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36. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre IV. »

Dans leurs limites naturelles, elles consistent à aimer le bien et à détester le mal. […] L’homme, sollicité d’un côté par le bien et de l’autre par le mal, a son libre arbitre pour choisir. S’il fait le bien, il est vertueux ; s’il fait le mal, il est criminel. […] Les jeunes gens que le contact du monde n’a pas encore corrompus, sont animés naturellement de passions nobles et généreuses ; leurs sentiments sont purs ; ils aiment le bien et la justice par instinct, par goût ; le mal leur répugne, l’injustice les irrite.

37. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Bourdaloue 1632-1704 » pp. 89-93

combien d’intentions droites mal expliquées, et combien de saintes actions empoisonnées ! […] Mais parce qu’on ignore ce qu’ils souffrent, parce qu’on ne veut pas s’en instruire, parce qu’on craint d’en entendre parler, parce qu’on les éloigne de sa présense, on croit en être quitte en les oubliant ; et, quelque extrêmes que soient leur maux, on y devient insensible. […] Ce n’est pourtant pas sans douleur ni tristesse ; mon cœur en est blessé, mais je souffre ces maux comme étant dans l’ordre de la Providence. » 1.

38. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — La Bruyère 1646-1696 » pp. 100-117

Phédon ou le pauvre Phédon2 a les yeux creux, le teint échauffé, le corps sec et le visage maigre : il dort peu, et d’un sommeil fort léger ; il est abstrait, rêveur, et il a, avec de l’esprit, l’air d’un stupide ; il oublie de dire ce qu’il sait ou de parler d’événements qui lui sont connus, et, s’il le fait quelquefois, il s’en tire mal ; il croit peser à ceux à qui il parle ; il conte brièvement, mais froidement ; il ne se fait pas écouter, il ne fait point rire ; il applaudit, il sourit à ce que les autres lui disent, il est de leur avis, il court, il vole pour leur rendre de petits services ; il est complaisant, flatteur, empressé ; il est mystérieux sur ses affaires, quelquefois menteur ; il est superstitieux, scrupuleux, timide ; il marche doucement et légèrement, il semble craindre de fouler la terre3 ; il marche les yeux baissés, et il n’ose les lever sur ceux qui passent. […] Si on le prie de s’asseoir, il se met à peine sur le bord d’un siége ; il parle bas dans la conversation, et il articule mal : libre néanmoins sur les affaires publiques, chagrin contre le siècle, médiocrement prévenu1 des ministres et du ministère, il n’ouvre la bouche que pour répondre ; il tousse, il se mouche sous son chapeau, il crache presque sur soi, et il attend qu’il soit seul pour éternuer, ou, si cela lui arrive, c’est à l’insu de la compagnie ; il n’en coûte à personne ni salut, ni compliment : il est pauvre 2. […] Les manières, que l’on néglige comme de petites choses, sont souvent ce qui fait que les hommes décident de vous en bien ou en mal : une légère attention à les avoir douces et polies prévient leurs mauvais jugements. […] Irène Irène se transporte à grands frais en Épidaure2, voit Esculape dans son temple, et le consulte sur tous ses maux. […] Molière a dit : Il ne vous a pas fait une belle personne Afin de mal user des choses qu’il vous donne.

39. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — Voltaire. (1694-1778.) » pp. 277-290

Les deux camps ennemis arrivent en ces lieux ; La désolation partout marche avant eux… Habitants malheureux de ces bords pleins de charmes, Du moins à votre roi n’imputez point vos larmes ; S’il cherche les combats, c’est pour donner la paix : Peuples, sa main sur vous répandra ses bienfaits ; Il veut finir vos maux, il vous plaint, il vous aime, Et dans ce jour affreux il combat pour vous-même. […] … Guidez mes pas tremblants ; Mes maux m’ont affaibli plus encor que mes ans1. […] vous passez les mers Pour soulager nos maux et pour briser nos fers ? […] Mais à revoir Paris je ne dois plus prétendre : Vous voyez qu’au tombeau je suis prêt à descendre ; Je vais au Roi des rois demander aujourd’hui Le prix de tous les maux que j’ai soufferts pour lui Vous, généreux témoins de mon heure dernière, Tandis qu’il en est temps, écoutez ma prière : Nérestan, Châtillon, et vous… de qui les pleurs Dans ces moments si chers honorent mes malheurs, Madame, ayez pitié du plus malheureux père Qui jamais ait du ciel éprouvé la colère, Qui répand devant vous des larmes que le temps Ne peut encor tarir dans mes yeux expirants. […] Villemain, en traçant le tableau du dix-huitième siècle, s’est naturellement beaucoup occupé de Voltaire ; car aucun homme n’a exercé, en bien comme en mal, plus d’influence sur l’esprit français : on peut voir surtout ses 4e, 7e, 8e, 9e, 10e et 25e leçons.

40. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Molière, 1622-1673 » pp. 43-55

N’a-t-il pas ces adulateurs à outrance, ces flatteurs insipides qui n’assaisonnent d’aucun sel les louanges qu’ils donnent, et dont toutes les flatteries ont une douceur fade qui fait mal au cœur à ceux qui les écoutent ? […] Apprenez enfin qu’un gentilhomme qui vit mal est un monstre dans la nature ; que la vertu est le premier titre de noblesse ; que je regarde bien moins au nom qu’on signe qu’aux actions qu’on fait ; et que je ferais plus d’état du fils d’un crocheteur qui serait honnête homme, que du fils d’un monarque qui vivrait comme vous1. […] Voilà monsieur le marquis qui en dit force mal. […] il y en a beaucoup que le trop d’esprit gâte, qui voient mal les choses à force de lumières, et même qui seraient bien fâchés d’être de l’avis des autres, pour avoir la gloire de décider. […] Car, enfin, si les pièces qui sont selon les règles ne plaisent pas, et que celles qui plaisent ne soient pas selon les règles, il faudrait, de nécessité, que les règles eussent été mal faites.

41. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre VII. De l’Harmonie imitative. »

C’est ce qu’on ne saurait trop répéter à ceux qui aspirent à la réputation de poètes, pour avoir rassemblé au hasard quelques lignes d’une prose mal conçue et mal écrite, et qui n’a rien de la poésie, que le refrain monotone d’une rime placée machinalement au bout d’un certain nombre de syllabes. […] Dans les écrivains du second ordre, au contraire, tout présente les traces pénibles d’efforts rarement heureux ; et ce rapprochement involontaire, mais perpétuel, de la nature, grande et belle sans effort, et de l’art qui se tourmente infructueusement pour l’imiter mal, altère sensiblement quelquefois le plaisir que pourraient nous faire les plus beaux morceaux de poésie moderne. […] iv. v. 522) La nuit avait rempli la moitié de son cours ; Sur le monde assoupi régnait un calme immense ; Les étoiles roulaient dans un profond silence ; L’aquilon se taisait dans les bois, sur les mers ; Les habitants des eaux, les monstres des déserts, Des oiseaux émaillés les troupes vagabondes, Ceux qui peuplent les bois, ceux qui fendent les ondes ; Livrés nonchalamment aux langueurs du repos, Endormaient leurs douleurs et suspendaient leurs maux : Didon seule veillait.

42. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — De Retz. (1614-1679.) » pp. 20-28

L’on tenait cabinet mal à propos, l’on donnait des rendez-vous sans sujet ; les chasses mêmes paraissaient mystérieuses. […] Le marquis de Nangis, mestre de camp2 du régiment de Navarre ou de Picardie, je ne me ressouviens pas précisément, et enragé contre la reine et contre le cardinal pour un sujet que je vous dirai incontinent, fut fort tenté d’entrer dans la cabale des Importants, cinq ou six jours devant que M. de Beaufort fût arrêté ; et je le détournai de cette pensée, en lui disant que la mode, qui a du pouvoir en toutes choses, ne l’a si sensible en aucune qu’à être ou bien ou mal à la cour. […] N’ai-je pas eu raison de vous dire qu’il ne sied pas bien à un honnête homme d’être mal à la cour en ce temps-là ? […] L’on se croyait bien obligé au ministre de ce que toutes les semaines il ne faisait pas mettre quelqu’un en prison, et l’on attribuait à la douceur de son naturel les occasions qu’il n’avait pas de mal faire.

43. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Madame de Staël, 1766-1817 » pp. 399-408

Ses législateurs et ses guerriers sont des bergers en robe et en casque ; mais on y trouve de l’agrément dans le style : c’est un livre innocent, et, comme disait madame du Deffand, il n’y a point de mal à avoir fait cela2. […] Enfin quand on arrive à la grande lutte, quand il faut à son tour se présenter au combat de la mort, sans doute l’affaiblissement de nos facultés, la perte de nos espérances, cette vie si forte qui s’obscurcit, cette foule de sentiments et d’idées qui habitaient dans notre sein, et que les ténèbres de la tombe enveloppent, ces intérêts, ces affections, cette existence qui se change en fantôme avant de s’évanouir, tout cela fait mal, et l’homme vulgaire paraît, quand il expire, avoir moins à mourir ! […] L’homme a un grand empire sur l’homme, et de tous les maux qu’il peut faire à ses semblables, le plus grand peut-être est de placer le fantôme du ridicule entre les mouvements généreux et les actions qu’ils peuvent inspirer. » « Il n’y a que les gens médiocres qui voudraient que le fond de tout fût du sable, afin que nul homme ne laissât sur la terre une trace plus durable que la leur. » « Le talent a besoin de confiance. […] Dès que l’homme se divise au dedans de lui-même, il ne sait plus la vie que comme un mal ; et si de tous les sentiments l’enthousiasme est celui qui rend le plus heureux, c’est qu’il unit plus qu’aucun autre toutes les forces de l’âme dans le même foyer. » 1.

