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2. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre VI. Analyse du discours sur l’esprit philosophique, par le P. Guénard. »

Par ses méditations profondes il tira presque toutes les sciences du chaos ; et, par un coup de génie plus grand encore, il montra le secours mutuel qu’elles devaient se prêter, les enchaîna toutes ensemble, les éleva les unes sur les autres ; et se placant ensuite sur cette hauteur, il marchait avec toutes les forces de l’esprit humain, ainsi rassemblées, à la découverte de ces grandes vérités que d’autres plus heureux sont venus enlever après lui, mais en suivant les sentiers de lumière que Descartes avait tracés. […] Un esprit vaste et profond, qui voit les choses dans leurs causes, dans leurs principes ; un esprit naturellement fier et courageux, qui dédaigne de penser d’après les autres ; un esprit observateur qui découvre des vérités partout, et les développe par une réflexion continuelle : telles sont les propriétés du sublime talent de penser ; tels sont les grands caractères qui distinguent l’esprit philosophique de toute autre sorte d’esprit ». […] Mais cette esquisse rapide n’en offre pas moins un riche et vaste répertoire d’idées fécondes en résultats profonds et lumineux ; mais cette ébauche imparfaite d’un grand ouvrage, n’en contient pas moins des pages achevées, que le cri seul de l’admiration peut louer d’une manière digne d’elles. […] Libre des opinions vulgaires, et pensant d’une manière qui n’appartient qu’à lui seul, il parle un langage, vrai dans le fond, mais nouveau et singulier, qui blesserait l’oreille des autres hommes ; vaste et profond dans ses vues, et s’élevant toujours par ses notions abstraites et générales, qui sont pour lui comme des livres abrégés, il échappe à tout moment aux regards de la foule, et s’envole fièrement dans les régions supérieures. […] Si tout était ténèbres, la raison, qui ne verrait rien, s’enfuirait avec horreur loin de cet affreux objet ; mais on vous donne assez de lumière pour satisfaire un œil qui n’est pas curieux à l’excès : laissez donc à Dieu cette nuit profonde où il lui plaît de se retirer avec sa foudre et ses mystères ».

3. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — [Notice] Maurice de Guérin, 1810-1839. » pp. 598-606

Par ces jours-là, il se révèle au fond de mon âme, dans la partie la plus intime, la plus profonde de sa substance, une sorte de désespoir tout à fait étrange ; c’est comme le délaissement et les ténèbres hors de Dieu. […] Les plus hardies ou les plus lestes sautaient de l’autre côté en poussant un grand cri ; les autres, plus lourdes ou plus maladroites, se brisaient contre le roc en jetant des écumes d’une éblouissante blancheur, et se retiraient avec un grondement sourd et profond. […] c’était quelque chose d’étrange et d’admirable, un de ces moments d’agitation sublime et de rêverie profonde tout ensemble, où l’âme et la nature se dressent de toute leur hauteur l’une en face de l’autre. […] Il disait ailleurs : « Je me dresse à moitié sur mon lit et j’écoute passer l’ouragan, et mille pensées qui dormaient, les unes à la surface, les autres au plus profond de mon âme, s’agitent et se lèvent. […] C’est, je crois, de la voix grave et profonde que roule la lame qui déferle et du bruit grêle et pierreux de la lame qui s’en va en froissant légèrement le sable et les coquillages, que naît ce timbre extraordinaire du chant de la mer.

4. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre V. De l’Éloquence politique chez les Français. »

Mirabeau, dit un écrivain qui l’a bien connu, avait un grand caractère, des talents rares, quelquefois sublimes ; un choix unique d’expressions, une connaissance profonde du cœur humain : mais il était despote par essence, et, s’il eût gouverné un empire, il eût surpassé Richelieu en orgueil, Mazarin en politique. […] Son goût pour l’intrigue était excessif, et l’on ne doit en chercher la cause que dans ses besoins pécuniaires ; de sorte que ces éclairs brillants de génie, ces expressions de sentiment qui auraient honoré l’homme le plus vertueux, n’étaient pour ce profond machiavéliste qu’une simple spéculation. […] « Son esprit (dit l’abbé Sicard) était brûlant comme le soleil qui éclaira son berceau, sa tête remplie de principes justes et sains ; homme étonnant, qui mieux que lui les eût fait triompher, si d’anciens ressentiments ne l’avaient jeté dans un parti dont il faisait la force, dont il était la gloire, et dont il était sur le point de déserter les drapeaux, quand la mort vint empêcher cette réparation solennelle à la cause qu’il avait combattue jusqu’alors avec tant de courage, de talent et de persévérance. » Cependant cet athlète si redoutable, dont la seule apparition à la tribune semblait en devoir écarter tous ceux qui n’y monteraient pas pour soutenir ou défendre ses opinions ; ce turbulent tribun du peuple, qui jouissait et abusait même insolemment de toute l’influence que donne une grande popularité, trouva un adversaire digne de son talent, dans un homme qui, célèbre jusque-là par des succès dans la chaire évangélique, et par de pacifiques triomphes d’académie, ne laissait pas soupçonner en lui le publiciste profond, l’homme d’état complètement familiarisé avec tous les ressorts et tous les secrets de l’administration. […] Il faut, dans les causes ordinaires, de l’éloquence et du talent, une connaissance profonde de la jurisprudence, un zèle et une probité également irréprochables.

5. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bernardin de Saint-Pierre, 737-1814 » pp. 357-367

Mais la mer était sillonnée par cinq ou six vagues longues et élevées semblables à des chaînes de collines, espacées entre elles par de larges et profondes vallées. […] Cependant ces grands corps insensibles font entendre des bruits profonds et mélancoliques. […] Il n’y a point de voix dominantes, mais des sons monotones, parmi lesquels se font entendre des bruits sourds et profonds, qui nous jettent dans une tristesse pleine de douleur. […] Tout à coup, au jour vif et brillant de la zone torride, succède une nuit universelle et profonde ; à la parure d’un printemps éternel, la nudité des plus tristes hivers. […] Un grand vent du nord roulait sur la forêt et lui faisait pousser de profonds mugissements.

6. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Bernardon de Saint-Pierre 1737-1814 » pp. 203-209

Ils représentaient un continent avec de hautes montagnes séparées par des vallées profondes, et surmontées de rochers gigantesques ; sur leurs sommets et leurs flancs, apparaissaient des brouillards semblables à ceux qui s’élèvent des terres véritables. […] Cependant ces grands corps insensibles font entendre des bruits profonds et mélancoliques. […] Il n’y a point de voix dominantes, mais des sons monotones, parmi lesquels se font entendre des bruits sourds et profonds, qui nous jettent dans une tristesse pleine de douceur. […] Un grand vent du nord roulait sur la forêt, et lui faisait pousser de profonds gémissements.

7. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Saint-Simon, 1675-1755 » pp. 223-233

Quelques moments après, je vis de loin, vers la porte du petit cabinet, monseigneur le duc de Bourgogne avec un air fort ému et peiné ; mais le coup d’œil que j’assénai vivement sur lui ne m’y rendit rien de tendre, et ne me rendit que l’occupation profonde d’un esprit saisi. […] On y voyait écrite une rage de douleur, non d’amitié, mais d’intérêt ; des intervalles secs, mais profonds et farouches, puis un torrent de larmes et de gestes involontaires, et cependant retenus, qui montraient une amertume d’âme extrême, fruit de la méditation profonde qui venait de précéder. Souvent réveillée par les cris de son époux, prompte à le secourir, à le soutenir, à l’embrasser, à lui présenter quelque chose à sentir, on voyait un soin vif pour lui, mais tôt après une chute profonde en elle-même, puis un torrent de larmes qui lui aidaient à suffoquer ses cris. […] Toute la vie de Fénelon s’explique par le Télémaque, ses succès, ses disgrâces, son charme entraînant, et l’antipathie profonde qu’il inspirait à Louis XIV, sa passion pour madame Guyon, ses disputes sur le quiétisme et sur le pur amour, sa condamnation, sa mort enfin, sans qu’il ait put réaliser un seul de ses rêves moraux, politiques et religieux. »

8. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Mignet Né en 1796 » pp. 261-264

Mais le souci de l’art fait valoir sa profonde érudition. A des recherches vastes, continues et profondes, il sait allier le talent de composer et d’écrire, l’ordre, la gravité soutenue, le relief de l’expression et l’éclat de la forme. […] Les anciennes sciences s’étendent et s’appliquent ; des sciences nouvelles s’élèvent ; on pénètre dans les plus profondes obscurités de la terre, et l’on va y découvrir les premières ébauches de la création et les plus anciennes œuvres de Dieu.

9. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre VII. De l’Harmonie imitative. »

Au premier sifflement des vents impétueux, Tantôt au haut des monts d’un bruit tumultueux On entend les éclats ; tantôt les mers profondes Soulèvent en grondant et balancent leurs ondes : Tantôt court sur la plage un long mugissement, Et les noires forêts murmurent sourdement24. […] iv. v. 522) La nuit avait rempli la moitié de son cours ; Sur le monde assoupi régnait un calme immense ; Les étoiles roulaient dans un profond silence ; L’aquilon se taisait dans les bois, sur les mers ; Les habitants des eaux, les monstres des déserts, Des oiseaux émaillés les troupes vagabondes, Ceux qui peuplent les bois, ceux qui fendent les ondes ; Livrés nonchalamment aux langueurs du repos, Endormaient leurs douleurs et suspendaient leurs maux : Didon seule veillait. […] Ne semble-t-il pas entendre Virgile lui-même, quand il fait retentir les profondes cavités du cheval de bois sous l’effort de la javeline lancée par Laocoon ? […] Si, malgré les efforts de son zèle et sa profonde admiration pour Homère, Rochefort est évidemment faible ici, Pope s’y va montrer étonnant : I turnd’ my eye, and as I turn’d swey’d, A mournful vision !

10. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Madame de Staël, 1766-1817 » pp. 399-408

Assurément ce tableau n’est pas nouveau pour un roi, toutes les cours se ressemblent ; mais quand les hommages dus au trône sont mérités par le génie3, quand on se courbe par devoir devant celui qu’on aurait honoré par choix, les plus grandes marques du plus profond respect et du plus vif désir de plaire rappellent plutôt le mérite de celui qui les reçoit que le rang qu’il occupe. […] Mais pensent-ils avoir senti tout ce qu’inspire une tragédie vraiment belle, ces hommes pour qui la peinture des affections les plus profondes n’est qu’une distraction amusante ? […] L’enthousiasme et le malheur Si l’enthousiasme enivre l’âme de bonheur, par un prestige singulier il soutient encore dans l’infortune ; il laisse après lui je ne sais quelle trace lumineuse et profonde qui ne permet pas même à l’absence de nous effacer du cœur de nos amis. […] … Il me prend des moments de mélancolie si profonde, que je suis prête à me laisser mourir. — On est presque mort quand on est exilé : c’est au tombeau seulement où2 la poste arrive.

11. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre III. Du Sublime dans les Compositions littéraires. »

S’il n’a senti que faiblement, il est impossible qu’il excite dans ses lecteurs une émotion bien profonde. […] Les eaux couvraient au loin les rochers et les monts, Mais au bruit de sa voix les ondes se troublèrent,             Et soudain s’écoulèrent             Dans des gouffres profonds. […] Ainsi lorsque des monts séparés par Alcide, Les aquilons fougueux fondent d’un vol rapide, Soudain les flots émus des deux profondes mers D’un choc impétueux s’élancent dans les airs. […] Non, sans doute ; mais il faut choisir dans cette foule de traits plus ou moins saillants, ceux qui peuvent faire sur les âmes une impression plus profonde.

12. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre IV. Thomas. »

Qui ne sait, et qui peut douter à présent que la théorie la plus profonde, que les plus savantes spéculations ne peuvent remplacer, dans aucun cas, la pratique nécessaire pour bien gouverner ? […] dans celui de d’Aguesseau, pour un diplomate profond ? […] Aussi vous dira-t-il, que « Cent mille hommes opposés à cent mille hommes forment des masses redoutables qui s’étudient, s’observent, combinent avec une sage lenteur tous leurs mouvements, et balancent avec un art terrible et profond la destinée des états ».

13. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre III. — Ornements du Style, qui consistent dans les Mots ou Figures »

Le peuple suivit consterné et dans un profond silence : il venait d’apprendre que Marc-Aurèle était tout entier dans le tombeau. […] quelle profonde sagesse dans ses discours ! […] Cette figure donne au style un mouvement vif et imprévu qui frappe, saisit et étonne ; elle convient aux passions ardentes, et impétueuses, ou animées de quelque profond sentiment qui éclate avec transport. […] Elle fait parler aussi Dieu lui-même, les anges et les esprits infernaux, Cette figure a beaucoup de noblesse, de hardiesse et de véhémence, et convient parfaitement pour exprimer les émotions touchantes ou profondes. […] Dans ces entretiens si profonds qu’il avait avec Philippe (duc d’Orléans), il parlait sans cesse à ce prince de l’importance et de l’utilité de la marine.

14. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section troisième. La Tribune sacrée. — Chapitre IV. Prédicateurs français. »

Maury, c’est la fécondité inépuisable de ses plans, qui ne se ressemblent jamais ; c’est cette abondance de génie, qui ne laisse rien à imaginer au-delà de chacun de ses discours, quoiqu’il en ait composé plusieurs sur la même matière ; c’est l’enchaînement qui règne entre toutes ses idées ; c’est l’art avec lequel il fonde nos devoirs sur nos intérêts ; c’est enfin la connaissance la plus profonde de la religion, et l’usage admirable qu’il fait de l’Écriture et des pères. Plus profond dialecticien qu’orateur disert, Bourdaloue sait mieux dégager la vérité des chaînes tortueuses du sophisme, que trouver le chemin du cœur.

15. (1827) Résumé de rhétorique et d’art oratoire

Elles nous conduisent à des remarques fines et profondes, en semant de fleurs le chemin de la science. […] Sans fonder une théorie générale, il faut reconnaître que le sublime a diverses sources qui toutes peuvent faire naître cette émotion profonde. […] C’est surtout là qu’on aperçoit la profonde subtilité métaphysique du langage. […] C’est ainsi que nous disons un jugement profond, une idée claire, une conduite réglée, enflammé de colère, brûlant d’amour, etc. […] L’impression que l’on attend d’un point capital est toujours plus profonde lorsqu’elle occupe sa place naturelle.

16. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature à l’usage des séminaires et des colléges rédigé d’après les meilleurs critiques anciens et modernes par M. l’abbé A. Piron. Chanoine, Vicaire général, Membre de l’Académie des Arcades, ancien Professeur de littérature. » pp. 1-12

Avant toutes choses, des vues larges et profondes, embrassant le sujet dans toutes ses parties, vous ont donné la division des matières. […] Veuillez agréer, Monseigneur, l’hommage du profond respect avec lequel j’ai l’honneur d’être, de Votre Grandeur, le très humble et très obéissant serviteur. […] Agréez, je vous prie, l’hommage du profond respect avec lequel j’ai l’honneur d’être, Monsieur le Grand-Vicaire, votre très humble et très dévoué serviteur en N.

17. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Mignet. Né en 1796. » pp. 504-512

Cette profonde érudition, le souci de l’art la met en œuvre. À des recherches vastes, continues et profondes, M. […] Les anciennes sciences s’étendent et s’appliquent ; des sciences nouvelles s’élèvent ; on pénètre dans les plus profondes obscurités de la terre, et l’on va y découvrir les premières ébauches de la création et les plus anciennes œuvres de Dieu.

18. (1868) Morceaux choisis des écrivains contemporains à l’usage des classes supérieurs de l’enseignement classique et spécial. Prose et poésie

Il me semble que, pour se rendre sensible aux beaux-arts, il faut commencer par voir les objets qui inspirent une admiration vive et profonde. […] Le bruit des eaux convient à toutes ces impressions vagues et profondes ; il est uniforme, comme l’édifice est régulier. […] Un cri général, suivi d’un profond silence, s’élève dans les marais. […] Le plus profond silence régnait : il mit sur sa tête un bonnet de soie, et s’adressant à l’exécuteur : « Mes cheveux vous gênent-ils ? […] Quoi de plus clair et tout ensemble de plus profond et de plus vaste !

19. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie —  Lamennais, 1782-1854 » pp. 455-468

Aux fêtes brillantes du paganisme, aux gracieuses images d’une mythologie enchanteresse, à la commode licence de la morale philosophique, à toutes les séductions des arts et des plaisirs, il oppose les pompes de la douleur, de graves et lugubres cérémonies, les pleurs de la pénitence, des menaces terribles, de redoutables mystères, le faste effrayant de la pauvreté, le sac, la cendre et tous les symboles d’un dépouillement absolu et d’une consternation profonde ; car c’est là tout ce que l’univers païen aperçut d’abord dans le Christianisme. […] Mais, dans ce peu de bonne terre, elle pousse des racines si profondes, que rien n’en saurait arrêter la croissance ; elle élève sa tige, étend ses rameaux, préparant aux oiseaux du ciel, aux plus frêles créatures, un doux ombrage et un lieu de repos. […] Je vis tranquille et calme dans ma solitude profonde, faisant des vœux pour l’Humanité, au sein de laquelle fermente quelque chose qui se dérobe en partie à ma faible vue, mais certainement quelque chose de grand. […] Celui qui se soumet aux hommes s’est auparavant soumis aux choses, selon la remarque profonde d’un ancien.

20. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre II. Du Sublime dans les Choses. »

Tout ce qui présente une grande étendue, produit en général l’idée du sublime ; mais l’étendue en longueur ne produit pas, à beaucoup près, une impression aussi profonde que la bailleur ou la profondeur. […] Le son d’une grosse cloche, la sonnerie d’une grosse horloge, ont, dans tous les temps, quelque chose de vraiment imposant ; mais leur impression est bien plus profonde, quand ils troublent majestueusement le silence de la nuit.

21. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre II. Des différentes espèces de Discours Oratoires. »

Né avec un esprit solide, ferme et profond, il n’a point eu de rival pour la force du raisonnement, et pour la manière de présenter le vrai dans tout son jour. […] Logicien exact, mais bien moins instruit, bien moins profond que le premier, il raisonne avec justesse, avec méthode, et possède de plus l’art de tourner ses preuves en sentiment. […] Ses Sermons étincelants d’esprit, pleins de pensées justes et profondes, de raisonnements solides, et de portraits finis de nos mœurs, abondent en images et en sentiments. […] Il est plus fleuri que le Jésuite : mais quoique solide et véhément, il est beaucoup moins profond ; et il s’en faut bien que son éloquence soit aussi mâle et aussi nerveuse. […] Mais une pièce de théâtre, qui ne sera que l’amusement du public, demande peut-être des réflexions plus profondes, plus de connaissance des hommes et de leurs passions, plus d’art de combiner des choses opposées, qu’un traité qui fera la destinée des nations.

22. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Buffon, 1707-1788 » pp. 282-302

Mais malgré ces lumières de la tradition écrite, si l’on remonte à quelques siècles, que d’incertitudes dans les faits, que d’erreurs sur les causes des événements, et quelle obscurité profonde n’environne pas les temps antérieurs à cette tradition ! […] Nulle route, nulle communication, nul vestige d’intelligence dans ces lieux sauvages ; l’homme, obligé de suivre les sentiers de la bête farouche, s’il veut les parcourir, contraint de veiller sans cesse pour éviter d’en devenir la proie, effrayé de ses rugissements, saisi du silence même de ces profondes solitudes1, rebrousse chemin et dit : La nature brute est hideuse et mourante ; c’est moi, moi seul qui peux la rendre agréable et vivante : desséchons1 ces marais, animons ces eaux mortes en les faisant couler ; formons-en des ruisseaux, des canaux ; employons cet élément actif et dévorant qu’on nous avait caché, et que nous ne devons qu’à nous-mêmes ; mettons le feu à cette bourre superflue, à ces vieilles forêts déjà à demi consommées ; achevons de détruire avec le fer ce que le feu n’aura pu consumer : bientôt au lieu du jonc, du nénuphar dont le crapaud composait son venin, nous verrons reparaître la renoncule, le trèfle, les herbes douces et salutaires ; des troupeaux d’animaux bondissants fouleront cette terre jadis impraticable ; ils y trouveront une subsistance abondante, une pâture toujours renaissante ; ils se multiplieront pour se multiplier encore : servons-nous de ces nouveaux aides pour achever notre ouvrage ; que le bœuf, soumis au joug, emploie ses forces et le poids de sa masse à sillonner la terre ; qu’elle rajeunisse par la culture ; une nature nouvelle va sortir de nos mains2 Qu’elle est belle, cette nature cultivée ! […] Grand Dieu, dont la seule présence soutient la nature et maintient l’harmonie des lois de l’univers ; vous qui du trône immobile de l’empyrée voyez rouler sous vos pieds toutes les sphères célestes sans choc et sans confusion ; qui du sein du repos reproduisez à chaque instant leurs mouvements immenses, et seul régissez dans une paix profonde ce nombre infini de cieux et de mondes ; rendez, rendez enfin le calme à la terre agitée ! […] Avoir parcouru l’un et l’autre hémisphère, traversé les continents et les mers, surmonté les sommets sourcilleux de ces montagnes embrasées où des glaces éternelles bravent également et les feux souterrains et les ardeurs du midi ; s’être livré à la pente précipitée de ces cataractes écumantes, dont les eaux suspendues semblent moins rouler sur la terre que descendre des nues ; avoir pénétré dans ces vastes déserts, dans ces solitudes immenses, où l’on trouve à peine quelques vestiges de l’homme, où la nature, accoutumée au plus profond silence, dut être étonnée de s’entendre interroger pour la première fois ; avoir plus fait, en un mot, par le seul motif de la gloire des lettres, que l’on ne fit jamais par la soif de l’or : voilà ce que connaît de vous l’Europe, et ce que dira la postérité. […] Il semble qu’en nous élevant avec elles, nous prenons un essor de l’âme plus haut, un regard plus profond, et ce n’est pas en vain que le poëte a dit : Jéhovah de la terre a consacré les cimes.

23. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre V. Du Style en général, et de ses qualités. »

L’homme est naturellement trop indolent pour se charger volontiers d’une tâche aussi laborieuse ; et quelques éloges que l’on donne à l’auteur profond, dont on a enfin percé les ténèbres, on serait rarement tenté de le relire une seconde fois11. […] Lucain, voulant peindre l’abattement muet et la consternation profonde qui régnaient dans Rome, aux approches de la guerre civile, n’emploie qu’un trait ; et ce trait est sublime par sa précision : Erravit sine voce dolor. […] Mais l’écrivain nerveux, que son style soit concis ou diffus, nous laissera toujours une impression profonde de ce qu’il a voulu nous dire.

24. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XVI. des qualités essentielles du style. — clarté, pureté  » pp. 217-229

« La clarté, dit très-bien Vauvenargues, orne les pensées profondes. » Certains écrivains allemands ont une prédilection toute particulière pour les ténèbres du langage ; les intelligences les plus obstinées s’usent à vouloir les pénétrer. […] Villemain, n’avait été plus violemment dissoute et mêlée que la nôtre, comme il y eut à la fois des passions terribles et des changements profonds, l’empreinte a dû rester dans les expressions ainsi que dans les mœurs. » Joignez à cette cause si puissante tant d’autres qui depuis sont venues ajouter à son action : l’Empire, les mœurs anglo-constitutionnelles qui lui ont succédé, les rapports beaucoup plus fréquents avec les nations étrangères, auxquelles on n’a pu emprunter les choses sans emprunter les mots, l’étude plus approfondie de leur littérature, les progrès des technologies diverses, qui, après avoir envahi le langage commun, s’infiltrent dans la langue littéraire, les doctrines des saint-simoniens, des fouriéristes, des utilitaires, des égalitaires, de tous ceux enfin à qui il a fallu des expressions toutes neuves pour des conceptions inouïes, tout cela a dû nécessairement désorganiser la langue, et y introduire une foule de locutions que ne pouvaient même prévoir les siècles passés. […] Il est adulte, me semble-t-il, voire un peu grisonnant ; un assez grand nombre d’esprits ingénieux et profonds l’ont travaillé et remué en tous sens pour qu’il puisse fournir, et même abondamment, à toutes les idées de celui qui l’a sérieusement étudié, et qui le connaît bien.

25. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Diderot, 1713-1784 » pp. 303-312

— Je le cherche, mais inutilement. » Après avoir l’un et l’autre épuisé toutes les conjectures possibles, et le président persistant à déloger au plus vite, milord Chesterfield se promène un peu, se frotte le front comme un homme à qui il vient quelque pensée profonde, puis s’arrête tout court, et dit : « Président, attendez ; mon ami, il me vient une idée. […] Bien que Diderot ait eu de graves écarts de doctrine, il a rendu plus d’un hommage aux vérités religieuses ; n’a-t-il pas écrit un jour, sous l’influence d’une profonde tristesse : « Ce fut alors que je sentis la supériorité de la religion chrétienne sur toutes les religions du monde, et quelle profonde sagesse il y avait dans ce que l’aveugle philosophe appelle la folie de la croix.

26. (1883) Morceaux choisis des classiques français (prose et vers). Classe de troisième (nouvelle édition) p. 

Le lecteur doit toujours rester maître de sa diction et ne jamais laisser dégénérer l’excitation oratoire ou poétique en une émotion réelle et trop profonde. […] Ils représentaient une grande terre formée de hautes montagnes, séparées par des vallées profondes et surmontées de rochers pyramidaux. […] En est-il moins profond, et moins plein de délices ? […] Il régnait un profond silence ; on n’entendait qu’à de rares intervalles le ronflement des dauphins d’eau douce qui se succédaient par longues files. […] Cette rade profonde est le port de Phorcyne.

27. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Chateaubriand, 1768-1848 » pp. 409-427

La scène sur la terre n’était pas moins ravissante : le jour bleuâtre et velouté de la lune descendait dans les intervalles des arbres et poussait des gerbes de lumière jusque dans l’épaisseur des plus profondes ténèbres. […] Montaigne décrit ainsi la campagne de Rome telle qu’elle était il y a environ deux cents ans : « Nous avions loin sur notre main gauche l’Apennin, le prospect du pays mal plaisant, bossé, plein de profondes fendaces, incapable d’y recevoir nulle conduite des gens de guerre en ordonnance ; le terroir nu, sans arbres, une bonne partie stérile, le pays fort ouvert tout autour et plus de dix milles à la ronde, et quasi tout de cette sorte, fort peu peuplé de maisons. » (Note de Chateaubriand.) […] Le fleuve cependant poursuit sa course immense : Tantôt, roulant ses flots dans un profond silence, Réfléchit, doucement agité par les vents, Les arbres, les rochers, les nuages errants ; Tantôt entre deux monts précipitant ses ondes, Fait éclater sa voix sous leurs voûtes profondes, Sort, d’écume, de fange et de débris couvert, De ses flots débordés inonde le désert, Arrose cent climats peuplés ou solitaires ; Et, portant dans ses eaux cent fleuves tributaires, Vers l’Océan jaloux, s’avance avec fierté, Ose du Dieu surpris braver la majesté ; Et, du flux impuissant brisant les faibles chaînes, Semble entrer en vainqueur dans ses vastes domaines.

28. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Première partie. De l’Art de bien écrire. — Section II. De l’Art d’écrire agréablement. — Chapitre I. Du style. » pp. 181-236

La pensée est forte, lorsque l’objet qu’elle représente, fait une profonde impression dans l’esprit. […] Ces deux derniers vers renferment une pensée très forte, parce que l’objet qu’elle représente, fait une impression des plus vives et des plus profondes. […] Les idées les plus profondes, les plus brillantes, les plus sublimes se montrent sous sa plume, avec toute leur force, tout leur éclat, toute leur grandeur, sans que les règles de la langue soient violées. […] Mais comme je suis bien loin de croire que mes observations puissent être une règle pour eux, je me suis imposé la loi de m’appuyer toujours de l’autorité des critiques sages et éclairés, dont le goût sûr et les connaissances profondes sont généralement reconnus. […] La Répétition, figure propre à exprimer le caractère d’une passion fougueuse, d’un sentiment vif et profond, consiste à répéter plusieurs fois avec grâce les mêmes expressions.

29. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Deuxième partie. Rhétorique. — Chapitre I. — Rhétorique »

L’Éloquence est le talent de bien dire, c’est le talent de faire passer dans l’âme des auditeurs, et d’y imprimer avec force les sentiments profonds dont on est soi-même pénétré. […] Massillon, par exemple, ébranle puissamment les âmes par l’éloquence continue qui règne dans son admirable sermon Sur le petit nombre des Élus, et Racine est constamment sublime dans sa tragédie inimitable d’Athalie, où la grandeur des pensées et des sentiments, l’intérêt des situations et la majesté du style tiennent constamment les auditeurs dans l’admiration la plus profonde.

30. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Villemain 1790-1870 » pp. 251-256

Soit que tu racontes les renversements des États3, et que tu pénètres dans les causes profondes des révolutions ; soit que tu verses des pleurs sur une jeune femme mourante au milieu des pompes et des dangers de la cour ; soit que ton âme s’élance avec celle de Condé, et partage les ardeurs qu’elle décrit4 ; soit que, dans l’impétueuse richesse de tes sermons5 à demi préparés, tu saisisses, tu entraînes toutes les vérités de la morale et de la religion, partout tu agrandis la parole humaine, tu surpasses l’orateur antique ; tu ne lui ressembles pas. […] L’histoire, la biographie, les détails de mœurs vivifient sa critique : une inflexible morale, un dévouement vrai et de cœur à tout ce qui honore, console et relève l’humanité, à la liberté, à la religion, à la vérité, semblent rendre encore son goût plus pur et plus sévère ; cet enchaînement de tableaux historiques, d’anecdotes racontées avec l’esprit le plus brillant, de réflexions morales et d’analyses judicieuses et profondes, qui se mêlent sans confusion, conduit le lecteur jusqu’au bout du livre sans qu’il ait un moment l’envie de s’arrêter. » 1.

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