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115. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Première partie. De la poésie en général — Chapitre III. De la forme extérieure de la poésie » pp. 22-70

Aussi emploie-t-elle un langage extraordinaire, qu’on a appelé le langage des dieux, et donne-t-elle à tous les objets qu’elle offre à nos regards l’empreinte d’une imagination brûlante, d’un génie de feu, mais toujours dirigé par le goût. […] La poésie dédaigne toute pensée triviale on rabaissée par un usage trop fréquent et trop vulgaire ; elle veut que, dans la comédie même, et jusque dans les rôles de valets, qui sont chez elle le genre le moins élevé, il y ait un certain choix d’idées qui réveille le goût, et qui annonce un certain tour d’esprit agréable et piquant. […] Le goût, en ce qui concerne la versification, est bien différent suivant les langues et les nations. […] On trouve des vers qui ont la rime, l’hémistiche, le nombre des syllabes ou des pieds ; qui ont même certaines figures et certains tours poétiques, et qui cependant n’ont point ce goût, cette saveur que l’on remarque dans ce qui est réellement vers ; on dit : ce vers est prosaïque. […] Le goût ne voit dans ces sortes de poésies que la difficulté vaincue et de simples jeux d’esprit.

116. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre II. Les Oraisons ou discours prononcés. »

Quand ces impressions sont légères elles produisent tout ce qu’on appelle passions douces, sentiments, comme l’amitié, la gaîté, le goût, etc., etc. […] Bourdaloue créa pour ainsi dire le vrai goût de la chaire, en introduisant cette éloquence noble, majestueuse, véhémente et sublime, qui convient à la grandeur de notre religion, à la profondeur de ses mystères, à la pureté de sa morale. […] Il y a des causes qui ne veulent que de l’ordre, et de la clarté, d’autres qui exigent de la véhémence et de grands mouvements ; c’est le goût qui dirige en ce point l’avocat. […] Il y parla de littérature et de goût ; et son exemple est devenu en quelque sorte une loi dont les académiciens gens de lettres ne se sont écartés que rarement32. […] Mais pour le petit nombre de ceux dont la tête est ferme, le goût délicat et le sens exquis, et qui, comme vous, messieurs, comptent pour peu le ton, les gestes et le vain son des mots il faut des choses, des pensées, des raisons.

117. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Le Sage, 1668-1747 » pp. 216-222

Par là je passai dans son esprit pour un homme qui avait une connaissance délicate des vraies beautés d’un ouvrage. « Voilà, s’écria-t-il, ce qu’on appelle avoir du goût et du sentiment ! […] » Ces paroles firent pâlir mon maître, qui me dit avec un souris forcé : « Monsieur Gil Blas, cette pièce n’est donc pas de votre goût ? 

118. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre I. Du Discours oratoire. »

Cette manière d’imiter exige, dans l’imitateur, non seulement l’attention la plus sérieuse sur son modèle, l’étude la plus constante et la plus réfléchie de ses ouvrages, mais encore quelque germe, quelques étincelles de son goût et de son génie. […] C’est un art qui demande une grande sagacité dans l’esprit, un discernement juste et fin, un goût sûr et exquis. […] Il y a même dans les auteurs médiocres des beautés cachées, ou mal rendues, qui n’échappent point à l’œil pénétrant de l’homme de goût. […] Je croirais même qu’elle pourrait échapper à l’homme, dont le discernement et le goût n’auraient été ni exercés ni cultivés par une lecture réfléchie de ces deux écrivains. […] Je ne fais que l’indiquer, parce que je pense que les précédents exemples doivent suffire pour faire voir la manière dont l’homme de goût invite son modèle.

119. (1872) Cours élémentaire de rhétorique

L’idée est donc la représentation d’un objet, dans l’esprit : elle a ses qualités qui sont de deux sortes, les unes appelées logiques parce qu’elles sont du domaine de la raison ; les autres de goût, parce que le goût en décide. […] Le style, le ton, l’idée, à la fois royaliste et religieuse, tout est dans le goût de l’auditoire. […] Une analyse aussi succincte que possible, va nous montrer, à la fois, la puissance que le style emprunte au talent de l’écrivain, le goût et le tact qui, joints à l’esprit d’observation, doivent constamment y présider. […] Tranquilla per alta, cette circonstance est choisie avec goût. […] L’épithète incertam est d’un goût exquis.

120. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre XI. Grands poèmes. »

eh bien, dans ce salon, Près d’un chêne brûlant j’insulte à l’aquilon : Dans cette chaude enceinte, avec goût éclairée, Mille heureux passe-temps abrègent la soirée. […] Les préceptes donnés sont d’ailleurs si excellents qu’on a nommé avec raison Boileau le Législateur du Parnasse ; et c’est ce qu’exprime Voltaire dans son Temple du goût, quand il dit : Là régnait Despréaux, leur maître en l’art d’écrire, Lui qu’arma la raison des traits de la satire, Qui, donnant le précepte et l’exemple à la fois, Établit d’Apollon les rigoureuses lois. […] On a souvent comparé ces deux grands poètes’, et chacun les juge suivant son goût ou ses opinions. […] On y blâme trop de discours, des espèces de dissertations théologiques fort ennuyeuses, peu d’action, le manque de goût et de vraisemblance, et des épisodes trop peu liés.

121. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — La Bruyère, 1646-1696 » pp. 155-177

A Chantilly, qu’on appelait l’écueil des mauvais ouvrages, protégé par le crédit d’un prince qui avait le goût de la fine raillerie, il put faire provision d’expérience, tracer impunément de malins portraits, et se vouer à un genre périlleux, sans craindre les orages. […] Il ne faut pas qu’il y ait trop d’imagination dans nos conversations ni dans nos écrits ; elle ne produit souvent que des idées vaines et puériles, qui ne servent point à perfectionner le goût et à nous rendre meilleurs : nos pensées doivent être prises dans le bon sens et la droite raison, et doivent être un effet de notre jugement. […] Se faire valoir par des choses qui ne dépendent point des autres ; mais de soi seul, ou renoncer à se faire valoir : maxime inestimable et d’une ressource infinie dans la pratique, utile aux faibles, aux vertueux, à ceux qui ont de l’esprit, qu’elle rend maîtres de leur fortune ou de leur repos ; pernicieuse pour les grands et qui diminuerait leur cour, ou plutôt le nombre de leurs esclaves ; qui ferait tomber leur morgue avec une partie de leur autorité, et les réduirait presque à leurs entremets et à leurs équipages ; qui les priverait du plaisir qu’ils sentent à se faire prier, presser, solliciter, à faire attendre ou à refuser, à promettre et à ne pas donner ; qui les traverserait dans le goût qu’ils ont quelquefois à mettre les sots en vue, et à anéantir le mérite quand il leur arrive de le discerner ; qui bannirait des cours les brigues, les cabales, les mauvais offices, la bassesse, la flatterie, la fourberie ; qui ferait d’une cour orageuse, pleine de mouvements et d’intrigues, comme une pièce comique ou même tragique, dont les sages ne seraient que les spectateurs ; qui remettrait de la dignité dans les différentes conditions des hommes, de la sérénité sur leurs visages ; qui étendrait leur liberté ; qui réveillerait en eux, avec les talents naturels, l’habitude du travail et de l’exercice ; qui les exciterait à l’émulation, au désir de la gloire, à l’amour de la vertu ; qui, au lieu de courtisans vils, inquiets, inutiles, souvent onéreux à la république, en ferait ou de sages économes ou d’excellents pères de famille, ou des juges intègres, ou de bons officiers, ou de grands capitaines, ou des orateurs, ou des philosophes ; et qui ne leur attirerait à tous nul autre inconvénient que celui peut-être de laisser à leurs héritiers moins de trésors que de bons exemples1. […] Il ne parle pas, il ne sent pas ; il répète des sentiments et des discours, se sert même si naturellement de l’esprit des autres, qu’il y est le premier trompé, et qu’il croit souvent dire son goût ou expliquer sa pensée, lorsqu’il n’est que l’écho de quelqu’un qu’il vient de quitter.

122. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre III. Lettres missives. Genre épistolaire. »

Chez tous les peuples un peu avancés dans la littérature ou doués de quelque goût, l’art d’écrire les lettres a été poussé très loin. […] C’est au mélange heureux du naturel, de la sensibilité et du goût.

