Beaumarchais 1732-1799 [Notice] Fils d’un horloger, mécanicien habile, maître de musique auprès des filles de Louis XV, spéculateur audacieux qui se jette dans le tourbillon de l’agiotage et gagne des millions, en fournissant des armes à la jeune Amérique, Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais eut une existence aussi compliquée que l’intrigue de son Figaro. […] « Si, pour les suites de ce procès, je dois être dénoncé au parlement comme ayant voulu corrompre un juge incorruptible, et calomnier un homme incalomniable, suprême Providence, ton serviteur est prosterné devant toi : je me soumets ; fais que mon dénonciateur soit un homme de peu de cervelle ; qu’il soit faux et faussaire ; et puisque ce procès criminel doit être de toute iniquité comme le procès civil qui y a donné lieu, fais, ô mon maître ! […] Lorsque mon sujet me saisit, j’évoque tous mes personnages et les mets en situation : — Songe à toi, Figaro, ton maître va te deviner. — Sauvez-vous vite, chérubin ; c’est le comte que vous touchez. — Ah !
Formé tout seul, sans maîtres, à l’école de la souffrance, son talent se compose d’imagination et de sensibilité, de logique et de véhémence ; il a de l’orateur le mouvement, la force, la dialectique pressante, l’abondance et la flamme. […] Ils emploieraient volontiers leur fortune à consumer leur vie entière ; et il n’y en a peut-être pas un qui n’eût réduit ses ans à très-peu d’heures, s’il eût été le maître d’en ôter, au gré de son ennui, celles qui lui étaient à charge, et, au gré de son impatience, celles qui le séparaient du moment désiré. […] Avant une heure, même les jours les plus ardents, je partais par le grand soleil avec le fidèle Achate1, pressant le pas, dans la crainte que quelqu’un ne vînt s’emparer de moi avant que j’eusse pu m’esquiver ; mais quand une fois j’avais pu doubler un certain coin, avec quel battement de cœur, avec quel pétillement de joie je commençais à respirer en me sentant2sauvé, en me disant : Me voilà maître de moi pour le reste de ce jour ! […] Je dispose en maître de la nature entière ; mon cœur, errant d’objet en objet, s’unit, s’identifie à ceux qui le flattent, s’entoure d’images charmantes, s’enivre de sentiments délicieux. […] « Si peu maître de mon esprit seul avec moi-même, qu’on juge de ce que je dois être en conversation.
Platon eut Athènes pour patrie, et Socrate pour maître. — 9. […] Le maître commande toujours à ses élèves des choses bonnes et justes. — 13. […] Mais le chien reconnut aussitôt et caressa son maître. […] Souvent il combat pour son maître contre les voleurs avec le plus grand courage. […] Alexandre ne retenait pas sa colère, dont il n’était pas maître. — 3.
De la, ce fameux dialogue sur les causes qui avaient corrompu l’éloquence, chef-d’œuvre de goût et de raison, successivement attribué à deux grands maîtres, Tacite et Quintilien, et à peu près reconnu aujourd’hui pour l’ouvrage du premier. […] Il en conclut donc que, pour ramener les esprits aux vrais principes et pour faire renaître les beaux jours de l’éloquence, il faut en revenir à la simplicité des mœurs antiques, à l’étude des grands maîtres, et faire enfin ce qu’ils avaient fait eux-mêmes, si l’on veut parvenir à s’illustrer comme eux.
Il marche sans broncher au bord du précipice, Reconnaît son chemin, son maître et son hospice. […] En classe, un banc de chêne, usé, lustré, splendide, Une table, un pupitre, un lourd encrier noir, Une lampe, humble sœur de l’étoile du soir, M’accueillaient gravement et doucement ; mon maître, Comme je vous l’ai dit souvent, était un prêtre, Oh !
Émule, dans la prose, des maîtres de notre époque classique, Voltaire s’est, toutefois, élevé rarement au ton de la haute éloquence. […] Il songea plus à conserver les troupes de son maître qu’à vaincre : il faisait la guerre avec adresse, et les deux rois1, avec vivacité.
