Or, on peut avoir à peindre le temps où un événement s’est passé, le lieu où il est arrivé, l’événement lui-même, l’extérieur d’un homme ou d’un animal, et les mœurs. […] Or, la narration sera claire, si on y marque si distinctement les circonstances, les temps, les lieux, les personnes, que tout cela ne fasse qu’un tableau, où l’esprit voie tous les objets sans les confondre ; si les faits y sont racontés de suite, sans interruption et dans l’ordre réel ou probable des choses et des temps ; enfin, si l’on n’emploie que des expressions propres et usitées, mais sans recherche, sans trivialité et sans équivoque. […] … Le lion tint conseil, et dit… La fin de l’exposition est indiquée par le changement de temps. […] C’est pourquoi le narrateur devra s’efforcer d’exposer clairement les circonstances de temps, de lieux, de personnes, et de donner un lien au récit en mettant toujours en relief le personnage principal. […] Ce fait n’est point raconté dans ses détails suivant l’ordre des temps, comme dans la narration historique.
Il veut voir des défauts à tout ce qu’on écrit, Et pense que louer n’est pas d’un bel esprit, Que c’est être savant que trouver à redire, Qu’il n’appartient qu’aux sots d’admirer et de rire ; Et qu’en n’approuvant rien des ouvrages du temps, Il se met au-dessus de tous les autres gens. […] De ces mains, dont les temps ne sont guère prodigues, Tu dois à l’univers les savantes fatigues ; C’est à ton ministère à les aller saisir Pour les mettre aux emplois que tu leur peux choisir ; Et, pour ta propre gloire, il ne faut point attendre Qu’elles viennent t’offrir ce que son choix doit prendre. […] ce qu’il veut, c’est exprimer une vérité de tous les temps. […] « Le fils tressaillit, et resta quelque temps immobile. […] Nous avons d’abord le nôtre, qui est celui que nous recevons de la nature, celui qui nous sert à raisonner, suivant le degré qu’il a, qui devient ce qu’il peut, et qui ne sait rien qu’avec le temps.
Combien de temps encore serons-nous le jouet de ta fureur ? […] Tenir compte du sujet, du temps, du lieu, des dispositions des esprits, et aussi des circonstances qui peuvent fournir un sujet de début. […] Pour être claire, elle suivra l’ordre des temps et se gardera de la prolixité aussi bien que d’une concision excessive. […] Il est temps de prononcer leur arrêt, et de savoir si vous ne voulez plus avoir de miséricorde pour eux. […] Dans les verbes, les temps et les modes peuvent souvent permuter.
Les maîtres des colléges de province, auxquels manquent, la plupart du temps, les ressources littéraires que la capitale fournit en abondance, et qui attendaient un recueil de cette nature, y trouveront, outre les matériaux dont ils ont besoin, un terme de comparaison, qui excitera, ce nous semble, la curiosité et l’émulation de leurs élèves.
La Boétie 1530 1563 [Notice] Né dans le Périgord, à Sarlat, en 1530, peu de temps après la paix de Cambrai, lorsque François Ier, sans cesser d’être l’ennemi de Charles-Quint, devint son beau-frère, Étienne de la Boétie appartenait à cette génération qu’auima la ferveur de l’érudition classique. Il fit ses études à Bordeaux, en un temps où cette cité se distinguait entre toutes par la passion d’apprendre. […] Buchanan, Nicolas Grouchi, Guillaume Guérente, Marc-Antoine Muret, Élie Vinet, Jean Coste, Simon Mellanger et Gouvea que Montaigne appelait le premier principal de son temps.
Chez nous, le genre du poème didactique a été fort cultivé de tout temps, et avec succès. […] Cette distinction faite, la première règle est de donner aux personnages en général les mœurs de leur temps et de leur pays. […] Le poète grec les a peints tels qu’ils étaient de son temps. […] Le voyage se fait en descendant la Loire, et pendant ce temps il apprend beaucoup de gros mots qu’il répète en arrivant à sa destination. […] C’est, sans comparaison, le plus beau poème épique des temps modernes.
Cette loi avait, dans tous les temps, servi d’appât et d’amorce aux tribuns pour gagner la multitude et pour se l’attacher. […] combien de temps encore serons-nous-le jouet de ta fureur ? […] Il est temps de prononcer leur arrêt, et de savoir si vous ne voulez plus avoir de miséricorde pour eux. […] Cette affectation d’esprit était le goût du temps de Balzac et de Voiture. […] Le temps ne paraît pas une chose dont on puisse sortir autrement que par la mort.