123. (1881) Morceaux choisis des classiques français des xvie , xviie , xviiie et xixe siècles, à l’usage des classes de troisième, seconde et rhétorique. Poètes

., cultiva l’allégorie mystique et l’allégorie mythologique ; — une antre femme, Louise Labé, « la Belle cordière » de Lyon (1526-1566), qui a fait le Débat de la Folie et de l’Amour et, comme lui, des élégies ; — François Ier encore, si l’on veut, qui écrivit des vers dans le goût de Marot, comme son petit-fils Charles IX en écrivit à la gloire de Ronsard ; — Jacques Pelletier, du Mans, qui, avant 1550, ouvrit l’hospitalité de son Recueil à la première ode de Ronsard, supprimée depuis par son auteur, et qui passa ensuite dans le camp nouveau ; — enfin, et surtout, pour clore une liste qui ne saurait épuiser tous les noms de cette époque, le plus brillant des seconds de Marot, Melin de Saint-Gelais, mort en 1558, qui ne ménagea pas les épigrammes aux jeunes poètes de l’école nouvelle, se réconcilia avec eux en souriant, et reçut leurs fleurs sur sa tombe ; c’était un acte de reconnaissance : il avait emprunté le premier à l’Italie le sonnet, auquel ils firent une éclatante fortune à côté des genres renouvelés de l’antiquité. […] L’étoile la plus éclatante de la constellation poétique est Ronsard, qui, d’année en année, donne Odes, Hymnes, Élégies, Églogues, noms antiques, poèmes tout remplis, tout chargés des mots, des tours, des images de l’antiquité : — discours de toute nature, qui sont en réalité, ou des épîtres ou des satires à la manière antique, d’ailleurs la plus personnelle de ses œuvres ; — sonnets par centaines, importation de l’Italie, cette seconde antiquité — ; épopée, pastiche avorté et inachevé de l’antiquité. — Les six autres étoiles sont : — d’abord le maître dont la direction, l’exemple, ardeur les a guidés, formés, échauffés, Jean Dorat, ou D’Aurat, qui, avant d’être mis à la tête du collège du Coquelet, avait été précepteur d’Antoine de Baïf quand Ronsard était secrétaire de Lazare de Baïf, son père, puis précepteur des pages du roi ; — Du Bellay, mort en 1560, à trente-six ans, sans avoir eu le temps d’être le premier dans la victoire après avoir été le premier au combat ; — Jodelle, mort en 1573, après avoir, a l’âge de vingt et un ans (1553), accompli dans l’œuvre commune la tache, applaudie avec enthousiasme, de restaurer la tragédie antique par sa Cléopâtre et de créer la comédie par Eugène ou la Rencontre ; — Antoine de Baïf, qui survécut de quatre ans au chef et aux beaux jours de l’école, et produisit sans fin, et, souvent aussi, sans goût : — Remi Belleau, l’ami de prédilection de Ronsard, plus jeune que lui de quatre ans, mort huit ans avant lui, le « gentil » Belleau, la grâce et la « mignardise » de l’école ; — enfin Pontus de Thyard, ne en 1511, mort en 1603, abbé et évêque de Chalon-sur-Saône pendant, vingt ans (1573-1598), un des derniers adeptes de l’école de Marot, une des premières conquêtes de l’école de Ronsard, le dernier survivent de la pléiade, qui, contemporain enfin de Malherbe, fut témoin des trois révolutions poétiques du siècle et renonça de bonne heure à la poésie, qui lui avait donné grande renommée, pour se livrer à l’étude des mathématiques et de la théologie. […] Il ne proscrit pas la mythologie et la métaphore antique, il les veut et il les fait discrètes. — Voilà pour le goût. […] Byron s’inspira de lui, Goethe fut bien aise de reprocher au goût français l’oubli où il était tombé, et signala à radmiration de l’Europe celui que ses compatriotes n’admiraient et ne connaissaient même plus. — Depuis que Sainte-Beuve l’a remis en lumière en 1828 (Tableau de la Poésie française au xvie  siècle), ses bizarreries grotesques : le soleil, « grand duc des chandelles », les vents, « postillons d’Eole » (dès le quatrième vers de la Création), Dieu, « archer du tonnerre » et « grand maréchal de camp », les monts, « enfarinés de neige éternelle », — j’en passe et des moins bonnes, — toutes ces « vilaines et sales métaphores » que lui reprochait le cardinal du Perron, lui ont peut-être fait plus tort que ses qualités ne lui ont fait honneur. […] Quand il secoue sa paresse, avec quelle verve, dans sa satire du Goût de chacun (VI, à Bertaut), avec quel mélange de sincérité naïve, d’en-thousiasme et de hauteur, il réclame la liberté de son génie qu’échauffe et vivifie cette intempérance dans le plaisir qu’on lui reprochait.

124. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XVII. les qualités essentielles du style. — propriété, précision, naturel  » pp. 230-239

Le naturel qu’on dirait venir de prime abord et sans étude demande au contraire un jugement fortifié et un goût mûri par le temps et l’expérience. […] Aussi, je ne sais rien de plus propre à gâter le goût que ces éditions d’auteurs latins, comme les Ad usum Delphini et le Juvénal de Lamaire, où le commentateur traduit le texte, d’un bout à l’autre, en un autre latin, affectant toujours d’éviter les termes dont l’auteur s’est servi, c’est-à-dire habituant l’élève à une impropriété continue d’expressions.

125. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre IV. »

Un modèle qu’on ne peut trop étudier sous le rapport des mœurs et des convenances, c’est Racine : l’art et le sentiment se réunissent chez lui pour atteindre la perfection ; tout y est exquis, rien ne choque ; le goût même le plus délicat ne trouve rien à reprendre. […] Les jeunes gens que le contact du monde n’a pas encore corrompus, sont animés naturellement de passions nobles et généreuses ; leurs sentiments sont purs ; ils aiment le bien et la justice par instinct, par goût ; le mal leur répugne, l’injustice les irrite.

126. (1883) Morceaux choisis des classiques français (prose et vers). Classe de troisième (nouvelle édition) p. 

Ces rapports concourent à l’unité de l’instruction, facilitent le travail de la mémoire et donnent le goût et l’habitude de l’ordre et de la méthode ; par-là toutes les parties de l’enseignement peuvent se soutenir et se compléter. […] Savoir beaucoup est le propre d’un érudit ; savoir à fond ce qu’il y a d’excellent, voilà ce qui fait l’homme de goût, l’homme bien élevé, ce que nos pères appelaient si justement l’honnête homme. […] C’est qu’il est fort rare chez le peuple qui a la prétention d’être l’arbitre de l’esprit et du goût littéraire. […] La nuance est difficile à saisir ; mais une fois qu’on s’en préoccupe et qu’on s’y applique, le goût se forme ou s’épure, la délicatesse s’acquiert ou se perfectionne. […] C’est là qu’au milieu d’eux l’élégant Despréaux, Législateur du goût, au goût toujours fidèle, Enseignait le bel art dont il offre un modèle ; Là, Molière, esquissant ses comiques portraits, De Chrysale ou d’Arnolphe a dessiné les traits.

127. (1839) Manuel pratique de rhétorique

Lire beaucoup un petit nombre d’excellents ouvrages, est le meilleur moyen de se former le goût et d’apprendre à développer sa pensée. […] Quintilien, longtemps après, a mis à la portée des jeunes esprits ce que Cicéron écrivait pour des hommes d’un goût déjà formé. […] L’imagination est sujette à des écarts, et la sensibilité peut avoir ses excès : c’est le goût, un juste discernement, qui doivent régler l’une et l’autre. […] C’est le goût seul qui décide. […] Ceci d’ailleurs est plutôt un objet de goût que de règles précises.

128. (1852) Précis de rhétorique

Quant à l’espèce d’accent qu’on fait entendre pour varier l’harmonie ou pour préparer la chute d’une période, il dépend du goût, et est subordonné aux lois de l’euphonie. […] Dans la décomposition ou analyse des lettres, on remarquera les expressions de meilleur goût et les tournures les plus naturelles. […] Le récit poétique reçoit tous les ornements du style ; il s’agit de les placer à propos et avec goût. […] C’est dans les discours du genre académique qu’il est permis d’user de toutes les richesses du style, de tout ce que l’art a de plus magnifique, de plus pompeux, de plus brillant, à la seule condition de distribuer les ornements avec goût et variété. […] Les vers sont libres quand on admet dans une composition des vers de différentes mesures, et que les rimes sont mêlées suivant le goût ou le caprice du poète.

129. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — Seconde partie. Moyens de former le style. — Chapitre II. De l’exercice du style ou de la composition » pp. 225-318

Le talent de bien décrire suppose une imagination vigoureuse et un goût sûr. […] En même temps, guidé par un goût délicat, il sait toujours faire un choix harmonieux et capable d’intéresser. […] Le caractère (notatio) est une éthopée dans laquelle on peint, non pas une personne en particulier, comme dans le portrait, mais une espèce d’hommes, une classe d’individus ayant les mêmes goûts, les mêmes qualités, les mêmes défauts ou les mêmes manies. […] On exige qu’ils soient amenés avec adresse et placés avec goût, qu’ils aient une liaison si intime avec le sujet qu’ils paraissent en dépendre comme des parties subordonnées, enfin qu’ils soient traités assez brièvement pour ne pas arrêter la marche du récit et pour ne pas faire oublier l’événement dont ils ne sont que les accessoires. […] Il doit encore observer les bienséances du style, qui consistent à modifier les convenances locales suivant le goût de l’époque où l’on écrit et le caractère particulier de sa nation.

130. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre cinquième. De l’Éloquence des Livres saints. — Chapitre IV. Beautés morales et philosophiques. »

On voit bien qu’il s’agit d’Horace, et c’est annoncer l’homme qui joignait le goût le plus pur, le tact le plus fin et le plus délicat, à l’imagination la plus brillante. […] Aussi est-il, sous plus d’un rapport, l’homme le plus étonnant peut-être de toute l’antiquité ; et nous a-t-il laissé, dans ses seuls ouvrages, des modèles achevés de plus d’un genre de poésie, des préceptes infaillibles en matière de goût, et un cours de morale d’autant plus utile, d’autant plus susceptible de le devenir, que toute l’amertume des leçons y est heureusement déguisée par la douceur du style et les grâces de l’enjouement. […] L’inconstance de l’homme dans ses goûts, les peines qu’il se donne pour tourmenter sa vie, pour accumuler de vains trésors dont il ne veut ou ne sait pas jouir, ont fourni à l’auteur des Proverbes le sujet et la matière de ces excellentes réflexions : Le riche est le jouet de sa propre fortune : C’est un tyran cruel, dont le joug l’importune.

131. (1897) Extraits des classiques français, seizième, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours moyens. Première partie : prose. [Seizième siècle] « Introduction » pp. -

Il est du moins constant que chaque jongleur embellissait ou altérait la donnée primitive pour l’approprier aux goûts de son auditoire. […] Le goût des modèles anciens, les traductions qui se multiplient, la vogue de la mythologie et la fureur de l’érudition sont déjà des symptômes précurseurs de la crise qui se prépare. […] Loin d’étouffer ou de tarir ses ressources, cette éducation n’a fait que hâter la maturité des fruits excellents qui conserveront le goût du terroir sous la saveur qu’ils doivent à une culture savante.

132. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre VI. Analyse du discours sur l’esprit philosophique, par le P. Guénard. »

Il faut que la philosophie, quand elle veut nous plaire dans un ouvrage de goût, emprunte le coloris de l’imagination, la voix de l’harmonie, la vivacité de la passion : les beaux-arts, enfants et pères du plaisir, ne demandent que la fleur, et la plus douce substance de votre sagesse. » Mais si la nature, en vous accordant le talent de penser en philosophe, vous a refusé cette heureuse sensibilité qui saisit le beau avec transport, et le reproduit avec force ; si vous n’êtes qu’un esprit toujours réfléchissant, la règle devient plus sévère à votre égard, et vous bannit de l’empire du goût ; éloignez-vous : la raison séparée des grâces, n’est qu’un docteur ennuyeux qu’on laisse tout seul au milieu de son école.

133. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Buffon, 1707-1788 » pp. 175-184

Lettre à M. de la Condamine1 lors de sa reception a l’académie française Du génie pour les sciences, du goût pour la littérature, du talent pour écrire, de l’ardeur pour entreprendre, du courage pour exécuter, de la constance pour achever, de l’amitié pour vos rivaux, du zèle pour vos amis, de l’enthousiasme pour l’humanité : voilà ce que vous connaît un ancien ami, un confrère de trente ans, qui se félicite aujourd’hui de le devenir pour la seconde fois. […] Je suis fâché de n’avoir pas de goût pour les beaux embarras ; à tout moment il s’en trouve qui ne finissent point.

