité publique. » La première méthode est préférable, lorsque, dans un sujet vaste et compliqué, il s’agit de communiquer une science faite, ou de présenter dès l’abord, pour le bien faire saisir, le dessein général, l’idée première d’un ouvrage.
En effet, quand le poète saisit la lyre, on le suppose fortement frappé des objets qu’il se représente : son sentiment est alors porté au plus haut point. […] Elles ne se tiennent que de loin, et laissent par conséquent entre elles quelques vides que le lecteur remplit facilement quand il a de l’âme, et quand il a saisi l’esprit du poète. […] Toutes les autres idées qui sont entre ces deux mots se sont trouvées dans son esprit ; mais, emporté par son enthousiasme, dédaignant les pensées intermédiaires, il n’a saisi que les plus frappantes, et a laissé ce vide qu’on appelle écart. […] Mais, comme ce poème est fait pour les multitudes, il faut que le sublime qui y règne soit à la fois si simple et si frappant qu’il saisisse tout d’un coup et sans peine tous les esprits. […] L’élégie a une marche très irrégulière et très difficile à saisir.
Cette qualité exige que ceux à qui nous nous adressons saisissent sur-le-champ et sans effort notre pensée exprimée soit par la parole, soit par l’écriture. […] Chaque découverte que fait successivement ce petit être, est exprimée avec clarté ; et, à mesure que le lecteur avance dans ce tableau si naturel, il saisit le plus heureux accord entre la pensée et l’expression qui l’interprète. […] Mille sons qui heurtent son oreille, ne sont pour lui qu’un bruit confus ; ses pieds ne peuvent le porter, ses mains ne savent rien saisir, sa peau délicate ne sent rapproche des objets extérieurs que par le choc douloureux qu’ils lui font éprouver. […] Lorsque l’expression propre ne se présente pas d’elle-même, il faut la chercher avec patience jusqu’à ce qu’on l’ait trouvée ; il faut avec Boileau méditer et saisir le mot au moment où il se présente : Je trouve au coin d’un bois le mot qui m’avait fui, et ne pas renoncer à le trouver dans aucune circonstance. […] Villemain a tracé du commencement du règne de Louis XIV : Un roi plein d’ardeur et d’espérance saisit lui-même ce sceptre qui, depuis Henri le Grand, n’avait été soutenu que par des favoris et des ministres.
Pour donner à une pensée cette vérité, cette justesse que la raison exige, il faut saisir et marquer le rapport ou la disconvenance des idées dont elle est composée, c’est-à-dire la convenance ou l’opposition qu’a l’objet dont on se forme une image, avec d’autres objets, soit sensibles, soit intellectuels. […] La vertu doit donc accompagner la noblesse ; et c’est pour cela qu’une pensée noble ne peut sortir que d’un cœur vertueux ; elle contient l’expression d’un sentiment élevé, qui saisit l’âme et lui cause en même temps un plaisir mêlé d’admiration. […] 18° Pensées sublimes Les pensées sublimes consistent en une idée, ou une suite d’idées les plus grandes et les plus profondes que l’on puisse concevoir, qui nous saisissent et nous frappent tellement qu’elles nous arrachent un cri d’admiration. […] La deuxième espèce de liaison ou transition est visible, facile à saisir, et consiste dans certains mots, ou certaines parties de phrases, qui marquent le passage de ce qu’on a dit à ce qu’on va dire.
La pensée sublime est celle qui, par la grandeur extraordinaire des objets, saisit, transporte et élève l’âme à un degré au delà duquel il semble qu’elle ne puisse aller. […] Toute image tirée des coutumes étrangères n’est reçue parmi nous que par adoption ; et, si les esprits n’y sont pas habitués, le rapport en sera difficile à saisir. […] Les images sont claires et justes quand elles présentent, entre la pensée et l’objet physique qui sert de point de comparaison, cette exactitude de rapport et cette vérité sensible qui saisit au premier coup d’œil. […] Si l’objet de l’idée est de ceux que l’imagination saisit et retrace aisément et sans confusion, il n’a besoin pour la frapper que de son expression naturelle, et le coloris étranger de l’image n’est plus que de décoration. […] Tout arrangement qui rend pleinement le sens, et l’exprime de la manière la plus propre à le faire saisir, nous frappe comme un objet beau.
L’imagination suppose un esprit vif et une âme sensible : un esprit vif saisit les rapports, les ressemblances et les différences, et les peint en leur donnant du mouvement et de l’éclat ; une âme sensible est facilement impressionnée, et reproduit fidèlement son émotion par des images. […] Par l’heureuse disposition des syllabes, par la coupe habile du vers, par la répétition des mêmes sons, la pensée se dessine plus frappante et plus vive ; elle saisit à la fois l’oreille et l’imagination, elle pénètre plus profondément dans le cœur et dans la mémoire. […] Il ne faudrait pas, sans doute, vouloir appliquer ce système dans toute sa rigueur et à toutes les littératures ; mais il suffit de jeter un coup d’œil sur l’histoire pour en saisir la justesse et la vérité.
