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58. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre V. des topiques ou lieux. — lieux applicables aux parties du sujet  » pp. 64-74

Quintilien l’a dit lui-même : « N’allez pas croire qu’il faille, sur chaque sujet, sur chaque pensée, interroger tous les lieux communs, les uns après les autres, et frapper, pour ainsi dire, à leur porte, pour voir s’ils ne répondraient pas aux besoins de la question ; ce ne serait prouver ni expérience ni facilité. » A l’exemple de Quintilien, Vico compare ingénieusement les lieux à l’alphabet. […] Aussi, tout en dispensant d’y avoir recours plus tard, croyons-nous utile d’habituer à ce genre de travail les jeunes gens qui commencent, de les accoutumer à traiter tel sujet par les circonstances, tel autre par le genre et l’espèce, et ainsi de suite. […] Voulez-vous amplifier cette pensée : « Les hommes doivent croire en un Dieu rémunérateur et vengeur » ? […] Bourdalouc s’adresse aux semblables pour développer l’inconséquence de celui qui nie la Providence dans le gouvernement de l’univers : « Il croit qu’un Etat ne peut être bien gouverné que par la sagesse et le conseil d’un prince ; il croit qu’une maison ne peut subsister sans la vigilance et l’économie d’un père de famille ; il croit qu’un vaisseau ne peut être bien conduit sans l’attention et l’habileté d’un pilote ; et quand il voit ce vaisseau voguer en pleine mer, cette famille bien réglée, ce royaume dans l’ordre et dans la paix, il conclut, sans hésiter, qu’il y a un esprit, une intelligence qui y préside ; mais il prétend tout autrement à l’égard du monde entier, et il veut que, sans Providence, sans prudence, sans intelligence, par un effet du hasard, ce grand et vaste univers se maintienne dans l’ordre merveilleux où nous le voyons. » Racine fait de même pour démontrer qu’en remettant Joas à Athalie, on concourt peut-être à l’accomplissement des secrets desseins de Dieu sur cet enfant : Pour obéir aux lois d’un tyran inflexible, Moïse, par sa mère au Nil abandonné, Se vit, presque en naissant, à périr condamné ; Mais Dieu, le conservant contre toute espérance, Fit par le tyran même élever son enfance.

59. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — De Retz. (1614-1679.) » pp. 20-28

Ce qui a fait que je ne l’ai jamais cru est que l’on n’en a jamais vu ni déposition ni indice, quoique la plupart des domestiques de la maison de Vendôme aient été très-longtemps en prison. […] L’on se croyait bien obligé au ministre de ce que toutes les semaines il ne faisait pas mettre quelqu’un en prison, et l’on attribuait à la douceur de son naturel les occasions qu’il n’avait pas de mal faire. […] Il donna toutes les apparences nécessaires pour faire croire qu’on l’avait forcé à cette résolution ; que les conseils de Monsieur et de M. le prince l’avaient emporté dans l’esprit de la reine sur son avis. […] Enfin, il fit si bien, qu’il se trouva sur la tête de tout le monde, dans le temps que tout le monde croyait l’avoir encore à ses côtés3. […] On fut sur le point de le faire sur-le-champ ; mais beaucoup de ceux de la compagnie ayant représenté que les peuples1 croiraient qu’elle aurait été violentée si elle opinait au Palais-Royal, l’on résolut de s’assembler l’après-dînée au palais, et l’on pria M. le duc d’Orléans de s’y trouver.

60. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Montesquieu 1666-1755 » pp. 148-157

Ils sont très-inutiles à l’État ; cependant ils se croient considérables, parce qu’ils s’entretiennent de projets magnifiques, et traitent de grands intérêts. […]   — Monsieur, dit le savant, croyez-vous que je n’aie pas rendu un grand service au public de lui rendre la lecture des bons auteurs familière ?  […] » Après ce petit conseil, ils se séparèrent, je crois, très-mécontents l’un de l’autre. […] Non, je ne serais pas tranquille si tout ce que j’ai cru honnête et convenable de faire n’était pas accompli. […] Dans cette page, on croit l’entendre causer.

61. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XX. des qualités accidentelles du style. — élégance, finesse, naiveté, enjouement  » pp. 274-288

J’ai trouvé du style fleuri dans André Chénier, poëte beaucoup moins naïf et inventeur qu’on ne l’a cru et qu’on ne l’a dit, à l’époque où ses œuvres furent réimprimées. […] Croyez-vous qu’elle soit, comme on le dit, la plus belle personne de l’Allemagne ? — Madame, je le croyais hier. » Entre la finesse et la délicatesse je retrouve à peu près la distinction établie entre l’élégance et la grâce. […] Attaquez, combattez ces choses ou ces hommes, si leur chute est nécessaire au triomphe des opinions que vous croyez justes et utiles et du parti que vous défendez, mais ne les raillez pas ; les respecter, c’est vous respecter vous-même. […] Ils croiraient ne pas bien écrire, s’ils ne terminaient pas chaque article par un irait ou par une maxime, es, dès la première ligne, on voit qu’ils préparent le mot par lequel ils veulent finir.

62. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Voiture 1598-1648 » pp. 15-17

Vous eussiez eu peur, sans doute, mademoiselle, de me voir entre ces messieurs-là, et vous eussiez cru qu’ils m’allaient couper la gorge. […] Mais je voudrais que vous eussiez vu la mine de mon neveu2 et de mon valet, qui croyaient que je les avais menés à la boucherie. […] Vous croyez que je me moque ; mais je veux mourir si je puis plus résister au déplaisir de ne point voir madame votre mère et vous. […] Mais il y a six jours que je ne cours plus, et je ne suis pas moins fatigué ; cela me fait voir que mon mal est d’être éloigné de vous, et que ma plus grande lassitude est que je suis las de ne vous point voir1 ; et cela est si vrai, que si je n’avais point d’autres affaires que celles de Florence, je crois que je m’en retournerais d’ici ; oui, je n’aurais pas le courage de passer outre, si je n’avais à solliciter votre procès de Rome.

63. (1845) Leçons de rhétorique et de belles-lettres. Tome I (3e éd.)

« Le monde, malgré sa corruption, croit devoir des hommages à la vertu. […] Nous ne croyons pas qu’il soit important de pousser plus loin cet examen. […] Notre auteur a cru exprimer une qualité avec plus d’énergie, et, dans le fait, il en a exprimé deux. […] Je crois nécessaire de citer quelques exemples dans lesquels son application même montrera toute son importance. […] c’est ce qu’aucune règle, je crois, ne peut indiquer d’une manière précise.

64. (1843) Nouvelle rhétorique, extraite des meilleurs auteurs anciens et modernes (7e éd.)

Quel critique, quel rhéteur ne doit pas se croire au-dessous de cette tâche ? […] croyez-vous que les choses du moins fussent égales ? […] Crois-tu t’excuser sur ton obscurité ? […] Le vrai même, pour être cru, a besoin de vraisemblance. […] Chacun croit y reconnaître son langage.

65. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Première partie. De l’Art de bien écrire. — Section III. De l’Art d’écrire pathétiquement. — Chapitre I. Du Pathétique. » pp. 280-317

Je crois voir de ta main tomber l’urne terrible ; Je crois te voir cherchant un supplice nouveau, Toi-même de ton sang devenir le bourreau. […] Quoique cette figure soit particulièrement propre au style sublime, il ne faut pas croire qu’elle ne puisse, ainsi que bien d’autres, convenir au style simple. […] une chose qui fait crier miséricorde à tout le monde ; une chose qui comble de joie madame de Rohan et madame de Hauteville ; une chose enfin qui se fera dimanche, où ceux qui la verront, croiront avoir la berlue ; une chose qui se fera dimanche, et qui ne sera peut-être pas faite lundi. […]         Après le malheur effroyable         Qui vient d’arriver à mes yeux,         Je croirai désormais, grands Dieux ! […]         J’ai vu, sans mourir de douleur, J’ai vu… siècles futurs, vous ne pourrez le croire ; Ah !

66. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre VI. De l’Harmonie du Style. »

Mais cette étude ne doit point dégénérer en une recherche puérilement minutieuse ; c’est le conseil de Cicéron, et l’on en peut croire, sur cet article, celui de tous les écrivains peut-être qui a donné le plus d’attention à cette partie essentielle du style. […] Nous ne croyons pas, par exemple, que quand Fléchier nous représente Turenne étendu sur ses propres trophées  ; quand il nous peint ce corps pâle et sanglant, auprès duquel fume encore la foudre qui l’a frappé , il se soit arrêté à dessein à ce choix de syllabes longues et tristement sonores, pour terminer tout à coup par ces quatre brèves : quĭ l’ă frâppĕ. Nous croyons bien moins encore que le grave, l’austère Bossuet, soit descendu de la sublimité de son génie à cette puérile recherche de longues et de brèves, et qu’il s’y soit asservi dans le magnifique tableau qui termine l’oraison funèbre du Grand Condé. […] Or, que tous les hommes presque se sauvent, la foi nous défend de le croire. […] Mais comme les vices que je combats ici dominent également dans ces deux écrivains ; comme je les crois, en général, de fort mauvais modèles à proposer aux jeunes gens, j’ai dû les signaler au commencement d’un ouvrage qui n’a pour but, et ne saurait avoir d’autre mérite, que de défendre les principes éternels du goût et de la raison.

67. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre premier. Apologie de Socrate par Platon. »

Cette manière de louer était digne du maître et de l’élève ; mais, peu content de cet hommage tacite rendu partout à la vertu sublime de Socrate, Platon crut devoir à sa mémoire un monument plus éclatant encore, où Socrate lui-même figurât, dans les circonstances les plus intéressantes pour nous, et les plus glorieuses pour lui, son jugement et sa mort. […] Partout on voit l’homme certain du sort qu’on lui prépare, et peu jaloux de s’y dérober ; mais défendant jusqu’aux derniers moments les principes qu’il avait professés, parce qu’il les croyait utiles, et que le bonheur des hommes y semblait essentiellement attaché. […] Ce n’est point à vous tous que je m’adresse ici ; mais à ceux seulement qui m’ont condamné ; c’est à eux que je dirai donc : Ne pensez pas, Athéniens, que j’aie succombé dans cette accusation, faute des moyens nécessaires pour vous convaincre, si j’avais cru devoir faire et dire ce qui pouvait me dérober au supplice. […] Crois-tu donc qu’une ville puisse subsister, si les jugements publics y perdent leur force, si chaque citoyen peut les enfreindre à son gré ? […] Socrate, crois en ces lois qui t’ont élevé, qui t’ont nourri ; et ne préfère à la justice ni tes fils, ni ta vie, ni rien au monde. — Ce n’est pas nous qui te condamnons, c’est la perversité des hommes qui te poursuit.

68. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bossuet, 1627-1704 » pp. 89-123

Alexandre ne croyait pas travailler pour ses capitaines, ni ruiner sa maison par ses conquêtes. […] Ils se sentent eux-mêmes quelquefois pressés, et se plaignent de cette contrainte ; mais, chrétiens, ne les croyez pas : ils se moquent, ils ne savent ce qu’ils veulent. […] Vous croyez être bien muni aux environs, le fondement manque par en bas, un coup de foudre frappe par en haut. — Mais je jouirai de mon travail. — Eh quoi ! […] Mais voici en la personne de Jésus-Christ la résurrection et la vie : qui croit en lui ne meurt pas ; qui croit en lui est déjà vivant d’une vie spirituelle et intérieure, vivant par la vie de la grâce qui attire après elle la vie de la gloire ; mais le corps est cependant sujet à la mort. […] Dites-le-nous2, ô mort, car les hommes superbes ne m’en croiraient pas.

69. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section deuxième. La Tribune du Barreau. — Chapitre IV. Analyse et Extraits du plaidoyer de Cicéron pour Sextius. »

Il méprisait les chevaliers romains, menaçait les sénateurs, se vendait à la populace de Rome : il se vantait d’avoir échappé par son secours à une accusation de brigue, se flattait de pouvoir par elle obtenir une province, même contre le gré du sénat ; et s’il ne l’obtenait, pas il se croyait absolument perdu. […] On aurait cru voir un de ces anciens Romains, un de ces vieux républicains, un modèle des premiers temps de Rome, une image fidèle des vieilles mœurs, une colonne de la république. […] Accablé de coups, le corps tout meurtri et criblé de blessures, il tomba presque expirant, et n’évita la mort que parce qu’on le croyait déjà tué. […] Le seul moyen, croyez-moi, d’acquérir de la distinction, des honneurs et de la gloire, c’est d’être estimé et chéri des gens de bien, des hommes sages, des caractères solides ; c’est de connaître le vrai système de notre gouvernement, etc. » 88. « Aimons donc la patrie, soyons soumis au sénat, prenons les intérêts des gens de bien ; oublions les avantages présents, pour ne nous occuper que de la gloire à venir ; regardons comme le plus utile ce qui sera le plus juste ; espérons tout ce que nous voudrons, mais supportons tout ce qui nous arrivera ; pensons enfin que, dans les grands hommes, le corps seul est mortel, que les conceptions de leur âme et la gloire de la vertu sont éternelles ; et si nous voyons cette opinion consacrée dans la personne d’Hercule, ce héros vénérable, dont l’immortalité même vint, dit-on, recueillir l’âme et les vertus, dès que les flammes du bûcher eurent consumé son corps, nous devons croire aussi que ceux qui, par leurs conseils ou par leurs travaux, ont défendu, accru, sauvé une république aussi florissante, sont parvenus à une gloire qui ne mourra jamais ».

70. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Mirabeau, 1749-1791 » pp. 368-376

Entre les royalistes qui ne crurent pas à son dévouement, et les républicains qui se méfiaient de son désintéressement, la dictature de son éloquence ne put jamais s’établir assez souverainement pour durer au delà de ses discours. […] Et moi aussi, je ne crois pas les moyens de M. […] Mais croyez-vous, parce que vous n’aurez pas payé, que vous ne devrez plus rien ? Croyez-vous que les milliers, les millions d’hommes, qui perdront en un instant, par l’explosion terrible, ou par ses contre-coups, tout ce qui faisait la consolation de leur vie et peut-être l’unique moyen de la sustenter, vous laisseront paisiblement jouir de votre crime ? […] S’il croyait ses remontrances inutiles, il ne m’en ferait pas.

71. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — Boileau, (1636-1711.) » pp. 212-225

On croirait, à vous voir, dans vos libres caprices, Discourir en Caton des vertus et des vices, Décider du mérité et du prix des auteurs Et faire impunément la leçon aux docteurs, Qu’étant seul à couvert des traits de la satire, Vous avez tout pouvoir de parler et d’écrire. […] Mais c’est un jeune fou qui se croit tout permis, Et qui pour un bon mot va perdre vingt amis1 Il ne pardonne pas aux vers de la Pucelle, Et croit régler le monde au gré de sa cervelle. […] Balzac en fait l’éloge en cent endroits divers4 Il est vrai, s’il m’eût cru, qu’il n’eût point fait de vers. […] Je croyais, loin des lieux d’où ce prince m’exile, Que l’Eglise du moins m’assurait un asile. […] Et la palme du Cid, malgré la même audace, Croit et s’élève encore au sommet du Parnasse.

72. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Nicole, 1625-1695 » pp. 72-75

On en trouvera qui croiront que tout leur est dû, et qui, ne faisant jamais réflexion sur la manière dont ils agissent envers les autres, ne laisseront pas d’en exiger des déférences excessives. […] On se met en colère pour se faire croire, et l’on est d’autant moins cru qu’on fait paraître plus de colère. On se pique de ce qu’on n’est pas aussi estimé que l’on croit le mériter, et on l’est d’autant moins qu’on cherche plus à l’être.

73. (1886) Recueil des sujets de composition française donnés à la Sorbonne aux examens du baccalauréat ès lettres (première partie), de 1881 à 1885

Après une servitude aussi abjecte, je crois impossible un retour sérieux à la liberté. […] Adieu, Monsieur, et croyez toujours à ma constante amitié. […] Ne craignez pas de me rendre la pareille, ma chère enfant, et croyez à toute ma tendresse. […] J’avais besoin de soulager mon cœur par ces réflexions, que j’ai étendues plus que je ne l’aurais cru. […] Je vous prie de me croire, Monsieur, votre humble serviteur.

74. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Corneille 1606-1684 » pp. 310-338

Croyez-vous qu’il suffit d’être sorti de moi ? […] De quel front cependant faut-il que je confesse Que ton effronterie a surpris ma vieillesse, Qu’un homme de mon âge a cru légèrement Ce qu’un homme du tien débite impudemment ? […] Vous croyez que la vie consiste dans le plaisir : elle est tout autre que cela. Je ne suis pas plus sévère qu’il ne sied ; mais, Dieu merci, je ne me serais pas couchée en paix si j’avais cru avoir blessé une personne malheureuse, et je n’aurais pu supporter une heure l’idée d’être mal avec mon père. […] Ces beaux vers grondeurs n’étant guère connus, j’ai cru pouvoir les mettres en vue, parce qu’ils montrent sous un nouveau jour la fierté de Corneille.

75. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — La Bruyère, 1646-1696 » pp. 155-177

Il ne parle pas, il ne sent pas ; il répète des sentiments et des discours, se sert même si naturellement de l’esprit des autres, qu’il y est le premier trompé, et qu’il croit souvent dire son goût ou expliquer sa pensée, lorsqu’il n’est que l’écho de quelqu’un qu’il vient de quitter. […] L’on juge en le voyant qu’il n’est occupé que de sa personne ; qu’il sait que tout lui sied bien, et que sa parure est assortie ; qu’il croit que tous les yeux sont ouverts sur lui, et que les hommes se relayent pour le contempler1. […] Non content de n’être pas sincère, il ne souffre pas que personne le soit ; la vérité blesse son oreille ; il est froid et indifférent sur les observations que l’on lui fait sur la cour et sur le courtisan ; et parce qu’il les a entendues, il s’en croit complice et responsable. […] Louis XIV ne s’exposait pas volontiers, si j’en crois ce vers de Boileau : Louis, les animant du feu de son courage, Se plaint de sa grandeur qui l’attache au rivage. […] Ne m’en croyez pas ; regardez cette unique fois de certains hommes que vous ne regardez jamais, que vous dédaignez : ils ont des aïeuls, à qui, tout grands que vous êtes, vous ne faites que succéder.

76. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre III. De la partie oratoire dans les Historiens anciens. Historiens grecs. »

L’éclat avec lequel je me suis annoncé dans les jeux olympiques, a relevé la gloire d’Athènes aux yeux des Grecs, qui croyaient cette république abattue. […] Si quelqu’un cependant croit pouvoir réussir avec de moindres préparatifs, je lui cède volontiers l’honneur ou le péril du commandement ». […] Songez à vos exploits passés ; chargez vos ennemis avec ardeur, et croyez que la nécessité présente et votre position critique, sont ce que vous avez de plus redoutable à combattre ». […] Crois-moi, consacre à te procurer des guerriers, tant d’or et d’argent inutilement prodigué ». […] « Au reste, ne crois pas que les Scythes jurent l’amitié : notre serment, c’est le respect pour notre parole.

77. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Bossuet 1627-1704 » pp. 65-83

Pauvre6 voyageur égaré et présomptueux, qui croyez savoir le chemin, qui vous refusez la conduite, que voulez-vous qu’on vous fasse ? […] Pourquoi ne voulez-vous donc pas qu’en attendant que Dieu se montre à découvert ce qu’il est, la foi vienne à votre secours et vous apprenne du moins ce qu’il faut en croire ? […] Ils se sentent eux mêmes quelquefois pressés, et se plaignent de cette contrainte ; mais, chrétiens, ne les croyez pas : ils se moquent, ils ne savent ce qu’ils veulent. […] Dites-moi, je vous prie, celui qui croit avoir le présent tellement à soi, quand3 est-ce qu’il s’adonnera aux pensées sérieuses de l’avenir ? […] Lorsque sur cette mer on vogue à pleines voiles, Qu’on croit avoir pour soi les vents et les étoiles.

78. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Lacordaire, 1802-1861 » pp. 542-557

Ne croyez pas que la gloire soit un mouvement d’orgueil par lequel nous nous plaisons en nous-mêmes et considérons avec joie au-dessous de nous ceux qui n’ont pas atteint la même élévation. […] Un missionnaire a paru dans la solitude avec un crucifix ; il a nommé Dieu, et les enfants ont souri, et les mères ont cru aux lèvres qui apportaient à leurs fils la bénédiction du grand Esprit. […] Un peuple, après avoir tenu longtemps avec honneur le sceptre de sa destinée, a perdu peu à peu le sens des grandes choses, il n’a plus su croire, ni délibérer, ni se dévouer. […] Nous nous surfaisons tous le bruit de notre nom ; nous croyons tous que tout le monde s’occupe de nous. […] Puisse la France ne cesser jamais de l’honorer et d’y croire ! 

79. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XXVI. des figures. — figures par mutation et inversion  » pp. 370-387

Or croyez-vous que cette succession de parties puisse être arbitraire, au moins dans ses principaux éléments ? […] Voici une jolie syllepse dans la Bruyère : « Une femme infidèle, si elle est connue pour telle de la personne intéressée, n’est qu’infidèle ; s’il la croit fidèle, elle est perfide. » C’est une syllepse de genre. […] Je n’ose le croire. […] Pour faciliter aux élèves l’étude de ce livre, et leur en faire mieux saisir la marche, j’ai cru utile d’y ajouter un résumé de tout l’ouvrage. […] Oronte est A présent un objet de clemence ; S’il a cru les conseils d’une aveugle puissance, Il est assez puni par son sort rigoureux, Et c’est être innocent que d’être malheureux !

80. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Première partie. De l’Art de bien écrire. — Section III. De l’Art d’écrire pathétiquement. — Observations générales sur l’Art d’écrire les Lettres » pp. 339-364

Madame de Maintenon a répondant à la lettre d’un jeune Ecclésiastique, pour qui elle s’intéressait, lui disait : « Je crois votre lettre très exacte, et dans toutes les règles de l’art de bien dire. […] Quand il me prie, ou plutôt quand il m’oblige de vous le recommander comme un homme digne d’entrer dans la maison et dans la confidence d’un Prince, qui ne choisit que des gens de mérite ; quand il se persuade que vous voulez bien m’honorer d’une amitié intime, il s’imagine certainement que je peux plus que je ne le crois moi-même. […] Je les crois au moins une trêve à nos devoirs. […] Les Ligueurs la crurent plus facile à vaincre : ils l’avertirent du dessein de son mari, et lui promirent sa vie, si elle livrait la ville. […] Si néanmoins ceux qui signent ordinairement, sans ajouter leur titre à leur nom, écrivent pour la première fois à des personnes, dont il est à présumer qu’ils ne sont pas connus, il conviendra, je crois, qu’ils ajoutent le titre ou de leur terre, ou de leur charge, etc.

81. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre IX. de la disposition. — proportions, digressions, transitions, variété  » pp. 118-130

Ne croyez pas, en effet, qu’il s’agisse de passer brusquement de la folie à la raison, de provoquer les larmes, puis un instant après le rire, pour revenir bientôt du rire aux larmes ; loin de là : les romans, les drames, les vaudevilles, qui affectent ces oppositions heurtées, ces rapprochements discords, pèchent, à mon gré, contre l’art aussi bien que contre la nature. […] Victor Hugo, et de quelque poids que soit un si grand nom dans la balance, nous persistons à croire que l’art n’est point la reproduction fidèle et illimitée de la nature tout entière, mais la représentation savante et soumise à certaines lois d’une nature choisie ; que si les choses existent ainsi confondues dans la vie réelle, quand elles s’offrent à nous, nous les séparons instinctivement, comme nous bannirions un nain ou un mendiant qui viendraient étaler leurs plaies et leurs difformités dans la salle du festin et au milieu des chœurs de danse. […] croyez-vous que les choses du moins fussent égales ? croyez-vous qu’il s’y trouvât seulement dix justes, que le Seigneur ne put trouver autrefois en cinq villes tout entières ? […] beaucoup de pêcheurs qui ne veulent pas se convertir ; encore plus qui la voudraient, mais qui different leur conversion ; plusieurs autres qui ne se convertissent jamais que pour retomber ; enfin un grand nombre qui croient n’avoir pas besoin de conversion : voilà le parti des réprouvés.

82. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Madame de Maintenon, 1635-1719 » pp. 138-145

Je ne suis pas plus grande dame que je n’étais rue des Tournelles, où vous me disiez fort bien mes vérités1 ; et si la faveur où je suis met tout le monde à mes pieds, elle ne doit pas produire cet effet-là sur un homme chargé de ma conscience, et à qui je demande instamment de me conduire dans le chemin qu’il croit le plus sûr pour mon salut. […] Je vous aime trop, ma chère nièce, pour ne pas vous dire tout ce que je crois qui pourra vous être utile, et je manquerais bien à mes obligations si, étant tout occupée des demoiselles de Saint-Cyr, je vous négligeais, vous que je regarde comme ma propre fille. […] Vous vous croyez une personne importante, parce que vous êtes nourrie dans une maison où le roi va tous les jours ; et le lendemain de ma mort, ni le roi, ni tout ce que vous voyez qui vous caresse ne vous regardera pas. […] » Oui, ma chère fille, on le peut, et il ne nous est pas permis de croire que Dieu nous manque. […] Après le mariage secret de madame de Maintenon avec Louis XIV, il crut devoir changer de ton avec sa pénitente.

83. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Courier, 1773-1825 » pp. 447-454

Il nous en vient, dit-on ; tant que j’aurai cet espoir, ne croyez pas, madame, que je tourne jamais un regard en arrière, vers les lieux que vous habitez, quoiqu’ils me plaisent fort. […] En voyant ces rochers, partout couronnés de myrtes et d’aloès, et ces palmiers dans les vallées, vous vous croyez au bord du Gange ou sur le Nil, hors qu’il n’y a ni pyramides ni éléphants ; mais les buffles en tiennent lieu, et figurent fort bien parmi les végétaux africains avec le teint des habitants, qui n’est pas non plus de notre monde. […] La maison est dans un des angles du jardin ; de grands arbres grêles, qui sont, je crois, des acacias, s’élèvent à la hauteur du toit, et parent les rayons du soleil sans nuire à la vue ; tellement qu’on voit de là tout Rome au bas du Pincio, et les collines opposées de Saint-Pierre in Montorio et du Vatican. […] répondis-je, celle de César se passe très-bien d’un pareil service, et personne, je crois, n’a mieux su se recommander soi-même à la postérité. — Il est vrai, certes, et c’est là ce qui le distingue du vulgaire des conquérants. […] Alexandre fut grand guerrier ; on le dit, je le veux croire ; mais Homère est grand poëte ; je le vois, j’en juge moi-même, et si je l’admire, c’est avec pleine connaissance, non sur la foi des traditions.

84. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. —  Voiture. (1598-1648.) » pp. 7-11

Vous eussiez eu peur, sans doute, mademoiselle, de me voir entre ces messieurs-là, et vous eussiez cru qu’ils allaient me couper la gorge. De peur d’en être volé, je m’en étais fait escorter ; j’avais écrit, dès le soir, à leur capitaine de me venir accompagner et de se trouver en mon chemin : ce qu’il a fait, et j’en ai été quitte pour trois pistoles ; mais surtout je voudrais que vous eussiez vu la mine de mon neveu1 et de mon valet, qui croyaient que je les avais menés à la boucherie. […] Qui m’eût dit, il y a quelques années, que j’eusse dû vivre plus longtemps que Car, j’eusse cru qu’il m’eût promis une vie plus longue que celle des patriarches. […] Mais j’avoue que je n’eusse pas cru que vous vous fussiez emporté à ce point-là : et si vous continuez, vous vous rendrez insupportable à toute l’Europe ; et ni l’empereur ni le roi d’Espagne ne pourront durer avec vous.

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