Quel fruit revient aux plus rares esprits De tant de soins6 à polir leurs écrits, A rejeter les beautés hors de place, Mettre d’accord la force avec la grâce, Trouver aux mots leur véritable tour Fuir les longueurs, éviter les redites, Bannir enfin tous ces mots parasites1, Qui, malgré vous dans le style glissés, Rentrent toujours, quoique toujours chassés ? […] Ennuis a toute la force de son sens primitif, qui s’est singulièrement affaibli.
Il lui représenta au naturel le jeu que l’on avait fait en toutes occasions de la parole royale ; les illusions honteuses, et même puériles, par lesquelles on avait éludé mille et mille fois les résolutions les plus utiles et même les plus nécessaires à l’Etat ; il exagéra avec force le péril où le public se trouvait par la prise tumultuaire et générale des armes. La reine, qui ne craignait rien parce qu’elle connaissait peu, s’emporta, et elle lui répondit avec un ton de fureur plutôt que de colère : « Je sais bien qu’il y a du bruit dans la ville ; mais vous m’en répondrez, messieurs du parlement, vous, vos femmes et vos enfants. » En prononçant cette dernière syllabe, elle rentra dans sa petite chambre grise et elle en ferma la porte avec force. […] Il n’était pas congru2 dans sa langue, mais il parlait avec une force qui suppléait à tout cela ; et il était naturellement si hardi, qu’il ne parlait jamais si bien que dans le péril.
Pas un sanglot ne sort de sa gorge oppressée2 ; Muet et chancelant, sans force et sans pensée, Il s’asseoit à l’écart, les yeux sur l’horizon, Et, regardant s’enfuir sa moisson consumée, Dans les noirs tourbillons de l’épaisse fumée L’ivresse du malheur emporte sa raison. […] Tristesse J’ai perdu ma force et ma vie2, Et mes amis, et ma gaîté ; J’ai perdu jusqu’à la fierté Qui faisait croire à mon génie3. […] Il dira plus tard : J’ai perdu ma force et ma vie Et mes amis et ma gaîté : J’ai perdu jusqu’à la fierté Qui faisait croire à mon génie.
J’ai quelquefois une lassitude de souffrir, que je prends pour du soulagement ; cela va deux ou trois jours, et puis la douleur revient plus vive, parce que j’ai repris des forces pour la sentir. […] Ils croient montrer ainsi une force de raison précoce ; mais c’est une décadence prématurée dont ils se vantent. […] Dès que l’homme se divise au dedans de lui-même, il ne sait plus la vie que comme un mal ; et si de tous les sentiments l’enthousiasme est celui qui rend le plus heureux, c’est qu’il unit plus qu’aucun autre toutes les forces de l’âme dans le même foyer. » 1.
Gardons-nous de croire qu’on a plus de force ou de puissance à proportion qu’on a moins d’art. […] Quelle noblesse, quelle force, quelle sublimité de pensée ! […] Quelle force, quelle roideur dans ces mouvements ! […] L’effet de cette figure est de donner plus de grâce au style, de clarté ou de force au raisonnement. […] Elle est très propre à peindre une passion ardente, une émotion vive et profonde : le style en tire à la fois plus de grâce et de force.
Les autres ont par elles-même des agréments, tels que la force, la hardiesse, la vivacité, la finesse, la naïveté, etc. […] Vous allez les voir dans la phrase qui suit, se serrer et se presser pour avoir plus de force. […] Les idées les plus profondes, les plus brillantes, les plus sublimes se montrent sous sa plume, avec toute leur force, tout leur éclat, toute leur grandeur, sans que les règles de la langue soient violées. […] Mais ces débordements de parricides ; ces champs empestés ; ces montagnes de morts privés d’honneurs suprêmes, et que la nature force à se venger ; ces troncs pourris, qui font la guerre au reste des vivants, ont été regardés comme une véritable enflure. […] La métaphore en effet est une des figures qui donnent le plus de grâce, de force et de noblesse au discours, pourvu qu’elle soit employée à propos, avec goût et avec justesse.
Car la force et la profondeur de la pensée les recommandent encore plus que les délicatesses de l’art et l’habileté à ménager, à varier, à nuancer les couleurs. […] Lors de la composition du Cid, la règle des unités n’avait pas encore obtenu force de loi. […] Il est plus attaché à la force, à la profondeur des idées, à la solidité du raisonnement qu’au brillant de la forme et aux séductions du style. […] Racine accomplit un véritable tour de force. […] Molière était dans toute la force de son génie, et le succès activait singulièrement sa verve.
