Cette supposition ne peut pas raisonnablement se faire à l’égard de tous les lecteurs ; et quand même elle pourrait avoir lieu, la liaison des matières exige toujours que l’écrivain rappelle ces principes, et les trace du moins succinctement. Ils servent d’ailleurs à en approfondir d’autres, que le lecteur débrouille sans peine, dès lors qu’on a mis sous ses yeux ces premiers éléments, et qu’il en a la mémoire toute remplie. […] Il faut que l’écrivain (qu’on me passe cette expression) fasse monter le lecteur de branche en branche, jusqu’à ce que celui-ci soit parvenu au sommet de l’arbre. […] L’écrivain doit même revenir plusieurs fois sur une même chose, quand elle ne peut être comprise à la première fois que par les lecteurs qui ont l’esprit pénétrant. […] Que le journaliste pourrait bien ajouter, à la honte d’être tombé, par sa faute, dans l’erreur, l’injustice d’y jeter ceux de ses lecteurs, que le défaut de lumières oblige de l’en croire sur sa parole.
Le poète ne les emploie que par occasion, et pour répandre dans son poème un ornement de plus, ou pour délasser et pour égayer le lecteur. […] Le but du poète épique, dans le choix du sujet, doit être de porter l’intérêt au plus haut point chez le plus grand nombre possible de lecteurs. […] L’intérêt est fortement lié ; la curiosité du lecteur est excitée ; on no consentirait p s facilement à ignorer le dénoûment. […] Comme cette division a été établie pour venir en aide à l’attention du lecteur, il faut que chaque livre présente lui-même une étendue qui permette à l’intérêt de se soutenir. […] Il est inutile d’ajouter que le poète ne doit pas raconter uniquement pour raconter ; il doit tendre à un but plus élevé, à l’utilité et à l’instruction du lecteur.
Ces sortes de portraits peuvent faire briller le talent de l’écrivain : mais ils sont toujours vides d’instruction, et ne plaisent jamais au lecteur sensé. […] Encore même l’historien devrait-il les laisser faire au lecteur, en se bornant à lui en présenter le germe. […] Le lecteur est conduit, comme par la main, dans les sièges et les combats qu’ils décrivent. […] Sa narration unie et rapide enchaîne le lecteur. […] Elle est fort bien faite, très intéressante, très utile pour les militaires, et curieuse pour tous les lecteurs.
Il suit de là que, sans perdre de vue l’indication du sujet, on doit comprendre dans les éléments de l’exorde les dispositions à inspirer aux auditeurs ou aux lecteurs. […] A cet effet, trois qualités sont requises par Cicéron dans l’auditeur ou le lecteur : il doit être bienveillant, attentif, docile, benevolus, attentus, docilis. […] Le mot sacramentel, Ami lecteur, qui commence toutes les préfaces de nos vieux écrivains, est l’expression naïve de ce besoin. […] Trop énergique, trop saisissant, ou encore trop brillant et trop étudié, soit de pensée, soit de style, l’exorde déroute le lecteur ou l’auditeur. […] Sans être aussi déplacé, le début ne serait-il que disparate, il serait déjà blâmable, car il abuse le lecteur sur le caractère général, sur l’allure réelle de l’écrit qu’il va lire.
Il semble que l’écrivain l’a caché à demi, afin que le lecteur le cherche et le devine : ou du moins, il le laisse seulement entrevoir, pour lui donner le plaisir de le découvrir tout à fait. […] Il semble au lecteur qu’il l’avait dans la tête, avant de la lire, et que par conséquent elle n’a exigé aucun effort de la part de l’écrivain. […] Si elle était trop longue, elle manquerait de mouvement, et fatiguerait l’attention du lecteur. […] Une pensée a besoin d’être présentée dans tout son jour, pour être bien saisie du lecteur. […] Quintilien ne veut pas qu’on donne au lecteur ou à l’auditeur la peine de rien éclaircir.
Il y a un grand art à passer d’un sujet à un autre, non seulement pour distraire le lecteur, mais encore en l’attachant davantage et en augmentant son plaisir. […] Ces digressions peuvent être de véritables ornements dans l’histoire ; elles y répandent une agréable variété qui charme l’esprit du lecteur sans cesser de l’occuper utilement. […] Le détail des motifs qui les font agir pique la curiosité du lecteur, l’intéresse et l’instruit souvent plus que le simple récit de leurs actions. […] Il faut souvent, dans ces sortes d’histoires, faire quelque préambule pour introduire le lecteur dans le récit. […] Ainsi, elle peut offrir au lecteur le tableau de ce que les inventions des hommes ont produit, dans les différents siècles, de plus grand et de plus utile.
