Mais rarement les peuples se laissent conduire par la seule lumière de la raison. […] a-t-il eu raison ? […] Mais ce n’est pas la raison qui domine chez les peuples, c’est l’imagination. […] Je ne trouve qu’un mot pour définir le caractère de son génie : Démosthène, c’est la raison passionnée. […] Ce que le savant voit avec la raison, l’orateur le voit avec les yeux du corps.
Boileau a eu raison d’appeler la poésie l’art des vers, mot excellent qu’il faut se garder de réduire à un sens étroit et exclusif. […] — Avec Horace et Boileau, la poésie didactique exprime dans l’épître les conseils de la raison, en bon sens et du goût, en vers qui ne s’oublient jamais. […] Celle-ci se trouve partout, jusque dans le reste et dans le regard, à plus forte raison dans un mot ou dans un cri du cœur. […] Fénelon se plaint, avec raison, des scrupules exagérés qui rendraient incompatibles la noblesse du style et la vérité. […] Allier des objets et des termes incohérents, c’est une faute choquante de raison et de goût.
Ces sortes d’oppositions qui terminent une comparaison par une circonstance plus grande que toutes les autres, sont imitées du chantre de l’Iliade, et l’on regrette, avec raison, que Voltaire n’ait pas pris plus souvent, dans sa Henriade, ce véritable ton de l’épopée. La concision et la simplicité sont essentielles au sublime, et la raison en est évidente. […] Addisson observe, avec raison, qu’il n’y a pas une circonstance ici qui ne soit sublime. […] Mais si le goût y condamne avec raison des fleuves rendus rapides par le débordement des parricides ; des montagnes de morts qui se vengent eux-mêmes ; des troncs qui exhalent de quoi faire la guerre aux vivants, etc., cette description ne serait-elle pas bien au-dessous de son sujet, renfermée, comme le voulait Voltaire, dans ces deux vers secs et mesquins : Le destin se déclare, et le droit de l’épée, Justifiant César, a condamné Pompée. […] On vient de voir, par les vers que j’ai cités, et l’on jugera mieux encore par ceux que je citerai dans la suite, de quel côté se trouvaient ici la justice et la raison.
La poésie, revêtue d’un langage mesuré, précède partout la prose, comme l’art précède l’industrie : la cause en est que l’imagination et le sentiment parlent chez l’homme avant la raison. […] La prose est le langage libre, sans règle ni mesure fixe : on l’emploie surtout dans les genres de composition où domine la raison positive. […] La lecture, l’étude, la comparaison, prêtent à l’imagination ce qui lui manque réellement ; elle peut même sortir tout à fait du monde réel pour s’élancer dans le monde de la fantaisie, où elle échappe aux lois positives de la raison. […] Pourtant l’imagination est plus sûre de son effet quand elle ne sort pas de la réalité, quand la raison la guide, quand elle rend fidèlement la nature. […] Michel-Ange avait donc raison de dire que la poésie est le plus beau des arts : l’art, en effet, n’existe point, si la poésie ne le couronne de son auréole.
A nos yeux attentifs que le spectacle change : Retournons sur la terre, où jusque dans la fange L’insecte nous appelle, et, certain de son prix, Ose nous demander raison de nos mépris2… De l’empire de l’air cet habitant volage, Qui porte à tant de fleurs son inconstant hommage Et leur ravit un suc qui n’était pas pour lui, Chez ses frères rampants qu’il méprise aujourd’hui, Sur la terre autrefois traînant sa vie obscure, Semblait vouloir cacher sa honteuse figure. […] Et tu crois, ô mortel, qu’à ton moindre soupçon, Au pied du tribunal qu’érige ta raison, Ton maître obéissant doit venir te répondre ? […] O raison ! […] L’auteur a entrepris de développer cette pensée de Pascal : « A ceux qui ont de la répugnance pour la religion, il faut commencer par montrer qu’elle n’est pas contraire à la raison ; puis, qu’elle est vénérable ; faire souhaiter qu’elle soit vraie et montrer ensuite qu’elle est vraie, et enfin qu’elle est aimable. » Le plan, dit La Harpe, est parfaitement tracé ; les preuves sont bien choisies, fortifiées par leur enchaînement et déduites dans un ordre lumineux. […] La raison, sitôt qu’elle commence, me le fait chercher par des moyens bons ou mauvais ; mais enfin elle le cherche.
