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126. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Cousin, 1792-1867 » pp. 492-503

Voltaire, entouré de gens de lettres, occupé de petites querelles, travaillant toujours, mais travaillant vite, n’a laissé aucun grand monument, et rarement il s’élève au-dessus du style de sa jeunesse, celui de Fontenelle, qu’il a gardé et en même temps porté à sa perfection, en y ajoutant une vivacité supérieure. […] Nul écrivain, Pascal excepté, n’a laissé sur la langue une pareille empreinte. […] Il a redonné du ton à la langue, mais aux dépens du naturel ; il a porté le soin jusqu’à l’afféterie, laissé paraître l’effort, prodigué les grands mouvements, gâté souvent l’éloquence par la déclamation, et frayé la route à la rhétorique. […] La mienne, ma perfection morale, celle dont j’ai l’idée claire et le besoin invincible, et pour laquelle je me sens né, en vain je l’appelle, en vain j’y travaille ; elle m’échappe et ne me laisse que l’espérance.

127. (1867) Rhétorique nouvelle « Tableau des figures » pp. 324-354

L’un d’eux se prend un jour de querelle avec un passant : — Je te donnerai, maraud, un si grand coup de poing, que je t’enfoncerai la moitié du corps dans le mur, et ne te laisserai que le bras droit de libre pour me saluer. […] (Beaumarchais, Mémoires) La suspension. — On laisse attendre un instant à l’auditeur les conséquences des prémisses qu’on a posées : on les lui donne même à deviner, et on le surprend par l’inattendu de la réponse. […] A quoi bon vous dépeindre… La réticence. — Brusque suspension du discours qui laisse à entendre ce que l’on veut dire et plus même qu’on ne veut dire. […] … La communication ou permission. — On feint d’entrer dans la passion de ceux qu’on veut ramener, et on se laisse glisser avec eux sur la pente de leur erreur jusqu’au bord d’un abîme qu’on leur montre tout à coup.

128. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Mme de Maintenon. (1635-1719.) » pp. 76-82

Bientôt il laissa sa femme veuve ; et celle-ci, quoique demeurée sans fortune, continua à voir la meilleure compagnie, qui la recherchait pour son esprit et pour ses vertus, au nombre desquelles fut toujours la plus exacte piété. […] J’ai été jeune et j’ai goûté des plaisirs ; dans un âge un peu avancé, j’ai passé des années dans le commerce de l’esprit, je suis venue à la faveur ; et je vous proteste, ma chère fille, que tous les états laissent un vide affreux, une inquiétude, une lassitude, une envie de connaître autre chose, parce qu’en tout cela rien ne satisfait entièrement. […] Les bons avis de Mme de Maintenon avaient été fort utiles à Mlle d’Aubigné, qui ne laissait pas d’avoir quelque penchant à la fierté, comme sa tante le lui a reproché dans une de ses lettres où elle lui disait très-justement : « Vous serez insupportable, si vous ne devenez humble. » 1.

129. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — De Laprade Né en 1812 » pp. 576-582

Pour le pauvre, en liant la gerbe, Laissez quelques épis dans l’herbe ; Qu’il glane2 un peu de ce bon grain. […] Plongeant de chaque roche et de chaque fourré, Le feu de nos chasseurs remontait par degré, Et l’étranger laissait des morts sur chaque étage. […] Glaner, c’est cueillir les épis de blé laissés sur le sillon, après la moisson.

130. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — La Rochefoucauld, 1613-1680 » pp. 32-37

Pour plaire aux autres, il faut parler de ce qu’ils aiment et de ce qui les touche, éviter les disputes sur des choses indifférentes, leur faire rarement des questions, et ne leur laisser jamais croire qu’on prétend avoir plus de raison qu’eux. […] Je ne sais si le remède n’est point pire que le mal et si je ne vous prierai point à la fin de me laisser ma goutte. […] « Si l’on faisait une sérieuse attention à tout ce qui se dit de froid, de vain et de puéril dans les entretiens ordinaires, l’on aurait honte de parler ou d’écouter ; et l’on se condamnerait peut-être à un silence perpétuel, qui serait une chose pire dans le commerce que les discours inutiles Il faut donc s’accommoder à tous les esprits, permettre comme un mal nécessaire le récit des fausses nouvelles, les vagues réflexions sur le gouvernement présent ou sur l’intérêt des princes, le débit des beaux sentiments, et qui reviennent toujours les mêmes ; il faut laisser Aronce parler proverbe, et Mélinde parler de soi, de ses vapeurs, de ses migraines et de ses insomnies.

