Les plans d’études les plus récents de l’enseignement secondaire ont établi qu’il serait fait usage, dans toutes les classes des lycées et des colléges, pour que la connaissance de notre langue et de notre littérature y fût plus répandue et plus approfondie, de recueils de morceaux choisis, empruntés à nos meilleurs écrivains, prosateurs et poëtes, à ceux que nous pouvons appeler nos classiques. […] « C’est en lisant beaucoup, plutôt qu’en lisant beaucoup d’auteurs, qu’il convient de former son esprit et de donner de la couleur à son style… Notre intention, pour nous… a été que de choisir un petit nombre d’écrivains, les plus remarquables de tous.
Tenez, voilà vos pinceaux, vos crayons : Reprenez tout, j’abandonne sans peine Votre Hélicon, vos bois, votre Hippocrène3, Vos vains lauriers d’épine enveloppés, Et que la foudre a si souvent frappés4 ; Car aussi bien5, quel est le grand salaire D’un écrivain au-dessus du vulgaire ? […] Et quel honneur peut espérer de moins Un écrivain libre de tous ces soins, Que rien n’arrête, et qui, sûr de se plaire, Fait, sans travail, tous les vers qu’il veut faire ?
C’est ainsi que ce qui concerne le style poétique, l’épigramme, le madrigal, le sonnet, la pastorale, la fable, est tiré en grande partie des Principes Littéraires du savant distingué, dans lequel Delille aimait à reconnaître le grammairien habile, le dissertateur ingénieux, l’écrivain élégant et correct, le littérateur estimable et judicieux. Parmi les autres écrivains que nous avons mis à contribution, nous citerons Rollin, Marmontel, La Harpe, Blair, Lowth, Lemercier, Domairon, Chateaubriand, Schlegel, Schœl ; MM.
Les écrivains même les plus indépendants et les plus méditatifs y ont recours. […] Les semblables et les contraires sont aussi des lieux favoris des écrivains de notre époque. […] Vienne l’habitude, l’écrivain y recourra instinctivement et sans peine, comme le marchand expérimenté retrouve, les yeux fermés, les divers objets de son commerce, selon les diversités de la demande.
Ceux qui ont défini l’éloquence l’art de persuader, n’en ont donné qu’une idée incomplète et inexacte ; car, comme nous venons de le dire, l’art ne fait pas toute l’éloquence ; elle suppose toujours l’émotion éprouvée et transmise aux autres ; de plus, elle n’a pas toujours pour effet la persuasion : le poète, l’écrivain, l’orateur, peuvent être éloquents sans persuader, et persuader sans être éloquents. […] C’est une heureuse pensée qui excite l’émulation des écrivains, l’intérêt du public, et agrandit le domaine de l’éloquence. […] Il y a de l’éloquence partout où le style s’anime et prend l’empreinte de l’émotion de l’écrivain.
Oui, monsieur, que l’ignorance rabaisse tant qu’elle voudra l’éloquence et la poésie, et traite les habiles écrivains de gens inutiles dans les États, nous ne craindrons point de le dire à l’avantage des lettres et de ce corps fameux dont vous faites maintenant partie, du moment que des esprits sublimes, passant de bien loin les bornes communes, se distinguent, s’immortalisent par des chefs-d’œuvre comme ceux de M. votre frère, quelque étrange inégalité que, durant leur vie, la fortune mette entre eux et les plus grands héros, après leur mort cette différence cesse. […] Il est donc juste que les sciences, que les beaux-arts s’emploient à éterniser la mémoire d’un prince à qui ils sont tant redevables : il est juste que les écrivains les plus illustres le prennent pour objet de toutes leurs veilles ; que les peintres et les sculpteurs s’exercent sur un si noble sujet2. […] On remarquera cette admiration, ce goût de l’antiquité, qui, comme l’a déjà indiqué un trait de ce même discours, ont éclairé et soutenu la marche de nos plus grands écrivains.
Aussi, plus on mettra de cet esprit mince et brillant dans un écrit, moins il aura de nerf, de lumière, de chaleur et de style ; à moins que cet esprit ne soit lui-même le fond du sujet, et que l’écrivain n’ait pas eu d’autre objet que la plaisanterie ; alors l’art de dire de petites choses devient peut-être plus difficile que l’art d’en dire de grandes. Rien n’est plus opposé au beau naturel que la peine qu’on se donne pour exprimer des choses ordinaires ou communes d’une manière singulière ou pompeuse ; rien ne dégrade plus l’écrivain. […] Ces écrivains n’ont point de style, ou, si l’on veut, ils n’en ont que l’ombre : le style doit graver des pensées ; ils ne savent que tracer des paroles.