Une raison patriotique dont la clairvoyance devine le fort et le faible de chaque parti, une ironie amère, un mépris superbe de la contradiction, le sang-froid de la passion qui se maîtrise au milieu de la colère, des ripostes foudroyantes, une inépuisable fécondité de preuves, une action théâtrale et dramatique, une voix tonnante, l’éclat des images qui ne sont que des arguments rendus sensibles, l’audace d’une volonté dominatrice, l’attitude hautaine d’une âme sincère qui réunit l’intelligence politique à la passion populaire : voilà les traits saillants de sa physionomie. […] Je conjure celui qui répond oui de considérer que son plan n’est pas connu ; qu’il faut du temps pour le développer, l’examiner, le démontrer ; que, fût-il immédiatement soumis à notre délibération, son auteur peut se tromper ; que, fût-il exempt de toute erreur, on peut croire qu’il ne l’est pas ; que, quand tout le monde a tort, tout le monde a raison ; qu’il se pourrait donc que l’auteur de cet autre projet, même ayant raison, eût tort contre tout le monde, puisque, sans l’assentiment de l’opinion publique, le plus grand talent ne saurait triompher des circonstances. […] II, p. 361)1 Au major de Mauvillon Fragment de lettre C’est avoir entrepris une fière et difficile2 tâche que de gravir au bien public sans ménager aucun parti, sans encenser l’idole du jour, sans autres armes que la raison et la vérité1, les respectant partout, ne respectant qu’elles, n’ayant d’amis qu’elles, d’ennemis que leurs adversaires, ne reconnaissant d’autre monarque que sa conscience, et d’autre juge que le temps. […] Se mêlant familièrement avec les hommes, juste quand il fallait l’être, il avait applaudi au talent naissant de Barnave, quoiqu’il n’aimât pas ses jeunes amis ; il appréciait l’esprit profond de Sieyès, et caressait son humeur sauvage ; il redoutait dans Lafayette une vie trop pure ; il détestait dans Necker un rigorisme extrême, une raison orgueilleuse, et la prétention de gouverner une révolution qu’il savait lui appartenir.
C’est que Buffon, sans avoir jamais écrit un vers, fut, dans son immense ouvrage, un poëte sublime et varié ; c’est qu’Horace, en se laissant emporter au vol de Pindare, fut en même temps le génie le plus sensé de l’antiquité ; c’est qu’enfin tous deux se rencontraient ici sur leur terrain commun, la vérité et la raison. […] C’est que les autres passions ne se développent qu’avec la raison ; celle-ci la prévient25. […] Nous saisissons mal la liaison entre cette idée : « Ils ne craignent pas un public qui les craint et qui les respecte, et, à la honte du siècle, ils se flattent avec raison qu’on a pour leurs passions les mêmes égards que pour leurs personnes, » et celle-ci : « Ainsi,… ceux qui leur sont soumis se vengent de la servitude par la liberté des discours ; les grands se croient tout permis, et l’on ne pardonne rien aux grands. » Encore une fois, Massillon a parfaitement raison, il énonce une vérité, et une vérité bonne à dire ; mais assurément ses prémisses, au lieu d’amener cette conséquence, semblaient en promettre une toute contraire. […] Les autres passions plus tardives ne se développent et ne mûrissent, pour ainsi dire, qu’avec la raison ; celle-ci la prévient, et nous nous trouvons corrompus avant presque d’avoir pu connaître ce que nous sommes. […] Ils ne craignent pas un publie qui les craint et qui les respecte ; et, à la honte du siècle, ils se flattent avec raison qu’on a pour leurs passions les mêmes égards que pour leur personne.
Or, il n’est guères possible qu’il y ait de la raison, où il n’y a ni ordre ni méthode. […] Elle est vraisemblable, lorsqu’il y a quelque raison de croire qu’elle a été faite. […] Il condamne avec raison tout ce qui auroit l’air d’une tragédie bourgeoise. […] Et par quelle raison faut-il que j’en rougisse ? […] On lui reproche avec raison de n’être pas souvent heureux dans ses dénouemens.