Aussi a-t-il trouvé des admirateurs dans tous les temps ; et ceux même qui ne croyaient pas à sa doctrine, ont cru à son talent, par respect pour leurs propres lumières, qu’ils eussent craint de compromettre en pensant autrement. […] Or, cette prière ne demande ni science ni méthode, ni raisonnement ; ce ne doit point être un travail de tête ; il ne faut qu’un instant de notre temps et un bon mouvement de notre cœur. […] Sans doute les gens qui se piquent de répondre à tout, et qui ont surtout une objection, toujours prête pour tout ce qu’on leur présente au nom de la religion, ne manqueront pas de nous dire ici que rien de tout cela n’est bien nouveau, quant au fonds ; que les philosophes de tous les temps et de tous les lieux leur ont appris cela depuis longtemps. […] Rien ne doit le borner dans sa charité que la charité elle-même, qui n’a point de bornes, qui n’excepte ni lieux, ni temps, ni personnes ; qui ne doit jamais s’éteindre. […] Les simples lumières de la raison ont convaincu dans tous les temps les hommes de l’immortalité de leur âme ; et s’il s’en est trouvé quelquefois d’assez malheureux pour en douter, d’assez imprudents pour afficher ce doute, le mépris de leurs propres contemporains les a dénoncés d’avance à la postérité qui en a fait justice.
On reprocha dans le temps, et avec raison, au panégyriste de ce dernier de s’être mêlé fort mal à propos de discussions théologiques, étrangères à l’éloquence, et au-dessus de la portée de l’écrivain ; et d’avoir, en général, moins fait l’éloge de Fénelon, que la satire de Bossuet. […] Plus heureux dans l’éloge de Voltaire, La Harpe l’a jugé en homme de goût, et la plupart de ses décisions sont devenues des arrêts dont le temps a déjà confirmé la plus grande partie. […] Dans ces temps d’opprobre, seule elle conserva la dignité de la nature humaine : elle apprenait à vivre ; elle apprenait à mourir : et tandis que la tyrannie dégradait les âmes, elle les relevait avec plus de force et de grandeur. Cette mâle philosophie fut faite de tout temps pour les âmes fortes. […] Il voulut quelque temps être seul, soit pour repasser sa vie en présence de l’Être Suprême, soit pour méditer encore une fois avant que de mourir.
Nous avons dans l’esprit beaucoup plus de ressources que nous ne pensons : il faut avoir en soi-même quelque confiance, se mettre à l’œuvre sans trop craindre de mal faire, et se persuader que si l’on ne réussit pas tout d’abord, c’est faute d’exercice et de pratique : tout viendra avec le temps, le travail et la persévérance. […] Après s’être exercés quelque temps à reproduire un modèle, ils s’habitueront à penser par eux-mêmes ; ils n’imiteront plus que de loin ; ils pourront transporter dans un autre genre les pensées de l’auteur ; enfin ils se sentiront assez forts pour traiter sans secours tous les sujets qu’on pourra leur proposer. […] Je plains celui qui ne sait pas mieux utiliser son temps et ses loisirs. […] Lisez les poètes qui ont le mieux peint l’homme et la nature, leurs riantes images vous délasseront l’esprit ; lisez aussi les critiques célèbres, pour vous habituer à juger avec goût les œuvres littéraires ; ne dédaignez pas les orateurs et les moralistes ; ne reculez pas devant un livre sérieux : vous n’aurez pas à regretter votre temps et vos peines. […] Il faut avouer que le goût varie selon les temps, les lieux et les individus.
Nulle autre force que l’éloquence, suivant la pensée de Cicéron 1, n’a pu dans l’origine des temps, engager les hommes dispersés et féroces, à se réunir et à se civiliser. […] Quelque temps après, notre père nous dit : Retournez en Égypte, et achetez-nous des vivres. […] Et notre père votre serviteur nous dit : Vous savez que Rachela mon épouse m’a donné deux fils ; l’un étant sorti d’auprès de moi, j’ai cru qu’une bête l’avait dévoré, et je ne l’ai pas revu depuis ce temps-là. […] Mais le temps s’écoule ; le tombeau s’ouvre devant le monarque ; le tombeau l’attend et le demande : il pense donc à se remplacer auprès de son successeur. […] « Je suppose que ce soit ici notre dernière heure à tous ; que les cieux vont s’ouvrir sur nos têtes ; que le temps est passé, et que l’éternité commence ; que Jésus-Christ va paraître, pour nous juger selon nos œuvres, et que nous sommes tous ici, pour attendre de lui l’arrêt de la vie ou de la mort éternelle.
