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2. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre premier. Apologie de Socrate par Platon. »

J’ai toujours pensé que l’on ne devait se permettre rien de honteux pour échapper au péril ; et dans cet instant même, je ne me repens pas de mes moyens de défense. […] Il n’est pas un danger auquel on ne puisse échapper, quand on peut dire ou faire, sans rougir, ce qui peut nous y dérober. […] Il lui apprend qu’il a gagné les gardes, que tout est prêt, et qu’il ne tient qu’à lui d’échapper à ses persécuteurs.

3. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Racine 1639-1699 » pp. 415-440

Renfermez votre amour dans le fond de votre âme : Vous n’aurez point pour moi de langages secrets ; J’entendrai des regards que vous croirez muets ; Et sa perte sera l’infaillible salaire D’un geste ou d’un soupir échappé pour lui plaire. […] Pour s’échapper de nous, Dieu sait s’il est allègre ! […] Avec quel art ingénieux et naïf il échappe et devient insaisissable ! […] Ici le premier vers, Que Dieu veut être aimé, est pour tout le monde ; le second et le quatrième sont pour Athalie, et l’application ne lui échappe pas ; car elle répond par ce premier mot très-remarquable : J’entends. […] Ils seraient bien plus dignes d’excuse si, portant déjà le deuil, l’amertume, le désespoir souvent dans le cœur, ils en laissaient échapper quelques traits au dehors.

4. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre IV. Continuation du même sujet. Historiens latins. »

Ce discours était trop beau, pour échapper à l’admiration de Silius Italicus qui l’a transporté tout entier dans son poème de la Seconde Guerre punique. […] » Quand l’homme a fini, et que sa machine se dissout, on voit les différentes parties qui la composaient, se rejoindre aux éléments auxquels elles appartiennent : l’âme seule échappe aux regards, soit lorsqu’elle anime le corps, soit lorsqu’elle le quitte. […] Ceux que mes espérances, que les liens du sang, ou la jalousie même, intéressaient à mon sort, donneront des pleurs à la fin malheureuse d’un prince jadis comblé de gloire, et tant de fois échappé à la fureur des combats, pour succomber sous les intrigues d’une femme ! […] Mais mon âme prenant sans cesse un nouvel essor, s’élançait avidement vers la postérité, persuadée qu’elle ne vivrait en effet que du moment où elle s’échapperait de ce qu’on appelle si improprement la vie ! […] N’est-ce pas parce qu’une âme exercée à voir plus et mieux, sent parfaitement qu’elle s’avance vers un meilleur ordre de choses, tandis que cette perspective consolante échappe à celle dont les sens ont émoussé les facultés » ?

5. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre premier. Division générale. »

La lecture, l’étude, la comparaison, prêtent à l’imagination ce qui lui manque réellement ; elle peut même sortir tout à fait du monde réel pour s’élancer dans le monde de la fantaisie, où elle échappe aux lois positives de la raison. […] Le beau, par sa nature même, échappe à l’analyse, parce qu’il tient à l’infini. […] C’est que le sublime est une grandeur dont la mesure nous échappe, et qui ne trouve plus dans notre nature, dans nos idées habituelles, aucun point de rapport, aucun point de comparaison.

6. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Guizot. Né en 1787. » pp. 469-478

Un coupable survient dont les crimes ont échappé à la prévoyance et ne tombent point sous l’atteinte des lois. […] Sans doute, il portait sur les droits et les intérêts de l’Angleterre un jugement bien moins pur, bien moins juste que Falkland et Hampden1 ; cependant il ne faut pas croire que tout fût erreur dans sa pensée politique : bien des choses, et de très-importantes, le frappaient, qui échappaient à ses rivaux ; il connaissait des besoins publics, des conditions de liberté publique dont Hollis et Pym2 avaient tort de ne point tenir compte ; il prévoyait, au train de la révolution, mille conséquences dont ils ne voulaient pas plus que lui, mais qu’ils ne savaient point démêler. […] Il commence par de lentes et graves paroles, qui excitent une attention mêlée d’anxiété ; lui-même il attend sa colère ; mais qu’un mot échappe du sein de la tumultueuse assemblée, ou qu’il s’impatiente de sa propre lenteur, tout hors de lui, l’orateur s’élève2.

7. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Nicole, 1625-1695 » pp. 72-75

Il faut donc les souffrir avec patience et sans s’émouvoir, si nous voulons posséder nos âmes, comme parle l’Écriture, et empêcher que l’impatience ne nous fasse échapper à tous moments, et ne nous précipite dans tous les inconvénients que nous avons représentés. […] Souvent même il arrive qu’on nous aime plus pour nos défauts que pour nos qualités. — Les défauts qui rendent un homme ridicule ne le rendent guère odieux ; de sorte qu’on échappe à l’odieux par le ridicule. — Il faut se faire aimer, car les hommes ne sont justes qu’envers ceux qu’ils aiment. » La Bruyère disait avec autant de sens : « Il y a de petits défauts que l’on abandonne volontiers à la censure, et dont nous ne haïssons pas à être raillés ; ce sont de pareils défauts que nous devons choisir pour railler les autres. — L’on ne peut aller loin dans l’amitié si l’on n’est pas disposé à se pardonner les uns aux autres les petits défauts. — Si vous observez qui sont les gens qui ne sont contents de personne, vous reconnaîtrez que ce sont ceux mêmes dont personne n’est content. »

8. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — La Bruyère, 1646-1696 » pp. 155-177

De la conversation Il y a un parti à prendre dans les entretiens entre une certaine paresse qu’on a de parler, ou quelquefois un esprit abstrait qui, nous jetant loin du sujet de la conversation, nous fait faire ou de mauvaises demandes ou de sottes réponses, et une attention importune qu’on a au moindre mot qui échappe pour le relever, badiner autour, y trouver un mystère1 que les autres n’y voient pas, y chercher de la finesse et de la subtilité, seulement pour avoir occasion d’y placer la sienne. […] Il y en a d’autres qui ont une fade attention à ce qu’ils disent, et avec qui l’on souffre dans la conversation de tout le travail de leur esprit : ils sont comme pétris de phrases et de petits tours d’expression, concertés1 dans leur geste et dans tout leur maintien ; ils sont puristes2 et ne hasardent pas le moindre mot, quand il devrait faire le plus bel effet du monde : rien d’heureux ne leur échappe ; rien ne coule de source et avec liberté : ils parlent proprement3 et ennuyeusement. […] Celui dont il lui échapperait de dire ce qu’il en pense est celui-là même qui, venant à le savoir, l’empêcherait de cheminer 2. […] par où échapper ? […] Si vous êtes si touchés de curiosité, exercez-la du moins en un sujet noble : voyez un heureux, contemplez-le dans le jour même où il a été nommé à un nouveau poste, et qu’il en reçoit les compliments ; lisez dans ses yeux, et au travers d’un calme étudié et d’une feinte modestie, combien il est content et pénétré de soi-même ; voyez quelle sérénité cet accomplissement de ses désirs répand dans son cœur et sur son visage ; comme il ne songe plus qu’à vivre et à avoir de la santé ; comme ensuite sa joie lui échappe, et ne peut plus se dissimuler ; comme il plie sous le poids de son bonheur ; quel air froid et sérieux il conserve pour ceux qui ne sont plus ses égaux ; il ne leur répond pas, il ne les voit pas : les embrassements et les caresses des grands, qu’il ne voit plus de si loin, achèvent de lui nuire2 : il se déconcerte, il s’étourdit ; c’est une courte aliénation3.

9. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre cinquième. De l’Éloquence des Livres saints. — Chapitre IV. Beautés morales et philosophiques. »

On pourrait être étonné des nombreuses contradictions, des inconséquences multipliées qui échappent à ces précepteurs fameux du genre humain, si ce défaut même de liaison dans leurs idées et de consistance dans leur doctrine, ne prouvait la nécessité d’un maître plus habile et d’un philosophe plus éclairé. […] Quelle est la seule réalité, au milieu de tant d’illusions qui nous abusent et d’ombres qui nous échappent ? […] Sottement abusé, tu les crois tes amis, Ces convives nombreux à tes festins admis : Ce flatteur assidu de tes vagues caprices, Qui, l’encensoir en main, courbé devant tes vices, Caresse tes erreurs, et se croit trop heureux, Quand lu laisses sur lui d’un regard dédaigneux S’échapper, au hasard, la faveur passagère. […] De là, cette exclamation qui porte bien tous les caractères de la vérité du sentiment, parce qu’elle est le vœu bien sincère du poète à qui elle échappe : O rus !

