On peut avoir l’un sans l’autre, je le sais ; mais les vrais favoris de la nature les réunissent. » Il faut donc revenir à la définition de l’Académie, qui est en même temps celle de la raison et de l’opinion générale, et dire que la poésie est l’art de composer des ouvrages en vers, et que ces ouvrages en vers sont les seuls qu’on doive appeler des poèmes. […] Cette étude fait bientôt juger qu’il y a des règles pour leur composition, règles qui, émanées de la saine raison et fondées sur la nature du cœur humain, sont peu variables, presque indépendantes du caprice des hommes, et, par conséquent, ont été et seront à peu près les mêmes dans tous les temps et chez toutes les nations. […] Nous entendons par là ce respect pour la vertu que l’auteur de la nature a gravé dans notre âme en caractères ineffaçables.
De quelle nature sont les progrès accomplis ? […] De la nature de l’autorité paternelle. […] Quel est celui qui s’est montré le plus sévère pour notre nature ? […] On peut dire d’eux qu’ils sont durs pour la nature humaine. […] Il doit tout à la nature et rien à l’éducation.
Il lit dans l’histoire de ses pères l’exemple de ceux qui ont honoré un grand patrimoine par un grand dévouement, et, pour peu que l’élévation de sa nature réponde à l’indépendance qu’il s’est acquise ou qu’il a reçue, la pensée de servir l’État lui ouvre une perspective de sacrifices et de labeurs. […] Laissez-le tel que la nature vient de l’ébaucher, laissez-le là nu, muet, plutôt mort que vivant ; il vivra peut-être, mais il vivra sans le savoir, hôte infirme de la création, âme perdue dans l’impuissance de se trouver elle-même. […] La nature même de mon auditoire, composé d’âmes jeunes, entraîne la mienne ; je me rajeunis sans cesse au feu de leur contact, et, toute préparation arrêtée m’étant impossible, je ne puis jamais répondre de m’asservir à une prudence qui me glacerait. […] C’est sans doute afin qu’unis entre eux par ce lien aimable de la société, ils puissent en quelque sorte prêter leur voix à toute la nature pour célébrer en commun les louanges et les bienfaits de celui qui les a comblés de ses dons avec tant de magnificence et de profusion. […] C’est ainsi que j’ai surmonté jusqu’à présent les périls de ma nature et de ma situation.
D’abord, le début de tout ouvrage doit être conforme à la nature de l’ouvrage. […] L’exposition et l’invocation, puisées dans la nature, deviennent donc, à l’aide de l’art, des moyens d’assurer une bienveillance attentive au poëte si modeste, au sujet si intéressant. […] Si, d’un côté, les prologues et les parabases de l’ancienne comédie rentraient dans les exigences du début, de l’autre, ils étaient contraires à la nature de la poésie dramatique. […] Aussi, dans leur bouche, plus qu’ailleurs encore, le genre de l’exorde, son existence même, doivent être déterminés autant par les dispositions de l’auditeur que par la nature du sujet. […] Si l’on veut comprendre la nature de l’insinuation, qu’on relise la scène entre Narcisse et Néron, au quatrième acte de Britannicus, et, en fait d’exorde, celui du second discours de Cicéron contre Rullus.
Près des bords de l’Iton et des rives de l’Eure2 Est un champ fortuné, l’amour de la nature : La guerre avait longtemps respecté les trésors Dont Flore et les Zéphyrs embellissaient ces bords1. […] La nature en frémit : et ce rivage affreux S’abreuvait à regret de leur sang malheureux5. […] Malgré la critique précédente, ce passage où Voltaire se montre touché des beautés de la nature doit être remarqué à son éloge : car c’est chose trop rare chez lui. On a dit, avec quelque raison, que toute sa poésie appartenait au monde des idées et qu’il ne semblait pas avoir regardé la nature extérieure. Il y a de plus, dans ce tableau d’une nature paisible et heureuse, opposé aux scènes de douleur et de guerre qui suivent, un contraste d’un effet puissant sur l’imagination.
