Le charme de la versification rend l’instruction plus agréable ; les descriptions, les épisodes et autres ornements qu’elle admet, occupent et flattent l’imagination ; les vers enfin gravent plus profondément dans la mémoire les circonstances les plus importantes du sujet. Car c’est merveille, dit saint François de Sales, combien les discours resserrés dans les lois des vers ont de pouvoir pour pénétrer les cœurs et assujétir la mémoire. […] Cette naïveté de l’apologue ne permet pas de mettre sur la scène des êtres métaphysiques, et d’y représenter, comme l’a fait Lamotte, Don Jugement, Dame Mémoire, Demoiselle Imagination. […] La moralité ou vérité morale, qui résulte du récit allégorique de l’apologue, est une maxime générale, plus ou moins piquante, et ordinairement exprimée d’une manière vive et précise, propre à la graver dans la mémoire ; Rien n’est si dangereux qu’un ignorant ami : Mieux vaudrait un sage ennemi.
Le fond des choses est seul resté dans leur mémoire : quant à l’expression, c’est à eux de la trouver. […] L’Église honore sa mémoire le 7 janvier et le 15 octobre. […] Il supplie Pélage et les Espagnols de ne pas maudire la mémoire de Julien, que ses remords ont cruellement puni, et d’oublier le crime du père eu faveur des services du fils. […] S’ils avaient été bons et justes, ils étaient proclamés les pères du peuple ; leur règne était béni et leur mémoire était sacrée ; leurs restes étaient ensevelis dans un magnifique tombeau. Si, au contraire, ils avaient abusé de leur puissance, leur mémoire était flétrie, leur règne était maudit, et les honneurs funéraires leur étaient refusés.
Chez lui, que de règles de conduite et de préceptes le morale renfermés dans des vers devenus proverbes et présents à toutes les mémoires ! […] La Fontaine connaissait à fond notre antiquité française : il était même remonté fort au delà de Rabelais et de Marot dans l’histoire de notre littérature ; et, comme l’observe le compte de Caylus dans un mémoire sur les fabliaux, « il n’eût pas été ce qu’il sera éternellement, c’est-à-dire un auteur d’un goût exquis, s’il n’avait pas puisé à ces sources des exemples et des modèles » 2.
) Par votre ordre, monsieur, j’ai vu monsieur Géronte1, Qui de notre mémoire a fait fort peu de compte : Sa monnaie est frappée avec un vilain coin ; Et de pareil argent nous n’avons pas besoin2. […] Mon père te paîra, l’article est au mémoire.
Pour moi, je n’ai jamais présumé que mon esprit fût en rien plus parfait que ceux du commun ; même j’ai souvent souhaité d’avoir la pensée aussi prompte, ou l’imagination aussi nette et distincte, ou la mémoire aussi ample et aussi présente que quelques autres. […] Il faut lire la lettre qu’il écrivit à l’un de ses anciens professeurs en lui envoyant un de ses ouvrages : « Je juge bien que vous n’aurez pas retenu les noms de tous les disciples que vous aviez il y a vingt-trois ou vingt-quatre ans (la lettre est du 15 juin 1637, et Descartes avait quitté le collége en 1612), lorsque vous enseigniez la philosophie à la Flèche, et que je suis du nombre de ceux qui sont effacés de votre mémoire ; mais je n’ai pas cru pour cela devoir effacer de la mienne les obligations que je vous ai, ni n’ai pas perdu le désir de les reconnaître, bien que je n’aie aucune occasion de vous en rendre témoignage, sinon qu’ayant fait imprimer ces jours passés le volume que vous recevrez en cette lettre, je suis bien aise de vous l’offrir, comme un fruit qui vous appartient… » 2.
(Mémoires, liv. […] Lire les mémoires de Malouet et la correspondance du comte de la Marck.
que le diable t’emporte, Et ton maudit mémoire écrit de telle sorte ! […] Tiens, maraud, le voilà, Pour m’offrir un mémoire égal à celui-là. […] Il faut donc que mon mal m’ait ôté la mémoire ; Et c’est ma léthargie. […] Monsieur convient de tout, du tort de sa mémoire, Du notaire mandé, du testament écrit. […] Ma foi, sur tant de noms ma mémoire chancelle.
Malgré cette frénésie, les hommes sensés, et dignes appréciateurs du vrai mérite, pensèrent, comme l’on pense encore aujourd’hui, que la mémoire de ce grand ministre ne périra jamais.
