Quant au mot style, sans m’arrêter à son étymologie, il me semble présenter un caractère en quelque sorte individuel. […] Car remarquez que, tout en s’individualisant, pour ainsi dire, le style ne perd pas ses caractères généraux. […] Quelques rhéteurs ont été jusqu’à admettre, pour certains genres d’ouvrages, le style sec ; comme si l’on pouvait jamais supposer pour qualité distinctive d’une classe d’écrits un caractère qui toujours et partout est un défaut.
Relisez avec soin la plupart des ouvrages qui ont paru de 1750 à 1760, pièces de théâtre, romans, écrits philosophiques, discours académiques, compositions sérieuses et légères ; examinez le caractère général que présente en ces divers écrits la prose française : on la dirait épuisée, étiolée. […] Voilà les maîtres vers lesquels il faut sans cesse porter ses regards, quand on a quelques sentiments de l’art véritable, et qu’on aime cette admirable langue française, fidèle image de l’esprit et du caractère national, qui ne peut se soutenir et durer que par le perpétuel renouvellement des causes qui l’ont formée et élevée, à savoir les grands sentiments et les grandes pensées, ces foyers immortels du génie des écrivains et des artistes, aussi bien que de la puissance des nations. […] Il s’était fait comme une habitude de l’éloquence ; car il ne pouvait guère écrire ou parler sans reproduire les deux caractères de son talent, la grandeur et la passion. » 2.
Mais Aristote fait précisément honneur à Euripide d’avoir le premier introduit dans la tragédie des mots du langage familier (Rhétorique III, 2) ce langage ne pouvait donc être un caractère des anciens poëtes. Il est plus probable qu’Aristote oppose le caractère sérieux et sincère de l’ancienne éloquence, soit en vers, soit en prose, à l’éloquence plus savante, mais moins naturelle, dont les rhéteurs donnaient les préceptes et l’exemple.
C’était dans les luttes perpétuelles des factions et de la liberté, dans le torrent d’une vie toujours active, au milieu enfin du tumulte des affaires, que l’éloquence des Athéniens acquérait cette vigueur, cette énergie qui sont devenues son caractère distinctif, et qu’elle n’eût point contractées dans le calme de la retraite et de la méditation. […] Dédaignant l’affectation et le style fleuri des rhéteurs de son temps, il choisit Périclès pour le modèle de son éloquence, et son caractère distinctif est la force et la véhémence.
A ceux qui restent dans leur propre caractère.] […] Un caractère tout dramatique.]
La ballade allemande à une autre forme et un autre caractère : c’est un petit poème d’un genre capricieux et fantastique, qui, sous une forme presque lyrique, contient ordinairement un récit merveilleux, une légende tragique, un rêve, une tradition populaire. […] De ces rondeaux un livre tout nouveau À bien des gens n’a pas eu l’art de plaire ; Mais, quant à moi, j’en trouve tout fort beau, Papier, dorure, images, caractère : Hormis les vers qu’il fallait laisser faire À La Fontaine.
Appropriée au caractère de son imagination douce et pathétique, sa diction est sobrement ornée, élégante et pure, harmonieuse et sans effort. […] Mais ce n’était pas assez, il fallait encore qu’il fût marqué du caractère propre de vos élus : vous avez récompensé sa foi par des tribulations et par des disgrâces.
Il faut qu’il ait ensuite des connaissances exactes sur la force, les intérêts et le caractère des peuples, qu’il sache leur histoire politique, et particulièrement leur histoire militaire ; il faut surtout qu’il connaisse les hommes, car les hommes à la guerre ne sont pas des machines ; au contraire, ils y deviennent plus sensibles, plus irritables qu’ailleurs, et l’art de les manier, d’une main délicate et ferme, fut toujours une partie importante de l’art des grands capitaines. […] Le soldat anglais, bien nourri, bien dressé, tirant avec une remarquable justesse, cheminant lentement parce qu’il est peu formé à la marche, et manque d’ardeur propre, est solide, presque invincible dans certaines positions où la nature des lieux seconde son caractère résistant ; mais il devient faible si on le force à marcher, à attaquer, à vaincre de ces difficultés qu’on ne surmonte qu’avec de la vivacité, de l’audace et de l’enthousiasme.