Les circonstances varient autant que les sujets ; on les tire de la personne, de la chose, du lieu, des moyens, des motifs, de la manière, du temps. […] C’est aussi ce qui fait le charme des Récits des temps mérovingiens, de M. […] Dans tout ce qu’on écrit, il faut observer les convenances, c’est-à-dire, les bienséances qui tiennent aux personnes, à l’âge, au temps, aux lieux, aux genres de composition. […] C’est par le même sophisme qu’on dit qu’une chose porte malheur, et que la lune produit des changements de temps, etc.
Une révolution philosophique qui a rendu la raison de l’histoire plus ferme ; une révolution politique qui l’a rendue plus libre ; le progrès de certaines sciences, qui lui a donné une connaissance plus complète des faits, des temps, des lieux, des hommes, des institutions ; tant d’expériences fécondes, d’événements instructifs, accumulés pour nous en un demi-siècle, des croyances abandonnées et reprises, des sociétés détruites et refaites ; les excès des peuples, les fautes des grands hommes, les chutes des gouvernements, les prodiges de la conquête et les calamités de l’invasion ; après les plus vastes guerres la plus longue paix, et l’adoration des intérêts succédant à l’enthousiasme des idées, lui ont montré les faces diverses des choses humaines, et doivent nous faire pénétrer plus avant que nos devanciers dans tous les secrets de l’histoire. […] Se servir de l’esprit de son temps pour connaître celui des autres siècles ; unir la fermeté des jugements à la fidélité des peintures ; dérouler la suite des événements en remontant à leurs causes ; montrer toute faute suivie d’un châtiment, toute exagération provoquant un retour ; assigner, dans l’accomplissement des faits, la part des volontés particulières qui attestent la liberté morale de l’homme, et l’action des lois générales de l’humanité vers des fins supérieures sous la direction cachée de la Providence : telle est aujourd’hui sa mission. […] Les anciens ne l’appelaient la dépositaire des temps que pour la rendre l’institutrice de la vie, et Polybe disait avec profondeur que si elle ne cherchait pas le comment et le pourquoi des événements, elle n’était bonne qu’à amuser l’esprit. […] Ils y verront comment le fils d’un pauvre artisan, ayant lui-même travaillé longtemps de ses mains pour vivre, est parvenu à la richesse à force de labeur, de prudence et d’économie ; comment il a formé tout seul son esprit aux connaissances les plus avancées de son temps, et plié son âme à la vertu par des soins et avec un art qu’il a voulu enseigner aux autres ; comment il a fait servir sa science inventive et son honnêteté respectée aux progrès du genre humain et au bonheur de sa patrie.
[Notice] Dans un temps où règne le goût de la littérature facile, M. […] Orso resta quelque temps immobile, n’osant éloigner de lui ces épouvantables reliques. […] Intérêt de l’histoire grecque L’histoire moderne est décidément seule en vogue parmi nous ; en France, aujourd’hui, loin d’encourager les recherches sur l’antiquité grecque et romaine, on pense qu’elles appartiennent exclusivement aux érudits, aux pédants disons le mot, et qu’elles ne s’adressent qu’aux écoliers, encore seulement pour le temps qu’ils sont condamnés au grec et au latin. […] Mérimée ajoutait : « Le temps a cruellement mutilé l’histoire de la Grèce comme toutes les autres parties de sa littérature.
L’allégorie est une métaphore continuée pendant quelque temps ; avec une allégorie on peut même faire un ouvrage entier. […] L’Hypotypose agit et parle au temps présent. […] Je les regarde plutôt comme des espèces particulières de composition, dont je parlerai quand il en sera temps. […] Combien de temps encore ta fureur osera-t-elle nous insuffler ? […] O temps !
Vous direz : mais je dois et je paierai avec le temps. […] Imaginez un peu à quoi je passe mon temps. […] Quant au temps où nous nous reverrons, la réponse n’est pas si aisée. […] D’autres temps, d’autres mœurs, je le sais ; mais n’y en a-t-il que de bonnes ? Et n’oserait-on s’enquérir si les mœurs d’un temps sont celles qu’exige le solide honneur ?