Bientôt il arriva que ces mots, dotés d’un nouveau sens, devinrent un des plus beaux ornements du langage ; les écrivains et les poètes surtout les semèrent dans leurs compositions, comme autant de pierres précieuses dont ils embellirent et enrichirent leur style. […] Il existe encore une espèce de répétition qui donne beaucoup de précision et de grâce à la phrase ; elle est assez fréquente chez les écrivains. […] Gradation La Gradation arranges les mots et les pensées selon leur degré de force ou de faiblesse ; l’écrivain s’élève de pensée en pensée jusqu’à ce qu’il soit arrivé au plus haut degré d’expression et d’énergie. […] Description La Description, l’une des plus brillantes formes du style, est celle qui se représente le plus souvent chez les écrivains. […] Les écrivains tirent un admirable parti de cette figure, qui nous représente leurs pensées sous différentes formes.
C’est un corps animé d’une infinité de passions différentes, qu’un homme habile fait mouvoir pour la défense de la patrie : c’est une troupe d’hommes armés qui suivent aveuglément les ordres d’un chef, dont ils ne savent pas les intentions : c’est une multitude d’âmes, pour la plupart viles et mercenaires, qui, sans songer à leur propre réputation, travaillent à celle des rois et des conquérants : c’est un assemblage confus de libertins, qu’il faut assujétir à l’obéissance ; de lâches qu’il faut mener au combat ; de téméraires, qu’il faut retenir ; d’impatients, qu’il faut accoutumer à la confiance, etc. » Malgré le respect dû au nom de Fléchier, et surtout à l’oraison funèbre de Turenne, son plus bel ouvrage, qui ne voit, dans le premier de ces deux morceaux, le véritable orateur, l’écrivain plein de son sujet ; et, dans le second, le rhéteur presque uniquement occupé du soin d’assembler et de faire contraster des mots ? […] On sait que l’art des contrastes habilement saisis et rendus heureusement, est un des grands moyens du style de Voltaire, et que personne n’a tiré parti comme lui de cette ressource, également ouverte cependant à tous les écrivains.
Si l’écrivain a bien médité son sujet, s’il s’est fait un plan, « il s’apercevra aisément, dit Buffon, de l’instant auquel il doit prendre la plume ; il sentira le point de maturité de la production de l’esprit ; il sera pressé de la faire éclore ; il n’aura même que du plaisir à écrire ; la chaleur naîtra de ce plaisir, se répandra partout, et donnera de la vie à chaque expression ; tout s’animera de plus en plus ; le sentiment se joignant à la lumière, l’augmentera, la fera passer de ce qu’on a dit à ce qu’on va dire, et le style deviendra intéressant et lumineux. » Il est donc important de profiter de ce premier mouvement de verve qui suit la méditation ; il est ordinairement fécond en sentiments vifs, en pensées nobles et élevées ; c’est une flamme qui est d’autant plus précieuse qu’elle dure moins longtemps. […] C’est ainsi qu’en ont usé tous les grands écrivains qui ont voulu arriver à la perfection.
S’il a poussé parfois ses principes jusqu’à l’absurde, si le raisonnement n’est pas toujours chez lui la raison, on admire l’écrivain, même quand on résiste au penseur. […] L’écrivain vise trop ostensiblement à un effet de terreur.
Villemain une page d’excellente critique sur cet épisode : « Ces trois périodes, dit l’éminent écrivain, présentent tout le tableau de l’histoire du monde. […] Villemain dit à ce sujet : « Si nul publiciste n’a plus de sens et de justesse que lui, nul écrivain aussi n’a plus de trait et de saillie. » Il faut même ajouter que sa vive expression, son tour ingénieux et pittoresque, ont trompé beaucoup de lecteurs sur le sérieux et la solidité de ses réflexions. […] Walckenaer : « Seul il eût suffi à la gloire de cet écrivain, et il a donné seul la mesure de la force et de la grandeur de son génie. » Voici en quels termes Rivarol, ce grand improvisateur, a parlé aussi de Montesquieu (voy. la Revue des deux mondes, 1er juin 1849) : « Son regard d’aigle pénètre à fond les objets, et les traverse en y jetant la lumière.
Jamais écrivain ne se piqua toutefois moins que lui de prétentions ambitieuses : il ignora assez longtemps que la nature l’eût créé poête, et elle était sa simplicité, qu’il sembla dans la suite, en produisant ses plus grandes beautés, obéir à une sorte d’instinct supérieur. […] Ajoutons que sur La Fontaine, ainsi que sur la plupart des écrivains de l’époque classique, on recourra avec beaucoup de fruit aux deux Histoires de la littérature française qu’ont fait paraître MM. […] Joachim du Bellay et Henri Estienne ont beaucoup recommandé ce tour, et Amyot l’a souvent imité des auteurs qu’il traduisait ; mais, si l’on excepte quelques écrivains qui ne répudièrent pas l’héritage du seizième siècle, on peut regretter que l’on ait depuis trop peu usé de cette forme qui donne de l’aisance et de la vigueur au langage.