La première éducation de l’enfant se fait par la conversation, mais les connaissances sérieuses ne nous viennent guère par cette voie ; les causeries du monde sont généralement superficielles : on peut toutefois y acquérir la connaissance des hommes et des caractères, une manière élégante de s’exprimer, les grâces de la politesse et du bon ton. […] La simplicité est le vrai caractère de la beauté. […] Le goût d’une nation change avec ses mœurs ; chaque peuple a un goût particulier en harmonie avec son caractère ; chaque individu a un goût personnel, qui n’est pas tout à fait celui des autres.
On peut lui appliquer ce trait : « qui dit auteur, dit oseur. » Exorde de son quatrième mémoire 1 Si l’être bienfaisant qui veille à tout m’eût un jour honoré de sa présence et m’eût dit : « Je suis Celui par qui tout est ; sans moi tu n’existerais point ; je te douai d’un corps sain et robuste ; j’y plaçai l’âme la plus active ; tu sais avec quelle profusion je versai la sensibilité dans ton cœur et la gaieté sur ton caractère ; mais tu serais trop heureux si quelques chagrins ne balançaient pas cet état fortuné : aussi tu vas être accablé sous des calamités sans nombre ; déchiré par mille ennemis ; privé de ta liberté, de tes biens ; accusé de rapines, de faux, d’imposture, de corruption, de calomnie ; gémissant sous l’opprobre d’un procès criminel ; garrotté dans les liens d’un décret ; attaqué sur tous les points de ton existence par les plus absurdes on dit ; et ballotté longtemps au scrutin de l’opinion publique, pour décider si tu n’es que le plus vil des hommes ou seulement un honnête citoyen », je me serais prosterné, et j’aurais répondu : « Être des êtres, je te dois tout, le bonheur d’exister, de penser et de sentir ; je crois que tu nous as donné les biens et les maux en mesure égale ; je crois que ta justice a tout sagement compensé pour nous, et que la variété des peines et des plaisirs, des craintes et des espérances, est le vent frais qui met le navire en branle et le fait avancer gaiement dans sa route. […] Je demanderais surtout qu’infidèle à ses amis, ingrat envers ses protecteurs, odieux aux auteurs dans ses censures, nauséabond aux lecteurs dans ses écritures, terrible aux emprunteurs dans ses usures, colportant les livres défendus, espionnant les gens qui l’admettent, écorchant les étrangers dont il fait les affaires, désolant, pour s’enrichir, les malheureux libraires, il fût tel enfin dans l’opinion des hommes, qu’il suffît d’être accusé par lui pour être présumé honnête, d’être son protégé, pour devenir à bon droit suspect : donne-moi Marin 1 « Que si cet intrus doit former le projet d’affaiblir un jour ma cause en subornant un témoin dans cette affaire, j’oserais demander que cet autre argousin fût un cerveau fumeux, un capitan sans caractère, girouette tournant à tous les vents de la cupidité, pauvre hère qui, voulant jouer dix rôles à la fois, dénué de sens pour en soutenir un seul, allât, dans la nuit d’une intrigue obscure, se brûler à toutes les chandelles, en croyant s’approcher du soleil ; et qui, livré sur l’escarpolette de l’intérêt à un balancement perpétuel, en eût la tête et le cœur étourdis au point de ne savoir ce qu’il affirme, ni ce qu’il a dessein de nier : donne-moi Bertrand. […] « Que si, pour achever d’exercer ma patience et me mieux tourmenter, quelque magistrat d’un beau nom doit se déclarer le protecteur, le conseil et le soutien de mon ennemi, j’oserais demander qu’il fût choisi entre mille d’un caractère léger, et tel que ses imputations n’obtinssent pas plus créance contre moi que ses outrages publics ne doivent m’ébranler ni me nuire.
Son talent, son génie propre consistent à dégager la substance morale des livres où il cherche les éléments d’un caractère. […] Croire qu’en imitant certaines qualités de pureté, de clarté, de correction et d’élégance, indépendamment du caractère même et de la flamme, on deviendra classique, c’est croire qu’après Racine père, il y a lieu à des Racine fils ; rôle estimable et triste, ce qui est le pire en poésie. […] Ce passage, que nous avons abrégé à regret, est un de ceux qui montrent le mieux en résumé le caractère du critique et de l’écrivain chez M.