Mais le goût intellectuel demande plus de temps pour se former. […] — Ce serait, monsieur, qu’il trouvât bon que mon magnifique conseil abrégeât le temps du bannissement de mon sot mari, qui a voulu faire le bel esprit. […] Les épines attachées à la littérature et à un peu de réputation ne sont que des fleurs en comparaison des autres maux qui de tout temps ont inondé la terre. […] Si quelqu’un doit se plaindre des lettres, c’est moi, puisque dans tous les temps et dans tous les lieux elles ont servi à me persécuter. […] Je dis hautement alors ce que toutes les académies ont dit depuis, et je pris, de plus, la liberté de me moquer d’un livre très-ridicule que votre persécuteur écrivit dans le même temps.
Dès lors, en bien peu de temps, quelle succession de chefs-d’œvre, consacrée par les noms d’Horace, de Cinna, de Polyeucte, de Pompée, de Rodogune ! […] Sais-tu que ce vieillard fut la même vertu2, La vaillance et l’honneur de son temps ? […] Il s’est fallu passer à1 cette bagatelle : Alors que le temps presse, on n’a pas à choisir. […] C’est-à-dire, la vertu même : l’inversion que présente ce vers était un tour fort reçu, en prose comme en vers, du temps de Corneille. […] Langage du temps : expression que l’Espagne venait d’introduire parmi nous et qui serait aujourd’hui d’une familiarité très-déplacée.
Ouvrez, au contraire, les philosophes dont l’antiquité s’honore le plus : qu’y trouverez-vous la plupart du temps ? […] Ce n’est pas que les esprits bien faits n’aient senti et vu dans tous les temps à peu près de la même manière, et que les grands traits, les traits primitifs de la morale universelle n’aient été exposés par eux dans toute leur native simplicité. […] Mais recueillons, il en est temps, ces hautes leçons de la bouche même de la sagesse. […] De tout temps il s’est élevé des hommes qui, mettant sans façon leur sagesse prétendue à la place de la sagesse éternelle, ont soumis sans pudeur ses œuvres à leur examen, et ses jugements à leurs jugements. […] Cependant la mort vient ; le temps finit pour toi ; Présomptueux sophiste !
-C, fut l’ennemi déclaré du mauvais goût qui, de son temps, commençait à s’introduire dans l’éloquence et dans la poésie. […] Il s’agit de deux traités qui parurent à peu près dans le même temps, et dont l’un est resté plus célèbre que l’autre : le Traité des études de Rollin, et les Règles de l’éloquence, de Gibert. […] On trouve souvent dans leurs ouvrages des jugements motivés sur les œuvres des contemporains ou sur quelque point de littérature ; mais c’est, la plupart du temps, à propos d’autre chose. […] Ce que l’on appelle polémique (c’est un mot grec qui signifie propre au combat, à la discussion) consiste, la plupart du temps, en ce que des opinions critiques contraires sont soutenues par deux personnes qui jugent différemment des mêmes choses. […] Il était si peu nécessaire de recourir à des formes si acerbes envers un homme d’esprit, d’excellent ton, et membre de l’Académie française, que Boivin, qui, dans le même temps, en 1715, soutenait le même parti que madame Dacier dans son Apologie d’Homère ne se les est jamais permises.
Quelque temps après, vers 1530, l’année même où Louis Berquin fut brûlé en place de Grève, il étudiait la médecine à Montpellier, et apprenait à y connaître de près les bons tours de ces étudiants qu’il représentera au vif sous les traits de Panurge. […] S’il fustige d’importance les ridicules et les abus de son temps, il épargne ces géants dont la haute taille indique assez la puissance. […] Cela me fasche17, ie ne suis plus ieune, ie deuiens vieulx, le temps est dangereux, ie pourray prendre quelque fiebure18, me voyla affolé19. […] Mais vous n’en ouystes iamais d’vne si merueilleuse comme3 fut celle de Pantagruel ; car c’estoit chose difficile à croyre comment il creut4 en corps et en force en peu de temps. […] Et la quarte17 fut emportee des diables pour lier Lucifer qui se deschainoit en ce temps là à cause d’vne colicque qui le tormentoit extraordinairement, pour auoir mangé l’âme d’vn sergeant1 en fricassee à son desieuner.