Les grands écrivains de cette époque ont l’air d’être ses contemporains. […] Qui ne s’est figuré, avec délices, une petite retraite bien sûre, bien modeste, où l’on n’aurait plus à s’occuper que du beau et du vrai en eux-mêmes, où l’on ne verrait plus les hommes et leurs passions, les affaires et leurs ennuis, l’histoire et ses terribles agitations, qu’à travers ce rayon de pure lumière que le génie des grands écrivains a répandu sur tout ce qu’il représente ?
Moins heureux aujourd’hui, l’écrivain qui lie essentiellement un cours de littérature à un cours de morale, trouve à chaque pas une erreur à réfuter, ou un obstacle quelconque à vaincre. […] Quoique le mérite de l’orateur et de l’écrivain, dit M. de La Harpe, en traitant ce même sujet, soit particulièrement ce qui doit nous occuper ici, on ne peut se dissimuler, cependant, que le degré d’attention et d’intérêt pour le talent lui-même dépend surtout du degré de respect pour les choses, et, pour tout dire en un mot, du degré de croyance ou d’incrédulité.
Les auteurs de discours prononcés s’appellent des orateurs ; les auteurs d’écrits sont des écrivains : les uns et les autres, eu égard à la forme de langage qu’ils emploient, sont des prosateurs. […] Ainsi nous distinguons parmi les auteurs : 1º les prosateurs, comprenant les orateurs et les écrivains ; 2º les poètes.
Plusieurs de nos grands écrivains ont donné les règles de l’art dont ils nous fournissent aussi les exemples. […] Les réflexions de nos meilleurs écrivains sont venues comme d’elles-mêmes se ranger dans les divisions établies par ce philosophe. […] Dans tous les genres, naïf, familier, sublime, ces qualités distinguent les grands écrivains. […] Les défauts des grands écrivains sont tout ce que les auteurs médiocres en imitent. […] L’affectation de ce style épigrammatique, inconnu aux bons écrivains de l’antiquité, est le défaut dominant de Sénèque.
J’excuse pourtant dans les narrations infinies du xviie et du xixe siècles, quand de nouveaux personnages ont surgi à chaque chapitre, quand mille intrigues se sont croisées et compliquées, quand la moralité à recueillir de l’ouvrage demande un résumé final pour être mise dans tout son jour, j’excuse, il le faut bien, l’épilogue, ou ce que nos écrivains burlesques nomment la postface. […] Le développement de ces préceptes démontre que la disposition ou l’art d’ordonner les idées n’est pas moins essentielle à l’écrivain que l’invention et l’élocution, qui l’aident l’une à les découvrir, l’autre à les formuler. […] Ce que le pur et judicieux écrivain dit ici de la tragédie s’applique parfaitement au roman, au poëme et à toute espèce d’ouvrage.
C’est que si l’antithèse déplacée est un vice, elle est un vice aimable et décevant, dulce vitium, disait Quintilien à propos de Sénèque ; qu’en conséquence, beaucoup d’écrivains et des plus ingénieux se sont laissé prendre à ses charmes, qu’ils ont torturé les choses pour rapprocher les mots, qu’ils ont abusé de l’antithèse, comme d’autres de l’ellipse, de la métaphore, de l’hyperbole, de la périphrase, choses également bonnes en soi, et qu’enfin la peur de l’abus a fait proscrire l’usage ; c’est que, d’une autre part, le tour de phrase, dans l’antithèse, étant toujours le même, cette symétrie incessante amène l’uniformité, que de l’uniformité naît toujours l’ennui, et qu’on pardonne tout plutôt que l’ennui. […] Quand un écrivain dit, ou du moins paraît dire le contraire de ce qu’il pense, quand il conseille, prescrit, ordonne même le contraire de ce qu’il veut, quand il prétend ne pas énoncer ce qu’en effet il énonce, s’adresser à l’un quand il s’adresse réellement à l’autre, ne reconnaît-on pas dans tous ces contrastes entre l’expression et la pensée une antithèse interne, en quelque sorte, qui mérite notre attention ? […] Il est bien certain que tout écrivain veut méditer l’amour du public et éviter la censure ; eh bien !
En revanche, notre plus vif plaisir a été de signaler les pages où l’homme se montre sous l’écrivain, où le style est la personne même trahissant son caractère, et laissant parler son cœur avec ce naturel, cet abandon, cette bonne foi qui ne sent ni l’encre ni le papier. […] Aussi avons-nous essayé d’esquisser des portraits, ou du moins (car ce mot serait trop ambitieux), d’indiquer avec choix ce qu’il y a de plus expressif dans la physionomie littéraire ou morale de chaque écrivain.
