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52. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Origine et principe des beaux-arts »

Aidé des lumières d’une raison droite et sage, il entrevit des vérités qui devaient être utiles à ses semblables ; telles que l’établissement de certaines lois générales, la fixation des propriétés particulières, les heureux effets d’une union stable et permanente, etc. Il leur exposa ces vérités ; et il vint à bout d’éclairer leur esprit, en leur faisant concevoir ses propres idées ; d’échauffer leur âme, en leur faisant éprouver ses propres sentiments. […] Une campagne aride, hérissée de ronces et d’épines, et un coteau riant, couvert des fruits et de moissons, un reptile qui se traîne dans la fange des marécages, et un aigle qui plane au sommet des airs ; le caractère d’un Néron, l’opprobre du genre humain, et celui d’un Titus, les délices de son peuple ; le caractère du menteur, lâche et impudent, et celui de l’ami ferme et courageux de la vérité, tiennent également à la belle nature, lorsqu’ils sont bien imités, c’est-à-dire, représentés avec tous les traits qui les rendent parfaits chacun dans son espèce. […] Si le prosateur décrit un objet avec cette vérité, cette force, qui touche, remue, persuade ; si, par exemple, dans la vue de nous inspirer de l’horreur pour la flatterie, il nous en expose toute la bassesse, toute la lâcheté, toute la honte, et nous laisse intimement persuadés qu’elle ne doit jamais avilir notre âme ; ce prosateur sera éloquent.

53. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bossuet, 1627-1704 » pp. 89-123

Ce que vous pensiez avoir vu si distinctement n’est plus qu’une masse informe et confuse, où il ne paraît ni fin ni commencement ; et cette vérité si bien démêlée est tout à coup disparue parmi ces vaines défaites. […] (Sermon sur la haine de la vérité.) […] Cette vérité, établie sur tant d’expériences convaincantes, devrait détromper les ambitieux de tous les biens de la terre ; et c’est au contraire ce qui les engage. […] C’est trop parler de la fortune dans la chaire de vérité. […] Convainquons-nous, chrétiens, de cette importante vérité par un raisonnement invincible.

54. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre V. De la disposition. »

L’ordre est une condition essentielle de la beauté : la nature nous en offre le modèle et l’exemple ; les anciens étaient tellement frappés de cette vérité, qu’ils ont donné à l’univers le nom de Cosmos, qui signifie ordre. […] Si je ne puis raconter tant d’actions, je les découvrirai dans leurs principes ; j’adorerai le Dieu des armées, j’invoquerai le Dieu de paix, je bénirai le Dieu des miséricordes, et j’attirerai partout votre attention, non pas par la force de l’éloquence, mais par la vérité et la grandeur des vertus dont je suis engagé de vous parler. » 3° Narration. […] La narration oratoire diffère de la narration historique ; celle-ci ne recherche que le vrai ; l’autre doit être faite en vue de la cause que l’on défend : sens détruire la vérité, elle appuie sur les circonstances favorables, et glisse légèrement sur celles qui pourraient nuire. […] La confirmation est la partie où l’on prouve la vérité que l’on a annoncée dans la proposition. […] Et par quel bizarre contraste somme-nous tout à la fois assez parfaits pour qu’une erreur soit punie de mort ; et assez-dépravés pour que ceux qui redoutent la vérité puissent conduire au supplice celui qui la dit ? 

55. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section deuxième. La Tribune du Barreau. — Chapitre V. Barreau français. — Le Normant et Cochin. »

Personne n’a plus que lui réuni l’abondance des idées et des raisonnements, la plénitude du savoir et de la raison, aux richesses de l’expression, à la vérité des tours, et surtout à ce sentiment intime qui sait mettre la justice et la vérité dans tout leur jour, pour les faire aimer de ceux même qu’il combat. […] Une dame de qualité lui disait un jour : Vous êtes si supérieur aux autres hommes, que, si l’on était dans le temps du paganisme, je vous adorerais comme le dieu de l’éloquence. — Dans la vérité du christianisme, répondit le sage orateur, l’homme n’a rien dont il puisse s’approprier la gloire.

56. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Mme de Maintenon. (1635-1719.) » pp. 76-82

[Notice] La Bruyère a dit, avec vérité, qu’il ne manquait parfois aux femmes que la correction du style pour écrire mieux que les hommes. […] Je ne suis point plus grande dame que j’étais dans la rue des Tournelles, où vous me disiez fort bien mes vérités. […] Où trouverai-je la vérité, si je ne la trouve en vous ? […] Voltaire a été plus juste pour Mme de Maintenon que beaucoup de ses contemporains, en disant « qu’elle rejetait bien loin ce qui avait la plus légère apparence d’intrigue et de cabale », et en trouvant dans son style « un caractère de naturel et de vérité qu’il est presque impossible de contrefaire ». — Parmi tant de publications dont Mme de Maintenon a été le sujet, nous citerons avant tout celle de M. le duc de Noailles, qui résume et efface toutes les précédentes : Histoire de Mme de Maintenon et des principaux événements du règne de Louis XIV, 1848.

57. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XVI. des qualités essentielles du style. — clarté, pureté  » pp. 217-229

« Summa virtus orationis est perspicuitas, » dit Quintilien, dès le premier livre de ses Institutions, pour revenir sur cette vérité au huitième : « nobis prima sit virtus perspicuitas. » Le discours, selon lui, doit être clair comme la lumière du soleil, » occurrat in animum audientis oratio, sicut sol in oculos. » Mais la clarté de l’expression suppose une conception nette des idées, et une méthode habile dans leur disposition. […] Mais les esprits sains dédaigneront toujours ce goût des doctrines ésotériques, comme parlaient les anciens, qui fait des vérités les plus essentielles à tous le privilége exclusif de quelques initiés, et une lettre close pour la majorité de ceux même qui veulent les étudier. La vérité est nue, attrayante de sa propre beauté, tout à la fois fière et pudique ; ce n’est que la lâcheté, le mensonge ou la fausse science qui s’enveloppent de tant de voiles. […] Je laisserais même au delà du Rhin, sans m’en occuper autrement, cette manie du mysticisme et de l’inintelligible, si elle ne passait le fleuve, accueillie par quelques-uns de nos auteurs qui oublient le mot si vrai de Voltaire : « Ce qui n’est pas clair n’est pas français. » Ce qui n’est pas clair n’est pas français, parce qu’il semble que chaque peuple ayant reçu de la Providence sa mission sur la terre, celle de la France soit de répandre toutes les grandes et utiles vérités, et que, pour maintenir dignement cette noble propagande, il faut savoir rendre la vérité manifeste et accessible à tous.

58. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Diderot, 1713-1784 » pp. 303-312

c’est comme le Créateur, pour la célérité ; c’est comme la nature, pour la vérité. […] Portrait de Diderot Moi, j’aime Michel1 ; mais j’aime encore mieux la vérité. […] Bien que Diderot ait eu de graves écarts de doctrine, il a rendu plus d’un hommage aux vérités religieuses ; n’a-t-il pas écrit un jour, sous l’influence d’une profonde tristesse : « Ce fut alors que je sentis la supériorité de la religion chrétienne sur toutes les religions du monde, et quelle profonde sagesse il y avait dans ce que l’aveugle philosophe appelle la folie de la croix. […] Diderot dit ailleurs de Vernet : « Ce qu’il y a d’étonnant, c’est que l’artiste se rappelle ces effets à deux cents lieues de la nature, et qu’il n’a de modèle présent que dans son imagination ; c’est qu’il peint avec une vitesse incroyable ; c’est qu’il dit : Que la lumière se fasse, et la lumière est faite ; que la nuit succède au jour, et le jour aux ténèbres, et il fait nuit, et il fait jour ; c’est que son imagination, aussi juste que féconde, lui fournit toutes ces vérités ; c’est qu’elles sont telles, que celui qui en fut spectateur froid et tranquille au bord de la mer en est émerveillé sur la toile ; c’est qu’en effet ces compositions prêchent plus fortement la grandeur, la puissance, la majesté de la nature, que la nature même. […] Ailleurs, Schiller écrit à Goëthe : « J’ai relu Diderot sur la peinture ; Diderot ressemble à bien des gens qui trouvent la vérité par le sentiment et la dissipent par le raisonnement.

59. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VIII. de la disposition. — unité, enchainement des idées  » pp. 98-117

C’est que Buffon, sans avoir jamais écrit un vers, fut, dans son immense ouvrage, un poëte sublime et varié ; c’est qu’Horace, en se laissant emporter au vol de Pindare, fut en même temps le génie le plus sensé de l’antiquité ; c’est qu’enfin tous deux se rencontraient ici sur leur terrain commun, la vérité et la raison. […] De la conduite de l’esprit à l’égard de Jésus, type éternel et universel des vérités morales, dans chacun des actes de sa vie terrestre. […] Et l’exemple de Salomon, qui couronne cette première partie35 avec une harmonieuse majesté de diction, confirme une vérité morale non moins importante, et plus savamment amenée que celle du § 12. […] Ainsi le plaisir commence à leur corrompre le cœur ; l’adulation l’affermit dans l’égarement, et lui ferme toutes les voies de la vérité ; l’ambition consomme l’aveuglement et achève de creuser le précipice. Exposons ces vérités importantes après avoir imploré, etc.

60. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre II. — Choix des Pensées »

La vérité est une qualité qui leur est essentielle, et qui en fait le fondement et la solidité. […] Pour donner à une pensée cette vérité, cette justesse que la raison exige, il faut saisir et marquer le rapport ou la disconvenance des idées dont elle est composée, c’est-à-dire la convenance ou l’opposition qu’a l’objet dont on se forme une image, avec d’autres objets, soit sensibles, soit intellectuels. […] Le menteur n’est pas estimable, voilà une pensée vraie : elle marque la disconvenance et l’opposition qu’il y a entre l’idée de menteur et l’idée d’estime. » La plupart des pensées qui forment le tissu du discours n’ont d’autre mérite que la vérité et la justesse. […] 1° Pensées simples La pensée simple est celle qui s’offre naturellement à l’esprit, et semble n’avoir d’autre mérite que la vérité. […] Ce sont : 1° les pensées basses, communes ou triviales, qui n’offrent à l’esprit que des idées ignobles, de mauvais goût et indignes du sujet que l’on traite ; 2° les pensées fausses ou celles qui ne sont point conformes à la vérité, à la justesse ; et 3° les pensées gigantesques ou celles qui dépassent la limite de la réalité, de l’ordinaire, du possible.

61. (1825) Rhétorique française, extraite des meilleurs auteurs anciens et modernes pp. -433

Tout ce qui est propre à établir une vérité, à constater un fait, porte le nom de preuve. […] Une preuve n’est que la vérité d’une chose démontrée par une autre. […] Souvent ce n’est pas assez de montrer la vérité. […] Chacun se faisant une raison de sa passion, ce qui est un plaisir dans le cœur est une vérité dans l’esprit. […] Ne hasardez donc jamais d’émouvoir sur des faits dont la vérité ne serait pas reconnue.

62. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Fléchier. (1632-1710.) » pp. 69-75