Weil a fort bien défendu, dans son mémoire Sur l’effet de la Tragédie selon Aristote (Bâle, 1848), s’accorde d’ailleurs et avec l’analogie grammaticale dans les verbes tels que ἐξαλλάττω, ἐξαϰολουθέω, ἐϰπίνω, έϰπίμπλημι, etc., et avec l’ensemble de la théorie aristotélique, telle que nous l’avons exposée dans notre Essai sur l’Histoire de la Critique, p. 180 et suiv.
La division n’est pas absolument nécessaire ; elle est un peu froide ; il est bon cependant de l’établir, afin de soulager la mémoire de l’auditeur. […] 1° La péroraison n’est qu’une récapitulation, lorsque l’orateur assuré d’avoir convaincu ses auditeurs de la vérité qu’il a développée, se contente, pour soulager leur mémoire, de leur rappeler sommairement ses moyens.
Leur mémoire trouve soudain le mot qui leur manque et leur langue n’est jamais en défaut. […] (Beaumarchais, Mémoires) La suspension. — On laisse attendre un instant à l’auditeur les conséquences des prémisses qu’on a posées : on les lui donne même à deviner, et on le surprend par l’inattendu de la réponse.
Les périodes ainsi divisées se prononcent plus facilement, et le premier membre se grave plus aisément dans la mémoire. […] Il faut pourtant avouer que les mémoires qu’il nous a laissés ne justifient pas entièrement cette grande réputation. […] Mais il ne faut pas oublier que ces précis ou factums étaient de simples mémoires destinés à être mis sous les yeux des juges et des parties, et que ses plaidoyers étaient bien supérieurs à ces mémoires. […] Il se préparait beaucoup de mémoire, et se livrait ensuite à l’impulsion du moment. […] Après l’influence de la sensation vient celle de la mémoire, à laquelle succède l’influence de l’imagination.
(Mémoires, livre VI, chap. […] (Mémoires du chevalier de Gramont, chap. […] Il faut laisser les morts en paix et ne flétrir point leur mémoire. […] (Mémoires, édit. […] En voici une, par exemple, qui mérite d’être à jamais conservée dans la mémoire des Français.
Cette naïveté de l’apologue ne permet point de mettre sur la scène des êtres métaphysiques, et d’y présenter, comme l’a fait La Motte, dom Jugement, Dame Mémoire, Demoiselle Imagination. […] Peut-on dans ces funestes lieux Des beaux jours de Sion célébrer la mémoire ! […] L’abbé Massieu et l’abbé Sallier en ont mis en français quelques-unes, qu’on trouvera dans les mémoires de l’Académie des Belles-Lettres. […] Voyez le mot Mémoire (Déesse de), dans les notes, à la fin de ce Volume. […] Voyez le mot Mémoire (Filles de), ibid.
Je vous l’ai déjà dit, je l’ai trouvé sans vie : Son flanc était ouvert ; et, pour mieux m’émouvoir, Son sang sur la poussière écrivait mon devoir ; Ou plutôt sa valeur en cet état réduite Me parlait par sa plaie et hâtait ma poursuite ; Et, pour se faire entendre au plus juste des rois, Par cette triste bouche elle empruntait ma voix3 Sire, ne souffrez pas que, sous votre puissance, Règne devant vos yeux une telle licence ; Que les plus valeureux, avec impunité, Soient exposés aux coups de la témérité ; Qu’un jeune audacieux triomphe de leur gloire, Se baigne dans leur sang, et brave leur mémoire. […] Appelez la mémoire ou l’esprit au secours. […] Sénèque avait dit, dans son traité de la Providence, ch. 3 : « Scit eum sine gloria vinci qui sine periculo vincitur. » — Corneille, plus qu’aucun autre de nos auteurs, offre une foule de ces pensées, énergiquement rendues, que le bonheur de l’expression grave dans toutes les mémoires et qui deviennent des espèces d’adages, consacrés par l’admiration populaire.
il pourra bien massacrer Nerva ou Henri IV ; mais le plus abominable tyran, le plus insolent boucher de chair humaine n’entendra jamais là : « Nous ne voulons plus vous servir. » Une révolte sur le champ de bataille, un accord pour s’embrasser en reniant un tyran, est un phénomène qui ne se présente pas à ma mémoire. […] Votre mémoire n’ébranle nullement mon opinion, qui se réduit uniquement à ceci : « Que l’empire de la Coalition sur la France et la division de ce royaume seraient un des plus grands maux qui puissent arriver à l’humanité. » Je me suis formé une démonstration si parfaite de cette proposition, que je ne désespérerais pas de vous convertir vous-même, mais non par écrit, car ce serait un traité dans les formes3.