Cet ouvrage définitif participe à la perfection des écrivains qu’il analyse. […] Le profit des bonnes études Pour que la culture de l’esprit produise ses fruits excellents, il faut entendre la langue des écrivains de génie.
On leur a trouvé à tous deux des défauts, mais on n’a pas vu ou dit encore que ces défauts, en apparence si opposés, sont exactement les mêmes, et tiennent, dans l’un comme dans l’autre écrivain, à la manie de sortir du ton de son sujet. […] Veut-on voir Descartes et Newton comparés par un écrivain capable de les entendre, et de les apprécier par conséquent ?
Comme il l’a dit, il puise dans l’écritoire de chaque écrivain l’encre dont il se sert pour parler de lui. […] Sainte-Beuve suppose que Montaigne est escorté jusqu’à sa dernière demeure par tous les écrivains qui ont hérité, plus ou moins, de son esprit et de ses sentiments.
La Harpe était trop sage dans ses compositions, trop correct dans son style, pour ne pas être révolté à chaque instant du style et de la morgue de Thomas ; et quoique La Harpe ne soit pas, comme orateur, un de nos premiers écrivains, il y aura toujours une distance prodigieuse entre l’éloge du Dauphin, par exemple, et celui de Fénelon. On reprocha dans le temps, et avec raison, au panégyriste de ce dernier de s’être mêlé fort mal à propos de discussions théologiques, étrangères à l’éloquence, et au-dessus de la portée de l’écrivain ; et d’avoir, en général, moins fait l’éloge de Fénelon, que la satire de Bossuet. […] Thomas était le plus honnête, le plus vertueux des hommes ; et ce même écrivain, dont la morgue et l’emphase sont, en général, les caractères distinctifs, avait dans sa conduite et dans ses mœurs la simplicité d’un enfant.
C’est d’ailleurs un de ceux dont on a le plus souvent donné la théorie, bien qu’il soit le plus indépendant des règles, le plus varié, le plus capricieux dans son allure, le seul qui permette à l’écrivain de laisser courir sa plume la bride sur le cou, comme disait madame de Sévigné. […] « L’éloquence, selon un écrivain contemporain, est un vêtement qui subit, plus qu’on ne se l’imagine, les variations de la mode. Tantôt elle ira jusqu’à la déclamation, sans exagérer ; tantôt elle se contentera de discourir, sans sécheresse. » En général l’amplification est admissible, même en excédant la vérité, lorsque c’est l’enthousiasme ou la passion qui exagère, et que l’orateur ou l’écrivain s’expriment comme ils sentent.
Les Pensées, quoique restées imparfaites, ont mis le comble à la gloire de Pascal comme écrivain. […] Aujourd’hui, sans accorder absolument à Bourdaloue, comme on l’a fait quelquefois, la prééminence sur tous les sermonnaires, on lui conservera une place parmi nos prédicateurs et nos écrivains les plus distingués. […] Ce n’est pas tout ; car si ces miracles étaient supposés, les juifs, à qui il importait tant de découvrir l’imposture, et qui ne manquaient pas alors d’écrivains célèbres, n’eussent-ils pas pris soin d’en détromper le monde ? […] C’est de cette source qu’est sorti ce nombreux essaim d’écrivains excellents en tout genre qui ont fait l’ornement du siècle de Louis XIV, et qui brillent encore aujourd’hui. […] Vous verrez que nos bons écrivains, Fénelon, Bossuet, Racine, Despréaux362, employaient toujours le mot propre.
Un écrivain du plus grand mérite, l’auteur du Génie du Christianisme, a rapproché plusieurs morceaux d’Homère et de la Bible, et cet endroit n’est pas le moins intéressant de son ouvrage. […] Il est certain que les poètes hébreux ont fait ce que font, ce que doivent faire les écrivains qui transportent dans leurs ouvrages la nature telle qu’elle s’offre à leurs yeux, et font, dans ce qui les environne, le choix des accidents les plus heureux, des rapports les plus harmoniques.
C’est donc par de sérieuses études que l’écrivain doit se préparer à l’histoire. […] Analyser avec goût les auteurs, soumettre les ouvrages à une critique judicieuse et impartiale, étudier le caractère des écrivains, l’influence qu’ils ont reçue de leur siècle, celle qu’ils ont exercée sur lui à leur tour ; constater les progrès de la pensée et de la langue mêler à cette étude des observations justes et profondes sur les mœurs, le goût et l’art d’écrire : tel est l’objet multiple de l’histoire littéraire.