Il s’échauffe facilement ; qu’on le compte parmi ceux dont le caractère est vif. […] Loué, exalté et porté jusqu’aux cieux par de certaines gens qui se sont promis de s’admirer réciproquement, il croit, avec quelque mérite qu’il a, posséder tout celui qu’on peut avoir, et qu’il n’aura jamais ; occupé et rempli de ses sublimes idées, il se donne à peine le loisir de prononcer quelques oracles : élevé par son caractère au-dessus des jugements humains, il abandonne aux âmes communes le mérite d’une vie suivie et uniforme ; et il n’est responsable de ses inconstances qu’à ce cercle d’amis qui les idolâtrent. […] Arsinoé disait vertu ; la différence des deux caractères est dans la nuance de ces deux mots. […] Jamais encore on n’avait peint l’homme, dans cette sphère de la vie, avec une vérité si profonde ; jamais on n’avait saisi avec cette sagacité pénétrante les caractères, leurs traits saillants et leurs nuances variées ; jamais on n’était descendu aussi avant dans les obscurs replis où se cachent les ressorts des actions humaines.
L’homme est à peu près dans les anciens ce qu’il peut, ce qu’il doit être, soit que le poète décrive, ou que le philosophe analyse les orages de son cœur, ou les bizarreries de son caractère. […] Homère et Virgile ne charment pas toutes les classes de lecteurs : ce sont des mœurs nouvelles à étudier ; des caractères, des intérêts trop éloignés des nôtres ; on s’y trouve, en un mot, trop dépaysé.
L’empire romain mis à l’encan et celui des Ottomans exposé tous les jours au cordeau nous marquent par des caractères bien sanglants l’aveuglement de ceux qui ne font consister l’autorité que dans la force. […] L’intrépidité est l’un des moindres traits de son caractère.
De là la nécessité de bien connaître la nature des passions et de démêler les nuances qui les distinguent, afin de prêter à chacune d’elles le caractère et le langage qui leur conviennent. […] Elle sera vraisemblable, si l’on ne heurte ni le bon sens ni l’opinion reçue, si l’on rattache les faits à leur cause et qu’on en montre le principe dans le caractère et les mœurs de ceux à qui on les attribue. […] Elle a pour caractère l’incertitude et la surprise. […] La suspension n’a pas toujours le caractère de gravité qu’elle conserve dans les exemples précédents. […] Ainsi le veut le caractère des genres.
Son caractère, comme son talent, avait de l’autorité et de la vigueur. […] On connaît aussi cette pensée de Pascal : « Diseur de bons mots, mauvais caractère. » 2. […] Son caractère, rigoureux jusqu’à la dureté, se montra surtout lorsqu’il assista au lit de mort Henriette, duchesse d’Orléans, dont il a composé une oraison funèbre.
On a trouvé chez les Mexicains des traces de caractères hiéroglyphiques, qu’ils employaient avec leurs peintures historiques. […] Des principaux caractères de la langue française. […] Les pronoms français n’ont aucun caractère qui leur soit particulier. […] Fléchier veut peindre le caractère de M. […] Une autre cause agit également sur le style, c’est le caractère de l’écrivain ou de l’orateur.
Les grands traits de sagesse et de politique qui brillent dans la conduite de Moïse avec les Hébreux ; le code le plus heureusement adapté aux circonstances locales, au caractère et aux mœurs du peuple auquel il était destiné, ont fait constamment regarder cet homme prodigieux comme le législateur le plus habile et le moraliste le plus profond qui ait jamais donné des lois ou des leçons au genre humain. […] Nous avons tâché de vous prouver, dans le cours de cet ouvrage, que les progrès du goût et de l’éloquence étaient nécessairement attachés à ceux de la morale, et que la ruine de l’une entraînait la décadence inévitable de l’autre : nous vous avons montré que les plus beaux morceaux, que l’on pût offrir à votre admiration, étaient ceux où respire le sentiment de la vertu, la haine du vice ou l’amour éclairé de la patrie ; que tout ce qui ne porte pas ces grands caractères du vrai beau, ne peut qu’être froid, languissant, inanimé ; et qu’enfin, en tout genre comme en tout sens, dans la conduite, comme dans les ouvrages, L’esprit se sent toujours des bassesses du cœur.
Sa précision et son argumentation nerveuse s’accordent bien avec la trempe énergique de son caractère. […] Par le fond et la forme, elle nous révèle le caractère de Calvin, et les exigences impérieuses de son gouvernement temporel et spirituel.
