A ce compte, ni Thémistocle, ni Périclès n’avaient été orateurs ; et, en effet, il ne craignait pas de leur refuser ce titre. […] Avant qu’estre appelé à cette grande charge que Dieu vous a donnée, et depuis, vous avez autant cherché la fortune de la guerre que roy qui jamais aist esté en France, sans avoir espargné votre personne, non plus que le moindre gentil homme : doncques ne doy-je craindre, puisque j’ay à parler devant un roy roldat. » Je doute que l’art des maîtres les plus consommés trouve un exorde plus habile et plus approprié à la circonstance. […] Je crois, au contraire, que plus un orateur a grandi en expérience et en réputation, plus il a une haute idée de son art et plus il craint de rester au-dessous de son sujet et de l’attente du public. […] La passion est un état violent dont l’âme se fatigue vite et qu’on doit craindre de prolonger. […] » — Cicéron ne craint pas de dire que sans l’action le meilleur orateur n’est rien, et qu’avec elle le plus médiocre peut l’emporter sur le plus habile.
On voit bien que le roseau connaît tout l’orgueil du chêne ; mais il cache sa pensée véritable ; il a d’ailleurs de quoi humilier le chêne à son tour ; car il craint les vents moins que lui, et leur situation réelle se résume dans ces mots : Je plie et ne romps pas. […] Esclave romain, ne crains-tu point ma framée ? — Je ne crains qu’une chose, répartit le Gaulois frémissant de courroux ; c’est que le ciel tombe sur ma tête. […] Celui-ci réplique par une hyperbole, je ne crains qu’une chose, c’est que le ciel me tombe sur la tête.
Ne crains pas d’être franc et sincère : je recevrai cet avertissement comme une marque d’affection pour moi. […] Il était craint de ses sujets, et il ne paraît pas qu’il en fût haï. […] Ils en font peu même aux animaux et sauvages qui habitent épars ces lieux retirés, et qui ne craignent ni la chute des toits, ni l’embrasement des maisons. […] Je voudrais bien que cette lettre fût assez ridicule pour vous faire rire vous-même ; mais je crains qu’elle n’ait que ce qui est nécessaire pour vous ennuyer un quart d’heure, car il faut bien cela pour la lire. […] Dans les balancements du vaisseau, ce qu’on craignait arriva.
Il craint tous ceux qui le craignent et le hayssent. […] Et comme j’ay dit qu’on est icy fort formaliste et long, aussi puis-je dire avec vérité qu’ils y aiment le profit et y craignent de perdre autant qu’en lieu du monde. […] Encores si les choses honteuses vous estoyent seures : mais vous n’avez rien à craindre tant que de demeurer. […] Ce royaume n’avoit que deux sortes d’ennemis qu’il dût craindre : les huguenots et les Espagnols. […] Jusque-là je suis assez glorieux pour vous dire de porte à porte que je ne vous crains ni ne vous aime.
On l’emploie ou pour éviter un mot que l’on craint d’employer, ou pour donner de l’élégance et de l’ampleur au discours : — Tels que des fils d’Io, l’un à l’autre attachés, Sont portés dans un char aux plus voisins marchés. […] L’allusion. — On effleure en passant le souvenir d’une idée, soit qu’on craigne d’y insister, soit qu’on veuille donner à penser à ceux qui nous écoutent : — Cependant Claudius penchait sur son déclin… Il murut. oMille bruits en courent à ma honte.
Homère ne nous montre jamais un jeune homme qui va périr sans lui donner des grâces touchantes, sans nous faire craindre d’avance pour son sort. […] L’auditeur est prévenu en faveur du personnage, et l’orateur a plutôt à craindre de rester au-dessous que d’être trop riche et trop brillant. […] Ils sont timides, et craignent tous les maux avant qu’ils n’arrivent. […] Ils n’ont pas encore commencé, qu’ils regardent déjà leurs auditeurs en gros et en détail, avec une assurance et un aplomb qui semble dire : je ne vous crains pas. […] si vous craignez tant la boue pour votre chaussure, mettez-la sur votre tête, et elle en sera garantie. » Le R.
