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124. (1825) Rhétorique française, extraite des meilleurs auteurs anciens et modernes pp. -433

Après que vous en aurez bien embrassé l’étendue par la réflexion, pour peu que vous ayez d’habitude, rien ne vous échappera, et tout ce qui tient au fond du sujet se présentera de soi-même et viendra frapper vos yeux (De Orat., l.  […] Captiver, fixer, attacher sur l’image de la vertu, des yeux distraits, des esprits légers, des imaginations mobiles, des caractères indécis, les forcer d’en prendre l’empreinte ; tel est le genre de persuasion de l’éloquence des éloges. […] Par exemple, un cercle, lors même qu’il n’est pas devant mes yeux, se peint-il dans mon esprit, j’ai l’idée d’un cercle. […] Par elle nous pouvons nous faire des images si vives et si justes des choses absentes, qu’elles les rendent présentes et comme exposées à nos yeux. […] Il met sous les yeux le tableau de la force et de la faiblesse, de l’injure et de l’innocence ; il dit comment le fort a écrasé le faible, et comment le faible en gémissant a succombé.

125. (1853) Éléments de la grammaire française « Éléments de lagrammaire française. — Chapitre premier. Première espèce de mots.  » p. 6

Aïeul, ciel, œil, font au pluriel aïeux, cieux, yeux.

126. (1879) L’art d’écrire enseigné par les grands maîtres

Ecoutez Virgile, il le mettra devant vos yeux. […] Je comprends cela ; mais vous nous avez parlé des yeux : ont-ils leur éloquence ? […] Il se hâte de prononcer, et il ferme les yeux, parce que sa mémoire travaille trop. […] Quiconque est vivement ému voit les choses, d’un autre œil que les autres hommes. […] On s’accoutume à voir des tableaux, avec les yeux de Le Brun, du Poussin, de Le Sueur.

127. (1875) Les auteurs grecs expliqués… Aristote, Poétique « Commentaire sur la Poétique d’Artistote. — Chapitre V. » pp. 82-88

L’auteur avait aussi sous les yeux le VI e chapitre de la Poétique quand il écrivait ces lignes sur la tragédie : τραγψδία ύφαιρεΐ τά φοbερά παθήματα της ψυχής δι’ οίxτου xαì ’óτι ( ?) […] L’unité de lieu serait observée aux yeux des spectateurs, si on avait eu des théâtres dignes de Corneille, semblables à celui de Vicence, qui représente une ville, un palais, des rues, une place, etc. Car cette unité ne consiste pas à représenter toute l’action dans un cabinet, dans une chambre, mais dans plusieurs endroits contigus que l’œil puisse apercevoir sans peine. » (Commentaire sur le Cid.

128. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — Molière, (1622-1673.) » pp. 205-211

Dis-nous, fameux Mignard, par qui te sont versées Les charmantes beautés de tes nobles pensées, Et dans quel fonds tu prends cette variété Dont l’esprit est surpris et l’œil est enchanté ? […] Tu te tais, et prétends que ce sont des matières Dont tu dois nous cacher les savantes lumières, Et que ces beaux secrets, à tes travaux vendus, Te coûtent un peu trop pour être répandus; Mais ton pinceau s’explique et trahit ton silence : Malgré toi, de ton art il nous fait confidence ; Et dans ses beaux efforts, à nos yeux étalés, Les mystères profonds nous en sont révélés. […] le rein double 5 : à vrai dire, J’ai trouvé le moyen, moi seul, de le réduire ; Et sur lui, quoiqu’aux yeux il montrât beau semblant 6 Petit-Jean 7 de Gaveau ne montrait qu’en tremblant.

129. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Bernardon de Saint-Pierre 1737-1814 » pp. 203-209

Combien de fois, loin des villes, dans le fond d’un vallon solitaire couronné d’une forêt, assis sur les bords d’une prairie agitée des vents, je me suis plu à voir les mélilots dorés, les trèfles empourprés, et les vertes graminées, former des ondulations semblables à des flots, et présenter à mes yeux une mer agitée de fleurs et de verdure ! […] Les uns la regardaient sans pouvoir en détourner les yeux, d’autres mettaient leurs beaux habits, comme s’ils avaient été au moment de descendre ; il y en avait qui parlaient tout seuls, et d’autres qui pleuraient. […] La vue de mon pays, de ce pays si chéri, où des torrents de plaisirs avaient inondé mon cœur, l’air des Alpes, si salutaire et si pur : le doux air de la patrie, plus suave que les parfums de l’Orient ; cette terre riche et fertile, ce paysage unique, le plus beau dont l’œil humain fût jamais frappé ; ce séjour charmant auquel je n’avais rien trouvé d’égal dans le tour du monde ; l’aspect d’un peuple heureux et libre ; la douceur de la saison, la sérénité du climat ; mille souvenirs délicieux qui réveillaient tous les sentiments que j’avais goûtés ; tout cela me jetait dans des transports que je ne puis décrire, et semblait me rendre à la fois la jouissance de ma vie entière. »

130. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Béranger 1780-1859 » pp. 488-497

Chantre des vaincus et des morts, il sut, par des notes attendries ou légères, allier la sensibilité à l’ironie, et faire venir une larme aux yeux, un sourire aux lèvres : en célébrant la bravoure, la gloire et l’amour de la patrie, il trouva le secret d’associer dans une sorte d’idéal les mots d’Empire et de Liberté. […] Encore un coup de pinceau qui éveille sous nos yeux toute une scène rapide. […] Quand il eut bien fait voir l’héritier de ses trônes Aux vieilles nations comme aux vieilles couronnes, Eperdu, l’œil fixé sur quiconque était roi, Comme un aigle arrivé sur une haute cime, Il cria tout joyeux avec un air sublime : — L’avenir !

131. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Première partie. De l’Art de bien écrire. — Section III. De l’Art d’écrire pathétiquement. — Chapitre II. De l’Éloquence. » pp. 318-338

C’est elle sans doute qui leur mit devant les yeux l’utile et l’honnête, leur fit goûter la raison, les rendit doux et humains, cimenta parmi eux la bonne foi et la justice, les accoutuma à la subordination, et les détermina non seulement à ne pas épargner leurs peines, mais même à sacrifier leur vie pour le bien public. […] Grâces à vos exemples Ils n’ont devant les yeux que des objets d’horreur,         De mépris d’eux et de leurs temples, D’avarice qui va jusques à la fureur. […] C’est moi qui ai répondu de ce jeune homme à mon père, en disant : Si je ne vous le ramène, je consens d’être coupable à vos yeux tous les jours de ma vie. […] Seul dans ses palais immenses, il semble se survivre à lui-même : ses yeux prêts à se fermer pour toujours, n’aperçoivent, à la place de tant de fleurs moissonnées dans leur printemps, qu’une fleur à peine éclose, faible, chancelante, presque dévorée par le souffle qui avait séché, consumé tant de tiges si florissantes.

132. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Madame de Sévigné 1626-1696 » pp. 52-64

je ne puis tourner les yeux sur le passé sans une horreur qui me trouble. […] Madame d’Elbeuf3, qui demeure pour quelques jours chez le cardinal de Bouillon, me pria hier de dîner avec eux deux, pour parler de leur affliction ; madame de La Fayette y vint : nous fîmes bien précisément ce que nous avions résolu ; les yeux ne nous séchèrent pas. […] Il monta à cheval le samedi à deux heures, après avoir mangé ; et, comme il avait bien des gens avec lui, il les laissa tous à trente pas de la hauteur où il voulait aller, et dit au petit d’Elbeuf : « Mon neveu, demeurez là : vous ne faites que tourner autour de moi, vous me feriez reconnaître. » M. d’Hamilton, qui se trouva près de l’endroit où il allait, lui dit : « Monsieur, venez par ici ; on tire du côté où vous allez. — Monsieur, lui dit-il, vous avez raison ; je ne veux point du tout être tué aujourd’hui, cela sera le mieux du monde. » Il eut à peine tourné son cheval qu’il aperçut Saint-Hilaire, le chapeau à la main, qui lui dit : « Monsieur, jetez les yeux sur cette batterie que je viens de faire placer là2. » M. de Turenne revint, et dans l’instant, sans être arrêté, il eut le bras et le corps fracassés du même coup qui emporta le bras et la main qui tenaient le chapeau de Saint-Hilaire. […] Dans ce moment, le cheval s’arrête, le héros tombe entre les bras de ses gens ; il ouvre deux fois de grands yeux et la bouche, et demeure tranquille pour jamais : songez qu’il était mort, et qu’il avait une partie du cœur emportée.

133. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Sainte-Beuve. Né en 1804. » pp. 566-577

Cet hommage rendu à ce qu’il suffit d’apercevoir et de reconnaître, nous ne sortirions plus de nos horizons, et l’œil s’y complairait en mille spectacles agréables ou augustes, s’y réjouirait en mille rencontres variées et pleines de surprises, mais dont la confusion apparente ne serait jamais sans accord et sans harmonie. […] Ayons la sincérité et le naturel de nos propres pensées, de nos sentiments, cela se peut toujours ; joignons-y, ce qui est plus difficile, l’élévation, la direction, s’il se peut, vers quelque but haut placé ; et, tout en parlant notre langue, en subissant les conditions des âges où nous sommes jetés, et où nous puisons notre force comme nos défauts, demandons-nous de temps en temps, le front levé vers les collines et les yeux attachés au groupe des mortels révérés : Que diraient-ils de nous 1 ? […] C’est par les yeux, c’est par les arts encore, c’est par les débris des monuments qui ont gardé je ne sais quoi de leur fleur première et de leur éclat de nouveauté, que les Anciens, les Grecs, se sauvent le plus aisément aujourd’hui. […] Mais qu’il se rassure ; qu’il se persuade qu’ils sont excellents, et qu’il ne lui manque que le goût et la connaissance pour les mieux apprécier ; et bientôt chaque visite nouvelle lui ouvrira les yeux de plus en plus, jusqu’à ce qu’il ait appris à les admirer, jamais autant qu’ils le méritent, assez du moins pour enrichir et élargir sa propre intelligence par la compréhension de la parfaite beauté.

134. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre III. De la partie oratoire dans les Historiens anciens. Historiens grecs. »

Quoiqu’en effet tous les grands hommes qui passent sous nos yeux, dans cette immense revue de tant de siècles, n’aient pas tenu peut-être le langage que leur prête l’historien, il est clair cependant qu’il a adapté leurs discours à leur caractère connu, et que, s’il a quelquefois substitué sa pensée à la leur, il en a si bien pris l’esprit et le style en général, que nous retrouvons facilement l’un et l’autre ; et que nous oublions sans effort l’auteur qui écrit, pour n’entendre que le héros qui parle ; et ce qui le prouve d’une manière qui nous paraît sans réplique, c’est qu’à chacune de ces grandes époques qui divisent les temps, moins encore par le nombre des années, que par les progrès de la civilisation et le développement des connaissances, nous trouvons dans ces mêmes harangues un tableau fidèle et des mœurs du siècle et du caractère particulier du pays. […] D’un éclat différent mon camp frappait leur vue : Mon armée en silence à leurs yeux étendue, N’offrait de tous côtés que farouches soldats, Endurcis aux travaux, vieillis dans les combats ; Accoutumés au sang et couverts de blessures, Leur fer et leurs mousquets composaient leurs parures. […] » Je vais vous remettre sous les yeux la grandeur de votre empire, etc. » L’orateur cherche et trouve, dans l’exposé rapide des forces réelles des Athéniens, des moyens de ranimer leur constance et de soutenir leur espoir ; il achève de les enflammer par cette courte et énergique péroraison. […] L’éclat avec lequel je me suis annoncé dans les jeux olympiques, a relevé la gloire d’Athènes aux yeux des Grecs, qui croyaient cette république abattue. […] Les yeux fixés sur celui qui commande, ils savent tous se ranger sous leurs drapeaux et garder leurs rangs.