Dès le premier jour, il aimait dans la guerre, bien plus que le plaisir du combat, ce grand emploi de l’intelligence et de la volonté armées de la force pour un beau dessein, ce mélange puissant d’action humaine et de fortune, qui saisit et transporte les âmes les plus hautes comme les plus simples. […] La conscience humaine s’étonne, hésite ; puis enfin elle fait un effort ; elle va reconnaître et saisir le crime hors de la sphère légale. Là elle s’arrête, elle triomphe, elle est fière de son audace ; et parce qu’elle a su s’élever au-dessus de ce qu’elle avait écrit, parce qu’elle a considéré et jugé une action en elle-même, indépendamment des définitions de la science, elle se tient pour satisfaite et en possession de la vérité ; elle se hâte d’appliquer à l’homme tout entier le jugement qu’elle a porté sur l’action ; et déjà lasse d’un travail inattendu, elle ne veut voir en lui que l’auteur du crime qu’elle a eu tant de peine à saisir.
La mort vient ; et, semblable à un songe, cette vaine ombre de félicité terrestre s’évanouit avant qu’on ait pu la saisir. […] En même temps il avança la main pour saisir le miel. […] Le dragon hideux se saisit de sa proie, et l’ange reprit en pleurant son vol vers les cieux. […] Tout ce qui respire est saisi d’effroi. […] Arrivée près du boulevard, elle saisit son étendard, et s’avance au bord du fossé.
La clarté du style est, d’après Quintilien, cette qualité qui fait saisir sur-le-champ et sans effort la pensée exprimée par la parole. […] L’obscurité, qui fait qu’on ne saisit que difficilement la pensée exprimée par la parole, est le plus grand vice du discours. […] Cette accumulation d’une foule d’idées en un petit nombre de mots est de nature à saisir vivement l’esprit, et à produire sur l’âme une impression profonde. […] Partout où la nature présente un objet grand et majestueux, partout où le cœur humain laisse voir une affection noble et magnanime, si vous en saisissez fortement l’image, dit Blair, si vous la montrez dans toute sa chaleur et dans tout son éclat, vous rencontrerez le sublime. […] Racine nous fournit, dans Esther, un exemple bien propre à faire saisir la différence qui existe entre le style sublime et le sublime : J’ai vu l’impie adoré sur la terre : Pareil au cèdre, il cachait dans les cieux Son front audacieux.
Quant au mérite oratoire des deux discours, il est facile d’en montrer et d’en saisir la différence. […] Voyez, dans la Henriade, le contraste si habilement saisi de l’armée de Joyeuse et de celle du grand Henri. […] Prends garde, en voulant parvenir au sommet, de tomber avec la branche que tu auras saisie. […] On dit chez nous que la fortune est sans pieds ; elle n’a que des mains et des ailes, et quand elle nous présente les unes, elle ne laisse pas saisir les autres.
Il en est de même du goût interne : sa délicatesse se reconnaît à sa prompte et vive sensibilité pour les traits les plus délicats, les plus compliqués, les plus difficiles à saisir. […] Mais si la cause première de ces sensations est obscure pour nous, leur cause finale est généralement assez facile à saisir, et c’est une consolation : c’est le cas de remarquer ici l’idée sublime que les pouvoirs du goût et de l’imagination doivent nous laisser de la bienveillance du créateur.
A minuit, on monte à cheval ; on arrive sans bruit aux portes de Luynes ; point de sentinelles à égorger, point de postes à surprendre ; on entre, et, au moyen de mesures si bien prises, on parvient à saisir une femme, un barbier, un sabotier, quatre ou cinq laboureurs ou vignerons, et la monarchie est sauvée2 ! […] cousine… il saisit un jambon qui pendait au plancher, en coupe une tranche, et se retire comme il était venu.
Il ajoute que « les figures ne sont jamais plus belles que lorsqu’elles rapprochent des idées plus éloignées. » Mais cette dernière pensée n’est vraie qu’autant que l’esprit peut facilement saisir l’analogie existante entre le mot propre et l’expression figurée ; si l’analogie est difficile à saisir, la figure paraît abusive et forcée. […] Ne recherchez pas l’ellipse : quand elle se présente naturellement, saisissez la, et en ce cas ne consultez pas votre grammaire. […] Dans le vers de Boileau, le chagrin est dans l’âme de celui qui est à cheval, et ce rapport est facile à saisir. […] Celle-ci tâche de ne rien omettre, celle-là ne saisit que les aspects les plus saillants d’une pensée. […] Ainsi c’est souvent une circonstance bien saisie, habilement exposée, qui concourt à rendre le style vivant et animé.