Ces rapports concourent à l’unité de l’instruction, facilitent le travail de la mémoire et donnent le goût et l’habitude de l’ordre et de la méthode ; par là toutes les parties de l’enseignement peuvent se soutenir et se compléter. […] L’histoire, qui ne pouvait guère citer que Bossuet et Voltaire, c’est-à-dire deux exceptions, a été définitivement fondée par des travaux qui sont dans la mémoire de tous. […] Vous enfilez quelques mémoires, vous collationnez un registre, vous signez, vous paraphez ; je n’avais qu’une chose à vous demander, et vous n’aviez qu’un mot à me répondre, oui ou non. […] De vos propres désirs perdrez-vous la mémoire ? […] Chère Pauline, adieu ; conservez ma mémoire.
Ce serait aussi une méthode bien profitable, de composer des thèmes d’imitation sur le texte d’une version déjà expliquée et apprise de mémoire, et d’obliger les élèves à se servir des mêmes expressions et à suivre le même ordre, le même enchaînement dans la structure de la phrase.
Parmi nos textes, il en est qui pourront être uniquement la matière d’explications et d’analyses, tandis que d’autres, et les plus parfaits, serviront en outre à la culture et à l’ornement de la mémoire. […] Et cependant Sion a osé dire : « Le Seigneur m’a abandonnée et n’a plus mémoire de moi. » Une mère peut-elle mettre son enfant en oubli, et peut-elle perdre la tendresse pour celui qu’elle a porté dans son sein ? […] Les inventeurs ont le premier rang, à juste titre, dans la mémoire des hommes. […] Leur mémoire dans Rome est encor précieuse Autant que de César la vie est odieuse. […] ô mémoire, Conservez à jamais ma dernière victoire : Je triomphe aujourd’hui du plus juste courroux De qui le souvenir puisse aller jusqu’à vous.
La fortune La fortune, trompeuse en toute autre chose, est du moins sincère en ceci, qu’elle ne nous cache pas ses tromperies ; au contraire, elle les étale dans le plus grand jour, et outre ses légèretés ordinaires, elle se plaît de temps en temps d’étonner le monde par des coups d’une surprise terrible, comme pour rappeler toute sa force en la mémoire des hommes, et de peur qu’ils n’oublient jamais ses inconstances, sa malignité, ses bizarreries. […] Regarde qu’il n’y a rien d’assuré pour toi, non pas même un tombeau pour graver dessus tes titres superbes, seuls restes de ta grandeur abattue : l’avarice ou la négligence de tes héritiers le refuseront peut-être à ta mémoire ; tant on pensera peu à toi quelques années après ta mort ! […] Chrétiens, que la mémoire d’une grande reine, fille, femme, mère de rois si puissants, et souveraine de trois royaumes, appelle de tous côtés à cette triste cérémonie, ce discours vous fera paraître un de ces exemples redoutables qui étalent aux yeux du monde sa vanité tout entière. […] Pour moi, s’il m’est permis, après tous les autres, de venir rendre les derniers devoirs à ce tombeau, ô prince, le digne sujet de nos louanges et de nos regrets, vous vivrez éternellement dans ma mémoire ; votre image y sera tracée, non point avec cette audace qui promettait la victoire ; non, je ne veux rien voir en vous de ce que la mort y efface ; vous aurez dans cette image des traits immortels : je vous y verrai tel que vous étiez à ce dernier jour, sous la main de Dieu, lorsque sa gloire sembla commencer à vous apparaître.
Trésor inépuisable d’observation et d’expérience, son livre, ouvert à n’importe quelle page, nous offre partout et toujours des pensées profondes, exprimées d’une façon durable, et se détachant avec ce relief qui les grave dans la mémoire. […] Suivant la valeur de ceux chez qui vit encore son nom, sa mémoire.
Je ne crois donc pas mériter ce reproche, et il faut que vous rayiez cet article sur le mémoire de mes défauts. […] Enfin, je vous vis au Palais-Royal, où je vous dis que ce livre couroit ; vous voulûtes me conter qu’il falloit qu’on eût fait ce portrait de mémoire, et qu’on l’avoit mis là : je ne vous crus point du tout.
Ceux qu’on met au nombre des meilleurs, sont Zaïde et la princesse de Clèves par madame de La Fayette ; faits avec goût, écrits avec décence, et bien propres à entretenir dans les cœurs l’amour de la vertu : Les Mémoires d’un homme de qualité, le Doyen de Killerine, et autres de l’abbé Prévost ; pleins des situations les plus attendrissantes ou les plus terribles, et qui décèlent l’imagination la plus féconde ; mais où quelquefois les événements ne s’accordent pas assez avec la vraisemblance : Gil Blas 130, le Diable boiteux et autres de Lesage 131 ; ils offrent un tableau de tous les états de la vie, le portrait ou la satire du monde : Le Paysan parvenu de Marivaux, très plaisant.