131. (1867) Rhétorique nouvelle « Tableau des arguments » pp. 306-

L’orateur, emporté par son imagination, supprime le troisième terme et laisse à l’auditeur le soin de le suppléer. […] Si la majeure ou la mineure lui paraît devoir laisser des doutes dans l’esprit, il la rend évidente par une démonstration. […] Parmi tous les traits caractéristiques de la chose qu’il veut décrire, l’orateur choisit ceux qui produiront sur l’esprit une impression favorable à sa cause, et laisse les autres dans une ombre savante.

132. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Jean-Jacques Rousseau, 1712-1778 » pp. 313-335

Qu’est-ce qui nous est plus doux à faire et nous laisse une impression plus agréable après l’avoir fait, d’un acte de bienfaisance ou d’un acte de méchanceté ? […] Laissons dire les méchants qui montrent leur fortune et cachent leur cœur, et soyons sûrs que, s’il est un seul exemple de bonheur sur la terre, il se trouve dans un homme de bien. Si d’abord la multitude et la variété des amusements semblent contribuer au bonheur, si l’uniformité d’une vie égale paraît d’abord ennuyeuse, en y regardant mieux, on trouve, au contraire, que la plus douce habitude de l’âme consiste dans une modération de jouissance qui laisse peu de prise au désir et au dégoût. […] Je suis sensible à votre invitation ; et si cet hiver me laisse en état d’aller, au printemps, habiter ma patrie, j’y profiterai de vos bontés. […] Il avait fait très-chaud ce jour-là ; la soirée était charmante ; la rosée humectait l’herbe flétrie ; point de vent, une nuit tranquille ; l’air était frais sans être froid ; le soleil, après son coucher, avait laissé dans le ciel des vapeurs rouges dont la réflexion rendait l’eau couleur de rose ; les arbres des terrasses étaient chargés de rossignols, qui se répondaient de l’un à l’autre.

133. (1892) La composition française aux examens du baccalauréat de l’enseignement secondaire moderne, d’après les programmes de 1891, aux examens de l’enseignement secondaire des jeunes filles et aux concours d’admission aux écoles spéciales pp. -503

Avec quelle facilité un esprit faible peut s’y laisser entraîner. […] La reine et l’épouse disparaissent et ne laissent place qu’à la mère. […] Laissez pour un moment vos occupations, et venez à Paris entendre ce chef-d’œuvre. […] Il hésite toutefois, il délibère avec lui-même et il se laisse fléchir par Livie. […] Il n’a laissé que peu de sermons, mais deux au moins sont des chefs-d’œuvre.

134. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section II. Des Ouvrages en Vers. — Chapitre I. Des Poésies fugitives. »

On voit que cette épigramme tire toute sa beauté de la finesse de la pensée, qui laisse quelque chose à deviner. […] Après eux viennent Racine, qui nous a laissé quelques bonnes épigrammes, Mainard, Boileau et Piron. […] Ceux de nos auteurs qui ont laissé le plus de beaux modèles en ce genre, sont madame Deshoulières et M.  […] La précision et la justesse des pensées, l’élégance des expressions, l’harmonie des vers, la richesse des rimes n’y doivent rien laisser à désirer : en un mot, tout doit y être d’une beauté achevée. […] Qui, mon Dieu, la grandeur de mon impiété Ne laisse à ton pouvoir que le choix du supplice ; Ton intérêt s’oppose à ma félicité, Et ta clémence même attend que je périsse.

135. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Pascal, 1623-1662 » pp. 56-71

Je laisse aux personnes judicieuses à remarquer l’importance de cet abus qui pervertit l’ordre des sciences avec tant d’injustice ; et je crois qu’il y en aura peu qui ne souhaitent que cette liberté 3 s’applique à d’autres objets, puisque les inventions nouvelles sont infailliblement des erreurs dans les matières1 que l’on profane impunément, et qu’elles sont absolument nécessaires pour la perfection de tant d’autres sujets incomparablement plus bas, que toutefois on n’oserait toucher. […] Puisqu’ils ne se sont servis de celles qui leur avaient été laissées que comme de moyens pour en avoir de nouvelles, puisque cette heureuse hardiesse leur a ouvert le chemin aux grandes choses, nous devons prendre celles qu’ils nous ont acquises2 de la même sorte, et à leur exemple en faire les moyens et non pas la fin de notre étude, et ainsi tâcher de les surpasser en les imitant. […] On fait un crime de les contredire et un attentat d’y ajouter, comme s’ils n’avaient plus laissé de vérités à connaître2. […] Il est dans l’ignorance au premier âge de sa vie ; mais il s’instruit sans cesse dans son progrès ; car il tire avantage, non-seulement de sa propre expérience, mais encore de celle de ses prédécesseurs, parce qu’il garde toujours dans sa mémoire les connaissances qu’il s’est une fois acquises, et que celles des anciens lui sont toujours présentes dans les livres qu’ils en ont laissés. […] Il est encore plus dangereux de lui laisser ignorer l’un et l’autre.

136. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Deuxième partie. De la poésie en particulier ou des différents genres de poésie — Seconde section. Des grands genres de poésie — Chapitre IV. Du genre dramatique. » pp. 252-332

Le poète disparaît donc entièrement dans le drame pour ne laisser voir que les personnes qu’il met en scène. […] Dans l’opéra, Quinault en a laissé un grand nombre de très remarquables par la poésie et par la manière noble et délicate dont il loue le grand roi. […] Ce repos, toutefois, n’existe que pour le spectateur, et non pas pour l’action, qui ne laisse pas de continuer hors du lieu de la scène. […] La diction doit être naturelle, mais de ce naturel que le goût rectifie, où il ne laisse rien de froid, de négligé de diffus, de plat, d’insipide. […] Molière a aussi laissé une comédie héroïque, Don Garcie de Navarre.

137. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Fléchier. (1632-1710.) » pp. 69-75

Il passe le Rhin5 et trompe la vigilance d’un général habile et prévoyant6 ; il observe les mouvements des ennemis ; il relève le courage des alliés ; il ménage la foi suspecte et chancelante des voisins ; il ôte aux uns la volonté, aux autres les moyens de nuire ; et, profitant de toutes ces conjonctures importantes qui préparent les grands et glorieux événements, il ne laisse rien à la fortune de ce que le conseil et la prudence humaine lui peuvent ôter. […] Laisse-moi reposer dans le sein de la vérité, et ne viens pas troubler ma paix par la flatterie que je hais. […] Maurice de Nassau, qui, mort en 1625, à l’âge de 63 ans, laissa la réputation d’un des premiers capitaines de son siècle.

138. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Bernardon de Saint-Pierre 1737-1814 » pp. 203-209

Chacun a son mouvement : le chêne au tronc raide ne courbe que ses branches, l’élastique sapin balance sa haute pyramide, le peuplier robuste secoue son feuillage mobile, et le bouleau laisse flotter le sien dans les airs comme une longue chevelure. […] Les nuages laissent parfois de grandes clairières dans le ciel par où le soleil précipite des torrents de lumière. […] Ce grand voile sombre et flottant laissait parfois des défauts par où se glissait un rayon de soleil qui descendait comme un éclair au sein de la forêt », 1.

139. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XX. des qualités accidentelles du style. — élégance, finesse, naiveté, enjouement  » pp. 274-288

Si, dans l’expression de ces rapports, vous ne dites pas tout, si, sans affectation, vous laissez une arrière-pensée à demi voilée, une explication sous-entendue, votre style ne sera pas seulement ingénieux, il atteindra la finesse et la délicatesse. […] La finesse laisse deviner la pensée, la délicatesse ménage le sentiment ; elle désire à la fois et craint d’être comprise ; c’est la Galatée de Virgile, Quæ fugit ad salices, et se cupit ante videri. […] Tantôt c’est une métaphore ou une allusion, tantôt une antithèse, un euphémisme, une litote, plus loin un paradoxe ou une naïveté apparente, et toujours le soin de laisser à deviner une partie de l’idée. […] « Le style froid, dit Voltaire, et il entend par là celui qui nous laisse froids, vient tantôt de la stérilité, tantôt de l’intempérance des idées, souvent d’une diction trop commune, quelquefois d’une dieuon trop recherchée. » 92.

140. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Bossuet 1627-1704 » pp. 65-83

voulez-vous donc qu’on vous laisse errer ! […] Inquiétude de l’homme Les mondains, toujours dissipés, ne connaissent pas l’efficace1 de cette action paisible et intérieure qui occupe l’âme en elle-même ; ils ne croient pas s’exercer s’ils ne s’agitent, ni se mouvoir s’ils ne font du bruit ; de sorte qu’ils mettent la vie dans cette action empressée et tumultueuse ; ils s’abîment dans un commerce1 éternel d’intrigues et de visites, qui ne leur laisse pas un moment à eux2. […] Celui-là qui se plaint qu’il travaille trop, s’il était délivré de cet embarras, ne pourrait souffrir son repos ; maintenant les journées lui semblent trop courtes, et alors son grand loisir lui serait à charge : il aime sa servitude, et ce qui lui pèse lui plaît ; et ce mouvement perpétuel, qui les engage en mille contraintes, ne laisse pas de les satisfaire, par l’image d’une liberté errante. […] Ce défaut d’attention vous fait maintenant confondre l’ordre des paroles ; mais si nous laissons vieillir et fortifier cette mauvaise habitude, quand vous viendrez à manier, non plus les paroles, mais les choses mêmes, vous en troublerez tout l’ordre. […] Nous lisons dans La Bruyère : « Laissez faire Ergaste, et il exigera un droit de tous ceux qui boivent de l’eau de la rivière ou qui marchent sur la terre ferme.

141. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — La Bruyère 1646-1696 » pp. 100-117

Elle se laisse toucher et manier ; elle ne perd rien à être vue de près : plus on la connaît, plus on l’admire ; elle se courbe par bonté vers ses inférieurs, et revient sans effort dans son naturel ; elle s’abandonne quelquefois, se néglige, se relâche de ses avantages, toujours en pouvoir de les reprendre et de les faire valoir ; elle rit, joue et badine, mais avec dignité. […] Il n’y a pas deux voix différentes sur ce personnage ; l’envie, la jalousie parlent comme l’adulation : tous se laissent entraîner au torrent qui les porte ; qui les force de dire d’un homme ce qu’ils en pensent ou ce qu’ils n’en pensent pas, comme de louer souvent celui qu’ils ne connaissent point. […] Rendez service à ceux qui dépendent de vous : vous le serez davantage par cette conduite que par ne vous pas laisser voir1. […] Nous lisons dans Voltaire : L’âne passait auprès, et se mirant dans l’eau, Il rendait grâce au ciel en se trouvant si beau : « Pour les ânes, dit-il, le ciel a fait la terre ; « L’homme est né mon esclave, il me panse, il me ferre, « Il m’étrille, il me lave, il prévient mes désirs. » La Bruyère dit encore : « Le faste et le luxe dans un souverain, c’est le berger habillé d’or et de pierreries, la houlette d’or en ses mains ; son chien a un collier d’or, il est attaché avec une laisse d’or et de soie. […] Par ne vous pas laisser voir, tournure tombée en désuétude.

142. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Chateaubriand, 1768-1848 » pp. 409-427