Possédé d’un ennui qu’il ne saurait dompter, Il craint d’être à soi-même, et songe à s’éviter. […] Elle seule bravant l’orgueil et l’injustice, Va jusques sous le dais faire pâlir le vice, Et souvent sans rien craindre, à l’aide d’un bon mot, Va venger la raison des attentats d’un sot250. […] Vous l’avez vu naguère aux bords de vos fontaines, Qui sans craindre du sort les faveurs incertaines, Plein d’éclat, plein de gloire, adoré des mortels, Recevait des honneurs qu’on ne doit qu’aux autels. […] Dieu m’a dit : de Bazan308 pourquoi crains-tu les pièges ? […] Elle approche, elle hésite, elle craint, elle admire : La surprise enchaîne ses sens ; Et l’amour du héros pour qui son cœur soupire, À sa timide voix arrache ces accents : Vous qui parcourez cette plaine, Ruisseaux, coulez plus lentement : Oiseaux, chantez plus doucement ; Zéphyrs333, retenez votre haleine.
Et toi, de mes exploits glorieux instrument, Mais d’un corps tout de glace inutile ornement, Fer, jadis tant à craindre, et qui, dans cette offense M’as servi de parade et non pas de défense, Va, quitte désormais le dernier des humains : Passe, pour me venger, en de meilleures mains. […] D’une indigne pitié ton audace est suivie : Qui m’ose ôter l’honneur craint de m’ôter la vie ! […] Je m’y suis fait quatre ans craindre comme un tonnerre2.
L’ébullition violente peut seule vous donner la vapeur dans toute son énergie ; laissez-la s’accumuler, quand vous voulez qu’elle entraîne rapidement, et n’ouvrez vos soupapes que si vous craignez que la chaudière n’éclate. […] Voici un modèle en ce genre ; c’est le portrait d’Ibrahim dans l’exposition de Bajazet, que Boileau admirait tant : L’imbécile Ibrahim, sans craindre sa naissance, Traine, exempt de périls, une éternelle enfance ; Indigne également de vivre et de mourir, On l’abandonne aux mains qui daignent le nourrir.
Ainsi fuit la gloire du monde, Et rien que Dieu n’est permanent ; et Maynard, n’ayant rien obtenu de la cour ou de Richelieu qu’il avait longtemps et vainement importuné de ses demandes, fit graver sur la porte de son cabinet, dans sa retraite d’Aurillac, ces vers philosophiques, imités de Martial : Las d’espérer et de me plaindre Des muses, des grands et du sort, C’est ici que j’attends la mort Sans la désirer ni la craindre. […] crains de paraître ; Diffère un moment de t’ouvrir.
Dans la chaire même, où le ministre de l’Evangile n’a point à craindre de réplique, il faut qu’il sonde le fond des cœurs, et qu’il renverse tous ces sophismes que la passion suggère au pécheur pour éluder la loi divine. […] Leur dirai-je : Ne craignez rien ? […] Leur dirai-je : Craignez ? […] Je crains que nous ne lui soyons inconnus ; il faudrait qu’il vît la terre quatre-vingts fois plus petite que nous ne le voyons : c’est trop peu : il ne la voit point. […] Attendons : Pendant qu’avec un air assuré le prince s’avance pour recevoir la parole de ces braves gens, ceux-ci, toujours en garde, craignent la surprise de quelque nouvelle attaque ; leur effroyable décharge met les nôtres en furie.
Un ordre si prompt fait craindre d’abord aux deux amans que tout ne soit découvert. […] Isabelle pour qui ce mariage fatal est plus à craindre que le trépas même, sort de sa chambre aussitôt qu’il fait nuit. […] Pourroit-on craindre pour un scélérat menacé de perdre une vie si funeste aux gens de bien ? […] Cette pitié vient, comme je l’ai dit après Aristote, de ce que nous avons éprouvé, ou de ce que nous craignons d’éprouver de semblables malheurs. […] D’un autre côté, la terreur tragique nous fait craindre pour nous mêmes le danger et les suites funestes des passions.
Ce silence du grand philosophe tourmente fort l’auteur de la Jérusalem délivrée il craint d’y voir une condamnation tacite de ce genre d’ornement poétique.
Il le compare au grand roi, et donne avec tout le monde la supériorité à ce dernier : Guillaume III laissa la réputation d’un grand politique, quoiqu’il n’eût point été populaire, et d’un général à craindre, quoiqu’il eût perdu beaucoup de batailles. […] Il revint à Babylone craint et respecté, non pas comme un conquérant, mais comme un dieu. […] Les grands généraux étaient morts ; on avait tout à craindre sous un jeune roi qui n’avait encore donné de lui que de mauvaises impressions.