On ne peut donner ici, comme modèle, un traité entier ; je placerai, du moins, quelques lignes du deuxième chapitre de la Logique de Condillac, où l’auteur prouve que l’analyse est l’unique méthode pour acquérir des connaissances : Je suppose un château qui domine sur une campagne vaste, abondante, où la nature s’est plu à répandre la variété, et où l’art a su profiter des situations pour les varier et les embellir encore. […] Voilà ce que la nature nous apprend à tous. […] N’est-il pas ridicule de voir l’abbé Desfontaines, qui n’avait aucune connaissance en physique, prendre parti dans les querelles des newtoniens et des cartésiens, et écrire ces phrases singulières ou plutôt insensées : Quoique le newtonianisme soit une doctrine qui renverse toute la physique et éteint toutes les lumières que Dieu nous a données sur les propriétés de la matière, sur l’ordre et le mécanisme de la nature, et qu’il soit presque inconcevable qu’il puisse y avoir un homme qui soit newtonien de bonne foi, il faut avouer, cependant, que cette philosophie, hérissée de calculs géométriques et armée de fines observations, ne laisse pas, en plusieurs points, de donner de l’embarras aux cartésiens, et de les mettre souvent sur la défensive. […] Qu’est-ce encore que ces idées naturelles et distinctes que les cartésiens ne doivent pas abandonner, comme si, en ce qui tient à la nature physique, aucune idée distincte et naturelle pouvait contrarier l’observation constante ? […] Chez les Latins, Cicéron nous a laissé les beaux traités de l’Amitié, de la Vieillesse, de la Nature des dieux, qui sont en dialogue.
Ce grand et superbe ouvrage N’est point pour l’homme un langage Obscur et mystérieux : Son admirable structure Est la voix de la nature, Qui se fait entendre aux yeux4. […] Bientôt sa marche féconde Embrasse le tour du monde Dans le cercle qu’il décrit2 ; Et, par sa chaleur puissante, La nature languissante Se ranime et se nourrit. […] Sur un rocher désert, l’effroi de la nature, Dont l’aride sommet semble toucher les cieux, Circé, pâle, interdite, et la mort dans les yeux5, Pleurait sa funeste aventure6. […] Belle accumulation d’épithètes et d’images. « Le trouble et le désordre de la nature sont, d’après l’observation d’un critique, merveilleusement caractérisés dans ces vers. » M. de Lamartine, dans quelques strophes de sa pièce intituléeJéhova ou l’idée de Dieu, a fort heureusement reproduit le mètre employé ici par Rousseau.
Partout où la nature, en dépit de notre art, La fait naître en passant, et la jette2 au hasard, Avec le même charme, aimable en toute chose, Elle parle ou se tait, agit ou se repose. […] Joseph Chénier a rimé contre Delille la satire dont voici quelques traits : Virgile, en de riants vallons, A célébré l’agriculture ; Vous, l’abbé, c’est dans les salons Que vous observez la nature. […] Joignez à cela des promenades très-agréables dans les montagnes, et où l’on découvre à chaque pas les points de vue les plus pittoresques ; partout le mélange de la nature sauvage et de la nature cultivée : des montagnes qui sont des jardins, et d’autres hérissées de roches, entrecoupées de pins et de cyprès, et, dans l’éloignement, la cime des Alpes couverte de neiges. » 1.
L’enthousiasme et les arts 3 Les hommes sans enthousiasme croient goûter des jouissances par les arts ; ils aiment l’élégance du luxe, ils veulent se connaître en musique et en peinture, afin d’en parler avec grâce, avec goût, et même avec ce ton de supériorité qui convient à l’homme du monde, lorsqu’il s’agit de l’imagination ou de la nature ; mais tous ces arides plaisirs, que sont-ils à côté du véritable enthousiasme ? […] Ont-ils alors senti le mystère de l’existence, dans cet attendrissement qui réunit nos deux natures, et confond dans une même jouissance les sensations et l’âme ? […] si l’enthousiasme un jour s’éteignait sur votre sol, si le calcul disposait de tout et que le raisonnement seul inspirât même le mépris des périls, à quoi vous serviraient votre beau ciel, vos esprits si brillants, votre nature si féconde ? […] Ce qui fait la différence des siècles entre eux, ce n’est pas la nature, toujours prodigue des mêmes dons, mais l’opinion dominante à l’époque où l’on vit.