On y voudrait plus de naïveté, une touche plus forte, quelques-unes de ces expressions créées qui portent un écrivain à la postérité ; mais sa gentillesse et sa finesse lui assurent le second rang dans un genre où un maître a tellement excellé qu’il rend toute concurrence impossible1. […] Un homme qui montrait la lanterne magique Avait un singe dont les tours Attiraient chez lui grand concours ; Jacqueau, c’était son nom, sur la corde élastique Dansait et voltigeait au mieux, Puis faisait le saut périlleux ; Et puis, sur un cordon, sans que rien le soutienne, Le corps droit, fixe, d’aplomb, Notre Jacqueau fait tout au long L’exercice à la prussienne1 Un jour qu’au cabaret son maître était resté, (C’était, je pense, un jour de fête)2, Notre singe en liberté Veut faire un coup de sa tête.
Écolier extraordinaire, il allait d’instinct vers les intelligences royales, vers les plus divins des poëtes ; Homère et Virgile furent ses maîtres, avant le jour où, la lecture de la Bible déterminant sa vocation, il reconnut en elle le livre par excellence, la source d’où son génie devait découler. […] Il deviendra plus égal, plus châtié, plus maître de lui ; mais jamais souffle plus inspiré ne l’animera. […] C’est pourquoi tous ceux qui gouvernent se sentent assujettis à une force majeure : ils font plus ou moins qu’ils ne pensent, et leurs conseils n’ont jamais manqué d’avoir des effets imprévus ; ni ils ne sont maîtres des dispositions que les siècles passés ont mises dans leurs affaires, ni ils ne peuvent prévoir le cours que prendra l’avenir, loin qu’ils le puissent forcer. […] Quand les Césars flattaient les soldats, ils n’avaient pas dessein de donner des maîtres à leurs successeurs et à l’empire. […] « Platon et Bossuet, à nos yeux, voilà les deux plus grands maîtres du langage humain qui aient paru parmi les hommes, avec des différences manifestes, comme aussi avec plus d’un trait de ressemblance : tous deux parlant d’ordinaire comme le peuple, avec la dernière naïveté, et par moments montant sans effort à une poésie aussi magnifique que celle d’Homère, ingénieux et polis jusqu’à la plus charmante délicatesse, et par instinct majestueux et sublimes.
On a dit avec esprit que les maîtres apprenaient à leurs élèves à se passer d’eux. […] Qui prétendrait être maître chez nous ? […] Ce n’était plus leur maître ! […] Cousin, alors maître de conférences, éveilla sa vocation philosophique. […] La force donc pouvait seule nous rendre maîtres du passage.
En effet, ces deux qualités, magnificence et richesse, supposent plutôt, en général, la dignité que la force ; l’écrivain qui les déploie a sans doute été ému, inspiré, enthousiasmé par une grande idée, mais il a dû rester assez maître de lui pour la pénétrer dans toute sa profondeur, pour la développer dans toute son étendue et toute sa pompe. […] Ainsi les vers de Corneille dans Othon, en parlant des courtisans de Galba : Je les voyais tous trois se hâter sous un maître, Qui, chargé d’un long âge, a peu de temps à l’être, Et tous trois à l’envi s’empresser ardemment A qui dévorerait ce règne d’un moment. […] Mais le martyr enthousiaste, le patriote dévoué, le chevalier héroïque, le monarque maître de soi comme de l’univers, Polycuete, Horace, Rodrigue, Auguste, sont sublimes.
Cependant, on a vu des critiques qui, faisant un parallèle entre les deux maîtres de notre scène tragique, n’ont pas craint de ne citer que des passages médiocres de Corneille, d’y opposer les plus beaux qu’ils avaient pu trouver dans Racine, et de se prévaloir de ces exemples pour donner une préférence exclusive à ce dernier : c’est là évidemment manquer, en fait de critique, à toutes les règles de l’équité. […] Gibert que de reconnaître qu’il possède Aristote, Hermogène, Cicéron, Quintilien ; qu’il entend la matière qu’il traite ; que les grands maîtres sont bien expliqués, et qu’il y a de la dialectique dans ce qu’il a écrit sur l’art oratoire, où l’imagination a tant de part. […] Je ne puis autoriser un traître, et je n’aurais point d’horreur de la trahison si elle était faite pour ma rendre maître du monde.
Et quand de pareils sujets ont été traités par les maîtres de l’art, leurs ouvrages sont ou des monuments à admirer, ou des leçons importantes à étudier, pour les mettre un jour en pratique. […] L’un, dès qu’il parut dans les armées, donne une haute idée de sa valeur, et fait attendre quelque chose d’extraordinaire : l’autre, comme un homme inspiré, dès sa première bataille, s’égale aux maîtres les plus consommés.