quel torrent de poésie roule à travers tout l’ouvrage, entraîne le lecteur, et le critique lui-même, qui s’attache en vain à quelque faute un peu grave, pour échapper au prestige qui le séduit et le désarme malgré lui ! […] Voici le jugement que portait de ces deux traducteurs comparés le La Harpe de la littérature anglaise, le célèbre Johnson : « Si l’on compare, dit-il, ces deux versions, le résultat sera que Dryden subjugue, entraîne le lecteur par la vigueur et par la véhémence qui dominent en général dans son style, et que Pitt force quelquefois ce même lecteur de s’arrêter pour admirer tel ou tel vers en particulier ; que les fautes de Dryden se perdent, englouties dans un océan de beautés réelles, et que les beautés de Pitt sont à peine sensibles pour un lecteur glacé par le froid mortel d’une correction trop étudiée ; que Pitt pourra plaire à certains critiques, mais que Dryden a pour lui le peuple des lecteurs ; que Pitt enfin est cité, mais que Dryden est et sera lu ». […] C’est au lecteur de faire maintenant l’application de ce passage, et au temps de fixer aux Énéides françaises le rang qu’elles auront mérité. […] Jamais poète ne s’était élevé si haut pour retomber si bas l’instant d’après ; et peu de lecteurs français s’étaient senti le courage de chercher quelques beautés dans cet amas de folies dégoûtantes ou d’horreurs absurdes. […] J’engage ceux de mes lecteurs à qui la poésie anglaise est familière, à rapprocher ici la traduction du texte original ; ils verront que le germe de ces vers admirables se trouve dans l’anglais, comme l’Apollon était dans la carrière.
Le divertissement du lecteur, que le romancier habile semble se proposer pour but, n’est qu’une fin subordonnée à la principale, qui est l’instruction de l’esprit et la correction des mœurs. […] Il s’agit d’abord d’inventer des événements qui soient peu ordinaires, mais vraisemblables ; qui intéressent, attachent le lecteur ; et qui amènent des peintures vraies du cœur humain, des divers mouvements qui l’agitent, et des différentes passions qui le tyrannisent dans les différentes circonstances de la vie. Il faut que rien ne languisse dans le récit de ces événements ; que l’action marche avec rapidité ; que le style vif et plein de chaleur échauffe toujours de plus en plus l’imagination et l’âme du lecteur ; que les situations des personnages n’aient rien de forcé ; que leurs caractères particuliers soient bien marqués, parfaitement soutenus jusqu’à la fin ; et que le dénouement amené naturellement et par degrés, soit tiré du seul fond des événements. […] Mais il faut que ces incidents soient vraisemblables ; qu’ils tiennent par quelque chose au sujet ; qu’ils piquent assez la curiosité, et offrent assez d’intérêt pour dédommager le lecteur de l’impatience qu’il a de voir la fin des aventures.
Je tâcherai encore d’être précis pour initier en peu de mots mon lecteur à ma pensée. […] Mais pour excuser l’auteur, on peut dire avec raison qu’il n’a eu recours à la suspension que pour intéresser d’avantage le lecteur. […] Le lecteur devine et donne tort à celui des dialogueurs qui ne comprend pas comme lui. […] Poète, vous laisserez faire un peu votre imagination, sans lui permettre cependant de fatiguer le lecteur ; 4° Enfin, recourez quelquefois au contraste. […] Le lecteur se trouve ainsi transporté de suite au milieu du nœud, et il faut trouver habilement le moyen de raconter plus tard le commencement.
La forme essentielle du roman ou du conte étendu consiste surtout à enchaîner ensemble des aventures intéressantes qui tendent toutes à un dénouement désiré par le lecteur. […] Il est permis de rompre le fil du récit de la principale action par des incidents ou événements particuliers ; mais il faut que ces incidents soient vraisemblables ; qu’ils tiennent fortement au sujet et soient même nécessaires à son développement ; qu’ils piquent d’ailleurs la curiosité, et offrent assez d’intérêt pour dédommager le lecteur du retard qu’on met à satisfaire son impatience d’arriver à la fin des aventures. […] Il y en a une autre qu’on peut nommer morale, qui est bien importante et malheureusement négligée ou méprisée par un grand nombre de romanciers. « Le divertissement du lecteur, dit Huet, évêque d’Avranches, dans son savant Traité de l’origine des romans, n’est qu’une fin subordonnée à la principale, qui est l’instruction de l’esprit et la correction des mœurs. » Le but que l’écrivain doit se proposer est donc d’instruire sous le voile de la fiction, de polir l’esprit et de former le cœur en présentant un tableau de la vie humaine. […] Comme il n’y a pas de branche de la littérature qui soit plus féconde et qui intéresse plus le commun des lecteurs que celle des romans, il n’y en a pas non plus dont on ait étudié et classé les produits avec plus de soin. […] Le roman d’intrigue est celui où les événements s’embarrassent et s’enchevêtrent afin d’attacher de plus en plus le lecteur.