Laissons de côté le personnage politique, indépendant, mobile, ardent, capricieux, épris de la popularité, royaliste et libéral, aussi embarrassant pour ses amis que redoutable pour ses ennemis. […] Peinture transparente d’une jeunesse rêveuse, agitée et mélancolique, René (1805) fixa par des couleurs immortelles les principaux traits d’une âme qui souffrait d’un mal que son talent rendit contagieux, au lendemain des bouleversements qui avaient laissé tant de ruines. […] Une espèce de sauvage, presque nu, pâle et miné par la fièvre, garde ces tristes chaumières : on dirait qu’aucune nation n’a osé succéder aux maîtres du monde dans leur terre natale, et que les champs sont tels que les a laissés le soc de Cincinnatus, ou la dernière charrue romaine. […] On m’a montré à Portici un morceau de cendre du Vésuve, friable au toucher, et qui conserve l’empreinte, chaque jour plus effacée, du sein et du bras d’une jeune femme ensevelie sous les ruines de Pompéia : c’est une image assez juste, bien qu’elle ne soit pas encore assez vaine, de la trace que notre mémoire laisse dans le cœur des hommes, cendre et poussière 3. […] Le Meschacebé 1 Ce fleuve, dans un cours de plus de mille lieues, arrose une délicieuse contrée, que les habitants des États-Unis appellent le nouvel Éden, et à laquelle les Français ont laissé le doux nom de Louisiane.

143. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Napoléon Ier , 1769-1821 » pp. 428-446

En le lisant, on reconnaît une de ces intelligences souveraines qui laissent une trace impérissable là où elles ont passé. […] Elle s’est laissée aller à des irritations qu’on a calculées et préparées avec art. […] Il laisse une réputation sans tache ; c’est le plus bel héritage qu’il ait pu léguer à ses enfants. […] Le propre du militaire est de tout vouloir despotiquement : celui de l’homme civil est de tout soumettre à la discussion, à la vérité, à la raison. » Citons en terminant cette page de M. de Salvandy : « Napoléon Bonaparte, le héros des temps modernes, héros dans le sens antique du mot, héros à la façon de ces personnages épiques, demi-dieux de la terre, qui la remplissent de leurs exploits, laissent un souvenir ineffaçable dans la mémoire des hommes, prennent place dans toutes les traditions des peuples, grandissent de siècle en siècle, grâce aux actions surhumaines dont la fable grossit leur histoire, et finissent par laisser l’érudit incertain si ces Hercule, ces Sésostris, ces Romulus, dont le nom et les monuments sont partout, ont jamais vécu.

144. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Lacordaire, 1802-1861 » pp. 542-557

Je ne parle pas de cette utilité vulgaire, quoique déjà bien noble, de fonder ou de perpétuer une famille, de créer un patrimoine à sa postérité, de maintenir et d’honorer sa patrie, de laisser enfin à sa famille un nom honoré. […] Ainsi, aux jours du moyen âge, on voyait des chrétiens quitter leur patrie pour se donner à quelque cathédrale qui se bâtissait sur les bords d’un fleuve étranger ; contents de leur journée, parce qu’elle avait servi, ils regardaient, le soir, de combien l’œuvre s’était avancée vers Dieu, et, lorsque, après vingt ou trente ans d’un obscur travail, la croix brillait au sommet du sanctuaire élevé de leurs mains, ils y jetaient un dernier regard, et, prenant leurs enfants et leurs souvenirs, ils s’en allaient, sans laisser leur nom, mourir en paix dans la bienheureuse pensée d’avoir fait quelque chose pour Dieu1. […] Laissez-le tel que la nature vient de l’ébaucher, laissez-le là nu, muet, plutôt mort que vivant ; il vivra peut-être, mais il vivra sans le savoir, hôte infirme de la création, âme perdue dans l’impuissance de se trouver elle-même. […] Je ne craindrai donc point de vous faire de la peine, et vous exposerai avec la plus grande sincérité les motifs qui ne me permettent pas de vous laisser, ni à vous ni à M. l’Archevêque3, l’espoir d’une condescendance qui plus que jamais m’est interdite.

145. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Deuxième partie. Rhétorique. — Chapitre II. — Division de la rhétorique : Invention, Disposition, Élocution »

Il y a là une demi-heure d’enchantement auquel nul homme ne résiste : un spectacle si grand, si beau, si délicieux, n’en laisse aucun de sang-froid. » C’est avec le même talent que sont décrites les différentes circonstances d’une terrible tempête, par Lamartine. […] On ne met point les chevaux à l’ombre, on les laisse exposés à l’ardeur du soleil, attachés en terre à des piquets par les quatre pieds, de manière à les rendre immobiles ; on ne leur ôte jamais la selle ; souvent ils ne boivent qu’une seule fois et ne mangent qu’un peu d’orge en vingt-quatre heures. […] N’eussiez-vous à conduire qu’un seul cheval un peu fougueux, vous n’en viendriez pas à bout, si vous lâchiez tout à fait la main, et si vous laissiez aller votre esprit ailleurs : combien moins gouvernerez-vous cette multitude immense où bouillonnent tant de passions, tant de mouvements divers ! […] Que ne me laissais-tu le soin de ma vengeance ? […] Depuis quand pense-t-on qu’inutile à moi-même, Je me laisse ravir une épouse que j’aime ?

146. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section troisième. La Tribune sacrée. — Chapitre IV. Prédicateurs français. »

Maury, c’est la fécondité inépuisable de ses plans, qui ne se ressemblent jamais ; c’est cette abondance de génie, qui ne laisse rien à imaginer au-delà de chacun de ses discours, quoiqu’il en ait composé plusieurs sur la même matière ; c’est l’enchaînement qui règne entre toutes ses idées ; c’est l’art avec lequel il fonde nos devoirs sur nos intérêts ; c’est enfin la connaissance la plus profonde de la religion, et l’usage admirable qu’il fait de l’Écriture et des pères. […] Ce n’est donc pas dans la prétendue vanité de Bossuet, qu’il faut juger les motifs de sa retraite de la chaire, et de l’oubli complet où il laissa ses sermons pendant les vingt-cinq dernières années de sa vie.

147. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Buffon. (1707-1788.) » pp. 146-152

Mais, docile autant que courageux, il ne se laisse point emporter à son feu, il sait réprimer ses mouvements : non-seulement il fléchit sous la main de celui qui le guide, mais il semble consulter ses désirs ; et, obéissant toujours aux impressions qu’il en reçoit, il se précipite, se modère ou s’arrête, et n’agit que pour y satisfaire. […] Ces jolis oiseaux arrivent au moment où les arbres développent leurs feuilles et commencent à laisser épanouir leurs fleurs ; ils se dispersent dans toute l’étendue de nos campagnes : les uns viennent habiter nos jardins ; d’autres préfèrent les avenues et les bosquets ; plusieurs espèces s’enfoncent dans les grands bois, et quelques-unes se cachent au milieu des roseaux. […] A peine aperçoit-on leurs pieds, tant ils sont courts et menus : ils en font peu d’usage ; et ils ne se posent que pour passer la nuit, et se laissent, pendant le jour, emporter dans les airs ; leur vol est continu, bourdonnant et rapide : on compare le bruit de leurs ailes à celui d’un rouet.

148. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — André de Chénier 1762-1794 » pp. 480-487

L’âme d’un moderne se laisse voir sous ses imitations. […] Tu veux, dans ses vieux ans, Laisser ta mère seule avec ses cheveux blancs ? […] Prends, mon fils, laisse-toi fléchir à ma prière ; C’est ta mère, ta vieille, inconsolable mère Qui pleure ; qui jadis te guidait pas à pas, T’asseyait sur son sein, te portait dans ses bras ; Que tu disais aimer, qui t’apprit à le dire ; Qui chantait, et souvent te forçait à sourire Lorsque tes jeunes dents, par de vives douleurs, De tes yeux enfantins faisaient couler des pleurs4.

149. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XXV. des figures. — figures par développement et par abréviation  » pp. 353-369

« Quand, dans un discours, dit avec raison Pascal, on trouve des mots répétés, et qu’essayant de les corriger, on les trouve si propres, qu’on gâterait le discours, il faut les laisser ; c’en est la marque, et c’est la part de l’envie qui est aveugle, et qui ne sait pas que cette répétition n’est pas faute en cet endroit : car il n’y a point de règle générale. » Au lieu de répéter le mot, souvent on répète l’idée, en accumulant soit des idées semblables, ce que les rhéteurs appellent expolition, soit les divers signes qui expriment la même idée, ce qu’ils nomment synonymie ou métabole. […] Enfin, on peut rattacher au pléonasme et à l’ellipse deux figures, la conjonction et la disjonction, que je mentionne, comme j’en ai cité plusieurs autres, moins pour leur valeur réelle, que pour ne pas laisser ignorer aux jeunes gens des formes et des noms qu’ils pourraient rencontrer. […] Ainsi dans Bossuet : « Le roi, la reine, Monsieur, toute la cour, tout le peuple, tout est abattu, tout est désespéré. » N’est-ce pas aussi à l’ellipse qu’appartient l’anacoluthe, littéralement, absence de compagnon, construction où l’auteur laisse désirer certains mots qui régulièrement devraient accompagner les autres ? […] Il faut donc dire, je l’ai vu de mes yeux, je l’ai oui de mes oreilles, pour ne laisser aucun sujet de douter que cela ne soit ainsi.

150. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre III. Lettres missives. Genre épistolaire. »

Les lettres de bonne année nous laissent bien peu d’observations à faire. […] Au-dessous d’eux, on laisse, avant de commencer la lettre, un intervalle plus ou moins grand, selon le respect qu’on doit à la dignité. On doit aussi, au bas de la même page, laisser un intervalle convenable, et, au revers, commencer à peu près à la même hauteur où on a mis Monsieur ou Madame.

151. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Courier, 1773-1825 » pp. 447-454

S’ils se fussent avisés de le vouloir défendre, nous l’eussions bonnement laissé là ; nous n’étions pas venus pour faire violence à personne. […] On fait peu d’attention à cela : tant pis pour qui se laisse prendre. […] … Fragment de conversation sur la gloire des lettres Ceux-là dont la renommée coûte si cher au genre humain, que laissent-ils après eux ?

152. (1863) Précis de rhétorique : suivi des règles auxquelles sont assujettis les différents ouvrages de littérature pp. 1-100

Si quelquefois l'emuet final se brise sur une voyelle, si la période est terminée avec grâce, l'oreille éprouve un charme qui laisse une impression durable. […] Philoctète parle ainsi à Néoptolème : O mon fils, je te conjure par les mânes de ton père, par ta mère, par tout ce que tu as de plus cher sur la terre, de ne pas me laisser seul dans les maux que tu vois. […] C'est aux écrivains romantiques qu'il appartient de laisser voir leur âme tout entière, de nous parler du moyen âge, de la croyance aux fantômes, aux sorciers, et de mêler des scènes bouffonnes à des scènes sublimes, de produire ces contrastes qui ajoutent à l'intérêt. […] La qualité (Excellence, Monsieur, etc.) se place à trois doigts du haut de la page, et on laisse le même intervalle entre ces mots et le commencement de la lettre. […] J'ai pleuré quatorze printemps Loin des bras qui m'ont repoussée : Reviens, ma mère, je t'attends Sur la pierre où tu m'as laissée.

153. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — Seconde partie. Moyens de former le style. — Chapitre II. De l’exercice du style ou de la composition » pp. 225-318

Il ne faut jamais se contenter du premier jet de l’esprit, parce que, pour les commençants au moins, il laisse toujours à désirer tant pour la valeur et la liaison des pensées que pour l’élocution. […] Ils donnent lieu à des beautés de premier ordre, qui laissent dans l’esprit des impressions aussi délicieuses que profondes. […] Ce gentilhomme ne le voit point tomber ; le cheval l’emporte où il avait laissé le petit d’Elbeuf. […] L’extrême délicatesse dans le choix des mots, les pensées raffinées, les figures trop éclatantes et trop nombreuses, les périodes arrondies, les cadences harmonieuses, les tours pompeux et les expressions sonores laisseraient paraître l’art, sentiraient l’étude et le travail, et s’éloigneraient trop du naturel, de l’aisance et de la simplicité que demande le genre épistolaire. […] Elle est facile à faire lorsqu’il s’agit d’un ami : on laisse parler le cœur et courir la plume, parce qu’on se réjouit réellement avec lui.

154. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre II. Éloge de Démosthène par Lucien. »

L’éloge qu’il nous a laissé de ce grand orateur est surtout remarquable par l’originalité piquante, qui fait le caractère spécial des ouvrages du sage de Samosate. […] Archias insiste ; on va pour saisir Démosthène : « Arrête, dit-il, et ne profane pas la demeure des Dieux : laisse-moi remercier Neptune de l’asile qu’il m’a accordé, et je te suis ».

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