Joachim du Bellay (1525-1560) Notice Joachim du Bellay, né à Lyré, près d’Angers, cousin des trois frères du Bellay, Guillaume et Martin, capitaines, diplomates et auteurs de Mémoires importants, et Jean, cardinal et ambassadeur, a consacré par la renommée littéraire leur commun nom. […] Il reste néanmoins que, si la grâce et le charme lui manquent, s’il n’a que bien rarement des vers coulants et frais comme ceux-ci que je détache du début du septième jour, fort prisé de Goethe : Ici la pastorelle, à travers une plaine, A l’ombre, d’un bas lent, son gras troupeau remène ; Cheminant elle file, et, à voir sa façon, On diroit qu’elle entonne une douce chanson ; il rencontre souvent le vers fort et sonore ; il dira aussi bien que d’Aubigné en son Jugement dernier, que le Fils de Dieu Descendra glorieux des voûtes étoilées ; il laissera dans toutes les mémoires ce vers fameux : Et l’Enfer est partout où l’Éternel n’est pas ; en ses Sepmaines, œuvre de théologie, d’érudition scientifique, zoologique, géologique et aussi d’imagination, il prendra le premier rang dans la poésie descriptive, témoin le portrait renommé du cheval qu’on trouvera ci-après et qui rappelle quelquefois heureusement celui de Virgile (Géorgiq. […] La prose de ses Mémoires y eût suffi ; mais l’accent de la colère vibre mieux dans le vers. […] à m’attendre, Car je n’estois resté que pour cueillir ta cendre Et ta mémoire sainte orner comme je doy ; Maintenant que j’ay fait ce devoir pitoyable, Las de pleurer, de vivre et d’estre miserable, J’abandonne la terre et vole aupres de toy. […] Et ce qui rend plus dure La misère où je vy, C’est, ès maux qne j’endure, La mémoire de l’heur que le ciel m’a ravy.
A la suite des Mémoires pour servir à l’histoire de Louis, dauphin de France, père de Louis XVI, on a imprimé un Traité de la connoissance des hommes, que le P. Griffet, jésuite, rédacteur de ces mémoires, avoit composé par l’ordre de ce digne héritier du trône.
. — La mémoire est le don de conserver le souvenir des objets. — Le discernement est la qualité qui aperçoit les différences des objets entre eux, — Le goût est la connaissance des meilleurs objets. — Le cœur est la source de nos affections, de nos sentiments. — Le sentiment est le mouvement du cœur qui décide de la convenance des objets, — L’esprit est la source de nos idées. — Le génie est le don exceptionnel qui produit les plus belles idées ; c’est la perfection de l’esprit […] Pour résumer en quelques lignes tous les phénomènes intellectuels au moyen desquels on parvient à bien penser, je dirai qu’ils se présentent dans l’ordre suivant : Le génie et l’esprit créent les objets, L’imagination les présente, L’idée les aperçoit, La mémoire les retient, La pensée les considère, Le goût les épure, Le cœur les éprouve, Le sentiment les approuve, Le jugement les adopte, Le discernement les classe.
Dans la Phèdre de Racine, nous choisissons la Mort d’Hyppolyte, parce qu’elle est en général dans la mémoire de tous, et qu’il sera ainsi plus facile de comparer toutes les pensées qui entrent dans ce morceau avec celles qui composent le même sujet traité par Pradon, et qu’ensuite il nous sera plus aisé d’en apprécier le style, qui nous semble essentiellement différent dans les deux auteurs. […] L’un, voyant croître ses moissons, bénit la mémoire de celui à qui il doit l’espérance de sa récolte ; l’autre, qui jouit en repos de l’héritage qu’il a reçu de ses pères, souhaite une éternelle paix à celui qui l’a sauvé des désordres et des cruautés de la guerre ; ici l’on offre le sacrifice adorable de Jésus-Christ pour l’âme de celui qui a sacrifié sa vie et son sang pour le bien public ; là, on lui dresse une pompe funèbre, où l’on s’attendait de lui dresser un triomphe ; chacun choisit l’endroit qui lui paraît le plus éclatant dans une si belle vie ; tous entreprennent son éloge ; et chacun s’interrompant lui-même par ses soupirs et par ses larmes, admire le passé, regrette le présent, et tremble pour l’avenir.