C’est ainsi que l’élocution achève l’ouvrage de l’invention et de la disposition, et donne à la composition la vie, la grâce et la force. […] Cependant les descriptions gaies et riantes peuvent être détaillées, parce ce n’est pas la force qui en fait le principal mérite. […] Le mérite essentiel de l’éthopée est de joindre la ressemblance à la beauté des couleurs et à la délicatesse ou à la force des traits. […] La simplicité, en proscrivant l’affectation, l’emphase, l’abus des figures, les épithètes ambitieuses, est loin d’exclure les ornements, la variété, le mouvement, la chaleur, la force, l’harmonie. […] Il est des peines et des revers dans lesquels la douce influence de la religion et les consolantes espérances de la foi peuvent seules ranimer nos forces et relever notre courage.
A force de tamiser le dictionnaire, le zèle des puristes prit parfois le bon grain pour l’ivraie, et notre langue fut exposée au même péril que l’Homme entre deux âges, dans cette fable où La Fontaine nous montre deux veuves lui arrachant l’une les cheveux noirs, parce qu’ils sont trop jeunes, l’autre les blancs parce qu’ils sont trop vieux. […] Les particules pas et point pouvaient de même s’abstenir d’escorter la négation : « Je n’ay soucy de… — Ne bougez… — Ne touchez à… » Entre ne et sinon, le mot rien (qui est affirmatif et vient de rem) n’était nullement de nécessité : Je ne suis à tes yeux sinon Qu’un fétu sans force et sans non. […] Certes est beau dans sa vieillesse, et a encore de la force sur son déclin : la poésie le réclame, et notre langue doit beaucoup aux écrivains qui le disent en prose, et se commettent pour lui dans leurs ouvrages. […] Mais en attendant que la force des choses condamnât définitivement toute surcharge de lettres incommodes ou superflues, on dut se résigner à subir des innovations qu’implantait l’habitude. […] Là, c’est un gentilhomme qui demande à toute force que son cuisinier lui fasse manger un plat nouveau appelé épigrammes.
La satire sérieuse ou virulente prend un ton grave, mordant et caustique ; elle se déchaîne avec force contre les vices et les erreurs les plus condamnables. […] Celle de ce dernier surtout est remarquable par une grande force de raison et une grande vigueur de style. […] Les règles de l’épître comme lettre en vers se réduisent aux suivantes : que la réflexion et le travail s’y montrent plus que dans la lettre, et qu’elle ait au moins un degré ou de force ou d’élégance, en un mot, un degré de soin au-dessus de celui qu’elle aurait eu si on ne l’eût mise qu’en prose. […] Ce fabuliste a manqué de justesse dans sa fable intitulée les deux Moineaux, parce que deux oiseaux encagés par force ne représentent pas exactement deux époux qui se sont unis par un consentement réciproque. […] Quelquefois, quand le sujet et les personnages le demandent, il admet la richesse, la force et les images pittoresques, et s’élève même jusqu’au sublime, comme dans le Chêne et le Roseau, le Statuaire et la Statue de Jupiter, le Lion et le Moucheron.
Mais, pour obtenir la persuasion, il ne suffit pas de l’éclat et de la force, des idées prises en elles-mêmes ; tout dépend du caractère et des dispositions de l’auditoire sur lequel on veut agir par la parole. […] Quelle force et quelle simplicité dans cette gradation où il flétrit la cruauté de Verrès : « Facinus est vinciri civem Romanum, scelus verberari : quid dicam in crucem tolli ? […] Ce qui, aujourd’hui encore, nous charme, dans Homère, c’est l’intervention de ses dieux parmi les hommes, c’est la peinture surhumaine qu’il fait de ses héros dont les vertus guerrières et les forces physiques sont prodigieuses. […] Ronsard. — Allons, je vois bien qu’il faut me rendre à la force de vos raisons. […] Il sait que Corneille est vieilli ; ses admirateurs sont de plus en plus rares, et la faveur le délaisse pour se porter sur un jeune rival dans toute la force du talent.
Mais Clodius et les deux consuls Pison et Gabinius, voulant se rendre maîtres des suffrages, et empêcher le décret de passer à l’assemblée du peuple, remplirent le Forum de gens armés : Sextius et Milon rassemblèrent de leur côté des forces pour s’opposer à Clodius et à sa faction. […] Et ceux qu’ils n’ont pu renverser par la violence, par la force des armes, avec des pierres, avec le fer et la flamme, ils se flattent de les opprimer par vos décisions, par des arrêts surpris à votre équité. […] « Qui de vous, Romains, ignore que, dans l’origine des choses, les hommes, avant de connaître le droit civil et naturel, erraient à l’aventure, dispersés dans les campagnes, et ne possédaient que ce qu’ils pouvaient ravir ou conserver par la force et par la violence, par les coups et par les meurtres ?