Je viens vous faire admirer un homme qui ne se détourna jamais de ses devoirs, qui, pour maintenir la raison, se roidit contre la coutume, qui n’eut jamais d’autre intérêt que celui de la vérité et de la justice, et qui, ayant eu part à toutes les prospérités du siècle3, n’en a point eu à ses corruptions ; un homme d’une vertu antique et nouvelle, qui a su joindre la politesse du temps à la bonne foi de nos pères, en qui la fortune n’a fait que donner du crédit au mérite, qui a sanctifié l’honneur et la probité par les règles et les principes du christianisme, qui s’est élevé par une austère sagesse au-dessus des craintes et des complaisances humaines, et qui, toujours prêt à donner à la vertu les louanges qui lui sont dues, a fait craindre à l’iniquité le jugement et la censure ; vaillant dans la guerre, savant dans la paix ; respecté, parce qu’il était juste ; aimé, parce qu’il était bienfaisant ; et quelquefois craint, parce qu’il était sincère et irréprochable… Ne craignez point que l’amitié ou la reconnaissance me préviennent. […] Laisse-moi reposer dans le sein de la vérité, et ne viens pas troubler ma paix par la flatterie que je hais. Ne dissimule pas mes défauts, et ne m’attribue pas mes vertus ; loue seulement la miséricorde de Dieu qui a voulu m’humilier par les uns et me sanctifier par les autres… » On lui dit mille fois que la franchise n’était pas une vertu de la cour ; que la vérité n’y faisait que des ennemis ; qu’il fallait, pour y réussir, savoir, selon les temps, ou déguiser ses passions ou flatter celles des autres ; qu’il y avait un art innocent de séparer les pensées d’avec les paroles, et que la probité pouvait souffrir ces complaisances mutuelles, qui, étant devenues volontaires, ne blessent presque plus la bonne foi et maintiennent la paix et la politesse du monde. […] C’est une puissance orgueilleuse qui est souvent contraire à l’humilité et à la simplicité chrétienne, et qui, laissant souvent la vérité pour le mensonge, n’ignore que ce qu’il faudrait savoir, et ne sait que ce qu’il faudrait ignorer.

63. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Première partie - Préceptes généraux ou De la composition littéraire. — Chapitre troisième. De l’élocution. »

Mais je me réserve de développer cette vérité lorsque je traiterai en particulier des journaux, depuis leur naissance jusqu’à nos jours. […] L’esprit de l’homme n’est que trop disposé à la malignité, et il ne faut pas lui permettre de franchir les bornes de la vérité. […] C’est, a dit Labruyère, l’opposition de deux vérités qui se donnent du jour l’une et l’autre. […] Comme l’a dit Fénélon, la parole ne doit servir que pour la pensée, et la pensée que pour la vérité et la vertu. […] La première ou majeure, est ordinairement l’énonciation d’une vérité reconnue, qu’on ne peut refuser d’admettre.

64. (1867) Rhétorique nouvelle « Tableau des figures » pp. 324-354

Convaincu de la culpabilité du prévenu, l’avocat général entreprend de lui arracher la vérité, et en pleine audience : — « Malheureux ! […] Sûr désormais de tenir la vérité, il force à dessein ses couleurs, il sent qu’il triomphe, que la conscience de l’homme s’émeut, que la vérité va sortir de sa bouche. […] « L’hyperbole ou exagération exprime au-delà de la vérité pour ramener l’esprit à la mieux connaître. » (La Bruyère.) […] On disait d’un plat courtisan qui cachait son jeu sous les brusques dehors d’un Alceste, que sa manière de louer pouvait se résumer ainsi : — Sire, je m’expose au malheur de vous déplaire ; mais dussé-je me perdre à vos yeux, la vérité me force à vous déclarer hautement que vous êtes le premier prince du monde.

65. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre premier. »

Un précepte non moins essentiel, et que trace également la nature, c’est qu’il faut être fortement persuadé soi-même de la vérité que l’on veut faire adopter aux autres. […] Mais c’est à celui qu’un grand peuple charge de ses intérêts, à bien consulter son âme et ses forces, à se demander s’il saura s’élever au-dessus des petites passions, fronder l’opinion commune quand elle ne sera pas d’accord avec le bien général ; braver les clameurs de ce même peuple, qu’il faut quelquefois servir malgré lui, et sacrifier jusqu’à sa vie s’il le faut, plutôt que de trahir la vérité et la confiance de ses concitoyens. […] La passion s’enflamme, les figures les plus hardies deviennent naturelles, parce qu’elles sont naturellement amenées : la chaleur du discours, l’élan du sentiment se communiquent de proche en proche, les esprits sont convaincus ; les cœurs entraînés, et la vérité triomphe.