• Parmi les tragédies de Corneille, quelle est celle que vous préférez et pour quelles raisons ? […] » — Un dogme l’a fait, et c’est le seul qui puisse rendre raison de ces étonnantes contradictions de notre nature : le dogme de la chute originelle. […] Éliante nous attire et nous charme par sa sincérité, sa douceur, son naturel, son caractère ouvert et sa profonde raison. […] En matière politique, je puis dire que je ne suis pas tout à fait républicain, bien que ma haine contre le despotisme des Césars l’ait fait dire sans raison. […] Est-ce une raison pour que la Cour le néglige avec le public, et oublie sa gloire passée ?
fait sentir combien on croit avoir de raisons d’aimer ou de haïr. » Voilà la raison réelle de cette dernière catégorie de figures, que j’ai comprises sous le titre général de mutation on inversion, et à laquelle se rapportent l’exclamation, lépiphonème, l’apostrophe, l’interruption, la suspension, l’interrogation et la subjection, quand elles n’ont point pour but de dissimuler la pensée, et presque tout ee que les rhéteurs appellent figures de construction et de syntaxe, l’hyperbate, l’énallage, etc. […] Le Batteux, Chompré, Pluche, Condillac117, soutenaient que tout dépend du génie de la langue ; Dumarsais et l’Encyclopédie étaient d’un avis contraire ; et la raison, ce me semble, est pour eux, comme l’autorité. […] « C’est d’elle seule, dit avec raison l’Encyclopédie, que les autres constructions empruntent la propriété qu’elles ont de signifier, au point que si la construction nécessaire ne pouvait pas se retrouver dans les autres sortes d’énonciations, celles-ci n’exciteraient aucun sens dans l’esprit, ou n’y exciteraient pas celui qu’on voudrait y faire naître. » La langue française, la plus claire des langues analytiques, suit en général cet ordre naturel, dont elle s’écarterait cependant bien plus souvent, si elle avait moyen d’y suppléer par des terminaisons variées. […] C’est à eux que s’adresse Quintilien au livre IX : « Cependant je n’approuve pas, dit-il, le scrupule de ceux qui veulent que le nom marche toujours avant le verbe, le verbe avant l’adverbe, le substantif avant l’adjectif et le pronom ; car souvent le contraire a beaucoup de grâce. » Les Latins croyaient donc aussi à l’ordre naturel ; s’ils s’en écartaient, ce n’était point par raison, mais pour ajouter de la grâce au discours ; et de ceux-là du moins l’on ne peut dire ce que l’on a dit des rhéteurs modernes qui partagent notre opinion, qu’ils sont entrainés par l’habitude de la construction française. […] Pour qu’il y ait en effet inversion, interversion, ordinis mutatio, il faut supposer préalablement un certain ordre nécessaire, dont la raison ou l’usage défend de s’écarter.
On recommande cependant, et avec juste raison, d’y être réservé sur la plaisanterie : il ne faut se la permettre que rarement, en écrivant à un ami. […] Je lui ai dit bien des raisons pour m’excuser. […] Il est bien des peines, bien des revers qui abattent cette fière raison, dont nous nous enorgueillissons. […] Ce n’est pas assez qu’ils soient le fruit d’une raison saine et d’un sens droit : il faut encore les faire goûter par la douceur, la politesse, et l’expression de la vraie amitié. […] Si les inspirations du cœur valaient toujours celles de la raison, je romprais sans doute le silence, et je risquerais auprès de vous ces conseils, que l’amitié me suggère sur votre conduite et vos devoirs.
La fable, en couvrant d’un voile ingénieux et agréable l’image de la raison et du devoir, nous instruit et nous corrige par une insinuation douce et bienveillante. […] Si elle est présentée avec une tournure heureuse et piquante, avec un style simple, riant, gracieux et surtout naïf, elle revêt un charme inexprimable ; elle devient un puissant auxiliaire pour initier l’homme à la sagesse, aux idées morales et pratiques, aux règles du bon sens, de la justice et de la raison. […] L’apologue paraît avoir pris naissance dans l’imagination vive et métaphorique des Orientaux, qui croyaient à la métempsycose, et prêtaient aux animaux le sentiment et la raison ; c’est chez eux que nous trouvons les plus anciens apologues, employés dans les discours religieux, moraux et philosophiques.