Ce prince (Charles XII), qui ne fit usage que de ses seules forces, détermina sa chute en formant des desseins qui ne pouvaient être exécutés que par une longue guerre : ce que son royaume ne pouvait soutenir. […] Lorsqu’il s’agit de combattre les forces maritimes des Perses, c’est plutôt Parménion qui a de l’audace, c’est plutôt Alexandre qui a de la sagesse. […] Walckenaer : « Seul il eût suffi à la gloire de cet écrivain, et il a donné seul la mesure de la force et de la grandeur de son génie. » Voici en quels termes Rivarol, ce grand improvisateur, a parlé aussi de Montesquieu (voy. la Revue des deux mondes, 1er juin 1849) : « Son regard d’aigle pénètre à fond les objets, et les traverse en y jetant la lumière.
Intelligence plus puissante que saine, il eut moins de justesse que de force dans l’esprit. […] Formé tout seul, sans maître, à l’école de la souffrance, son génie se compose d’imagination et de sensibilité, de logique et de véhémence ; il a de l’orateur le mouvement, la force, la dialectique pressante, l’abondance et la flamme. […] Je vous souhaite un sort qui ne vous force jamais à vous en souvenir.
Il avait la force de corps, la persévérance et la présence d’esprit qui en font triompher1. […] Dès le premier jour, il aimait dans la guerre, bien plus que le plaisir du combat, ce grand emploi de l’intelligence et de la volonté armées de la force pour un beau dessein, ce mélange puissant d’action humaine et de fortune, qui saisit et transporte les âmes les plus hautes comme les plus simples. […] Mais, pour vous en rendre dignes et capables, écartez de votre pensée les préoccupations étrangères ; concentrez vos forces sur l’étude profonde et désintéressée.
Dans les caractères actifs et susceptibles, il est toujours tenté de croire à l’injustice, ou de se tourner en dépit et en envie ; dans les caractères mous et faibles, il amène l’insouciance et le découragement : l’humilier, c’est l’aigrir ou l’abattre1 ; on se tromperait fort si l’on croyait exercer par là une honte salutaire ; l’humiliation est toujours funeste à l’honneur : ou bien elle le blesse si vivement qu’il se révolte, ou bien elle le frappe si rudement qu’elle l’atterre2, et ôte la force de nous aider à nous relever. […] Mais, pour vous en rendre dignes et capables, écartez de votre pensée les préoccupations étrangères ; concentrez vos forces sur l’étude profonde et désintéressée.
Parmi elles, deux sœurs, avec un recueillement et une présence d’esprit admirables, choisirent à ce moment, parmi les psaumes, celui qui convenait le mieux à leur danger, et se mirent à lire à haute voix, alternativement, les versets suivants : « Dieu est notre retraite, notre force et notre secours dans les détresses. « C’est pourquoi nous ne craindrons point, quand même la terre se bouleverserait, quand les montagnes se renverseraient dans la mer ; « Quand ses eaux viendraient à bruire et à se troubler, quand les montagnes seraient ébranlées par la force de ses vagues ; « Car l’Éternel des armées est avec nous ; le Dieu de Jacob nous est une haute retraite1. » Où donc est la tempête2 ?
Henri, fils du duc de Lorraine, était venu la joindre avec mille chevaux et deux mille hommes de pied ; le duc de Parme y avait envoyé quatre cents chevaux et douze cents hommes de pied wallons ; Christophe de Bassompierre, qui, longtemps avant la mort de Henri III, était allé faire des levées en Allemagne, y avait amené trois cornettes de reîtres ; Jacques Colalte, au service du roi d’Espagne, deux régiments de lansquenets et quelque cavalerie allemande ; le duc de Nemours, trois mille fantassins et la plus belle gendarmerie que l’on eût su voir ; et Balagny, les meilleures troupes qu’il avait pu tirer du Cambrésis : tellement que toutes ces forces jointes ensemble faisaient près de quatre mille chevaux et plus de quinze mille hommes de pied. […] Les capitaines de son armée, les religionnaires mêmes, dont le courage endurci par les coups de la fortune ne rebroussait pas facilement contre le danger, comparant les forces de son ennemi avec les siennes, ne voyaient pas bien quel expédient les pourrait tirer de ce péril, et appréhendaient extrêmement pour le salut du roi, duquel dépendait celui de tout l’Etat ; de sorte que dans un conseil qu’il tint le cinquième de septembre, la plupart concluaient que, laissant ses troupes à terre fortifiées dans des postes où elles pourraient aisément soutenir les attaques de l’ennemi et attendre les renforts qui lui devaient arriver, il mît sa personne sacrée en sûreté, et qu’il s’embarquât au plus tôt pour prendre la route d’Angleterre ou de la Rochelle, de peur que, s’il tardait davantage, il ne se trouvât investi par mer aussi bien que par terre : ce que les vaisseaux que le duc de Parme avait tout prêts pourraient faire bien aisément, avec les barques qui descendaient de Rouen en très-grande quantité.