Quant au quatrième genre, les lecteurs de ce livre diront s’il répond à une réalité, ou si l’auteur n’a pas pris pour un genre son défaut de génie pour les trois autres. […] Nous avons, vers le milieu de ce demi-siècle, admiré comme auditeurs, et nous admirons aujourd’hui comme lecteurs, une brillante application de la critique3 à l’histoire de la philosophie. […] Ces qualités d’obligation, sans lesquelles on n’écrit rien de durable en France, sont comme autant de priviléges pour le lecteur ; pour l’écrivain, ce sont des charges et des devoirs. […] Faut-il parler de la défiance que doit avoir l’écrivain de cette demi-clarté trompeuse, qui peut lui suffire, mais qui laisse le lecteur dans les ténèbres ? […] La réunion de ces diverses conditions, une certaine facilité apparente qui cache au lecteur jusqu’à la trace des efforts qu’elle a coûtés, voilà ce qui constitue un bon écrit, ou plutôt une chose écrite en français ; car je ne donne pas ici le secret du génie.
Je n’ai fait au texte même qu’un petit nombre de changements, dont le Commentaire rendra compte les changements plus nombreux que je me suis permis dans la ponctuation, se justifieront, je pense, sans commentaire aux yeux du lecteur. […] Toutes les fois que l’excessive concision du texte rendait quelques additions nécessaires, elles sont distinguées avec soin du reste de la phrase, de façon que le lecteur en puisse juger au premier coup d’œil. […] Le lecteur qui désirerait de plus amples renseignements sur les difficultés de pure philologie, pourra recourir aux éditions savantes de M.
L’idée qu’on attache au mot précision varie donc selon le génie de l’auditeur et du lecteur ; elle varie aussi selon les circonstances. […] La concision dans le style laisse quelque chose à deviner au lecteur ; la précision le satisfait si pleinement, qu’il n’imagine rien au delà. […] Le style vrai est cette façon de dire tellement d’accord avec la nature de la personne qui parle, la position où elle se trouve, le milieu où elle agit, les circonstances qui l’affectent, que le lecteur ne se figure pas la possibilité de penser ou de s’exprimer autrement, que rien n’indique la recherche, l’embarras, le parti pris d’adopter telle forme, de produire tel effet, de faire un sort, selon l’expression de Rivarol, il chaque mot et à chaque phrase. L’écrivain naturel et vrai ne plaît pas seulement au lecteur, il s’en fait aimer ; et Pascal a finement expliqué cette sympathie qui nous entraîne vers lui. […] « On veut trop éblouir et surprendre, dit encore Fénelon ; on veut avoir plus d’esprit que son lecteur et le lui l’aire sentir, pour enlever son admiration ; au lieu qu’il faudrait n’en avoir jamais plus que lui, et lui en donner même sans paraître en avoir.
L’épopée doit avoir un résultat moral pour le lecteur : ce n’est pas tout de l’intéresser, il faut encore, l’instruire. […] L’épopée, qui est un tableau héroïque des sentiments humains, laisse dans l’âme du lecteur une impression vive ; c’est cette impression qui doit être morale et vertueuse : le poème qui n’atteindrait pas ce but pécherait par la base, Mais si l’épopée doit avoir un caractère moral, il ne faut pas pour cela que le poète s’érige en moraliste et en philosophe. […] L’unité de l’action n’empêche pas d’y introduire des épisodes, c’est-à-dire certaines actions secondaires et incidentes, qui sont liées à l’action principale : les épisodes doivent varier l’intérêt, et reposer un instant le lecteur. […] On y trouve un commencement ou exposition ; un milieu ou corps de l’action, c’est là qu’elle se noue et se déploie ; une fin ou dénouement, c’est à-dire la solution des obstacles, qui satisfait complètement la curiosité du lecteur. […] Cet artifice n’étant pris au sérieux ni par le poète ni par le lecteur, délasse agréablement l’esprit, et provoque le rire par des contrastes piquants, par des rapprochements inattendus15.