On lui conseillait d’écrire l’histoire de son temps ; mais outre qu’il aimait sa sécurité autant que son indépendance, il avait « le style trop privé » pour une narration « équable et suivie ». […] Il égale, il surpasse les meilleurs modèles, non-seulement par son incomparable génie d’écrivain, mais parce qu’il peint l’homme de tous les temps : voilà le secret de son immortalité. […] Ie ne voyage sans livres, ny en paix, ny en guerre ; toutesfois il se passera plusieurs iours et des mois, sans que ie les employe ; ce sera tantost11, dis ie, ou demain, ou quand il me plaira ; le temps court et s’en va cependant, sans me blecer : car il ne se peult dire combien ie me repose et seiourne en ceste consideration1, qu’ils sont à mon costé pour me donner du plaisir à mon heure ; et2 à recognoistre combien ils portent de secours à ma vie. […] Elle est au troisiesme estage d’une tour11 : le premier, c’est ma chapelle ; le second, une chambre et sa suitte où ie me couche souvent, pour estre seul ; au-dessus, elle a une grande garderobbe : c’estoit, au temps passé, le lieu plus inutile de ma maison. […] Les paysans durs à la peine A veoir les efforts que Seneque13 se donne pour se preparer contre la mort, à le voir suer d’ahan1, pour se roidir et pour s’asseurer, et se debattre si long temps en cette perche2, i’eusse esbranlé sa reputation, s’il ne l’eust en mourant3 tres-uaillamment maintenuë… A quoy faire4 nous allons nous gendarmant par ces efforts de la science5 ?
Je suis partie de Paris avec l’abbé1, Hélène, Hébert et Marphise2, dans le dessein de me retirer du monde et du bruit jusqu’à jeudi au soir ; je prétends être en solitude ; je fais de ceci une petite Trappe, je veux y prier Dieu, y faire mille réflexions ; j’ai résolu d’y jeûner beaucoup pour toutes sortes de raisons, de marcher pour tout le temps que j’ai été dans ma chambre, et surtout de m’ennuyer pour l’amour de Dieu. […] Vous savez qu’une dame de vos amies vous obligea généreusement de le brûler ; elle crut que vous l’aviez fait, je le crus aussi ; et quelque temps après, ayant su que vous aviez fait des merveilles sur le sujet de M. […] Il y eut des gens qui me dirent en ce temps-là : « J’ai vu votre portrait entre les mains de madame de la Baume1, je l’ai vu. » Je ne répondis que par un sourire dédaigneux, ayant pitié de ceux qui s’amusoient à croire à leurs yeux2. « Je l’ai vu, me dit-on encore au bout de huit jours » ; et moi de sourire encore. […] mon Dieu, accordez-moi4 un peu de temps : je voudrais bien donner un échec au duc de Savoie, un mat au prince d’Orange. — Non, non, vous n’aurez pas un seul, un seul moment. » Faut-il raisonner sur cette étrange aventure ? […] Oui, beaucoup : elles sont mêlées d’aurore et de feuille morte : cela fait une étoffe admirable. » Ailleurs, voulant peindre un de ces jours d’hiver où le soleil brille, elle représente les arbres « tout parés de perles et de cristaux. » Ne sentez-vous pas l’air du printemps dans ces lignes : « Il fait un temps charmant ; nous sommes tellement parfumés de jasmins et de fleurs d’oranger que, par cet endroit, je crois être en Provence. » Mais nous n’en finirions pas, si nous voulions recueillir tous les détails pittoresques de sa correspondance.
De là, ces éternelles et fastidieuses déclamations contre la distinction indispensable des rangs dans un état monarchique, et en faveur d’un système d’égalité prétendue, qui n’a pu tenir contre l’expérience Mais dans le temps même où l’on accordait trop peut-être au rang et à la dignité, on comptait déjà quelques exemples d’oraisons funèbres, consacrées par la piété reconnaissante à des vertus qui n’avaient pas pour elles l’éclat du nom ou la splendeur de la dignité. De tout temps il y eut des hommes privilégiés, pour qui le monde même a cru pouvoir déroger à ses usages ; et il est beau que ce soit pour la vertu modeste et ignorée. […] Il est temps de faire voir que tout ce qui est mortel, quoi qu’on ajoute par le dehors pour le faire paraître grand, est par son fond incapable d’élévation ». […] C’est par ces sortes d’exercices que l’on forme son jugement et son goût : le devoir du maître est rempli, quand il a posé et développé les principes généraux ; l’application doit être l’ouvrage de l’élève, sans quoi l’un et l’autre ont perdu leur temps.