10. (1854) Éléments de rhétorique française

La méthode ou l’art nous enseigne comment on doit s’y prendre pour embrasser un sujet tout entier, et n’en laisser échapper aucune partie essentielle. […] « Ceux qui sont échappés du naufrage disent un éternel adieu à la mer et aux vaisseaux ; et, comme disait un ancien auteur, ils n’en peuvent même supporter la vue. […] De même, supposez qu’Assuérus exprime les mêmes sentiments dans le même ordre, mais que les mots trahissent la tendresse de son âme, qu’ils soient mal disposés pour la clarté et pour l’harmonie, la moitié du plaisir va encore vous échapper. […] Est-il une idée plus sublime et plus féconde que celle de ce Dieu caché qui échappe à nos sens, mais qui se révèle à la raison ? […] Il demanda d’où venaient ces cris ; on lui dit qu’ils partaient du quartier des Juifs : l’officier de police avait coutume de fermer les barrières de ce quartier le soir, et, l’incendie gagnant de ce côté, les Juifs ne pouvaient s’échapper.

11. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Modèles

Les rois ne doivent-ils pas respecter l’histoire et la postérité à la censure de laquelle ils ne peuvent échapper ? […] Enseveli dans une atmosphère de sable embrasé, le guide échappe à ma vue ; tout-à-coup j’entends son cri. […] On voudrai retourner en arrière, plus de moyen ; tout est tombé tout est évanoui, tout est échappé. […] Une seule plainte, mais une plainte déchirante s’échappe des lèvres du Christ : « Mon Dieu, s’écrit-t-il, Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ?..  […] Dans son emportement, le prince crut voir qu’elle se retirait, et continua d’avancer, en faisant dire au roi de venir le joindre en toute hâte, de peur que l’ennemi ne leur échappât.

12. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre premier. Du Goût. »

Quoiqu’il n’y ait personne d’entièrement privé de cette heureuse faculté, tous ne la possèdent cependant pas au même degré ; dans les uns, le goût ne laisse échapper que de légères étincelles : les beautés les plus communes sont celles qui les affectent le plus agréablement ; encore n’en conservent-ils qu’une impression légère, une idée confuse : dans les autres, au contraire, le goût s’élève au discernement le plus fin, et sa délicatesse n’est pleinement satisfaite, que de ce genre de beauté qui ne laisse rien à désirer. […] La délicatesse du goût consiste principalement dans la perfection de cette sensibilité naturelle qui est la base du goût, elle suppose cette finesse d’organes qui nous rend capables de découvrir des beautés qui échappent à l’œil vulgaire ; et l’on en juge par les mêmes signes admis pour apprécier celle d’un sens externe.

13. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre III. Éloges de Pompée et de César, par Cicéron. »

Il était plus d’une fois échappé à César de dire : J’ai assez vécu pour ma gloire. […] La guerre civile, celle d’Afrique, celle au-delà des Alpes, celle d’Espagne, où des villes révoltées étaient unies à des nations belliqueuses ; celle des esclaves, celle des pirates ; toutes ces guerres différentes, contre tant d’ennemis divers, je ne dis pas conduites, mais terminées par le seul Pompée, prouvent qu’il n’est pas une partie de l’art militaire qui ait pu échapper à ses connaissances ». […] « Pendant ces dernières années, quel endroit, dans toute l’étendue de la mer, a été assez fortifié par l’art, pour qu’on y fût en sûreté ; assez défendu par la nature, pour qu’on y échappât à la violence ?

14. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Silvestre de Sacy. Né en 1801. » pp. 522-533

Trop de causes doivent concourir pour faire éclore ces âges d’or : une cour comme celle d’Auguste ou de Louis XIV, une démocratie comme celle d’Athènes, plus aristocrate par la finesse de ses organes et la délicatesse de son goût que l’aristocratie elle-même ; une certaine fermentation dont le principe nous échappe et qui fait germer à la fois une moisson d’esprits du premier ordre dans tous les genres1 ; du loisir pour attendre l’inspiration et ne travailler que sous son influence ; un amour de l’art pur généralement répandu ; un désir de gloire, d’avenir, d’immortalité, que les besoins du présent n’étouffent pas sous la nécessité de percer, de se faire connaître et de vivre. […] Rendez-moi le soleil de la Grèce, les jeux, les combats des héros, ces temples où l’homme vouait un culte à son image divinisée par le ciseau d’un Phidias ; rendez-moi les sages se complaisant dans leur sagesse, et s’étudiant à se mettre par la force de leur âme au-dessus des accidents de la fortune et de la colère du ciel ; un Platon pénétrant jusque dans le sanctuaire des idées éternelles ; un Aristote embrassant dans sa vaste science la morale, la politique, tous les secrets de l’art et de la nature ; un Caton disposant de sa vie pour échapper à l’oppression ; un Socrate buvant la ciguë d’une âme calme et sereine, bien sûr que s’il y a des dieux, ce sont des dieux bons ; rendez-moi toutes les illusions, toutes les chimères du monde antique, si vous n’avez rien à mettre à la place qu’une sèche et désespérante anatomie des petitesses du cœur ! […] Nous aurons beau essayer d’admirer notre propre sagesse et de nous contenter de nos vertus naturelles, de nos talents, de notre science, un sourire de scepticisme et de dédain nous échappera toujours malgré nous.

15. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre cinquième. De l’Éloquence des Livres saints. — Chapitre premier. Beautés de détail. »

On a pu relever, sans doute, quelques défauts dans ce bel ouvrage : pour nous, qui l’avons lu comme il a été composé, avec l’âme seulement,et qui n’avons pas le malheur de chercher à raisonner ce qui ne doit être que senti, nous y avons trouvé une imagination brillante, et plutôt au-delà qu’au-dessous de son sujet, une intarissable fécondité de sentiments tendres ou sublimes, de réflexions pieuses ou touchantes ; et quelques taches nous ont facilement échappé, perdues au milieu de tant de beautés d’un ordre si nouveau et d’un rang si supérieur. […] De là ces allusions si fréquentes, dans les livres saints, à une terre aride et brûlante, où il n’y a point d’eau, pour peindre l’excès du malheur : de là ces métaphores empruntées d’une rosée qui tombe du ciel, d’une source imprévue qui s’échappe du sein d’un rocher, pour décrire le passage du malheur à la prospérité, etc.

16. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Voltaire. (1694-1778.) » pp. 140-145

La réputation de Schullembourg dépendait d’échapper au roi de Suède ; le roi, de son côté, croyait sa gloire intéressée à prendre Schullembourg et le reste de son armée : il ne perd point de temps ; il fait passer sa cavalerie à un gué. […] Au moment que le roi se vit saisi, la violence de son tempérament et la fureur où un combat si long et si terrible avait dû le mettre firent place tout à coup à la douceur et à la tranquillité ; il ne lui échappa pas un mot d’impatience, pas un coup d’œil de colère ; il regardait les janissaires en souriant, et ceux-ci le portaient en criant Allah, avec une indignation mêlée de respect.

17. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Première partie. De l’Art de bien écrire. — Section I. De l’Art d’écrire correctement. — Chapitre II. De l’arrangement des Mots. » pp. 87-179

Échapper, signifiant se sauver des mains de quelqu’un, d’une prison, de quelque péril, est neutre ou réciproque, et veut un régime composé avec la préposition de : = il a échappé, il s’est échappé des mains des sergents. Échapper, signifiant n’être pas saisi, n’être pas aperçu, est neutre, et veut un régime composé avec la préposition à : = il a échappé, il est échappé à la poursuite de son ennemi. Le sens différent de ces deux prépositions, dit l’Académie, se fera sentir dans un exemple : = l’un des coupables a échappé au prévôt ; et l’autre s’est échappé de prison. […] C’est ce que n’a pas fait Wailly, qui prescrit néanmoins bien formellement, cette règle, contre laquelle il lui est échappé cette faute dans la préface de sa grammaire : j’ai retouché les régles des participes ; et les phrases que j’ai ajoutées et analysées, rendront plus facile et plus sensible l’application de ces règles .

18. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre V. De la disposition. »

Aussitôt qu’il eut porté de rang en rang l’ardeur dont il était animé, on le vit presque en même temps pousser l’aile droite des ennemis, soutenir la nôtre ébranlée, rallier les Français à demi vaincus, mettre en fuite l’Espagnol victorieux, porter partout la terreur, et étonner de ses regards étincelants ceux qui échappaient à ses coups. […] « Que cet homme, dominé naturellement par un tempérament vif, emporté par l’excès de son zèle, aigri par les contradictions sans cesse renaissantes, poussé par l’indignation que devaient exciter tant de crimes réunis, se soit laissé aller à des plaintes amères et à des reproches violents ; qu’il ait fait entendre, qu’il ait fait tonner dans toute sa force la voix de cette vérité toujours si effrayante pour les coupables ; qu’il les ait accablés de menaces dont malheureusement il n’a jamais exécuté aucune ; que parmi ces coupables, quelques-uns l’nient été moins, en effet, qu’ils ne lui ont paru l’être ; qu’accoutumé à se voir trompé de toutes parts, à rencontrer partout l’hypocrisie et la scélératesse, il en était presque venu au point de ne pas croire à la vertu dans ces affreux climats ; qu’il ait confondu le citoyen indolent et incapable avec le citoyen perfide et dangereux ; qu’il n’ait pas toujours eu assez de patience avec l’un, assez de dissimulation avec l’autre : qu’il ait été ou trop prompt ou trop franc dans quelques-uns de ses jugements, ou trop indiscret ou trop dur dans quelques-unes de ses expressions ; que dans ces instants de trouble et d’amertume où tout conspirait à le plonger, il lui ait échappé quelque démarche imprudente dont il n’est jamais résulté de préjudice public, quelque résolution désespérée qui n’a jamais eu d’effet ; qu’enfin, il faille dire de lui, si l’on veut, ce que Tite-Live disait du grand Camille : Que les génies les plus supérieurs, que les plus grands hommes savent mieux vaincre que gouverner, était-ce donc là de quoi le condamner à perdre la tête sur un échafaud ? […] Ce ne sont point, Messieurs, de ces faux amis du jour, esclaves de la fortune, et toujours prêts à nous abandonner dans l’adversité ; martyrs généreux de l’amitié, on les voit s’échapper de l’asile doré de l’opulence, où l’on veut les retenir captifs, et mi, où comme tant de parasites qui sont loin de les valoir, ils seraient traités magnifiquement, pour retourner dans l’humble galetas du pauvre auquel ils sont attachés par un lien que l’amitié rend indissoluble.

19. (1868) Morceaux choisis des écrivains contemporains à l’usage des classes supérieurs de l’enseignement classique et spécial. Prose et poésie

Il y avait pourtant un charme à ce réveil du guerrier échappé aux périls de la nuit. […] Il sentait à la fois l’empire et la vie lui échapper : un messager arrivé des Gaules venait de lui apprendre la mort de Constance. […] Mon âme, près de s’échapper, pardonne tout et à tous avec la douceur d’une joie infinie. […] Échappé à une mort presque infaillible, il quitta les murs de Tournay pour aller reprendre possession de son royaume. […] Mignet n’a même pas échappé au reproche d’avoir fait dans l’histoire la part trop étroite à la libre activité humaine.

20. (1811) Cours complet de rhétorique « Notes. »

L’ouvrage enfin fut reçu et traité par les appréciateurs éclairés, avec cette espèce de vénération qu’inspirerait un beau monument échappé aux ravages de la barbarie, et retiré avec peine du milieu des cendres et des ruines. […] Les défauts cependant, ainsi que les beautés, appartiennent dans M. de Chateaubriand à une seule et même cause, qui me paraît avoir échappé aux critiques qui m’ont précédé. […] Tous ces petits artifices de style sont sans doute très légitimes ; ils sont un des principes, ou plutôt un des secrets de l’art, et je ne sais même si celui de tous nos prosateurs qui a le moins connu et recherché l’art en écrivant, si le grand Bossuet ne s’est pas permis à dessein quelquefois ces trivialités qui échappent de temps en temps à sa plume. […] quel torrent de poésie roule à travers tout l’ouvrage, entraîne le lecteur, et le critique lui-même, qui s’attache en vain à quelque faute un peu grave, pour échapper au prestige qui le séduit et le désarme malgré lui !