L’une, qu’on peut appeler narrative, consiste à détailler beaucoup les événements, en laissant au lecteur à tirer lui-même les conséquences ; elle s’adresse plus à la mémoire et à l’imagination. L’autre, qui s’adresse plutôt au jugement, peut se nommer philosophique ; elle suppose chez le lecteur une connaissance préalable des faits ; elle les serre, les abrège et les groupe pour en faire sortir un enseignement. […] Si elle peint les hommes et les choses sous des couleurs vraies et saisissantes, si elle dessine avec justesse et originalité les caractères, si dans un récit simple et clair elle mêle une certaine chaleur tempérée de dignité et de noblesse, elle ne peut manquer d’intéresser le lecteur. […] On aime à y trouver un ton de liberté vif et animé, des portraits pittoresques, des anecdotes piquantes, des détails intimes de mœurs ; l’auteur peut s’y mettre en scène, et cette communication familière avec le lecteur donne un charme de plus au récit ; mais les mémoires ne doivent pas dégénérer en bavardage inutile.
Les sujets arides et rebutants doivent être écartés, comme n’offrant pas assez d’intérêt pour le lecteur, et comme dénués de ressources pour le poète même le plus inspiré. […] La méthode, la clarté, l’ordre sont essentiellement requis pour le poème didactique ; non à la vérité sous une forme aussi stricte que dans les traités écrits en prose, mais de manière cependant à montrer clairement au lecteur la suite et l’enchaînement des idées. […] Le grand art, pour intéresser dans un poème didactique, est de reposer et d’amuser le lecteur, en liant au sujet quelques épisodes agréables propres à donner plus d’éclat à l’ouvrage. […] L’avantage est à peu près égal pour l’esprit du lecteur, qui n’est pas moins exercé dans un cas que dans l’autre. Lorsqu’elle est placée au commencement de la fable, le lecteur a le plaisir, en suivant le fil de la narration, de juger si chaque trait se rapporte exactement à la vérité énoncée.
Les mots impropres font réfléchir le lecteur. […] Pourvu que votre lecteur vous entende bien clairement, cela suffit. […] On développe son expression par égard pour les lecteurs. […] Le lecteur arrêté malgré lui sur cette pensée, la retient plus surement. […] Il faut toutefois excepter le cas où le naturel s’accorde avec la langue pour égayer le lecteur.
Le narrateur a besoin quelquefois de cette ressource pour distraire le lecteur des émotions vives que celui-ci peut éprouver. […] Au lecteur fatigué présentez à propos. […] Il faudrait pour cela que je fusse un lecteur de mœurs dépravées ; et, lors même que je le serais, soyez sûr que je n’aimerais point à voir le vice rehaussé en beau style : car c’est le propre de la vertu de se faire aimer et respecter, même par les hommes vicieux. […] et vous ne demandez au narrateur aucun titre à l’amour et au respect de ses lecteurs ! […] Il n’y a pas longtemps que certains journaux de la capitale ne trouvant pas la politique capable de défrayer seule l’avidité de leurs lecteurs, prirent fantaisie de faire de la littérature dans leurs feuilletons.
Dans le dolendum est d’Horace, je ne vois point de larmes, mais plutôt cet air et ce langage triste qui doivent nous en arracher à nous spectateurs, auditeurs, lecteurs, troupe de pleureurs, comme les appelle Diderot, qu’il chasse de la scène pour les reléguer au parterre. […] Ces écrivains passionnent toute chose, et l’intérêt tout personnel qu’ils semblent prendre aux moindres événements qu’ils racontent, aux moindres principes qu’ils établissent, leur donne des ressources infinies pour les développer en y intéressant aussi le lecteur. […] N’employez que la raison, vos auditeurs ou vos lecteurs pourront approuver votre opinion ; mais arrivez à exciter la passion, ils voudront que votre opinion soit vraie, et ce qu’on veut, on le croit aisément. […] Dans un livre, vous pouvez préparer le lecteur, l’amener peu à peu à prendre vos impressions, l’échauffer insensiblement sur les sujets même les plus indifférents au premier coup d’œil.