Et il a raison, en effet, de briser là, sans plus de façon ; cette brusquerie originale n’est nullement déplacée, pourvu que l’esprit du lecteur soit réellement satisfait ; qu’il comprenne que la matière est épuisée et que toute addition serait superflue. […] Il sait concilier le goût que les hommes ont pour l’apparence même de la vérité avec le plaisir que la surprise leur cause, et il tempère avec tant d’art le mélange de ces deux sortes de satisfaction, qu’en trompant leur attente il ne révolte point leur raison ; la révolution de la fortune de ses héros n’est ni lente ni précipitée, et le passage de l’une à l’autre situation étant surprenant sans être incroyable, il fait sur nous une impression si vive par l’opposition de ces deux états, que nous croyons presque éprouver dans nous-même une révolution semblable à celle que le poëte nous présente. » Enfin le dénoûment doit être rarement pris en dehors de l’action, et s’il en est ainsi, que l’intervention de l’agent étranger et supérieur soit toujours justifiée par la nécessité : Nec Deus intersit, nisi dignus vindice nodus. […] Aristote demande avec raison que, dans les créations de l’art, le hasard lui-même ne paraisse que comme une providence, une volonté, un dessein prémédité. […] C’est sans doute d’après ces motifs que l’abbé Maury ne permet point de terminer les discours prononcés du haut de la chaire par ces résumés, ces récapitulations plus convenables en effet aux œuvres qui s’adresent à l’esprit et à la raison qu’à celles qui en même temps parlent au cœur. […] Que l’élève s’habitue à résumer ainsi les ouvrages didactiques qu’il aura lus, il lui sera plus facile de suivre ensuite pour ses propres écrits, si lui-même s’attache au genre sérieux, les règles de récapitulation, de conclusion, tracées par la raison et les rhéteurs.
— 2° Son caractère et sa raison : la bataille de Fribourg, ses campagnes de Flandre et d’Allemagne. — 3° Comment le prince de Condé faisait la guerre, ses fautes, son repentir, sa dignité, sa générosité pendant la Fronde. […] La confirmation et la réfutation sont quelquefois inséparables, lorsque, à mesure qu’il fait valoir ses raisons, l’orateur renverse colles de son adversaire. On comprend que dans les plaidoyers l’avocat ait à combattre les raisons de la partie adverse ; mais dans le sermon, si l’orateur a des ennemis invisibles à vaincre, ce sont les préjugés, les erreurs, rendurcissement, les passions de ses auditeurs. […] Exemple de Réfutation Bourdaloue réfute les raisons que l’on allègue communément pour se dispenser de faire l’aumône. […] Lorsque l’orateur résume toutes les raisons qu’il vient de développer, ce résumé succinct s’appelle Récapitulation.
Elles exercent notre raison sans la fatiguer. […] Il n’en faudrait pas conclure néanmoins que la raison n’a aucune part aux opérations et à l’exercice du goût qui repose principalement sur une certaine sensibilité naturelle et instinctive pour le vrai beau, auquel la raison prête une nouvelle puissance. […] L’une s’adresse plus particulièrement au sentiment, l’autre à la raison. […] Néanmoins il ne faudrait pas trop étendre les bornes du cercle où la nature et la raison le renferment nécessairement. […] Il y a toute raison de penser, comme je l’ai indiqué, que le langage des premiers hommes était passionné et métaphorique.
Une des raisons principales de cette différence, c’est que les Français ont, en général, conçu de plus grandes idées du pouvoir attaché à l’art oratoire, mais qu’ils ne les ont pas toujours remplies avec le même succès. […] L’Anglais, sage jusque dans ses écarts, se permet peu d’ornements, tend directement au bon sens, à la raison, et s’embarrasse peu d’adoucir l’aspérité des sentiers qui y conduisent. […] De là cette attention continuelle à nous prémunir contre l’influence et les charmes de l’élocution : de là, ce soin scrupuleux de nos orateurs modernes à se renfermer dans les bornes de la raison, à ne se rien permettre qui puisse la choquer ou la contredire, bien convaincus d’avance que le discours le plus éloquent manquerait nécessairement son but, pour peu qu’il s’écartât de cette grande règle qui exige que tout tende au bon sens : Scribendi rectè sapere est et principium et fons.