L’héroïsme est le principal ressort de son théâtre, où il nous propose des vertus altières et de grands caractères, dans une langue nerveuse et concise qui exprime par de sublimes accents le triomphe du devoir sur la passion. […] Que vous flattez agréablement mes sentiments, quand vous confirmez ce que j’ai avancé touchant la part que l’amour doit avoir dans les belles tragédies, et la fidélité avec laquelle nous devons conserver à ces vieux illustres les caractères de leur temps, de leur nation et de leur humeur !
— « Un scélérat capable de tout, un assassin avéré, un sicaire à gages, un homme de ce caractère peut-il être tué impunément ? […] Quis. — Voilà un homme connu pour sa probité, pour la douceur de son caractère.
Le titre de Satire Ménippée est dû au caractère de l’ouvrage et au mélange de prose et de vers qui le compose. […] Fénelon écrit Télémaque ; La Bruyère, ses Caractères ; Nicole, ses Essais de morale. […] Dans la solitude de Port-Royal, il conçut et prépara, au milieu de souffrances continues, un grand ouvrage apologétique de la religion chrétienne, dont les fragments, trouvés et publiés après sa mort sous le nom de Pensées, ont une éloquence d’une incomparable puissance : logique, passion, imagination, tout y a un caractère unique de force et de grandeur. […] Enfin, c’est le plus grand caractère sensible de la toute-puissance de Dieu que notre imagination se perde dans cette pensée. […] Quand ce vice est dans l’excès, il fait un des principaux caractères de l’esprit de pédanterie, qui met son plus grand plaisir à chicaner les autres sur les plus petites choses, et à contredire tout avec une basse malignité ; mais il est souvent plus imperceptible et plus caché ; et l’on peut dire même que personne n’en est entièrement exempt, parce qu’il a sa racine dans l’amour-propre qui vit toujours dans les hommes.
Avant sa trente-septième année, l’auteur de tant de hautes conceptions tragiques nous donnait encore, dans le Menteur, notre première comédie de caractère, demeurée l’une des meilleures1. […] Le prince à mes côtés ferait dans les combats L’essai de son courage à l’ombre de mon bras : Il apprendrait à vaincre en me regardant faire ; Et, pour répondre en hâte à son grand caractère, Il verrait… D. […] Mais qu’on veuille bien se le rappeler : une délicatesse souvent raffinée et une grandeur inculte, tel était le double caractère de l’époque où vécut Corneille. […] Il est curieux de rapprocher du caractère de Dorante la manière dont Bossuet a peint le menteur (voy. ses Sermons choisis, Didot, 1844, p. 469) : « Celui qui s’est engagé dans cette faiblesse honteuse, dit-il, ne trouve plus d’ornements qui soient dignes de ses discours que la hardiesse de ses inventions etc. » 1.
La nature et les circonstances du fait, le caractère de l’accusé et la forme du jugement, tout se réunit pour faire de cette cause, vraiment célèbre, la plus importante qui ait jamais été plaidée. […] Il n’en est pas ainsi de la péroraison : elle passe généralement pour la plus belle que Cicéron ait faite : et il y a d’autant plus de mérite à avoir si bien réussi, que le caractère et la conduite de l’accusé rendaient cette partie du discours plus difficile à traiter. […] Milon était trop fier pour s’abaisser à des supplications ; Cicéron va prendre pour lui ce rôle si difficile à concilier avec son caractère !
Ce qu’on peut dire avec vérité, c’est que généralement inférieur à Corneille pour la grandeur des idées et des caractères autant que pour la fécondité de l’invention, Racine lui est, en revanche, supérieur par la manière dont il traite la passion et par l’emploi des images dans le style, où il est avec Boileau, notre modèle le plus soutenu. […] Un de nos contemporains a heureusement exprimé cette sensibilité profonde qui était un des traits de son caractère et qui est un des charmes de son talent : c’est M. […] Si les chœurs d’Esther et d’Athalie ont surpassé ces premiers essais, on y retrouve encore ce qui est le caractère des œuvres lyriques de Racine, la pureté et l’harmonie du style unie à la grandeur des images.
C’est-à-dire s’accommode à tous les caractères. […] Le duc de Bourgogne avait un caractère impérieux, qui se révoltait souvent contre la main paternelle attentive à mettre un frein à ses fureurs. […] Cette clairvoyance de Fénelon pénètre à fond le caractère.