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123. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — La Rochefoucauld 1613-1680 » pp. 18-21

La Rochefoucauld 1613-1680 [Notice] Grand seigneur, homme d’intrigue, mêlé à toutes les cabales de la Régence et de la Fronde, ambitieux trompé par ses espérances, malheureux à la guerre, dupe de ses amis, et victime de ses ennemis, trahi, méconnu dans ses affections et son dévouement, échappé du naufrage avec une fortune compromise et une santé détruite, n’ayant plus de ressources que du côté de l’esprit, le duc de La Rochefoucauld consola ses disgrâces par un livre où ses ressentiments lui inspirent la misanthropie d’une morale pessimiste. […] Mais peut-être y faut-il moins chercher un parti pris que le résumé d’une expérience amère, et les souvenirs d’un temps où l’esprit de faction ouvrit carrière à des intérêts égoïstes, et coalisés par la mauvaise foi. […] Ils les changent et les corrompent, quand ils sortent de l’enfance ; ils croient qu’ils peuvent imiter ce qu’ils voient faire aux autres : or il y a toujours quelque chose d’incertain et de faux dans toute imitation1 ; chacun veut alors être un autre, et n’être pas ce qu’il est ; ils cherchent une contenance hors d’eux-mêmes, et un autre esprit que le leur2. […] …… Il n’est esprit si droit Qui ne soit imposteur et faux par quelque endroit. Sans cesse on prend le masque, et quittant la nature, On craint de se montrer sous sa propre figure… Rarement un esprit ose être ce qu’il est.

124. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre XIV. Genre historique. »

L’histoire n’est pas comme la peinture, qui ne donne que des surfaces et des physionomies ; elle va au fond des choses, elle montre l’homme sous tous les aspects, et, des événements qu’elle analyse, elle doit savoir tirer des conséquences qui présentent à l’esprit un enseignement solide et profitable. […] L’historien doit être impartial, c’est-à-dire exposer la vérité tout entière, et rien que la vérité, sans ménagements, sans faiblesse, sans se laisser influencer par l’esprit de secte, de parti ou de système. […] Présentée avec cet ensemble et cette unité, l’histoire devient une vaste épopée où circulent la vie et l’intérêt, et elle attache d’autant plus fortement l’esprit que l’intérêt repose sur la vérité. […] La philosophie de l’histoire n’est pas un récit chronologique et suivi des événements ; elle présente des vues générales sur l’histoire ; elle considère spécialement l’esprit des faits, examine les causes, indique les développements des idées et de la civilisation, et montre du doigt les résultats et les conséquences : c’est comme un complément nécessaire à l’histoire proprement dite ; elle s’adresse aux esprits murs et sérieux. […] L’histoire de la littérature est aussi un complément nécessaire de l’histoire politique : si celle-ci présente le tableau des événements, celle-là fait comprendre la marche des esprits.

125. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Origine et principe des beaux-arts »

Il leur exposa ces vérités ; et il vint à bout d’éclairer leur esprit, en leur faisant concevoir ses propres idées ; d’échauffer leur âme, en leur faisant éprouver ses propres sentiments. […] Il faut qu’ils soient parfaits en eux-mêmes, pour qu’ils plaisent à notre esprit ; voilà le beau ; qu’ils aient un rapport intime avec nous, pour qu’ils intéressent notre cœur ; voilà le bon. […] Voilà le beau, qui frappe notre esprit, qui le ravit d’admiration. […] S’il nous représente ce caractère aussi élevé, aussi vertueux qu’il puisse l’être, et comme ayant été le principe des plus grandes et des plus brillantes actions que ce souverain a faites, ou qu’il a pu faire vraisemblablement ; il imitera la belle nature, il nous montrera le beau qui plaira à notre esprit. […] Car le plaisir qu’on a de voir une belle imitation, vient, non pas précisément de ce qui a été imité, mais de notre esprit, qui fait alors, en lui-même, cette réflexion et ce raisonnement, qu’en effet il n’est rien de plus ressemblant, et qu’on dirait que c’est la chose même, et non pas une simple représentation ».

126. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — D’Aguesseau. (1668-1751.) » pp. 124-129

[Notice] Né à Limoges en 1668, d’une ancienne et honorable famille, François d’Aguesseau eut le bonheur de trouver dans son père un excellent maître qui forma également son cœur et son esprit. […] Quelque soin que vous preniez pour éviter les mauvaises compagnies, comme je suis persuadé que vous le ferez, et quelque attention que vous ayez dans le choix de vos amis, il sera presque impossible que vous soyez jamais assez heureux pour ne rencontrer jamais quelqu’un de ces prétendus esprits forts qui blasphèment ce qu’ils ignorent. Il sera donc fort important pour vous d’avoir fait de bonne heure un grand fonds de religion, et de vous être mis hors d’état de pouvoir être ébranlé ou même embarrassé par des objections qui ne paraissent spécieuses à ceux qui les proposent que parce qu’elles flattent l’orgueil de l’esprit ou la dépravation du cœur, qui voudraient pouvoir se mettre au large, en secouant le joug de la religion. […] Il ne me reste, après cela, que de prier Dieu qu’il répande sa bénédiction sur l’étude que vous en ferez, qu’il vous préserve de cet esprit de curiosité qui se perd en voulant approfondir des questions vaines, inutiles ou même dangereuses, et qu’il vous inspire ce goût solide de la vérité, qui la cherche avec ardeur, mais avec simplicité, et qui s’occupe tout entier des vérités utiles, bien moins pour les connaître que pour les pratiquer. […] Dès lors il n’est point surprenant que l’originalité de l’esprit et du style ait été chez lui un peu étouffée sous le poids de tant de connaissances, si bien digérées qu’elles pussent être. — Pour plus de détails sur d’Aguesseau, consulter son Histoire par M.

127. (1882) Morceaux choisis des prosateurs et poètes français des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Cours supérieur. Poètes (2e éd.)

Comme preuve frappante de cette indécision des esprits cultivés, M.  […] Et c’est ainsi que l’alliance de l’esprit français et de l’esprit antique constitua l’éclatante supériorité de notre littérature. […] Les esprits les plus divers y trouvèrent de quoi se satisfaire. […] Voltaire appelait ce rôle l’effort de l’esprit humain. […] Pour gagner son esprit, faites votre devoir.

128. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre IV. des topiques ou lieux. — lieux applicables a l’ensemble du sujet. » pp. 48-63

Si la doctrine des lieux internes est une chimère, il faut avouer qu’elle a un puissant attrait pour l’intelligence, et qu’on ne doit pas s’étonner si, depuis Aristote jusqu’à Raymond Lulle13, une foule d’esprits ingénieux se sont occupés des catégories. […] On décompose de même ; on se retrace les parties de sa pensée dans un ordre successif pour les rétablir dans un ordre simultané ; on fait cette décomposition et cette recomposition en se conformant aux rapports qui sont entre les choses, comme principales et comme subordonnées, et parce qu’on n’analyserait pas une campagne, si la vue ne l’embrassait pas tout entière, on n’analyserait pas sa pensée, si l’esprit ne l’embrassait pas tout entière également. » Analyser n’est donc autre chose qu’exposer dans un ordre successif les parties dont se compose une idée, et leur rendre ensuite l’ordre simultané dans lequel elles coexistent dans l’esprit. […] « Tout dégénère entre les mains de l’homme : » — présentée avec un caractère d’universalité si tranchant, une telle proposition révolte l’esprit, qui pouvait être amené doucement à la même conclusion par une analyse préalable. […] Si, par exemple, je veux parler des misères de la vie, ne ferai-je pas impression sur les esprits en alléguant la pratique de ces nations qui pleurent sur ceux qui uaissent, et mêlent la joie aux funérailles ? […] Ils poussèrent si loin l’abus de la citation, qu’ils en dégoûtèrent pour longtemps tous les esprits raisonnables.

129. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Mignet Né en 1796 » pp. 261-264

Cette dissertation, couronnée par l’Académie des inscriptions en 1822, révélait déjà la fermeté d’un esprit philosophique, des vues élevées, une éloquence nerveuse et substantielle, un style net et vigoureux. […] Les anciens ne l’appelaient la dépositaire des temps que pour la rendre l’institutrice de la vie, et Polybe disait avec profondeur que si elle ne cherchait pas le comment et le pourquoi des événements, elle n’était bonne qu’à amuser l’esprit. […] Un tel sort n’est sans doute pas à craindre pour le pays qui conserve l’amour des nobles études ; qui, après s’être mis à la tête de la civilisation intellectuelle, de l’Europe, sait toujours s’y maintenir ; qui a vu depuis cinquante années les grands talents au service des grandes affaires, et qui promet à l’esprit la gloire comme autrefois, et plus qu’autrefois le gouvernement de l’État. Mais peut-être appartient-il à l’Académie française, le jour où elle reçoit un homme d’État aussi éclairé dans ses rangs, de rappeler à la France que c’est l’esprit des nations qui fait leur grandeur, et sert de mesure à leur durée. […] Ainsi les pays se rapprochent, les esprits s’unissent, les pensées s’échangent, et, vainqueur de la nature, l’homme, reportant ses regards de sa demeure sur lui-même, aspire à découvrir, par l’observation et par l’histoire, les lois mêmes de l’humanité.

130. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre I. Du Discours oratoire. »

L’orateur s’en sert, lorsqu’il veut développer une vérité, la rendre plus claire et plus sensible, et la mettre à la portée des esprits les plus ordinaires. […] C’est un art qui demande une grande sagacité dans l’esprit, un discernement juste et fin, un goût sûr et exquis. […] L’Orateur y doit préparer l’esprit de ses auditeurs, à recevoir favorablement les choses qu’il va leur annoncer. […] Il faut alors qu’il s’exprime simplement, pour s’insinuer avec art dans l’esprit de ceux qui l’écoutent. […] Dieux immortels, qu’aucun de vous n’exauce de semblables vœux ; mais rectifiez plutôt l’esprit et le cœur de ces hommes pervers.

131. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VI. des mœurs  » pp. 75-88

Elle apprend seulement à lier les idées entre elles, et à les revêtir des formes irrésistibles du raisonnement, pour les faire pénétrer dans les esprits. […] « Le temps, dit Boileau, Le temps, qui change tout, change aussi nos humeurs, Chaque âge a ses plaisirs, son esprit et ses mœurs. […] Calvin le Picard ressemble plus à Jérôme de Prague, et le due de Richelieu à Buckingham, qu’un huguenot farouche et républicain du xvie  siècle au grand seigneur esprit fort et libertin de la cour de Louis XV. […] En se pénétrant bien de l’esprit de ce type national, on comprendra et on expliquera mieux ses compatriotes. […] N’oublions pas que la partie intime de l’homme doit toujours avoir le pas, dans la pensée des écrivains, sur son revêtement extérieur ; l’âme et l’esprit doivent les occuper plus que le corps.

132. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XIV. de la fin  » pp. 189-202

A leur dernière ligne, vous êtes tenté de tourner la page pour chercher la suite ; l’esprit est dérouté, désappointé, comme le serait l’oreille, si un compositeur s’avisait de s’arrêter sur un accord dissonant dont il n’aurait pas fait entendre la résolution. […] …. je finis le traité des fiefs où la plupart des auteurs l’ont commencé : » voilà la seule conclusion de Montesquieu pour les trente et un livres de l’Esprit des lois. Et il a raison, en effet, de briser là, sans plus de façon ; cette brusquerie originale n’est nullement déplacée, pourvu que l’esprit du lecteur soit réellement satisfait ; qu’il comprenne que la matière est épuisée et que toute addition serait superflue. […] Tout le plan de l’entreprise est définitivement arrêté, tous les conjurés à leur poste ; armes, vaisseaux, mots de ralliement, esprits et courages, tout est prêt ; on n’attend plus que le signal, et le signal va être donné au lever du jour. […] Passant ensuite aux diverses parties, elle trace les règles du début, montre comment il dépend de l’ensemble, quelles dispositions il doit faire naître dans l’esprit du lecteur ou de l’auditeur ; elle en indique les différentes espèces, les sources, les mérites et les défauts.

133. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Guizot Né en 1787 » pp. 247-250

C’est de lui que date l’ère de la science proprement dite. » — La profondeur et la gravité des maximes, l’éloquence des vues supérieures, l’art magistral de classer les idées, de les faire manœuvrer avec puissance et précision, l’autorité qui domine un sujet, et juge de haut toutes les questions : tels sont les mérites éminents de ce grand esprit qui aborda l’histoire en homme d’État, prédestiné aux luttes et aux triomphes de la parole. […] Votre âme s’énerverait, votre esprit s’abaisserait dans ce contact prématuré. […] Ce devoir difficile veut des esprits fiers et modestes, sentant leur dignité, et n’ignorant pas leur faiblesse. […] Vous aurez à contenir et à relever en même temps l’esprit humain, encore superbe et pourtant abattu. […] L’étude poursuivie avec sincérité élève et purifie le cœur, en même temps qu’elle enrichit et arme l’esprit pour toutes les carrières de la vie.

134. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Fontenelle. (1657-1757). » pp. 110-119

Remettez-vous dans l’esprit l’état où était l’Amérique avant qu’elle eût été découverte par Christophe Colomb1. […] Il avait une gaieté naturelle et une vivacité d’esprit heureuse et féconde en traits, qui seules auraient fait une réputation à un homme oisif. […] Vous vous imaginez que l’esprit humain ne cherche que le vrai : détrompez-vous. L’esprit humain et le faux sympathisent extrêmement. […] Ainsi, le vrai a besoin d’emprunter la figure du faux pour être agréablement reçu dans l’esprit humain : mais le faux y entre bien sous sa propre figure ; car c’est le lieu de sa naissance et sa demeure ordinaire, et le vrai y est étranger.

135. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — Seconde partie. Moyens de former le style. — Chapitre Ier. Des exercices préparatoires à la composition » pp. 209-224

De tout temps la lecture des modèles littéraires, c’est-à-dire de ce qu’il y a de plus parfait dans les ouvrages d’esprit, a paru un moyen puissant pour développer le talent et former le style. […] La multitude des livres, dit Sénèque, au lieu d’enrichir et d’éclairer l’esprit, ne sert qu’à y jeter le désordre et la confusion. […] On relit souvent ces morceaux ; on les apprend même quelquefois de mémoire ; on meuble ainsi son esprit de souvenirs qui ne s’effaceront pas, et on y ramasse, selon l’expression de Cicéron, une riche moisson d’idées. De plus, il faut lire peu à la fois ; les objets se fixent plus aisément dans l’esprit. […] L’esprit s’affaisse sous le poids dont on le charge.

136. (1863) Précis de rhétorique : suivi des règles auxquelles sont assujettis les différents ouvrages de littérature pp. 1-100

Chaque âge a ses plaisirs, son esprit et ses mœurs. […] Observez qu'on écrit mal quand on veut tout dire, et quand on veut avoir trop d'esprit. […] Le style sublime et le sublime rejettent les expressions qui manquent de justesse et celles qui visent à l'esprit. […] La catachrèse semble abuser des termes ; c'est un esprit mince. […] Le conte demande un ton gai et naïf ; et l'esprit, loin de lui nuire, en fait ordinairement le mérite.

137. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Beaumarchais 1732-1799 » pp. 199-202

Talent souple et fertile qui suffit à tout avec de l’esprit, il mêla au sel gaulois du vieux temps le don de l’à-propos, et l’art d’exciter les passions en les amusant ; son style abonde en mots piquants : sa prose acérée se retient comme des vers. […] » Ne pouvant avilir l’esprit, on se venge en le maltraitant. […] Un homme se croit-il placé au-dessous de son mérite, un peuple a-t-il ou croit-il avoir plus d’esprit que ses ministres, il aime et applaudit Figaro. […] est la devise de la pauvreté contre la richesse, de l’esprit en disgrâce contre la sottise en faveur ; c’est aussi la plainte de la vanité mécontente. […] D’esprit.

138. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Victor Hugo Né à Besançon en 1802 » pp. 540-556

— Puis, près d’Eugène, esprit qu’hélas ! […] Ainsi que l’oiseau met sa tête sous son aile, L’enfant dans la prière endort son jeune esprit ! […] Mystérieux abîme où l’esprit se confond ! […] L’ensemble est charmant d’esprit, et d’émotion souriante ou naïve. […] Remplis-moi d’un esprit qui me fasse comprendre Ce qu’ordonnent de moi tes saintes volontés, Et réduis mes désirs au seul plaisir d’entendre   Tes hautes vérités.

139. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie —  Lamennais, 1782-1854 » pp. 455-468

Esprit étrange et puissant, M. de Lamennais fut l’ébauche d’un génie qui nous laisse indécis entre l’admiration et la pitié. […] Semez donc, mais en esprit de foi ; semez, mais en sachant que vous semez pour un temps que vous ne verrez point. […] « Il enverrait, disait-il, son esprit aux siens. » Et qu’est-ce encore que l’Esprit divin, si ce n’est l’Amour même, essentiel, éternel, l’Amour qui est la vie du Souverain Être et de tous les êtres ? […] Ces esprits polis de Rome et d’Athènes viendront apprendre à parler dans les écrits des barbares. […] S’ils ne confirmaient pas leur enseignement par leur exemple, s’ils vivaient de la vie de la chair en appelant les hommes à celle de l’esprit, qui les écouterait ?

140. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Malherbe 1555-1628 » pp. 302-309

A quoi sont employés tant de soins magnanimes Où son esprit travaille, et fait veiller ses yeux, Qu’à3 tromper les complots de nos séditieux, Et soumettre leur rage aux pouvoirs légitimes ? […] Mais les vers ont perdu leur prix ; Et pour les excellents esprits, La faveur des princes est morte. […] Ton esprit enflammé d’une céleste ardeur Eclate par soi-mesme, et moy par ma grandeur. […] Ta lyre, qui ravit par de si doux accords, Te soumet les esprits dont je n’a y que le co Elle t’en rend le maistre, et te sçait introduire Où le plus fier tyran n’a jamais eu d’empire. […] Il dit ailleurs : Ont-ils rendu l’esprit, ce n’est plus que poussière Que cette majesté si pompeuse et si fière, Dont l’éclat orgueilleux éblouit l’univers ; Et dans ces grands tombeaux, où leurs âmes hautaines   Font encore les vaines,   Ils sont mangés des vers.

141. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre IV. Genre dramatique. »

Une merveille absurde est pour moi sans appas : L’esprit n’est point ému de ce qu’il ne croit pas. […] Son but était à la fois moral, religieux et politique ; car il pénétrait les esprits de l’ascendant de la destinée, afin d’accumuler les hommes aux évènements de la vie, de les y résigner d’avance et de les rendre patients, courageux, déterminés. […] Le poète comique n’est pas toujours un homme gai ; c’est souvent, comme Molière, un philosophe sérieux et observateur, qui connait à fond le cœur humain et la société, qui en saisit les côtés faibles et les traduit sur la scène avec génie ou avec esprit. […] Le mérite est d’amener à propos les couplets, et de leur donner une pointe de gaieté et d’esprit qui les fasse vivre dans la mémoire. […] L’esprit doit régner partout, mais naturel et vrai, sortant comme de lui-même du fond des choses et des mots, tantôt naïf, tantôt étincelant de verve et de gaieté.

142. (1852) Précis de rhétorique

La probité oratoire est la droiture d’esprit et de cœur considérée dans l’orateur. […] Il faut y préparer l’esprit, sans toutefois l’annoncer, et savoir s’arrêter à temps. […] On arrange ces preuves dans l’ordre le plus propre à frapper les esprits. […] Adèle n’est pas sotte signifie qu’Adèle a beaucoup d’esprit. […] L’on parle avec magnificence quand on présente à l’esprit une belle pensée en termes choisis.

143. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section troisième. La Tribune sacrée. — Chapitre VI. Massillon. »

Sacrifie-t-il quelquefois la dignité de son ministère à la vaine ambition de faire briller son esprit ? […] Un homme, dont la belle âme avait plus d’un rapport avec celle de Massillon, et à qui la religion, les mœurs et les lettres doivent tant, Fénelon, a parlé aussi de la prière, et en a donné la définition la plus juste, la plus conforme au génie du christianisme et à l’esprit de son divin auteur. […] Voilà bien l’esprit de la morgue philosophique qui respire, en général, dans les anciens, qui sont ou beaucoup trop relâchés, ou infiniment trop austères dans leurs principes : stoïques ou épicuriens, et toujours hors des limites du vrai. […] Voilà les raisons insurmontables que l’impie oppose à la foi de tout l’univers ; voilà cette évidence qui l’emporte, dans son esprit, sur tout ce qu’il y a de plus évident et de mieux établi sur la terre » ! […] Enfin, au milieu de ces tristes efforts, ses yeux se fixent, ses traits changent, son visage se défigure, sa bouche livide s’entrouvre d’elle-même, tout son esprit frémit ; et, par ce dernier effort, son âme infortunée s’arrache comme à regret de ce corps de boue, tombe entre les mains de Dieu, et se trouve seule au pied du tribunal redoutable ».

144. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Première partie. De l’Art de bien écrire. — Section III. De l’Art d’écrire pathétiquement. — Chapitre II. De l’Éloquence. » pp. 318-338

Nous ne doutons point que ce changement si considérable n’ait été l’ouvrage de l’éloquence, si nous nous formons une juste idée du pouvoir qu’elle a sur les esprits et sur les cœurs. […] Sans leur aide il ne peut entrer dans les esprits,         Que tout mal et toute injustice. […] Il émeut les esprits avec une adresse merveilleuse, agite l’âme avec violence, la transporte, l’enlève à elle-même. […] En un mot, c’est elle qui règne souverainement sur les esprits et sur les cœurs ; qui tantôt brise tout ce qui ose lui résister, tantôt s’insinue dans l’âme des auditeurs par des charmes secrets, et tantôt y établit de nouvelles opinions, ou déracine celles qui paraissent les mieux affermies. […] De plus grands détails sur l’art de bien écrire, me paraîtraient ici superflus : ils ne serviraient qu’à fatiguer la mémoire et l’esprit des jeunes gens, sans les instruire peut-être davantage.

145. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre IX. Poésies fugitives. »

Il n’appartient qu’à un esprit méchant ou singulièrement léger d’attaquer ainsi les personnes, et de rimer des injures grossières. […] Si n’y en eut, tant fut-il empêché, Qui ne courût pour voir l’esprit immonde. […] « Mon ami, dit Caton, reprenez vos esprits ; Cet accident, en soi, n’a rien d’épouvantable. […] Grâce à leurs soins, il gagna le rivage, Et rappela ses esprits doucement ; Tant qu’à la fin, ayant repris courage : « Beau sire Dieu ! […] Pour bien réussir dans le genre de la chanson érotique, il faut une grande finesse dans l’esprit, et beaucoup de délicatesse dans les sentiments.

146. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — De Maistre, 1753-1821 » pp. 377-387

Deux caractères particuliers vous distinguent de tous les peuples du monde : l’esprit d’association et celui de prosélytisme. […] Ils ont un esprit leste, agréable et peu imposant. […] Par sa presse, elle gouverne les peuples ; par ses livres, elle gouverne les esprits. […] Son esprit s’introduit peu à peu dans les gouvernements et les assainit. […] Oui, messieurs, n’en déplaise à l’esprit de diatribe et de dénigrement, cet aveugle qui regarde, je crois en l’humanité et j’ai foi en mon siècle ; n’en déplaise à l’esprit de doute et d’examen, ce sourd qui écoute, je crois en Dieu et j’ai foi en sa providence.

147. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre VIII. Des Figures en général. »

Il en fit part à l’homme ; et la race mortelle De l’esprit qui meut tout obtint quelqu’étincelle. […] Les autres rabattent ce qu’il leur plaît de notre exagération, et notre idée reste dans leur esprit à peu près ce qu’elle est en effet. […] L’hyperbole est propre à peindre le désordre d’un esprit à qui une grande passion exagère tout. […] … C’est se jouer sans pudeur de son talent, c’est insulter à l’esprit, que d’en faire un usage aussi déplorable. […] Quel sens profond renfermé dans ce dernier trait, et que de choses il retrace à l’esprit du lecteur !

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