Lorsque nous avons en effet des conseils à donner ou des réprimandes à faire à quelqu’un, les simples lumières du bon sens nous indiquent qu’il y a certaines précautions à prendre ; et ces précautions, que nous prenons si naturellement, deviennent des préceptes de l’art, auxquels nous nous conformons, sans nous douter le plus souvent que cet art existe, et qu’il faut bien du temps et bien des soins, pour apprendre à faire méthodiquement ce que la nature fait si heureusement à notre insu. […] Elle sera claire, si vous ne vous servez pour chaque chose que du mot propre, et si vous distinguez nettement les temps, les lieux et les personnes. […] Mais quand tous les arguments sont également forts, également satisfaisants ; quand chacun d’eux, placé dans tout son jour, est capable de produire l’effet que l’on en attend, il est bon de les séparer par une distance raisonnable, pour laisser à l’auditeur le temps d’en apprécier la valeur. […] Du moment que l’on s’aperçoit que tous les cœurs sont émus, gardons-nous d’insister sur les plaintes ; ne laissons pas à l’auditeur le temps de se refroidir, et ne nous flattons pas surtout que personne pleure longtemps des infortunes qui lui sont étrangères.
Il nous semble, quelque heureusement doués qu’ils fussent, et si loin qu’ils aient été, qu’ils auraient pu gagner encore par le temps, la pratique et la réflexion. […] et a-t-elle été comprise de même en tout temps et par tous les rhéteurs ? […] Pour se faire une idée de la puissance de la parole à Rome, qu’on lise ce que disent Aper et Maternus dans cet excellent Dialogue des orateurs, chef-d’œuvre de raison et de style, qu’il soit de Tacite, de Quintilien, ou de tout autre, préface naturelle de tout ouvrage où il est question d’éloquence, et dont plusieurs pages semblent écrites d’hier, tant il y a de rapprochements entre notre état social et politique actuel et celui de Rome aux derniers temps de la République et aux premiers de l’Empire. […] Mais, attendu la diversité des temps et des mœurs, il n’attachera pas à l’improvisation, au débit et au geste, la haute importance qu’y mettait l’antiquité romaine.
Dans cette enfance ou, pour mieux dire, dans ce chaos du poëme dramatique parmi nous, votre illustre frère, après avoir quelque temps cherché le bon chemin et lutté, si je l’ose ainsi dire, contre le mauvais goût de son siècle, enfin, inspiré d’un génie extraordinaire et aidé de la lecture des anciens, fit voir sur la scène la raison, mais la raison accompagnée de toute la pompe, de tous les ornements dont notre langue est capable, accorda heureusement la vraisemblance et le merveilleux, et laissa bien loin derrière lui tout ce qu’il avait de rivaux, dont la plupart, désespérant de l’atteindre, et n’osant plus entreprendre de lui disputer le prix, se bornèrent à combattre la voix publique déclarée pour lui, et essayèrent en vain, par leurs discours et par leurs frivoles critiques, de rabaisser un mérite qu’ils ne pouvaient égaler1. […] Dans le temps qu’ils faisaient des préparatifs pour l’attaquer, il les a souvent réduits à la nécessité de se défendre, et leur a quelquefois enlevé trois villes pendant qu’ils délibéraient d’en assiéger une. […] De là vient que, dans un temps que toute l’Europe était en feu, la France ne laissait pas de jouir de toute la tranquillité et de tous les avantages d’une paix profonde : jamais elle ne fut si florissante, jamais la justice ne fut exercée avec tant d’exactitude, jamais les sciences, jamais les beaux-arts n’y ont été cultivés avec tant de soin. […] Corneille fait allusion à ces injustices de l’opinion publique dans une de ses Lettres, adressée à Saint-Evremond (1666), où il le remercie « de l’honorer de son estime en un temps où il semble qu’il y ait un parti pris pour ne lui en laisser aucune ».
On laissa les sciences ; on parla des nouvelles du temps ; il décida sur les nouvelles du temps. […] Il n’y eut donc plus de liberté dans les festins, de confiance dans les parentés3, de fidélité dans les esclaves : la dissimulation et la tristesse4 du prince se communiquant partout, l’amitié fut regardée comme un écueil, l’ingénuité comme une imprudence, la vertu comme une affectation qui pouvait rappeler dans l’esprit des peuples le bonheur des temps précédents. […] Voici une bien belle lettre de Ducis inspirée par la piété filiale : « Mon père était un homme rare et digne du temps des patriarches ; c’est lui qui par son sang et ses exemples a transmis à mon âme ses principaux traits et ses maîtresse formes.