Creuser patiemment son sujet, s’identifier avec les hommes, les faits ou les idées dont on s’occupe ; ne dédaigner aucun détail ; s’intéresser soi-même à l’antagonisme des forces contraires qui fait le nœud de tout récit ; en ordonner l’action et la résistance avec l’habileté stratégique d’un grand général, et, comme l’écrivain a cet avantage sur le général qu’il dispose à la fois des deux partis, ménager les succès, faire pencher alternativement la balance, de manière à tenir l’anxiété du lecteur éveillée jusqu’au dénoûment : voilà ce qui donne la véhémence et le pathétique dans les grands sujets ; dans les petits, la grâce, la finesse, la naïveté ; partout, le choix des détails, la variété des tours ; et voilà ce qui nous attache à une exposition quelle qu’elle soit. […] Une fois ce point bien arrêté dans votre pensée, ne permettez jamais au lecteur de le perdre de vue ; ramenez-y jusqu’aux moindres détails, faites-y converger toutes les descriptions de lieu, de temps, de personne. […] mettez-vous à la place du lecteur, et si vous pouvez craindre que celui-ci, encore mal éclairé sur votre dessein, ou trop vivement préoccupé de l’action, ne comprenne pas l’utilité de votre tableau, ou n’y accorde qu’une médiocre attention, quelque intéressant, quelque brillant qu’il vous paraisse, ajournez-le jusqu’à ce que, plus rassis, mieux disposé, le lecteur l’appelle lui-même aussi vivement que vous. […] Pour y parvenir, l’écrivain rattachera la description tantôt aux héros du poëme, du drame, du roman, du discours, par l’harmonie ou les contrastes qu’il établit entre la nature extérieure et les sentiments qui les animent ; tantôt au lecteur lui-même, en mettant l’action en lui, en réveillant, pour les lui faire partager ou du moins comprendre, les émotions humaines qui dorment au sein de la nature, en faisant pénétrer enfin dans les objets physiques un élément moral.
L’intérêt de la narration dépend presque toujours de la manière dont le nœud se présente à l’esprit du lecteur. […] le cœur oppressé bat à l’aise et le lecteur triomphe avec le martyr. […] Le lecteur est instruit de tout et il dédaigne ce qu’on pourrait ajouter. […] Ce dénouement doit satisfaire la curiosité du lecteur sur tous les personnages principaux du récit. […] Le mélange et la variété des incidents contribuent aussi beaucoup à captiver le lecteur.
Pour qu’un portrait soit admissible en quelque ouvrage que ce soit, il faut d’abord que le lecteur le désire et l’attende, ce qui suppose que le personnage mérite les honneurs du portrait par son caractère, sa position, son influence sur les faits. […] N’allez pas exagérer le vice ou la vertu, la beauté ou la laideur, au point que le lecteur se récrie et déclare votre création impossible ; et d’une autre part cependant, que la figure soit assez originale et les traits assez bien accusés pour que l’imagination les accepte à l’instant, et que la mémoire les retienne fidèlement. […] Un dialogue où deux opinions se choquent, sans que le lecteur puisse en rien conclure, rappelle ces combats de théâtre où deux spadassins se portent pendant un quart d’heure les plus furieuses bottes, pour se quitter chacun également frais et dispos. […] Il n’ose, il est vrai, défendre ni les cornes menaçantes, ni les écailles jaunissantes ; soit, et j’accorde que Racine ail oublié, dans ce récit, sa sobriété habituelle ; mais, d’une autre part, se borner à l’assertion laconique de Fénelon, c’eût été, en quelque sorte, désappointer le lecteur, qui, comme Thésée, demande des détails, c’est-à-dire l’amplification. […] Cette forme dramatique, en effet, est la plus concise, la plus saisissante et la plus agréable au lecteur, à qui elle donne la satisfaction d’apprécier lui-même, d’exercer son esprit et de deviner son héros. »
Je t’offre, ami lecteur, au livre que voici, Du bon, du médiocre et du mauvais aussi. […] Il y a nécessairement deux parties dans l’épigramme : l’une qui est l’exposition du sujet, de la chose qui a produit ou occasionné la pensée ; et l’autre qui est la pensée même, ce qu’on appelle la pointe, c’est-à-dire ce qui pique le lecteur, ce qui l’intéresse. […] L’épigraphe, lorsqu’elle est juste et bien choisie, prévient favorablement le lecteur ; mais lorsqu’elle est ambitieuse, elle excite, au contraire, sa sévérité. […] L’équivoque caractérise donc l’énigme : elle y donne le change au lecteur qui d’ailleurs doit s’y attendre ; la métaphore et l’antithèse sont les principales figures propres à ce genre de poésie, qui demande la brièveté, la justesse et la précision. […] Je suis assez propre au rustique, Quand on me veut ôter le cœur Qu’a vu plus d’une fois renaître le lecteur.
L’histoire n’est donc point une simple narration, faite pour plaire au lecteur en flattant son imagination. […] D’un côté, l’on embarrasse le lecteur ; de l’autre, on l’ennuie. […] Ils jettent de la diversité dans un ouvrage aussi étendu, et délassent le lecteur en changeant le lieu de la scène. […] La mêlée, la terreur et la confusion sont peintes avec tant de vérité, que le lecteur se croit transporté au milieu des combats. […] Le lecteur, ainsi que Voltaire l’a remarqué, est tenté de prendre parti pour Turnus contre le prince troyen.