La mémoire est la faculté de saisir promptement et de rappeler fidèlement les mots et les choses qui ont été présentés à l’esprit. […] Le sublime d’image est celui qui peint de grands objets avec des couleurs si frappantes qu’on est saisi d’admiration. […] Appliquez-vous à saisir le plan, la conduite et l’ensemble d’un ouvrage, à découvrir la suite et la progression des sentiments et des pensées. […] Le peuple, saisi de pitié, tombe lui-même à genoux et répète avec les soldats : Sacrifiez, sacrifiez. […] Il est donc fort utile d’employer ce genre de composition pour s’assurer que les élèves ont bien saisi le sens et l’esprit des préceptes.
Voici comme Thomas décrit les devoirs et les travaux de l’homme d’état : « Il doit gouverner comme la nature, par des principes invariables et simples ; bien organiser l’ensemble, pour que les détails roulent d’eux-mêmes : pour bien juger d’un seul ressort, regarder la machine entière, calculer l’influence de toutes les parties les unes sur les autres, et de chacune sur le tout ; saisir là multitude des rapports entre des intérêts qui semblent éloignés ; faire concourir les divisions même à l’harmonie du tout ; veiller sans cesse à retrancher de la somme des maux qu’entraînent l’embarras de chaque jour, le tourment des affaires, le choc et le contraste éternel de ce qui serait possible dans la nature, et de ce qui cesse de l’être par les passions ». […] Que la main du génie qui préside à l’univers saisisse le géomètre, et le transporte tout à coup dans le monde de Descartes : viens, monte, franchis l’intervalle qui te sépare des cieux ; approche de Mercure, passe l’orbe de Vénus, laisse Mars derrière toi, viens te placer entre Jupiter et Saturne ; te voilà à quatre-vingt mille diamètres de ton globe.
Il faut ensuite que le portrait ressemble, que l’énergie et l’originalité du pinceau en fassent bien saisir les traits et les grave dans la mémoire. […] Une fois le modèle posé avec aisance, sans roideur, sans luxe inutile, que le peintre saisisse l’ensemble de la physionomie, arrête bien les contours, n’accuse que les masses, négligeant les détails et les accessoires, à moins qu’ils ne soient éminemment caractéristiques. […] Dans celui de Condé, pour mieux faire saisir le caractère de son héros, il le met en opposition avec Turenne et les relève ainsi tous deux par le contraste.
Les acteurs, quand ils la saisissaient, ce qui n’arrivait pas toujours, appuyaient sur elle, c’est-à-dire lui ôtaient une partie de son caractère, pour la faire saisir du public. […] Or le burlesque, une des plus vastes subdivisions du comique, n’est autre chose, nous l’avons vu, que l’art de saisir et de faire ressortir ce côté plaisant, ou au contraire de donner à des choses plaisantes ou insignifiantes par elles-mêmes une valeur et une gravité qu’elles n’ont point réellement.
Il sait combien la tête du requin ou du cachalot lui fournira de barriques d’huile ; son épingle déliée pique sur le carton des musées l’élégant papillon qu’il a saisi au vol sur le sommet du mont Blanc ou du Chimboraço1 ; il empaille le crocodile, il embaume le colibri ; à son ordre, le serpent à sonnettes vient mourir dans la liqueur conservatrice qui doit le montrer intact aux yeux d’une longue suite d’observateurs. […] L’homme, saisi tout à coup d’une fureur divine étrangère à la haine et à la colère, s’avance sur le champ de bataille sans savoir ce qu’il veut ni même ce qu’il fait. […] On lui jette un empoisonneur, un parricide, un sacrilége : il le saisit, il l’étend, il le lie sur une croix horizontale, il lève le bras ; alors il se fait un silence horrible, et l’on n’entend plus que le cri des os qui éclatent sous la barre, et les hurlements de la victime.
Mais la fresque est pressante, et veut, sans complaisance, Qu’un peintre s’accommode à son impatience, La traite à sa manière, et d’un travail soudain Saisisse le moment qu’elle donne à sa main1, La sévère rigueur de ce moment qui passe Aux erreurs d’un pinceau ne fait aucune grâce ; Avec elle il n’est point de retour à tenter, Et tout, au premier coup, se doit exécuter. […] De ces mains, dont les temps ne sont guère prodigues, Tu dois à l’univers les savantes fatigues ; C’est à ton ministère à les aller saisir Pour les mettre aux emplois que tu leur peux choisir ; Et, pour ta propre gloire, il ne faut point attendre Qu’elles viennent t’offrir ce que son choix doit prendre. […] Imaginez-vous l’application d’un enfant à élever un château de cartes, ou à se saisir d’un papillon ; c’est celle de Théodote pour une affaire de rien, et qui ne mérite pas qu’on s’en remue : il la traite sérieusement, et comme quelque chose qui est capital ; il agit, il s’empresse, il la fait réussir ; le voilà qui respire et qui se repose, et il a raison : elle lui a coûté beaucoup de peine. » (De la Cour.) […] Jamais encore on n’avait peint l’homme, dans cette sphère de la vie, avec une vérité si profonde ; jamais on n’avait saisi avec cette sagacité pénétrante les caractères, leurs traits saillants et leurs nuances variées ; jamais on n’était descendu aussi avant dans les obscurs replis où se cachent les ressorts des actions humaines.