135. (1867) Rhétorique nouvelle « Deuxième partie. L’éloquence du barreau » pp. 146-

Comme si les paroles ne leur suffisaient pas pour exciter les passions, ils font parler les choses ; ils changent la tribune en un théâtre et produisent l’éloquence en scène ; ils lui donnent un appareil tragique ; ils lui mettent de vraies larmes dans les yeux ; ils la montrent traînant des lambeaux de deuil, les bras tendus vers le peuple, les cheveux longs et défaits, la poitrine ouverte et cicatrisée : ils arrachent le cœur au lieu de l’effleurer. […] Mais ces qualités ne rachètent pas à nos yeux l’absence des grands mouvements. […] Il peut aussi (l’espace le lui permet) appeler au secours de ses arguments toutes les ressources de la mise en scène : trophées conquis sur l’ennemi, vieillards suppliants, enfants éplorés, armées de clients en deuil, tout ce qui frappe les yeux, tout ce dont la vue émeut la chair et le sang, et arrache des sanglots à la multitude. […] Si l’avocat a besoin de toutes les ressources de l’art pour donner les couleurs de la vraisemblance à une cause douteuse, le simple langage du bon sens, soutenu par la dignité du caractère et par la chaleur de la conviction, suffit souvent, dans les grandes occasions, pour ouvrir les yeux de la foule à l’évidence. […] Ce n’est pas un philosophe ce Fabricius, qui montre aux Samnites ses oreilles, ses yeux, son nez, sa bouche, son gosier, son ventre, et qui leur dit : — « Tant que je tiendrai tout cela en bride, je n’aurai besoin de rien.

136. (1876) Traité de versification latine, à l'usage des classes supérieures (3e éd.) « PRÉAMBULE. » pp. -

Or, le moyen le plus simple, le plus naturel, nous disons même le moyen unique pour atteindre ce but, est de se familiariser avec les auteurs qui ont le mieux écrit en cette langue, de bien saisir le caractère propre et les formes diverses de leur style, de concevoir une idée exacte de la propriété des mots, de leur élégance, de leur disposition dans la phrase, de l’harmonie des périodes… Nous conseillons aux jeunes élèves de porter principalement leur attention sur les passages les plus saillants des modèles qu’ils auront sous les yeux, et d’en faire l’objet d’une étude toute spéciale. […] De cette manière, ils auraient sous les yeux, et mieux encore dans leurs souvenirs, un texte modèle où ils puiseraient, pour faire leurs thèmes, des expressions justes, des tournures élégantes, des inversions conformes au génie de la langue latine.

137. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Buffon. (1707-1788.) » pp. 146-152

Ses yeux sont vifs et bien ouverts, ses oreilles sont bien faites et d’une juste grandeur, sans être courtes comme celles du taureau ou trop longues comme celles de l’âne ; sa crinière accompagne bien sa tête, orne son cou et lui donne un air de force et de fierté ; sa queue traînante et touffue couvre et termine avantageusement l’extrémité de son corps : mais l’attitude de la tête et du cou contribue plus que celle de toutes les autres parties du corps à donner au cheval un noble maintien. […] Leur bec est une aiguille fine ; leurs petits yeux noirs ne paraissent que deux points brillants ; les plumes de leurs ailes sont si délicates, qu’elles en paraissent transparentes. […] Rousseau a dit, en appliquant, d’après la Bible, ces mêmes idées aux herbes des champs : « L’or des genêts et la pourpre des bruyères frappaient mes yeux d’un luxe qui touchait mon cœur et me faisait souvent redire à moi-même : Non, Salomon, dans toute sa gloire, ne fut jamais vêtu comme l’un d’eux. » 2.

138. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre IV. — Du Style. »

Il n’est effrayé ni de la contagion, ni du spectacle de toutes les infirmités humaines rassemblées sous ses yeux. […] Je vois ici deux yeux qui ont la mine d’être de fort mauvais garçons, de faire insulte aux libertés, et de traiter une âme de Turc à More. […] Ne craignez rien, nos yeux n’ont point de mauvais desseins, et votre cœur peut dormir en assurance sur leur prud’homie. […] Quel vaste, quel pompeux spectacle Frappe mes yeux épouvantés ! […] Bonnet de femme, dont la garniture retombe sur les yeux.

139. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XXV. des figures. — figures par développement et par abréviation  » pp. 353-369

Il cite comme exemple de paraphrase les vers d’Iphigénie : Ce destructeur fatal des tristes Lesbiens, Cet Achille, l’auteur de tes maux et des miens, Dont la sanglante main m’enleva prisonnière, Qui m’arracha d’un coup ma naissance et ton père, De qui jusques au nom tout doit m’être odieux, Est de tous les mortels le plus cher à mes yeux ; et comme exemple d’épiphrase les deux derniers vers de ce passage de Phèdre : Et puisse ton supplice à jamais effrayer Tous ceux qui, comme toi, par de lâches adresses, Des princes malheureux nourrissent les faiblesses, Les poussent au penchant où leur cœur est enclin, Et leur osent du crime aplanir le chemin, Détestables flatteurs, présent le plus funeste Que puisse faire aux rois la colère céleste ! […] Mais j’appelle pléonasme le mot d’Orgon : Je l’ai vu, dis-je, vu, de mes propres yeux vu, Ce qu’on appelle vu…112 et l’imprécation de Camille : Puissé-je de mes yeux y voir tomber la foudre ! […] Il faut donc dire, je l’ai vu de mes yeux, je l’ai oui de mes oreilles, pour ne laisser aucun sujet de douter que cela ne soit ainsi.

140. (1897) Extraits des classiques français, seizième, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours moyens. Première partie : prose. [Seizième siècle] « XVIe siècle — Prose — Amyot, 1513-1593 » pp. -

Si3 gaigna le devant4 et se jetta en franchise dedans une eglise5, avant que les autres le peussent atteindre, excepté un jeune homme nommé Alcander, lequel n’estoit point au demourant6 de mauvaise nature, sinon qu’il estoit un peu prompt à la main7, et cholere ; et poursuivant Lycurgus de plus près que les autres, ainsi comme8 il se cuida9 retourner devers luy, il luy donna un coup de baston sur le visage, dont10 il lui creva un œil. Mais pour cela Lycurgus ne fleschit11 point, ains12 se presenta la teste levée à ceux qui le poursuivoient, leur montrant son visage tout ensanglanté, et son œil crevé : dont13 ilz eurent tous si grande honte, qu’il n’y eut celuy1 d’entre eux qui ozast ouvrir la bouche pour parler contre luy : ains au contraire luy livrerent entre ses mains2 Alcander, qui l’avoit frappé, pour en faire punition telle que bon luy sembleroit, et le convoyerent3 tous jusques en sa maison, monstrant qu’ilz estoient bien marris de son inconvenient4. […] Car ainsi comme les citez qui par guerres ordinaires avec leurs proches voisins, et continuelles expeditions d’armes, ont appris à estre sages, aiment les justes ordonnances, et le bon gouvernement : aussi ceux qui par quelques inimitiez ont esté contraints de vivre sobrement et se garder de mesprendre15 par negligence, et par paresse, et faire toutes choses utilement et à bonne fin, ceux la ne se donnent de garde, que16 la longue accoustumance, petit à petit, sans qu’ils s’en apperçoyvent, leur apporte une habitude de ne pouvoir plus pecher, et embellir leurs meurs d’innocence, pour peu que la raison y mette la main : car ceux qui ont tousjours devant les yeux ceste sentence, Le Roy Priam et ses enfants à Troye Certainement en meneroient grand joye1, cela les divertit et destourne bien des choses dont les ennemis ont accoustumé de se resjouïr et de se mocquer.

141. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature à l’usage des séminaires et des colléges rédigé d’après les meilleurs critiques anciens et modernes par M. l’abbé A. Piron. Chanoine, Vicaire général, Membre de l’Académie des Arcades, ancien Professeur de littérature. » pp. 1-12

Le traité du Style, comme celui de la Poésie, présente, à mes yeux, de nombreux avantages sur tous les ouvrages de ce genre. […] Sans négliger les sages préceptes et les admirables modèles de l’antiquité, il a eu le bon esprit d’initier ses élèves aux beautés incomparables de la sainte Écriture, de leur développer les règles et de placer sous leurs yeux les sublimes inspirations de l’éloquence sacrée. […] Je l’ai feuilleté d’une main fiévreuse et je l’ai dévoré d’un œil avide.

142. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Première partie. De la poésie en général — Chapitre III. De la forme extérieure de la poésie » pp. 22-70

Il faut, de plus, que la rime frappe les yeux, c’est-à-dire que les deux finales présentent les mêmes caractères ou des caractères équivalents : par exemple : sultan ne rime point avec instant ; mais instant et attend riment ensemble. […] Ici la rime n’étant que pour les yeux, est tout à fait insuffisante. […] : Quel astre à nos yeux vient de luire, Quel sera, quelque jour, cet enfant merveilleux ? […]         Qui pourra, grand Dieu, pénétrer         Ce sanctuaire impénétrable, Où tes saints inclinés, d’un œil respectueux, Contemplent de ton front l’éclat majestueux ? […] Dans ses yeux la flamme étincelle, Et le glaive brille en ses mains.

143. (1872) Recueil de compositions françaises pour préparer au discours latin les candidats au baccalauréat ès-lettres. Première série

Toutes tes actions devaient avoir un seul but, celui de me plaire ; former un projet important, sans me le communiquer, aurait dû paraître un crime à tes yeux. […] Maintenant, tu restes devant moi les yeux baissés, réduit au silence plutôt par les remords que par la convention faite entre nous !. […] La faute que je ferais en acceptant vos offres serait encore moins excusable, puisque je n’ai pas même devant les yeux ces espérances flatteuses dont l’illusion pourrait me séduire. […] À cette nouvelle, les pleurs coulèrent de tous les yeux, les gémissements retentirent de toutes parts. […] Mais il n’est pas de secret que ne pénètre l’œil d’un souverain, quand il est intéressé à le connaître ; et la maison fut si bien entourée de sentinelles, que la fuite était impossible.

144. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre IV. Continuation du même sujet. Historiens latins. »

Mais ce défaut (si c’en est un) est si heureusement compensé par des beautés du premier ordre, par ces développements profonds du cœur humain, par cette abondance de pensées fortes ou sublimes qui mettent le héros tout entier sous les yeux du lecteur, que l’on pardonne volontiers à l’historien de prendre la parole, et de se mettre à la place d’un personnage qui n’eût pas toujours été capable de parler aussi bien. […] Puissé-je de mes yeux y voir tomber la foudre, Voir ses maisons en cendre, et tes lauriers en poudre, Voir le dernier Romain à son dernier soupir, Moi seule en être cause, et mourir de plaisir ! […] Jusqu’ici, mon âme a été cachée à vos yeux ; mais à ses opérations, vous reconnaissiez qu’elle existait. […] Si quelqu’un d’entre vous désire de toucher encore ma main, ou de voir encore dans mes yeux un reste de vie, qu’il approche. — Invitez les Perses et nos alliés à se réunir autour de mon tombeau, pour me féliciter tous ensemble de ce que je serai désormais dans un état sûr, à l’abri de tout événement fâcheux. […] ne souille point, ne laisse point souiller les yeux de ton père d’un pareil spectacle !

145. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre IX. De quelques autres figures qui appartiennent plus particulièrement à l’éloquence oratoire. »

Nos chutes se cachent sous l’obscurité de notre destinée ; mais qu’offrirait notre vie aux yeux du public, si elle était en spectacle comme la leur ? […] Fléchier, par exemple, dans l’oraison funèbre de Turenne : « N’attendez pas de moi, Messieurs, que j’ouvre à vos yeux une scène tragique ; que je vous montre ce grand homme étendu sur ses propres trophées ; que je vous découvre ce corps pâle et sanglant, auprès duquel fume encor la foudre qui l’a frappé ; que je fasse crier son sang comme celui d’Abel ; que je rassemble à vos yeux les tristes images de la Religion et de la Patrie éplorées.

146. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Prosper Mérimée. Né en 1803. » pp. 558-565

Au bout de quelques minutes, Colomba se leva, l’œil sec, mais la figure animée. […] Nous avons lu Hérodote et Thucydide lambeau par lambeau, comme on lit maintenant un roman feuilleton, oubliant le chapitre de la veille, et comprenant à moitié celui que nous avions sous les yeux. […] Oui, nous le voyons, ma fille ; et la joie de cette heureuse arrivée fait que les larmes nous coulent des yeux. » Ici, comme dans Colomba, le sentiment fraternel s’unit au sentiment filial ; car le frère d’Électre sera aussi le vengeur de son père.

147. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre II. Du Sublime dans les Choses. »

Telles sont ces plaines où l’œil ne rencontre point de limites, la voûte du ciel ou l’étendue sans bornes de l’Océan. […] Une plaine immense a sans doute quelque chose d’imposant ; mais une montagne, dont nos yeux mesurent à peine la hauteur ; mais un précipice, une tour élevée, d’où nous considérons les objets qu’elle domine, excitent une sensation bien plus vive.

148. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre IV. Éloge de Trajan, par Pline le jeune. »

Nous sommes toujours excusés à vos yeux, et nous devons l’être sans doute ; car vous savez assez que chacun de nous s’estime d’autant plus qu’il vous voit et vous fréquente davantage ; et c’est encore une raison pour vous de vous prêter avec une nouvelle indulgence à ce plaisir toujours nouveau. […] Lui-même ne se présentait que sous un aspect formidable, l’orgueil sur le front, la fureur dans les yeux, la pâleur d’une femme sur tout son corps : personne n’osait l’aborder, ni percer les ténèbres où il se retranchait. — Cependant dans ces mêmes murailles, dont il s’était fait un rempart, il enferme avec lui la vengeance et la mort ; et le dieu qui punit le crime l’y poursuivit et l’y atteignit enfin ».

149. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre VII. De l’Harmonie imitative. »

Le poète va plus loin, et prouve, par l’exemple et avec le style de Virgile, qu’il a suffi d’ouvrir les yeux et d’observer la nature, pour arriver à cette fidélité d’expression imitative. […] Mes yeux virent Sisyphe, et cette énorme pierre, Qu’avec de longs efforts il roulait sur la terre ; Son corps demi-penché, ses bras forts et nerveux Poussaient au haut du mont ce rocher raboteux. […] Pope sans doute avait sous les yeux les vers que nous venons de citer, quand il fit ceux-ci, où il a déployé tant de richesse et de vérité d’expression : Soft is the strain, when Zephyr gently blows, And the stream in smoother number flows ; But when loud billows lash the sounding shore, The hoarse, rough verse should like the torrent roar.

150. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre premier. de la rhétorique en général  » pp. 13-23

Quiconque est vivement ému voit les choses d’un autre œil que les autres hommes. » Or, pourquoi la faculté de saisir et de formuler les rapports, commune à divers degrés, organiquement ou accidentellement, à tous les hommes, ne pourrait-elle pas, comme les autres, se développer par l’exercice ? L’œil s’exerce à connaître l’étendue et la distance dans les corps, l’alliance et les contrastes dans les couleurs ; l’oreille, à distinguer le plus ou moins d’éloignement, d’intensité, d’harmonie ou de discordance des sons ; le goût et le tact, à apprécier la nature et les degrés de la saveur, l’aspérité ou le mœlleux des surfaces ; tout le monde convient qu’il faut longtemps regarder pour voir, et écouter pour entendre. […] Les véritables auteurs de l’art sont donc les orateurs ; mais nous devons pourtant quelque reconnaissance à ceux qui ont aplani les difficultés ; car toutes les vérités que, grâce à leur génie, les orateurs ont découvertes une à une, les rhéteurs nous ont épargné la peine de les chercher et les ont rassemblées sous nos yeux. » Tous ceux qui écrivent reconnaissent d’ailleurs qu’il est dans leur art, comme dans tous les autres, certains procédés de composition, certains secrets de métier, une sorte de mécanisme littéraire, que l’on ne devine point, que l’on n’apprend qu’à l’user, après bien des essais et des tâtonnements.

151. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Racine. (1639-1699.) » pp. 83-90

Il en avait d’autres qui, bien que moins éclatantes aux yeux du public, ne sont peut-être pas moins dignes de nos louanges, je veux dire, homme de probité et de piété, bon père de famille, bon parent, bon ami. […] Quand il a pu voir une chose par ses yeux, il ne s’est point fié aux yeux d’autrui.

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