. — « Sage de nature et de praticque, dit un contemporain2, point sévère sinon bien à propos, équitable quand il falloit, non-point chagrineux et rebarbatif, ni séparé des douces conversations, entendant les raisons, ni bizarre ni fantastique comme estoit ce Caton », il est de ces personnages dont la gloire grandit avec la raison publique. […] Vous oyrez4 crier, braire et tempester à l’appetit d’une partie hargneuse5 ; vous verrez les langues impures, venales et mercenaires mettre l’honneur des plus vertueux, illustres et grands personnaiges en compromis6, et ce dont je ne me sçaurois assez estonner, ces asnes d’Arcadie à qui les judges debvroient, à toutes les fois qu’ilz s’oublient et s’esmancipent contre la decence de leur robbe, mettre ung mords de bride, et leur fermer la bouche avec une bonne et grave reprimande, ilz les laissent divaguer de maniere qu’il semble à ces effrontez qu’ilz ont faict quelque beau chef-d’œuvre quand ilz ont, dient-ilz, bien lavé la teste7 à ung homme d’honneur, et mettent ceste haulte et sotte vanterie parmy leurs trophées… Et neantmoins ce sont ceulx ordinairement qui ont le plus de praticque1, parce qu’ilz se mettent à tous les jours, à toutes les causes ; et les bons playdeurs2, qui intenteroient ung procez sur la pointe d’une eguille3, les recherchent plus volontairement que les aultres, dont les mœurs sont composees à la prudence et modestie4 : vray ornement d’ung sçavant homme de bien, d’advocat5, lequel, faisant trop6 plus de cas de l’honneur que de gaing, ne soubtient jamais de cause contre sa conscience ; aussy la deffend il avec tant de vigueur, de force et de solides raisons, que l’on recognoist à vue d’œil7 qu’il ne se fonde pour obtenir la victoire que sur la verité et la justice de sa cause.
Il faut aussi remarquer les autres compléments in me, mea, nihil, cœlum, placés pour la même raison au commencement de chaque proposition. […] Cicéron blâme avec raison les expressions suivantes : Habeo istam ego perterricrepam. […] On loue avec raison Cicéron et Térentia son épouse, celle-ci à cause de sa fermeté, et celui-là à cause de son grand amour pour elle. […] Car il faut aussi faire usage de sa raison. […] Mais des raisons d’intérêt et d’harmonie prescrivaient à l’orateur un ordre différent.
Il a raison. […] Ce latin-là a raison. […] Vous avez raison. […] Plaisante raison, qu’un vent manie, et à tout sens ! […] partout votre raison demeure arrêtée !
Toute ma vie il sera peint devant mes yeux ; et si jamais les dieux me faisaient régner, je n’oublierais point, après un si funeste exemple, qu’un roi n’est digne de commander et n’est heureux dans sa puissance qu’autant qu’il la soumet à la raison. […] Les raisons doivent s’orner, se déguiser, se varier par une infinité de tours et de figures, de sorte qu’ils n’aient rien qui sente la contrainte de l’art. […] Alors il y a une harmonie parfaite dans tout notre être : est-ce la raison qui nous parle ? […] C’est la raison énergique et brûlante comme la passion ; c’est la passion calme et pure comme la raison : nos devoirs les plus saints deviennent nos voluptés les plus douces, et tout l’homme est d’accord. Heureux l’orateur ou l’écrivain qui s’empare de ces mouvements du cœur fondés, sur la raison !
Boileau, qui a senti toute la vérité de ce précepte, a dit après le poète latin : Aimez donc la raison. […] Tous les sujets qu’on traite, appartiennent ou à la mémoire, ou à la raison, ou au sentiment, ou à l’imagination. […] Dans les sujets qui appartiennent à la raison, l’écrivain se propose d’instruire : il faut que son style soit grave, méthodique, précis, ferme, énergique. […] Ainsi, d’un côté, l’imagination du lecteur n’aurait pas été moins flattée par l’harmonie du vers ; et de l’autre, sa raison aurait été pleinement satisfaite par l’entier développement du sens de l’auteur. […] Mais c’est contre la raison même de dire qu’une réputation est posthume, parce qu’un auteur ne peut point acquérir une réputation après sa mort.
Les règles de l’éloquence, de la poésie et des autres arts ayant été prises dans la nature du cœur humain, ont toujours été et seront toujours aussi invariables que la raison même. […] Son objet est de faire connaître les beautés et les défauts d’un ou de plusieurs ouvrages, et de rendre raison du jugement qu’il en porte. […] Il faut donc que la critique soit fondée sur des raisons et des principes solides. […] Un journaliste prudent, et jaloux de sa propre gloire, imite la circonspection d’un juge, qui, avant de décider une question de droit, réfléchit longtemps et mûrement sur les raisons des avocats qui l’ont traitée.