Ces qualités, qui sont assignées par le goût et qu’on peut appeler littéraires, varient suivant la nature des choses, et sont par conséquent très nombreuses. […] La fin de l’industrie est l’entière absorption de la nature dans l’humanité. […] Remarquons d’abord que si la naïveté de la pensée est de nature à plaire, il n’en est pas de même de ce qu’on appelle une naïveté. […] La grâce de la pensée peut venir de la nature des objets qui plaisent par eux-mêmes, ou de la manière dont ils sont présentés et décrits. […] Les productions et les phénomènes de la nature diffèrent suivant les climats.
On sent qu’il n’y a qu’un Dieu, ou celui qu’il inspire, qui puisse parler un tel langage : et que c’est bien moins ici deux objets rapprochés à dessein, pour faire une comparaison, qu’une seule et même chose, Dieu et la nature : la tendresse divine, et la tendresse maternelle. […] L’image de l’homme vertueux et l’heureuse influence des bons exemples qu’il donne à la terre, pouvait-elle nous être présentée sous des traits plus justes et plus capables de la faire sentir, que dans la comparaison suivante : Tel un arbre que la nature Plaça sur le courant des eaux, Ne redoute pour ses rameaux Ni l’aquilon ni la froidure : Dans son temps il donne des fruits, Sous une éternelle verdure Par la main de Dieu reproduits. […] 136Souverain roi de la nature, Permets-tu que des furieux Anéantissent sous tes yeux Le tendre objet de ta culture ? […] …………………………………………………… 158J’étais devant ses yeux, j arrangeais ses travaux, Quand il dit aux saisons de partager l’année ; Quand des êtres divers réglant la destinée, À tout dans la nature il assigna son lieu, Et que l’homme naquit pour ressembler à Dieu. […] Voyez comme la nature entière est appelée à se réjouir de la chute du tyran : En le voyant tomber ce farouche tyran, La terre tout à coup frémit d’un doux tumulte Le Pin s’en réjouit, et le Cèdre l’insulte, Tranquille au sommet du Liban.
Le plus habile des artistes, la nature a recherché la variété dans tous ses ornements, et affecté une espèce de mépris pour la régularité. […] L’assemblage le plus complet de beautés que puisse nous présenter le spectacle de la nature, est sans doute un joli paysage enrichi d’une suffisante variété d’objets : ici, un tapis de verdure ; plus loin, quelques arbres épars, un ruisseau qui serpente et des troupeaux qui paissent. […] C’est un genre particulier qui excite dans l’âme du lecteur une émotion douce et agréable, semblable à peu près à celle qui résulte de l’aspect de la beauté dans les ouvrages de la nature.
Voici comme Thomas décrit les devoirs et les travaux de l’homme d’état : « Il doit gouverner comme la nature, par des principes invariables et simples ; bien organiser l’ensemble, pour que les détails roulent d’eux-mêmes : pour bien juger d’un seul ressort, regarder la machine entière, calculer l’influence de toutes les parties les unes sur les autres, et de chacune sur le tout ; saisir là multitude des rapports entre des intérêts qui semblent éloignés ; faire concourir les divisions même à l’harmonie du tout ; veiller sans cesse à retrancher de la somme des maux qu’entraînent l’embarras de chaque jour, le tourment des affaires, le choc et le contraste éternel de ce qui serait possible dans la nature, et de ce qui cesse de l’être par les passions ». […] Mais l’un, prenant un vol hardi, a voulu se placer à la source de tout, se rendre maître des premiers principes, par quelques idées claires et fondamentales, pour n’avoir plus qu’à descendre aux phénomènes de la nature, comme à des conséquences nécessaires.