Vos nombreuses infidélités datent du jour où vous sortîtes de l’Égypte, etc. » Le reste, du discours est consacré à remettre sous les yeux des Israélites tout ce que le Seigneur avait opéré jusqu’alors de prodiges en leur faveur, et cette pompeuse énumération est terminée par des conseils donnés avec la tendresse d’un père et l’autorité d’un maître. […] Maître absolu des cieux et de la terre, il n’habite point les temples que la main de l’homme a élevés ; et celui qui dispense à tout ce qui respire la vie et la lumière, n’a pas besoin des sacrifices de l’homme, etc. » Dans le reste de ce discours, saint Paul expose en peu de mots, mais avec la force de la vérité, quelques-uns des dogmes de la religion ; et son éloquence est si entraînante, ses preuves paraissent si lumineuses, que tout l’Aréopage, à moitié convaincu déjà, lui rend sa liberté d’une voix unanime, en se proposant bien de l’entendre de nouveau sur ce sujet intéressant : audiemus te de hoc iterùm .
Croyez qu’il sera doux de voir un jour peut-être Vos fils étudier sous votre bon vieux maître, Dans l’église avec vous chanter au même banc, Et jouer à la porte, où l’on jouait enfant. […] Qu’en dites-vous, écoliers et maîtres ?
La disposition par interrogations et par réponses convient parfaitement à des leçons dont l’élève doit rendre compte, en classe, sur la demande du maître, et trahit, de la part de l’auteur, une longue expérience de l’enseignement. […] Je ne vois pas qu’il me reste rien à désirer pour lui que la continuation du grand et légitime succès qu’il a obtenu près de tous les maîtres soucieux de conserver ou de ressusciter les bonnes et solides traditions d’autrefois.
Mes pareils à deux fois ne se font point connaître, Et pour leurs coups d’essai veulent des coups de maître. […] J’appelle rêveries Ce qu’en d’autres qu’un maître on nomme menteries : Je parle avec respect. […] Mais parlons du festin : Urgande et Mélusine5 N’ont jamais sur-le-champ mieux fourni leur cuisine ; Vous allez au delà de leurs enchantements : Vous seriez un grand maître à faire des romans. […] Dégoûté de la carrière dramatique par quelques échecs récents, Corneille avait cherché des consolations dans ce travail, où « il sacrifiait sa réputation, pensait-il, à la gloire du souverain maître ».
C’est une éloquente et méthodique paraphrase des ouvrages de Cicéron ; partout on y voit l’habile rhéteur et le grand maître. […] Un homme de Macédoine se rend maître des Athéniens, et fait la loi à toute la Grèce. […] Cependant l’avocat peut encore tirer de l’étude des ouvrages de ce grand maître d’immenses avantages. […] L’orateur de la chaire est peut-être maître trop paisible du champ qu’il parcourt. […] Je crois que ceux qui ont l’expérience du barreau reconnaîtront, sans hésiter, la vérité du précepte de ce grand maître.
« Je viens d’apprendre avec beaucoup de joie, Monsieur, la grâce que le Roi vous a faite, non seulement pour l’intérêt de mon ami, mais encore pour celui de mon Maître. […] de Turenne, et la nouvelle de sa mort. » Ne prenez jamais un ton de maître dans les lettres de conseils. […] Que je vous trouve heureux d’avoir tant d’obligations à devenir un sujet distingué, et de devoir au Roi votre vie et vos services, au double titre de votre maître et de votre père !
Telle est cette pensée d’Auguste, lorsque, après avoir appris la conspiration de Cinna, et résolu de punir ses ennemis, il fait taire les mouvements de son cœur qui lui conseillaient la vengeance, il s’écrie : Je suis maître de moi, comme de l’univers. […] Les coursiers, dans Pradon, ne reconnaissent plus de maître ni de guide : ces deux expressions sont synonymes, la seconde même est plus faible que la première ; tandis que Racine nous montre les coursiers Ile connaissant plus ni le frein ni la voix, deux expressions qui ont un sens diffèrent chacune, au lieu d’être la répétition l’une de l’autre. […] Ainsi Bossuet voulant nous montrer que Dieu seul est le maître absolu de tous les hommes, nous annonce d’abord que sa puissance s’exerce dans les cieux, et sur tous les empires du monde, puis il nous amène à conclure que ce Dieu peut alors élever et abaisser son gré les princes et les rois : Celui qui règne dans les cieux, de qui relèvent tous les empires, à qui seul appartient la gloire, la majesté, l’indépendance est aussi le seul qui se glorifie de faire la loi aux rois, et de leur donner, quand il lui plaît, de grandes et terribles leçons.