21. (1863) Discours choisis ; traduction française par W. Rinn et B. Villefore. Première partie.

Combien de fois un hasard imprévu l’en a-t-il fait tomber ou échapper ! […] C’est à moi qu’ils la devront, car je les forcerai à mettre leurs biens en vente ; c’est le seul moyen, pour les propriétaires obérés, d’échapper à la ruine. […] Vous avez échappé en effet à la mort la plus cruelle, la plus misérable, et vous y avez échappé sans massacres, sans effusion de sang, sans armée, sans combat : vous n’avez pas quitté la toge, vous n’avez eu d’autre chef, d’autre général que moi, qui ne l’ai pas quittée non plus, et vous êtes victorieux. […] Chacun discourut d’abord, et s’étonna qu’un homme aussi opulent eût échappé si longtemps à l’avidité de Verrès. […] Car s’il leur eût échappé, il serait tombé entre les mains de ce corsaire de nos alliés.

22. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VII. des passions  » pp. 89-97

Corneille, le plus pacifique des hommes, a dû ressentir la haine monstrueuse de Cléopâtre ; Molière, le plus généreux, les transes ridicules de l’avare ; Voltaire, le plus sceptique, le religieux enthousiasme de Lusignan ; Shakespeare enfin, toutes les passions, car en est-il une qui lui ait échappé ? […] Mais, ainsi que le praticien s’instruit principalement dans les hôpitaux et au lit des malades, c’est surtout dans les assemblées politiques ou religieuses ; dans la place et la voie publique, au parterre des théâtres, dans la société intime où l’a placé la nature ou le hasard, que l’écrivain étudiera les passions : Segnius irritant animos demissa per aurem, Quam quæ sunt oculis subjecta fidelibus… Un fait dont on a été témoin, un mot, un signe caractéristique, échappés d’instinct à la passion, que l’observation les recueille, que la méditation les mûrisse, et ce travail sera plus utile que tous les commentaires de la philosophie, que tous les modèles de la poésie et de l’éloquence.

23. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — André de Chénier 1762-1794 » pp. 480-487

Apollon, si jamais, échappé du tombeau, Il retourne au Ménale avoir soin du troupeau, Ces mains, ces vieilles mains orneront ta statue De ma coupe d’onyx à tes pieds suspendue ; Et, chaque été nouveau, d’un taureau mugissant La hache à ton autel fera couler le sang. […] Hellé, fille du roi de Thèbes, traversa, sur un bélier, le détroit de Thrace pour échapper à sa belle-mère Ino.

24. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Bossuet. (1627-1704.) » pp. 54-68

Aussitôt qu’il eut porté de rang en rang l’ardeur dont il était animé, on le vit presque en même temps pousser l’aile droite des ennemis, soutenir la nôtre ébranlée, rallier les Français à demi vaincus, mettre en fuite l’Espagnol victorieux, porter partout la terreur, et étonner1 de ses regards étincelants2 ceux qui échappaient à ses coups. […] Et qu’a-t-il fait au seul moment où il s’échappa d’entre les mains de ses parents pour les affaires de son père céleste ? […] On se bornerait à dire aujourd’hui dans ce sens, échappe… 2.

25. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Voltaire 1694-1778 » pp. 445-463

Serais-je un esclave échappé Qui tient encore un bout de chaîne ? […] Si quelque heureux pilote, échappé de l’orage, Près du port arrivé, gagne au moins le rivage, Son vaisseau, plus heureux, n’était pas mieux construit ; Mais le pilote est sage, et Dieu l’avait conduit3. […] Pas un de ces gueux-là, pas un seul n’aurait échappé… » Quelquefois la diane retentit, et l’aurore commence à poindre avant que les conteurs aient fini.

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