Heureux celui qui d’un cœur humble reconnaît dans la nature un auteur visible, se manifestant par tous les signes ; qui croit l’entendre dans le tonnerre et dans l’orage ; qui le bénit dans la rosée du matin et dans la pluie du printemps ; qui l’admire et l’adore dans la splendeur du soleil, ou dans les magnificences d’une belle nuit ! […] Aimer La Fontaine, c’est presque la même chose qu’aimer Molière ; c’est aimer la nature, toute la nature, la peinture naïve de l’humanité, une représentation de la grande comédie aux cent actes divers1, se déroulant, se découpant à nos yeux en mille petites scènes, avec des grâces et des nonchalances qui vont si bien au bonhomme, avec des faiblesses aussi et des laisser-aller2 qui ne se rencontrent jamais dans le simple et mâle génie, le maître des maîtres.
Son tempérament actif et hardi se complaisait dans les aventures et les périls que suscite à l’homme la nature grande et sauvage. […] Ce n’était point un de ces génies ardents, pressés d’éclater, entraînés par la grandeur de leur pensée ou de leur passion, et qui répandent autour d’eux les richesses de leur nature, avant même qu’au dehors aucune occasion, aucune nécessité en sollicite l’emploi. […] Rien n’est dit, rien n’est jugé ; il faut recommencer ; il faut aller au delà du crime comme il a fallu aller au delà de la loi ; il faut étudier l’homme lui-même, tout l’homme ; il est bien plus vaste, bien plus complexe que son action ; en lui se rencontrent je ne sais combien de dispositions, de facultés, d’idées, de sentiments dont elle ne donne pas la clef, qui n’en font pas moins partie de sa nature morale, et qu’il faut bien connaître, dont il faut bien tenir compte si on veut le juger d’après ce qu’il est réellement, et prononcer sur son caractère, sur sa personne, sur lui-même enfin avec équité. […] Le temps présent est toujours chargé des misères de notre nature ; le passé nous transmet surtout ce qu’elle a de noble et de fort, car c’est ce qui résiste à l’épreuve des siècles.
Les maîtres des colléges de province, auxquels manquent, la plupart du temps, les ressources littéraires que la capitale fournit en abondance, et qui attendaient un recueil de cette nature, y trouveront, outre les matériaux dont ils ont besoin, un terme de comparaison, qui excitera, ce nous semble, la curiosité et l’émulation de leurs élèves. […] Nous avons même remarqué, en plus d’une occasion, que des natures paresseuses, endormies, s’éveillent à ce contact ; que des moyens, cachés jusqu’alors, éclatent soudainement.
Si nous le considérons selon la nature, c’est un feu qu’une maladie et qu’un accident amortissent sensiblement ; c’est-un tempérament délicat qui se dérègle, une heureuse conformation d’organes qui s’usent, un assemblage et un certain mouvement d’esprits6 qui s’épuisent et qui se dissipent ; c’est la partie la plus vive et la plus subtile de l’âme qui s’appesantit, et qui semble vieillir avec le corps ; c’est une finesse de raison qui s’évapore, et qui est d’autant plus faible et plus sujette à s’évanouir, qu’elle est plus délicate et plus épurée. […] Fléchier jugeait ainsi son propre style : « Pour son style et pour ses ouvrages, il y a de la netteté, de la douceur, de l’élégance, la nature y approche de l’art, et l’art y ressemble à la nature.
Quelquefois un peu de verdure Rit sous les glaçons de nos champs ; Elle console la nature, Mais elle sèche en peu de temps. […] L’un, quand l’homme accablé sent de son faible corps Les organes vaincus sans force et sans ressorts, Vient par un calme heureux secourir la nature, Et lui porter l’oubli des peines qu’elle endure. […] Il méprise Racine, il insulte à Corneille1 ; Lulli n’a point de sons pour sa pesante oreille, Et Rubens vainement sous ses pinceaux flatteurs De la belle nature assortit les couleurs. […] L’amour de la science A guidé ta jeunesse au sortir de l’enfance ; La nature est ton livre, et tu prétends y voir Moins ce qu’on a pensé que ce qu’il faut savoir. […] En tous lieux, en tous temps, dans toute la nature, Nulle part tout entier, partout avec mesure ; Et partout passager, hors dans son seul auteur.