66. (1875) Les auteurs grecs expliqués… Aristote, Poétique « Commentaire sur la Poétique d’Artistote. — Chapitre IX. » pp. 98-101

vi (édition 1716) : « Je tâcherai de prouver la vérité de ce sentiment d’Aristote que la poésie d’Homère est plus grave et plus morale que l’histoire. » La poésie met ensuite des noms propres.] […] Il a pour maxime très-nécessaire en son art, de ne suivre jamais pas à pas la vérité, mais la vraysemblance et le possible : et sur le possible et sur ce qui peut se faire, il bastit son ouvrage, laissant la véritable narration aux Historiographes qui poursuivent de fil en esguille, comme on dit en proverbe, leur subject entrepris du premier commencement jusques à la fin. » (Ronsard, Préface de la Franciade.) Il se souvient évidemment d’Aristote, quoiqu’il ne le nomme pas  mais l’avait-il bien compris lorsqu’il ajoute, plus bas (p. 16, éd. 1604) : « Or imitant ces deux lumières de poésie (Homère et Virgile), fondé et appuyé sur nos vieilles Annales, j’ay basti ma Franciade sans me soucier si cela est vrai ou non, ou si nos roys sont Troyens ou Germains, Scythes ou Arabes : si Francus est venu en France ou non : car il y pouvoit venir : me servant du possible et non de la vérité.

67. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre V. Analyse de l’éloge de Marc-Aurèle, par Thomas. »

Tout ce que La Harpe a dit de Voltaire poète, littérateur et historien, n’a besoin, pour être la vérité, que de quelques restrictions légères ; et si l’enthousiasme de l’amitié l’a tant soit peu égaré dans l’éloge du philosophe, c’est un excès que son motif rend excusable. […] Romains, on vous outrage en vous flattant ; c’est en vous disant la vérité que je vous témoigne mon respect. […] Marc-Aurèle, entre la vérité et toi, il y aura continuellement des fleuves, des montagnes, des mers ; souvent tu n’en seras séparé que par les murs de ton palais, et elle ne parviendra point jusqu’à toi. […] Je vis que, pour bien gouverner, j’aurais besoin d’une intelligence presque divine, qui aperçût d’un coup d’œil tous les principes et leur application ; qui ne fût dominée ni par son pays, ni par son siècle, ni par son rang ; qui jugeât tout d’après la vérité, rien d’après les conventions. […] Ce discours renferme, comme l’on voit, des beautés oratoires du premier ordre ; et c’est à tous égards, la plus estimable des productions de Thomas, quoique les vices dominants de sa manière, l’emphase et la déclamation, l’enthousiasme factice ne s’y reproduisent encore que trop souvent : quoique des vérités communes y soient quelquefois présentées avec une prétention qui ressemble à de la morgue, et données comme des idées neuves ; quoique la manie doctorale, cachet distinctif de l’éloquence philosophique, y vienne à tout moment glacer des cœurs que commençait à échauffer la sensibilité de l’orateur.

68. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XII. du corps de l’ouvrage. — portrait, dialogue, amplification  » pp. 161-174

Bourdaloue l’avait senti, il excella dans ce genre ; mais ses portraits ne sont point des hors-d’œuvre, ils servent toujours de preuve ou de conséquence à quelque vérité préalablement établie. […] Qu’on me pardonne de revenir toujours sur le même précepte ; c’est que si le paradoxe est un Protée aux mille formes, il n’est rien d’uni et de monotone comme la vérité. […] Il est, en effet, dans une œuvre didactique ou oratoire, certaines preuves, certains sentiments, certaines vérités, sur lesquels on ne peut assez appuyer, comme, dans un récit, certains faits qu’il faut agrandir, ou au contraire atténuer par la manière dont on les présente. […] Tantôt elle ira jusqu’à la déclamation, sans exagérer ; tantôt elle se contentera de discourir, sans sécheresse. » En général l’amplification est admissible, même en excédant la vérité, lorsque c’est l’enthousiasme ou la passion qui exagère, et que l’orateur ou l’écrivain s’expriment comme ils sentent. […] Comme sa passion l’obligea de ne mettre sa politique qu’en second dans sa conduite, héroïne d’un grand parti, elle en devint l’aventurière. » Le grand mérite de ces portraits est la précision originale de la forme unie à la vérité du fond.

69. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Notions préliminaires » pp. 2-15

Le beau dans les lettres, qui résulte de l’imitation de la nature et de l’aspiration vers le beau absolu, et dont la fin doit être le bon et l’utile, exige l’unité, la variété, la vérité, l’ordre, l’élévation et la moralité. […] Les rapports que trouve le génie doivent être justes et naturels, c’est-à-dire être des vérités, et avoir une haute importance. […] Mais ordinairement on entend par jugement l’opération de cette faculté, ou l’acte par lequel l’intelligence décide qu’il y a ou qu’il n’y a pas de convenance entre deux idées et distingue la vérité de l’erreur. […] Les vérités deviennent plus sensibles par la netteté du style, par les images riantes, et par les tours ingénieux sous lesquels on les présente à l’esprit.

70. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre V. — Qualités particulières du Style »

Il plaît par la vérité des pensées et la justesse des expressions ; l’enjouement, la gaieté, la vivacité, des grâces naturelles, tous les charmes de la négligence lui appartiennent. […] Le style sévère est le plus convenable pour exprime] les plus hautes vérités chrétiennes. […] S’il est élevé, noble, sublime, l’auteur sera également admiré dans tous les temps ; car il n’y a que la vérité qui soit durable, et même éternelle. Or, un beau style n’est tel en effet que par le nombre infini des vérités qu’il présente : toutes les beautés intellectuelles qui s’y trouvent tous les rapports dont il est composé, sont autant de vérités aussi utiles, et peut-être plus précieuses pour l’esprit humain que celles qui peuvent faire le fond du sujet. […] L’auteur y retrace avec vérité les impressions profondes de la solitude, du silence et de la nuit au milieu des forêts vierges du Nouveau-Monde.

71. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre III. De la partie oratoire dans les Historiens anciens. Historiens grecs. »

Ce sont, ont dit les uns, des morceaux de luxe, des ornements parasites, où brille le talent de l’écrivain, mais où la vérité et les convenances historiques sont également violées. […] Si l’on réfléchit à l’immense intervalle que la vérité devait avoir à franchir pour parvenir, d’un simple sujet, jusqu’aux oreilles d’un monarque tel que Crésus, on conviendra qu’il y avait du courage à parler ainsi. Ce ton de simplicité noble, qui ne dissimule, mais n’exagère rien, et se borne à exposer la vérité sans feinte et sans détours, a quelque chose de bien plus éloquent que les figures les plus hardies et les tours les plus recherchés. […] Ce discours eut le sort de toutes les vérités désagréables ; il blessa l’orgueil de Darius, et le généreux Charidème paya de sa vie la liberté courageuse qu’il avait prise. […] « La vérité te blessera peut-être ; mais, si je la dissimule aujourd’hui, en vain la dirais-je dans un autre temps.

72. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Bossuet 1627-1704 » pp. 65-83

Voulez-vous qu’on vous fasse entendre clairement toutes les vérités divines ? […] Que si8, au contraire, vous êtes de ceux qui détournent leur oreille de la vérité et qui demandent des fables et d’agréables rêveries, Dieu commandera à ses nuées, il retirera la saine doctrine de la bouche des prédicateurs. Ce sont les auditeurs fidèles qui font les prédicateurs évangéliques, parce que les prédicateurs étant faits pour les auditeurs, les uns reçoivent d’en haut ce que méritent les autres : Aimez donc la vérité, chrétiens, et elle vous sera annoncée : ayez appétit de ce pain céleste, et il vous sera présenté. […] Ce que vous pensiez avoir vu si distinctement n’est plus qu’une masse informe et confuse, où il ne paraît ni fin ni commencement ; et cette vérité si bien démêlée est tout à coup disparue parmi ces vaines défaites. […] Vous savez, ô Dieu vivant, que le zèle ardent qui m’anime pour le service de mon roi me fait tenir à honneur d’annoncer votre Évangile à ce grand monarque, digne de n’entendre que de grandes choses, digne, par l’amour1 qu’il a pour la vérité, de n’être jamais déçu.

73. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre X. du commencement  » pp. 131-145

Il demande à quelque divinité de raconter elle-même de si grandes choses : « Déesse, chante la colère d’Achille… — Muse, dis-moi les erreurs d’Ulysse… » Un témoignage d’en haut doit confirmer ces merveilleux récits d’une vérité si invraisemblable : … Venez à moi, de l’Olympe habitantes, Muses, vous savez tout, vous, déesses ; et nous, Mortels, ne savons rien qui ne vienne de vous. […] Le ministre de Dieu, paraissant dans la chaire de vérité pour distribuer la manne céleste à des fidèles altérés de sa parole, comme le cerf des eaux vives, n’a pas besoin de réclamer une faveur dont il est assuré d’avance, car c’est à des frères qu’il s’adresse, ni de se concilier les esprits par la modeste simplicité du langage, car c’est un plus puissant que lui qui commande l’attention. […] Ainsi vous savez convaincu d’abord d’une certaine vérité, et c’est leur premier point ; d’une autre vérité, et c’est leur second point ; et puis d’une troisième vérité, et c’est leur troisième point : de sorte que la première réflexion vous instruira d’un principe des plus fondamentaux de votre religion, la seconde d’un autre principe qui ne l’est pas moins, et la dernière réflexion d’un troisième et dernier principe, le plus important de tous, qui est remis pourtant, faute de loisir, à une autre fois ; enfin, pour reprendre et abréger cette division, et former un plan… — Encore, dites-vous ; et quelles préparations pour un discours de trois quarts d’heure qui leur reste à faire !

74. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XVIII. des qualites essentielles du style. — harmonie  » pp. 240-256

Sa prosodie, plus flottante, n’est pourtant pas absolument nulle, et quelque fondées que soient les objections opposées à l’abbé d’Olivet, son Traité des longues et des brèves renferme bien des remarques d’une vérité et d’une justesse incontestables. […] Mais comparez leur conclusion à celle du rhéteur grec : « Ne sacrifions jamais un mot à l’euphonie, dit Quintilien, quand ce mot est juste et expressif, car il n’en est pas de si épineux qui ne puisse se placer convenablement. » Et Cicéron : « La recherche continuelle du nombre et de l’harmonie finit par nuire à l’éloquence, surtout à celle du barreau, elle lui ôte tout caractère de vérité et de bonne foi. » Nous voilà, comme vous voyez, bien loin de Denys d’Halicarnasse, mais, à mon sens, bien plus près de la raison. […] Vous y apprendrez surtout l’art si nécessaire et si difficile, en fait d’harmonie, comme de pensée et d’expression, de concilier la vérité et l’unité, l’unité dans l’harmonie générale, la vérité dans l’harmonie spéciale. […] Que les jeunes gens surtout soient bien convaincus d’une vérité, c’est que les génies les plus vastes et les plus élevés, comme les plus spontanés et les plus naïfs, n’ont point estimé au-dessous d’eux les plus minutieuses prescriptions de l’art ; c’est qu’ils n’ont pas cru que l’étude de toutes les délicatesses du nombre nuisît aux sublimes inspirations de la pensée ; c’est qu’enfin, sans jamais sacrifier ni le sens, ni l’expression, ils ont su donner au discours les charmes de l’euphonie et du rhythme, et n’ont même négligé, dans l’occasion, aucun des embellissements variés de l’harmonie imitative.

75. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Fontenelle. (1657-1757). » pp. 110-119

Et nous, n’avons-nous pas eu belle peur pour nous-mêmes, à une certaine éclipse de soleil, qui à la vérité fut totale2 ? […] Si vous avez la vérité à dire, vous ferez fort bien de l’envelopper dans des fables ; elle en plaira beaucoup plus. Si vous voulez dire des fables, elles pourront bien plaire sans contenir aucune vérité. […] Dans son Histoire de l’Académie des sciences, qui renferme les Eloges des académiciens et passe pour le modèle du genre, Fontenelle s’est dégagé des défauts dont ne sont pas exempts ses autres ouvrages, l’affectation et la subtilité : car il y a eu, comme on l’a fort bien dit, deux hommes en lui, l’un qui, faute de ce goût élevé que le cœur inspire, s’est attiré les justes railleries de Racine, de Boileau et de La Bruyère ; l’autre, et c’est celui qui doit nous occuper, disciple de Descartes, mais sans abdiquer son indépendance, que Vauvenargues a honoré de ses éloges, dont l’esprit s’est montré vaste, lumineux, universel, et qui a peint avec vérité les physionomies de ses savants confrères, en présentant avec intérêt une analyse fidèle de leurs écrits.

76. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Balzac, 1596-1655 » pp. 2-10

À la vérité, si c’était là l’éloquence, l’opinion de ce philosophe, qui mettait la rhétorique au nombre des connaissances voluptueuses1, aurait quelque fondement. […] Un homme qui a vu et qui a écouté longtemps avec de l’attention et du dessein3, qui a fait diverses réflexions sur les vérités universelles, qui a considéré sérieusement les principes et les conclusions de chaque science, qui a fortifié son naturel de mille règles et de mille exemples, qui s’est nourri du suc et de la substance des bons livres ; un homme, dis-je, si plein, a bien de quoi débiter ; ayant tant de fonds et tant de matière de parler, il a de grands avantages quand il parle ; et personne ne peut trouver étrange que d’une infinité de hautes et de rares connaissances sortent et fleurissent les diverses grâces de ses paroles comme de leur tige et de leur racine. […] La vérité qu’on retient captive ne sortira-t-elle point par quelque endroit ? […] Des extrémités de l’Orient, il lui vient une grande lettre qui délivre la vérité opprimée, qui la venge des espions et délateurs, qui efface les odes et les panégyriques de la flatterie.

77. (1875) Les auteurs grecs expliqués… Aristote, Poétique « Commentaire sur la Poétique d’Artistote. — Chapitre VI. » pp. 89-94

Avec intention, parce que pour le plaisir et le charme de l’oreille, qu’ils recherchent presque tous, la fiction leur paraît moins sévère que la vérité. […] Voilà pourquoi Socrate, voulant se faire poëte après avoir été toute sa vie l’athlète de la vérité, et par cela même pauvre inventeur de fictions, mit en vers les fables d’Ésope, ne pensant pas qu’il pût y avoir de poésie sans fiction. » (De la Manière d’entendre les poëtes, chap.  […] Aristote trouve ici un commentateur inattendu : « La vérité du théâtre et le rigorisme du vêtement sont-ils aussi nécessaires à l’art qu’on le suppose ?

78. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — Première partie. Règles générales du style. — Chapitre Ier. Des éléments du style. » pp. 22-78

En quoi consiste la vérité des pensées ? […] Y a-t-il une différence entre la vérité et la justesse des pensées ? […] Le distique sur Didon se distingue autant par la clarté que par la vérité de la pensée. […] Les qualités générales sont la vérité et le naturel. […] La vérité est-elle nécessaire aux sentiments ?

79. (1843) Nouvelle rhétorique, extraite des meilleurs auteurs anciens et modernes (7e éd.)

Il rend la vérité sensible à tout le peuple ; il le réveille, il le pique, il lui montre l’abîme ouvert. […] Il faut maintenant plus d’art et de circonspection pour louer les juges, esclaves de la loi et de la vérité. […] Laisse-moi reposer dans le sein de la vérité, et ne viens pas troubler ma paix par la flatterie que j’ai haïe. […] Est-ce la vérité qu’elles disent ? — La vérité. » Il faut lire dans le texte même tout ce morceau ; il est simple et sublime.

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