Écrivain juste, clair, exact, uni, probe comme sa pensée, il a l’expression ferme, nette, appropriée, simple sans bassesse, noble sans recherche ; il songe à instruire plus qu’à plaire, et nous émeut par la force pénétrante de la vérité. […] Bourdaloue m’a souvent ôté la respiration par l’extrême attention avec laquelle on est pendu à la force et à la justesse de ses discours, et je ne respirais que quand il lui plaisait de les finir pour en recommencer un autre de la même beauté. » 2.
Voici maintenant le commentaire poétique de ce texte consolant : Bientôt vos yeux éteints ne verront plus le jour : Sur vos fronts sillonnés la pesante vieillesse Imprimera l’effroi, gravera la tristesse : Ses frimats détruiront vos cheveux blanchissants : Vous perdrez le sommeil, ce charme de vos sens : Les mets n’auront pour vous que des amorces vaines : Vous serez sourds au chant de vos jeunes syrènes : Vos corps appesantis, sans force et sans ressorts, Feront pour se traîner d’inutiles efforts : La Mort, d’un cri lugubre, annoncera votre heure ; L’éternité, pour vous, ouvre alors sa demeure. […] Qu’en faut-il faire donc, puisque vous condamnez avec autant de force que de raison la conduite insensée de l’avare, qui en paralyse l’usage ? […] C’est celui …………………………… Dont l’activité sage Agrandit lentement un modique héritage, Et qui surmonte enfin sa médiocrité, À force d’industrie et de sobriété. […] Pénétré de la lecture des livres saints, enthousiasmé de tous les genres de beautés qui y brillent, le poète anglais y a puisé cette force de pensées qui nous semblent quelquefois gigantesques, parce que nous les mesurons sur la portée ordinaire de nos idées : cette hardiesse de figures qui nous étonne, et cette chaleur vraiment sentimentale, qui nous subjugue et nous entraîne malgré nous.
Par la force du génie, on se représentera toutes les idées générales et particulières sons leur véritable point de vue ; par une grande finesse de discernement, on distinguera les pensées stériles des idées fécondes ; par la sagacité que donne la grande habitude d’écrire, on sentira d’avance quel sera le produit de toutes ces opérations de l’esprit… « Ce plan n’est pas encore le style, mais il en est la base ; il le soutient, il le dirige, il règle son mouvement et le soumet à des lois. […] « Rien ne s’oppose plus à la chaleur que le désir de mettre partout des traits saillants ; rien n’est plus contraire à la lumière, qui doit faire un corps et se répandre uniformément dans un écrit, que ces étincelles qu’on ne tire que par force, en choquant les mots les uns contre les autres, et qui ne nous éblouissent quelques instants, que pour nous laisser ensuite dans les ténèbres. […] On ne peut donc trop s’en occuper ; c’est même le seul moyen d’affermir, d’étendre et d’élever ses pensées ; plus ou leur donnera de substance et de force par la méditation, plus il sera facile ensuite de les réaliser par l’expression. » Le premier point à méditer dans la disposition d’un ouvrage, c’est l’unité. […] Quelque corrompues que soient nos mœurs, le vice n’a pas encore perdu parmi nous toute sa honte, Il reste encore une sorte de pudeur publique qui nous force à le cacher, et le monde lui-même, qui semble s’en faire honneur, lui attache pourtant encore une espèce de flétrissure et d’opprobre.