Le naturel consiste à rendre l’idée sans effort et sans apprêt, à parler comme la nature. […] Souvent le simple et le sublime se touchent ; le seul précepte que l’écrivain ne doive pas perdre de vue, c’est celui des convenances : s’il a le sentiment vrai de la nature, son style prendra toujours le ton convenable à chaque sujet. […] Le style naïf est toujours simple, mais il a, de plus, un caractère de naturel et d’abandon qui indique la nature même prise sur le fait. […] Sa nature est la finesse, la naïveté ou la grâce ; elle convient surtout à la comédie, à la satire et à la fable : La Fontaine l’emploie fréquemment. […] Borné dans sa nature, infini dans ses vœux, L’homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux.
Mais Dieu t’entend gémir, Dieu vers qui te ramène Un vrai remords né des douleurs ; Dieu qui pardonne enfin à la nature humaine D’être faible dans les malheurs. […] Ciel, pavillon de l’homme, admirable nature, Salut pour la dernière fois ! […] Sans doute le respect des antiques modèles Eût au vrai ramené les muses infidèles : Eux seuls, de la nature imitateurs constants, Toujours lus avec fruit, sont beaux dans tous les temps.
Sa nature stoïcienne le portait par une affinité secrète vers les Romains et les Espagnols. […] Tout ce que je vous puis dire, c’est que je ne doute ni de votre noblesse ni de votre vaillance4, et qu’aux choses de cette nature, où je n’ai point d’intérêt, je crois le monde sur sa parole : ne mêlons point de pareilles difficultés parmi nos différends. […] Monsieur, l’obligation qui me lie à vous est d’une nature à ne pouvoir jamais vous en remercier dignement ; et, dans la confusion où je suis, je m’obstinerois encore au silence, si je n’avois peur qu’il ne passât auprès de vous pour ingratitude.
Il faut qu’elle soit quelque chose de réel ; car le néant ne peut être parfait, ni perfectionner les natures imparfaites. […] D’ailleurs, un poëte est un peintre qui doit peindre d’après nature, et observer tous les caractères. […] Ceux d’entre les anciens qui ont excellé ont peint avec force et grâce la simple nature. […] Il faut suivre la nature dans ses variétés : après avoir peint une superbe ville, il est souvent à propos de faire voir un désert et des cabanes de bergers. […] Sa maison est le temple en petit ; le temple est sa maison agrandie, ornée, proportionnée à sa nature idéale.
Nature facile.] […] Nature ardente.]
La comparaison, nous l’avons prouvé, est dans notre nature, mais, pour qu’elle soit littéraire, la rhétorique pose certaines conditions : que les choses comparées aient entre elles une analogie réelle ; que l’écrivain connaisse parfaitement celle qu’il compare et celle à laquelle il compare, et rende les rapports saisissables à première vue ; qu’il évite dans l’expression de la comparaison les ambiguïtés, les longueurs, les écarts, les incohérences ; que la comparaison circonscrive l’objet, l’éclaircisse, l’avive en le doublant, comme une étoffe superposée augmente la chaleur et la solidité d’une autre étoffe. […] Mais ce fil suffit pour attacher l’une à l’autre les deux images, et ces échappées sur le calme de la nature champêtre rafraîchissent l’âme fatiguée de luttes et de combats. […] Magicienne universelle, elle transforme, au gré de l’écrivain, tout être et toute chose, et la nature entière lui offre à profusion les images et les couleurs qui vivifient les idées. […] Deux siècles se sont moqués de Benserade pour avoir dit à propos du déluge dans ses Métamorphoses d’Ovide en rondeaux : Dieu lava bien la tête à son image, traduction libre de Tertullien qui appelait le déluge la lessive générale de la nature, diluvium, naturœ generale lixivium. […] Je ne sais si l’habitude de personnification et d’allégorie, qui est la nature même de la fable, n’a pas entraîné parfois la Fontaine à donner la vie, le sentiment, jusqu’aux mœurs de la civilisation à des êtres si essentiellement matériels et passifs, que nous faisons de vains efforts pour nous prêter à l’illusion.
Aristote semble vouloir dire que Thimothée dans ses Perses et Philoxène dans ses Cyclopes ont représenté des personnages moins beaux que nature on peut supposer aussi que le premier faisait ses personnages plus beaux que nature, et le second moins beaux.