A Chantilly, qu’on appelait l’écueil des mauvais ouvrages, protégé par le crédit d’un prince qui avait le goût de la fine raillerie, il put faire provision d’expérience, tracer impunément de malins portraits, et se vouer à un genre périlleux, sans craindre les orages. […] Une naissance auguste, un air d’empire et d’autorité, un visage qui remplisse la curiosité des peuples empressés de voir le prince6, et qui conserve le respect dans le courtisan ; une parfaite égalité d’humeur ; un grand éloignement pour la raillerie piquante, ou assez de raison pour ne se la permettre point1 : ne faire jamais ni menaces ni repròches ; ne point céder à la colère, et être toujours obéi ; l’esprit facile, insinuant ; le cœur ouvert, sincère, et dont on croit voir le fond, et ainsi très-propre à se faire des amis, des créatures et des alliés ; être secret toutefois, profond et impénétrable dans ses motifs et dans ses projets ; du sérieux et de la gravité dans le public ; de la brièveté, jointe à beaucoup de justesse et de dignité, soit dans les réponses aux ambassadeurs des princes, soit dans les conseils ; une manière de faire des grâces2 qui est comme un second bienfait ; le choix des personnes que l’on gratifie ; le discernement des esprits, des talents et des complexions3, pour la distribution des postes et des emplois ; le choix des généraux et des ministres ; un jugement ferme, solide, décisif dans les affaires, qui fait que l’on connaît le meilleur parti et le plus juste ; un esprit de droiture et d’équité qui fait qu’on le suit jusqu’à prononcer quelquefois contre soi-même en faveur du peuple, des alliés, des ennemis ; une mémoire heureuse et très-présente qui rappelle les besoins des sujets, leurs visages, leurs noms, leurs requêtes ; une vaste capacité qui s’étende non-seulement aux affaires de dehors, au commerce, aux maximes d’État, aux vues de la politique, au reculement des frontières par la conquête de nouvelles provinces, et à leur sûreté par un grand nombre de forteresses inaccessibles ; mais qui sache aussi se renfermer au dedans, et comme dans les détails4 de tout un royaume ; qui en bannisse un culte faux, suspect et ennemi de la souveraineté, s’il s’y rencontre ; qui abolisse des usages cruels et impies5, s’ils y règnent ; qui réforme les lois et les coutumes6, si elles étaient remplies d’abus ; qui donne aux villes plus de sûreté et plus de commodités par le renouvellement d’une exacte police, plus d’éclat et plus de majesté par des édifices somptueux ; punir sévèrement les vices scandaleux ; donner, par son autorité et par son exemple, du crédit à la piété et à la vertu ; protéger l’Église, ses ministres, ses droits, ses libertés1 ; ménager ses peuples comme ses enfants2 ; être toujours occupé de la pensée de les soulager, de rendre les subsides légers, et tels qu’ils se lèvent sur les provinces sans les appauvrir ; de grands talents pour la guerre ; être vigilant, appliqué, laborieux ; avoir des armées nombreuses, les commander en personne ; être froid dans le péril3, ne ménager sa vie que pour le bien de son État, aimer le bien de son État et sa gloire plus que sa vie ; une puissance très-absolue, qui ne laisse point d’occasion aux brigues, à l’intrigue et à la cabale ; qui ôte cette distance infinie4 qui est quelquefois entre les grands et les petits, qui les rapproche, et sous laquelle tous plient également ; une étendue de connaissances qui fait que le prince voit tout par ses yeux, qu’il agit immédiatement par lui-même, que ses généraux ne sont, quoique éloignés de lui, que ses lieutenants, et les ministres que ses ministres ; une profonde sagesse qui sait déclarer la guerre, qui sait vaincre et user de la victoire, qui sait faire la paix, qui sait la rompre, qui sait quelquefois, et selon les divers intérêts, contraindre les ennemis à la recevoir ; qui donne des règles à une vaste ambition, et sait jusqu’où l’on doit conquérir ; au milieu d’ennemis couverts ou déclarés, se procurer le loisir des jeux, des fêtes, des spectacles ; cultiver les arts et les sciences, former et exécuter des projets d’édifices surprenants ; un génie enfin supérieur et puissant qui se fait aimer et révérer des siens, craindre des étrangers ; qui fait d’une cour, et même de tout un royaume, comme une seule famille unie parfaitement sous un même chef, dont l’union et la bonne intelligence est redoutable au reste du monde. […] Maîtres alors de l’avenir, et indépendants d’une postérité, vous êtes sûrs de durer autant que la monarchie ; et dans le temps que l’on montrera les ruines de vos châteaux, et peut-être la seule place où ils étaient construits, l’idée de vos louables actions sera encore fraiche dans l’esprit des peuples ; ils considéreront avidement vos portraits et vos médailles ; ils diront : Cet homme, dont vous regardez la peinture, a parlé à son maître avec force et avec liberté, et a plus craint de lui nuire que de lui déplaire ; il lui a permis d’être bon et bienfaisant, de dire de ses villes : ma bonne ville, et de son peuple : mon bon peuple. » 1.
