L’académicien célèbre que vous remplacez aujourd’hui, et que vous avez si bien caractérisé, après avoir entrepris avec ardeur, et souvent avec force, la grande œuvre de la tragédie, a marqué surtout sa verve originale par des épigrammes qu’il appelait des fables.
Quelles charmantes matinées que celles qu’on passerait, par un beau soleil, dans une allée bien sombre, au milieu de ce bruit des champs, immense, confus, et pourtant si harmonieux et si doux, à relire tantôt une tragédie de Racine, tantôt l’histoire des origines du monde, racontées par Bossuet avec une grâce si majestueuse !
Chez les Grecs, c’était une pièce dramatique qui tenait une sorte de milieu entre la tragédie et la comédie. […] Elle n’admet pas non plus cet amour violent et furieux dont les effets sont si funestes et si terribles, et qui est du ressort de la tragédie ; par conséquent, le style trop fort et trop pathétique ne convient pas à son caractère.
Plusieurs pages de Démosthène dans les Philippiques et le Pro Corona, de Cicéron dans les Catilinaires et les Verrines, de nos grands orateurs parlementaires dans les hautes questions politiques et surtout personnelles, les trois dernières scènes de l’Andromaque de Racine, quelques-unes des imprécations qui terminent nos tragédies classiques, sont d’excellents modèles de véhémence.
. — Vous vous moquez ; mais sans cette périphrase, le mot si caractéristique du bon roi ne pouvait entrer dans une tragédie. — Eh bien !
« Je sais bon gré à l’abbé d’Aubignac, disait le prince de Condé, d’avoir si bien suivi les règles d’Aristote ; mais je ne pardonne point aux règles d’Aristote d’avoir fait faire à l’abbé d’Aubignac une si méchante tragédie. » L’abbé était l’auteur de Zénobie.
Nos anciens, qui faisoient parler leurs rois en place publique, donnoient assez aisément l’unité rigoureuse de lieu à leurs tragédies. […] Je n’ai jamais pu me résoudre à celui de tragédie, n’y voyant que les personnages qui en fussent dignes. […] Cependant, quand il examine lui-même les qualités nécessaires du héros de la tragédie, il ne touche point du tout à sa naissance, et ne s’attache qu’aux incidents de sa vie et à ses mœurs. […] L’histoire dédaigne de les marquer, à moins qu’ils ayent accablé quelqu’une de ces grandes têtes, et c’est sans doute pourquoi jusqu’à présent la tragédie s’y est arrêtée. […] Je dirai plus : la tragédie doit exciter de la pitié et de la crainte, et cela est de ses parties essentielles, puisqu’il entre dans sa définition.
Dans l’épopée, dans le roman, dans la tragédie, la conclusion, que l’on appelle dénouement, doit terminer d’une manière complète au moins l’action principale ; seulement quand il est nécessaire de donner aussi le dernier mot des faits accessoires, on y ajoute une partie nommée achèvement.
En 1718, il fit représenter sa tragédie d’Œdipe, dont le succès fut très vif. […] Rentré en France en 1729, il donna, entre autres ouvrages, les tragédies de Brutus (1730), Zaïre (1732), la Mort de César (1735), Alzire (1736), Mahomet (1741), Mérope (1743), l’Orphelin de la Chine (1755), Tancrède (1760). […] Le 30 mars, la sixième représentation de sa dernière tragédie, Irène, fut pour les Parisiens l’occasion de le faire assister vivant à sa propre apothéose.
La muse tragique et comique La tragédie, sans doute, est quelque chose de beau, quand elle est bien touchée ; mais la comédie a ses charmes ; et quand, pour la difficulté, vous mettriez un peu plus du côté de la comédie, peut-être que vous ne vous abuseriez pas ; car enfin je trouve qu’il est bien plus aisé de se guinder sur de grands sentiments, de braver en vers la fortune, accuser les destins, et dire des injures aux dieux, que d’entrer comme il faut dans le ridicule des hommes, et de rendre agréablement sur le théâtre les défauts de tout le monde.
Nous verrons comment finira cette sanglante tragédie, si viv et si compliquée.
Les règles, dans tous les arts de l’imagination, sont le résultat de l’étude raisonnée des grands modèles : c’est l’Iliade et l’Odyssée sous les yeux ; c’est l’Œdipe et l’Électre à la main, qu’Aristote donnait les règles du poème épique et de la tragédie ; aussi rien de plus judicieux que ces règles tracées par la nature elle-même, pour diriger le génie de Sophocle et d’Homère.
La tragédie d’Athalie présente autour du personnage principal les caractères variés de Mathan, de Joad, d’Abner, de Josabeth, de Joas.
Pétrarque écrivit des lettres sur la recherche des manuscrits ; il retrouva lui-même l’Institution oratoire de Quintilien, une partie de la Correspondance de Cicéron, et quelques tragédies de Sophocle.
Dans le Dialogue de Sylla et d’Eucrate, il fait parler son héros comme un personnage de tragédie.
Dans une autre tragédie, Racine a encore fort heureusement imité les sifflements des serpents qu’Oreste aperçoit sur la tête des Euménides : Eh bien !
La satire était chez les Grecs une espèce de drame qui tenait de la tragédie et de la comédie. […] Elle n’admet pas non plus cet amour violent et furieux, dont les effets sont si funestes et si terribles, et qui est du ressort de la tragédie.
Voici quelques exemples : Achille dit à Agamemnon, dans la tragédie d’Iphigénie : Jamais vaisseaux partis des rives du Scamandre Aux champs thessaliens osèrent-ils descendre ? […] Elle est plus souvent l’expression de la colère et de la fureur ; et sous ce point de vue, on en trouve beaucoup d’exemples dans la tragédie, où les passions se montrent dans toute leur force.
Il convient à l’ode sacrée, à l’ode héroïque, souvent à l’ode morale et philosophique, au dithyrambe, à la cantate, à la grande épopée, au poème héroïque, à la tragédie et à l’opéra.
Combien de réflexions suggère la transformation du drame chevaleresque du grand Corneille dans la tragédie majestueuse de Racine, qui devient à son tour le mélodrame philosophique de Voltaire ! […] De combien de tragédies, Sans ton assuré secours, Etaient les trames ourdies Pour ensanglanter nos jours !
20 Racine se livrera de préférence à la tragédie, genre le mieux approprié à sa nature et à son génie.
Nous lui devons aussi les Mœurs des chrétiens ; excellent ouvrage où il nous fait parfaitement connaître ces hommes si admirables par leurs vertus ; supérieurs à tous les héros par leur courage, et dont le grand Corneille a dit avec autant d’énergie que de vérité, dans sa tragédie de Polyeucte 114 : Nos princes ont-ils eu des soldats plus fidèles ?
Nous pouvons méditer et discuter sur la sagesse du plan d’une tragédie ou d’un poème épique. […] Un bel exemple en ce genre, cité par tous les critiques français, est le célèbre Qu’il mourût de Corneille, dans la tragédie d’Horace. […] Shakspeare, ce génie à la fois si grand et si inégal, n’en est pas toujours exempt, et l’on en rencontre beaucoup trop dans les tragédies de Dryden et de Lee. […] Aristote, dans sa Poétique, considère la musique comme une des parties les plus essentielles de la tragédie. […] Le public ému versait plus de larmes à ces sortes de représentations qu’aux tragédies ; et ce fut bientôt une telle fureur, que l’on fut obligé de faire des lois qui défendirent aux sénateurs de se livrer à l’étude de la pantomime.