Mais, là où la patrie est un temple vide, qui n’attend rien de nous que le silence et le passage, il se crée une oisiveté formidable, où la force des âmes, s’il leur en reste, se dépense à se flétrir. […] Ne le demandez pas, messieurs : la parole s’est glissée dans l’ombre de la tyrannie ; elle a rencontré çà et là, comme en un champ moissonné, des âmes demeurées pures de leur siècle, et, semant par elles le besoin de la force antique, elle a ranimé le sénat, le peuple, le forum, les dieux éteints, la Majesté tombée, et tous ensemble, ressuscitant en un même jour, ils ont donné aux vivants et aux morts une sainte et dernière apparition de la patrie1. […] Ils font notre espoir et notre force. […] Le talent oratoire, qui vit au milieu de la foule et se déploie dans le trouble, réclame ensemble toutes les forces de l’âme.
L’âme, comme le corps, ne supporte ni une longue inertie, ni une longue tension de force ; l’une et l’autre en usent les ressorts ; qu’au repos succède le mouvement, ou encore à un mouvement énergique un mouvement plus doux, pourvu toutefois que tous deux appartiennent au même ordre d’idées et se développent sur le même terrain. […] Ces éléments de son sujet n’ont point tous la même force ou la même importance, ils s’échelonnent à divers degrés. […] On peint avec art leurs commencements, leurs progrès, leur force et leur étendue.
Clytemnestre va retourner en Argos après la mort de sa fille qu’elle avait amenée pour l’hymen d’Achille ; Et moi qui l’amenai triomphante, adorée, Je m’en retournerai seule et désespérée ; Je verrai les chemins encor tout parfumes Des fleurs dont sous ses pas on les avait semés… Madame de Sévigné ne dira pas autrement que Clytemnestre : « Quand j’ai passé sur ces chemins, j’étais comblée de joie dans l’espérance de vous voir et de vous embrasser ; et en retournant sur mes pas, j’ai une tristesse mortelle dans le cœur, et je regarde avec envie les sentiments que j’avais en ce temps-là. » Dans tous ces exemples, l’antithèse n’est que le reflet de l’opposition qui existe réellement dans les idées, les faits, les sentiments ; et ce rapprochement préalable entre les choses ne peut que gagner en clarté, en force, en grâce, en pathétique, au rapprochement entre les mots. […] M. de la Rochefoucauld avait dit : « Nous n’avons pas assez de force pour suivre toute notre raison. » Madame de Grignan retourna la pensée : « Nous n’avons pas assez de raison pour employer toute notre force. » Ces contrastes symétriques plaisent à l’esprit, pourvu qu’ils soient présentés sobrement et à propos.
IV Cette question est si importante que, ne me sentant pas les forces de la résoudre tout seul avec vous, je vais appeler un tiers à mon aide. […] J’ai déploré l’insuffisance de mes forces et appelé sur moi l’indulgence de la cour et du jury. […] Si vous jugez ensuite les circonstances propices et vos forces suffisantes, allez, n’hésitez pas, le champ vous est ouvert ; mais ne me demandez pas d’autres conseils, je vous renverrais à ceux de mon vieux juge, ou plutôt à ceux de l’expérience.
Celui qui vient de la force opposée ou de la faiblesse du héros qui entreprend, se résout en détruisant la force contraire par une force ou par un art supérieur : ainsi, Esther bien conseillée, va trouver Assuérus et l’empêche d’agir. […] Voltaire s’élève avec force contre l’usage continuel de cette passion dans la tragédie : Vouloir de l’amour dans toutes les tragédies, dit-il, me paraît un goût efféminé… L’amour n’est souvent chez nos héros que de la galanterie. […] Le style de la tragédie doit avoir de la dignité, de la force et de la noblesse, mais sans enflure et sans affectation, avec une simplicité sans bassesse. […] Le discours passionné, c’est-à-dire le moment où les passions se montrent dans leur force, dans leur variété, dans leur désordre, est rendu par un chant qui porte le nom d’air ou d’ariette. […] Du reste, les trois genres peuvent se trouver ensemble dans une même pièce ; et alors ils ne servent qu’à se donner réciproquement une nouvelle force par les contrastes frappants auxquels ils donnent lieu.
Ce ne sont point là de ces froids jeux de mots, de ces antithèses puériles où l’esprit s’est mis à la torture pour faire contraster quelques mots, ou donner par l’opposition un moment d’éclat à des pensées communes : c’est un rapprochement naturel commandé par la force du sujet, et qui frappe d’autant plus, qu’il s’est offert avec plus de facilité. […] « Pensez, maintenant, comment aurait pu prendre un tel ascendant une créature si faible, et si exposée, selon le corps, aux insultes de toutes les autres, si elle n’avait en son esprit une force supérieure à toute la nature visible, un souffle immortel de l’esprit de Dieu, un rayon de sa face, un trait de sa ressemblance : non, non, il ne se peut autrement.