La suite en est à craindre : en ce hardi métier La peur plus d’une fois fit repentir Régnier. […] Elle seule, bravant l’orgueil et l’injustice, Va jusque sous le dais faire pâlier le vice, Et souvent sans rien craindre, à l’aide d’un bon mot, Va venger la raison des attentas d’un sot.
Craignez-vous pour vos vers la censure publique ? […] » Nous lisons dans Régnier : Maints fascheux accidents surprennent sa vieillesse : Soit qu’avec du soucy gaignant de la richesse, Il s’en deffend l’usage, et craint de s’en servir, Que tant plus il en a, moins s’en peut assouvir ; Ou soit qu’avec froideur il face toute chose, Imbécile, douteux, qui voudroit et qui n’ose, Dilayant, qui tousjours a l’œil sur l’avenir, De léger il n’espère et croit au souvenir : Il parle de son temps, difficile et sévère ; Censurant la jeunesse, use des droits d’un père Il corrige, il reprend, hargneux en ses façons, Et veut que tous ses mots soient autant de leçons.
La pénétration qui ne craint pas d’être subtile, la sensibilité, la raison, pourvu qu’elle ne sente pas l’école, le caprice même à l’occasion, le fini du détail, l’image transportée de la poésie dans la prose, telles en sont les qualités éminentes. […] Ils sentent déjà la difficulté, et ils craignent la fatigue, que ne paye pas toujours le succès.
Les césures rendent le vers plus harmonieux ; il ne faut donc pas craindre de les multiplier.
Ce passage seul peut faire comprendre combien la science de bien dire est importante, noble, sublime, et combien l’on doit craindre de la dégrader, en l’éloignant de la vérité et de la vertu qui sont les sources du beau, pour la faire servir au triomphe du vice et du mensonge, qui avilissent l’homme, et des passions immorales qui le rapprochent de la brute, dont la parole doit par sa nature le distinguer plus que toute autre chose.
D’un autre côté, elle doit craindre, en voulant l’embellir, de sortir du naturel et de tomber dans l’affectation et le raffinement, comme l’a fait Florian.
Le possesseur des trésors littéraires n’a point à craindre de se trouver avec lui-même.
Je voudrais quelquefois aborder ces solitaires, pour leur donner mes consolations ; mais ils craignent d’être arrachés à leurs pensées, et ils se détournent de moi. — Je plains ces misères cachées que la crainte d’êtres connues rend plus pesantes1 Un homme aimable Étes-vous bien aise de savoir, mon cher ami, ce que le monde appelle quelquefois un homme aimable ?
Malgré toutes ces précautions, Cicéron fut réellement troublé, à l’aspect des soldats qui remplissaient le Forum, parce qu’il vit, dans cette mesure, l’intention bien prononcée de Pompée, et qu’il craignit dès lors que son discours ne blessât le consul, sans sauver son ami. […] « Je crains avec raison, Messieurs, qu’il n’y ait de la bonté pour moi à laisser entrevoir quelque crainte, en commençant de parler pour le plus courageux des hommes ; et quand Milon, tranquille sur son sort, n’est alarmé que pour celui de l’état, je devrais, je le sens, montrer en le défendant la même fermeté.
Votre réputation d’habileté et d’instruction doit être telle qu’on ne craigne point de se tromper en adoptant vos avis, en suivant vos conseils. […] D’autres fois deux moyens devront être employés : Si je n’ai pas de preuves authentiques de ma créance, le juge devra apprécier ma probité qui m’empêcherait de vouloir tromper, ma bienveillance qui me fait recourir avec confiance à son équité, ma modestie qui éviterait un scandale judiciaire et des débats publics, et ma prudence qui m’aurait retenu, si j’avais craint de perdre ma cause ; et tout cela formera un corps de preuves morales qui décidera le gain de ma cause.