On recommande avec juste raison d’être très réservé dans sa correspondance sur les plaisanteries ; il ne faut se les permettre que rarement en écrivant à un ami ; un bon mot peut être lu dans un moment d’humeur, et affaiblir, quelquefois même détruire insensiblement les liens de l’amitié. […] Il y a bien des peines, bien des revers qui abattent la raison ; la religion alors peut seule relever notre courage et ranimer nos forces. […] Ce n’est pas assez qu’ils soient le fruit d’une raison saine et d’un sens droit ; il faut encore les faire goûter par la douceur35. […] 36 On ne tient plus aujourd’hui à cette forme, qui, d’ailleurs, n’était fondée sur aucune raison ; on va même jusqu’à retrancher la préposition à.
MM. de Noailles et Lavallée ont fait justice définitive des déclamations passionnées qui calomnièrent trop longtemps sa mémoire ; mais elle n’a pour elle que les sympathies de la raison. […] Il y a une grande différence entre connaître Dieu par le savoir, par la pointe de l’intelligence, par la subtilité de la raison, par la multiplicité des lectures, ou le connaître par les simples instructions du christianisme, et par les leçons intérieures du véritable amour qui enseigne tout, en appetissant1, en détruisant, en sacrifiant, et en formant en nous toutes les vertus. […] Abaissez-vous, pliez-vous, appetissez-vous pour vous proportionner à ces enfants ; ne regardez ni avec dégoût ni avec dédain leurs misères, leurs maladies, leur éducation basse et grossière : Jésus-Christ, souveraine sagesse, éternelle raison de Dieu, a choisi pour compagnie et amis en ce monde, des pêcheurs grossiers, ingrats, incrédules, lâches, infidèles ; il a passé sa vie avec eux pour les instruire patiemment : il a fini sa vie sans les redresser entièrement… Les maisons qui ont commencé par des personnes ferventes, simples, mortes à elles-mêmes, ont bien de la peine à subsister longtemps ; on voit encore trop souvent que de grands instituts formés par des patriarches pleins d’un esprit prophétique et apostolique, avec le don des miracles, sont bientôt ébranlés par des tentations ; tout se relâche, tout s’affaiblit, tout se dissipe : la lumière se change en ténèbres ; le sel de la terre s’affadit et est foulé aux pieds : que sera-ce donc d’une communauté qui n’est soutenue d’aucune congrégation, qui est à la porte de la cour, dépendante des rois et des hommes du siècle qui seront auprès d’eux en faveur, qui aura de grands biens pour flatter les passions et pour exciter celles des gens du monde, et qui a été élevée d’abord jusqu’aux nues, sans avoir posé les fondements profonds de la pénitence, de l’humilité et de l’entier renoncement à soi-même ? […] Voilà une semonce maternelle simple et élevée ; une raison solide s’y allie à une fermeté affectueuse.
Je ne sache pas qu’on ait rendu nettement raison de ce fait, qui tient à la nature même des différentes figures que je viens de nommer. […] D’où j’arrive à la formule suivante : un trope étant donné, il est trope d’usage ou de langue, en raison directe de sa compréhension, et inverse de son extension ; et, au contraire, il est trope d’invention ou d’écrivain, en raison directe de son extension et inverse de sa compréhension. […] L’extension d’une idée dépend du nombre d’individus auxquels elle s’applique ; sa compréhension, de la quantité d’éléments qu’elle renferme ; et, comme on le prévoit aisément, l’une est toujours en raison inverse de l’autre. […] pierre de touche de l’hyperbole, dit avec raison Marmontel.
Dorante, Mais, marquis, par quelle raison, de grâce, cette comédie est-elle ce que tu dis ? […] vous nous l’avez bien lue. — Tant y a que je ne veux pas qu’elle la lise. » Voilà toute la raison que j’en ai eue ; jamais il ne fut si fou. […] N’allez pas lui parler des choses qu’il aimait le mieux il n’y a qu’un moment : par la raison qu’il les a aimées, il ne les saurait plus souffrir. […] Dans sa fureur la plus bizarre et la plus insensée, il est plaisant, éloquent, subtil, plein de tours nouveaux, quoiqu’il ne lui reste pas seulement une ombre de raison. […] Quelques odes d’Horace respirent les grâces, comme quelques-unes de ses épîtres enseignent la raison.
La délicatesse a donc sa source dans le cœur ; la pureté, dans la raison. […] Étudier et suivre les règles, c’est observer la marche que prescrit la raison et que suit le génie. […] Les écrivains froids s’adressent à la pure raison, sans rien ajouter qui puisse flatter l’imagination ou toucher le cœur. […] C’est une raison pour ne pas en abuser. […] Toutes les dissertations où l’on parle principalement à la raison demandent beaucoup d’exactitude et de justesse d’esprit.