134. (1897) Extraits des classiques français, seizième, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours moyens. Première partie : prose. [Seizième siècle] « Étude littéraire et philologique sur la langue du XVIe siècle » pp. -

En faisant à chacune sa part, nous apprendrons quels écueils doit éviter, ou quelles traditions doit suivre de préférence l’écrivain soucieux de rester fidèle aux instincts natifs de notre race, à la mesure, au goût, à la raison, en un mot à cette logique inconsciente ou réfléchie dont le travail assura victorieusement la précellence du langage français. […] De l’imitation des anciens au XVIe siècle, usage et abus Si les littératures vivantes portent parfois malheur à ceux qui les adoptent aveuglément, c’est qu’elles sont trop voisines de nous pour être jugées par un goût sûr et définitif. […] Elle ne sera donc jamais fixée définitivement, n’en déplaise aux doléances d’un goût trop exigeant qui n’accepte, dans la fortune littéraire d’une nation, qu’un siècle, et dans ce siècle, qu’un petit nombre d’élus. […] Guillaume de Salluste du Bartas (1544-1590) est connu par la Semaine de la création, poëme en sept livres, où il y a de la verve, mais peu de goût et par la Seconde semaine, qui comprend l’histoire de l’Ancien Testament.

135. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre III. Du Sublime dans les Compositions littéraires. »

Une tempête, par exemple, est un objet naturellement sublime ; mais, pour en faire une description sublime, suffira-t-il d’entasser au hasard et sans goût tous les effets qu’elle peut produire, toutes les circonstances qui l’accompagnent ? […] Mais si le goût y condamne avec raison des fleuves rendus rapides par le débordement des parricides ; des montagnes de morts qui se vengent eux-mêmes ; des troncs qui exhalent de quoi faire la guerre aux vivants, etc., cette description ne serait-elle pas bien au-dessous de son sujet, renfermée, comme le voulait Voltaire, dans ces deux vers secs et mesquins : Le destin se déclare, et le droit de l’épée, Justifiant César, a condamné Pompée.

136. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — La Bruyère. (1646-1696.) » pp. 91-100

Il ne faut pas qu’il y ait trop d’imagination dans nos conversations ni dans nos écrits : elle ne produit souvent que des idées vaines et puériles, qui ne servent point à perfectionner le goût et à nous rendre meilleurs ; nos pensées doivent être prises dans le bon sens et la droite raison, et doivent être un effet de notre jugement1. […] Il va même souvent jusques à oublier ses intérêts les plus chers, le repos et la sûreté, par l’amour qu’il a pour le changement, et par le goût de la nouveauté ou des choses extraordinaires.

137. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre I. — Défauts et qualités de la phrase »

Les constructions longues et traînantes embarrassent aussi la marche de la phrase ; il faut savoir n’être ni trop long, ni trop court ; l’homme de goût doit savoir quelle est la juste longueur qu’il doit donner à ses phrases, et tout sacrifier à la clarté. […] La langue que parlaient ces grands hommes se distinguait des autres idiomes de la Grèce par une concision si grande qu’elle était nommée laconisme : Cette manière de parler était remarquable tout à la fois par la brièveté jointe à l’énergie qui s’accordaient parfaitement avec le goût des Spartiates. […] Dans cette dernière période, par exemple, si Bossuet en eût dérangé la construction et se fût exprimé ainsi : la gloire, l’indépendance, la majesté, en de terribles et grandes leçons, quand il lui plaît, c’en était fait de l’harmonie : les expressions eussent toujours été les mêmes, mais quelque sonores et quelque bien choisies qu’elles soient, si elles ne sont pas placées avec goût, elles rendent la phrase désagréable à l’oreille.

138. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Molière 1622-1672 » pp. 379-400

Oui ; mais je voudrais bien qu’il ne s’y servît pas : C’est un fort méchant plat que toute sa personne, Et qui gâte, à mon goût, tous les repas qu’il donne. […] Depuis que dans sa tête il s’est mis d’être habile, Rien ne touche son goût, tant il est difficile ! […] Consultes-en ton goût, il s’y connaît en maître, Et te dira toujours, pour l’honneur de ton choix, Sur qui tu dois verser l’éclat des grands emplois.

139. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre IX. de la disposition. — proportions, digressions, transitions, variété  » pp. 118-130

Montesquieu a fait de cette vérité l’idée fondamentale de son Essai sur le goût. […] C’est ainsi que les historiens nons plaisent par la variété des récits, les romans par la variété des prodiges, les pièces de théâtre par la variété des passions, et que ceux qui savent instruire modifient le plus qu’ils peuvent le ton uniforme de l’instruction. » Essai sur le goût.

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