Ses Dialogues sur l’éloquence sont d’un maître qui enseigne avec l’autorité de son expérience et de ses exemples. […] Fénelon, vous le voyez, prenait à cœur sa responsabilité de maître, et de guide. […] Cet enfant est déjà un maître ; il commande, ses caprices sont des ordres !
Les maîtres les lui ont tracées, et leur voix ne fut que l’écho de la raison et de la justice éternelle. […] Quelques hommes, ceux-là sont les maîtres !
n’est-ce point se mettre en opposition avec les maîtres de l’art ? […] C’est au jeune écrivain à en rechercher les symptômes et les diagnostics dans les maîtres ; qu’il étudie avec soin la manière dont quelques grands copistes de la nature les ont présentées et nuancées, dont ils les ont fait ressortir par les contrastes et les repoussoirs.
Nous ne conseillons pas, certes, de copier ou d’imiter servilement ces auteurs; mais, de même que les jeunes artistes prennent pour modèles les meilleures œuvres des grands peintres ou des grands musiciens, afin de se fortifier dans leur art, et de produire ensuite quelque composition de leur goût ou de leur fantaisie, de même les jeunes gens, après avoir analysé, admiré les modèles que nous leur offrons, se ressentiront d’une certaine influence favorable, sous l’inspiration de laquelle ils pourront à leur tour émettre leurs pensées avec le même succès, nous l’espérons, que leurs maîtres. […] Les jeunes gens recevaient d’abord les leçons de ce maître avant de suivre celles des rhéteurs et des philosophes, l’ancienne éducation l’exigeant ainsi.
Nommé gouverneur de l’Italie dès que César s’en fut rendu le maître, il commanda l’aile gauche de son armée à la bataille de Pharsale. […] On dit que les sénateurs voyant bien que César n’avait voulu devenir leur maître que pour être leur bienfaiteur, se préparaient à lui déférer le titre de roi dans tout l’empire, excepté dans l’Italie. […] L’infortuné Charles ayant eu la tête tranchée, au mois de février 1649, Cromwell fit abolir la monarchie un mois après, et gouverna dès ce moment l’Angleterre en maître absolu sous le titre de Protecteur du Peuple. […] Son maître ayant été enlevé par un tourbillon de feu, lui laissa son manteau et son esprit prophétique. […] Nogent (Armand de Bautru, comte de), capitaine des gardes de la Porte, maître de la garde-robe, et maréchal de camp des armées du roi.
Parmi tout cela, une magnificence d’expressions proportionnée aux maîtres du monde, qu’il fait souvent parler ; capable néanmoins de s’abaisser quand il veut, et de descendre jusqu’aux simples naïvetés du comique où il est encore inimitable ; enfin, ce qui lui est surtout particulier, une certaine force, une certaine élévation qui surprend, qui enlève, et qui rend jusqu’à ses défauts, si on lui en peut reprocher quelques-uns, plus estimables que les vertus des autres. […] Suivent les portraits de Racine et de Boileau, tracés avec cette supériorité de trait et cette vigueur de manière qui caractérisent le grand maître.
Nous aurons toujours ce scrupuleux respect pour notre public, c’est-à-dire pour les maîtres et les élèves, et volontiers nous profiterons de tous les conseils qui nous seront donnés. […] Le maniement de la plume, dit Cicéron, voilà le grand et souverain maître dans l’art d’écrire. […] Lors donc, ajoute ce grand maître, que nous traiterons un sujet qui demande un esprit élevé, pénétrons-nous de cette pensée : comment Homère aurait-il dit cela ? […] Mais il est certaines questions littéraires qui sont d’un abord plus facile et auxquelles le maître saura d’ailleurs préparer un jeune homme par des lectures ou des explications données à propos. […] Rien de plus sublime que l’idée d’un Dieu créateur et maître du monde, gouvernant tout par sa providence, se servant du ministère de ses anges pour conduire toutes choses à leur fin.