44. (1882) Morceaux choisis de prosateurs et de poètes des xviii e et xix e siècles à l’usage de la classe de rhétorique

Nous savons, nous sentons le mal que nous a légué cette époque mémorable. […] La société anglaise, encore mal connue en France, fut pour Voltaire comme une révélation. […] De plus, je crois avoir montré qu’excepté la mort, qui n’est presque un mal que par les préparatifs dont on la fait précéder, la plupart de nos maux physiques sont encore notre ouvrage. […] — Pas mal ! […] Pardon, si je me suis mal expliqué.

45. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Deuxième partie. Rhétorique. — Chapitre II. — Division de la rhétorique : Invention, Disposition, Élocution »

Toi seule, donnée à l’homme, rendis la mesure de ses biens plus grande que celle de ses maux. […] Il faut fuir ce qui est un mal ; (Min.) (Or l’oisiveté est un mal) : Concl. […] C’est la sensibilité qui remplit notre âme d’attendrissement à la vue de la misère d’autrui, des infortunes, des afflictions de tout genre, de tous les maux enfin auxquels l’humanité est exposée sur cette terre. […] D’un mal contagieux tout fuit épouvanté ; Isaure sans effroi brave un air infecté.

46. (1867) Morceaux choisis des classiques français, à l’usage des classes supérieures : chefs d’œuvre des prosateurs et des poètes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouvelle édition). Classe de rhétorique

J’y souscris sans le connaître, sauf le mal, s’il y en a. […] Vous devez vous proposer ce digne objet de n’être redouté que des ennemis de l’État et de ceux qui font mal. […] Ne faites point les plaisants mal à propos, dans des choses si sérieuses et si vénérables. […] Il a souffert le mal qu’il ne méritait pas, et celui que son imprudence lui a attiré. […] La générosité souffre des maux d’autrui, comme si elle en était responsable.

47. (1881) Morceaux choisis des classiques français des xvie , xviie , xviiie et xixe siècles, à l’usage des classes de troisième, seconde et rhétorique. Poètes

Et je n’en ay que mal et desplaisir ! […] Pardonner au mal, c’est mal faire. […] Le loyer de mes maux. […] Mais on hait bien souvent les hommes qu’on offense447 ; Et souvent le bien fait de mal se recompense. […] Ma faute, et non ma peine, est ce qui me tourmente : J’en soupire la cause, et non pas les effects, Et batant ma poitrine, à par moy540 je lamente, Non les maux que j’endure, ains les maux que j’ai faicts.

48. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre V. Du Style en général, et de ses qualités. »

Rien de plus mal entendu que cette affectation, dans les grandes choses ; rien de plus vain, dans les petites : cette réflexion est de Marmontel, qui devait savoir mieux que personne à quoi s’en tenir à cet égard. […] Les mots peuvent être mal choisis, mal adaptés au sujet, et présenter dans un faux jour la pensée de l’auteur. […] Le barbarisme est une locution étrangère, mal à propos introduite dans le discours ; et le solécisme est une faute contre la syntaxe de sa propre langue.

49. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XVI. des qualités essentielles du style. — clarté, pureté  » pp. 217-229

Que les pensées soient vagues et mal conçues, que leur arrangement soit pénible ou irrégulier, vous avez beau travailler l’expression, elle reste obscure et mal dessinée. […] Tantôt, c’est l’ignorance ou l’oubli des règles de la grammaire, les phrases équivoques ou mal construites, l’emploi de mots obsolètes ou inconnus, l’impropriété absolue ou relative des termes. […] est-ce un si grand mal d’être entendu quand on parle, et de parler comme tout le monde ? 

50. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — La Bruyère. (1646-1696.) » pp. 91-100

Celui qui dit incessamment qu’il a de l’honneur et de la probité, qu’il ne nuit à personne, qu’il consent que le mal qu’il fait aux autres lui arrive, et qui jure pour le faire croire, ne sait pas même contrefaire l’homme de bien. […] Si les nôtres assiégent une place très-forte, très-régulière, pourvue de vivres et de munitions, qui a une bonne garnison, commandée par un homme d’un grand courage, il dit que la ville a des endroits faibles et mal fortifiés, qu’elle manque de poudre, que son gouverneur manque d’expérience, et qu’elle capitulera après huit jours de tranchée ouverte. […] Irène se transporte à grands frais en Épidaure, voit Esculape dans son temple, et le consulte sur tous ses maux. […] Telle est en effet la disposition du cœur humain, que Lucrèce a signalée dans de beaux vers (II, 1-6), ainsi traduits par Voltaire : On voit avec plaisir, dans le sein du repos, Des mortels malheureux lutter contre les flots ; On aime à voir de loin deux terribles armées Dans les champs de la mort aux combats animées : Non que le mal d’autrui soit un plaisir si doux ; Mais son danger nous plaît, quand il est loin de nous.

51. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Descartes, 1596-1650 » pp. 11-20

Car il me semblait que je pourrais rencontrer beaucoup plus de vérité dans les raisonnements que chacun fait touchant les affaires qui lui importent, et dont l’événement le doit punir bientôt après s’il a mal jugé, que dans ceux que fait un homme de lettres dans son cabinet touchant des spéculations qui ne produisent aucun effet, et qui ne lui sont d’autre conséquence, sinon que peut-être il en tirera d’autant plus de vanité qu’elles seront plus éloignées du sens commun, à cause qu’il aura dû employer d’autant plus d’esprit et d’artifice à tâcher de les rendre vraisemblables. […] Ainsi je m’assure que vous me souffrirez mieux si je ne m’oppose point à vos larmes, que si j’entreprenais de vous détourner d’un ressentiment3 que je crois juste ; mais il doit néanmoins y avoir quelque mesure, et comme ce serait être barbare de ne se point affliger du tout lorsqu’on en a du sujet, aussi serait-ce être trop lâche de s’abandonner entièrement au déplaisir : oui, ce serait faire fort mal son compte que de ne tâcher pas de tout son pouvoir à se délivrer d’une passion si incommode. […] Si c’est pour votre propre intérêt, il est certain que vous la pouvez mieux réparer que l’autre, en ce que l’acquisition d’un fidèle ami peut autant valoir que l’amitié d’un bon frère2 ; et si c’est pour l’intérêt de celui que vous regrettez, comme sans doute votre générosité ne vous permet pas d’être touché d’autre chose, vous savez qu’il n’y a aucune raison ni religion qui fasse craindre du mal après cette vie à ceux qui ont vécu en gens d’honneur, mais qu’au contraire l’une et l’autre leur promettent des joies et des récompenses. […] Or, je ne veux point vous conseiller d’employer toutes les forces de votre résolution et constance pour arrêter tout d’un coup l’agitation intérieure que vous sentez ; ce serait peut-être un remède plus fâcheux que la maladie : mais je vous conseille aussi d’attendre que le temps seul vous guérisse, et beaucoup moins d’entretenir ou prolonger votre mal par vos pensées ; je vous prie seulement de tâcher peu à peu de l’adoucir, en ne regardant ce qui vous est arrivé que du biais qui vous le peut faire paraître le plus supportable, et en vous divertissant le plus que vous pourrez par d’autres occupations3.

52. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Retz, 1614-1679 » pp. 38-42

Il distinguait plus judicieusement qu’homme du monde entre le mal et le pis, entre le bien et le mieux, ce qui est une très-grande qualité pour un ministre. […] Il allait au bien, ou par inclination, ou par bon sens, toutefois3 que son intérêt ne le portait point au mal, qu’il connaissait parfaitement quand il le faisait. […] « Ses Mémoires sont très-agréables à lire ; mais conçoit-on qu’un homme ait le courage, ou plutôt la folie de dire de lui-même plus de mal que n’en eût pu dire son plus grand ennemi ?

53. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Voltaire 1694-1778 » pp. 445-463

L’espérance et le sommeil Du Dieu qui nous créa la clémence infinie, Pour adoucir les maux de cette courte vie, A placé parmi nous deux êtres bienfaisants, De la terre à jamais aimables habitants, Soutiens dans les travaux, trésors dans l’indigence L’un est le doux Sommeil, et l’autre l’Espérance1. […] Ayons le cœur et l’esprit hospitaliers. » Je lis dans La Bruyère : « Appellerai-je homme d’esprit celui qui, borné et renfermé dans quelque art, ou même dans une certaine science qu’il exerce dans une grande perfection, ne montre hors de là ni jugement, ni mémoire, ni vivacité, ni mœurs, ni conduite ; qui ne m’entend pas, qui ne pense point, qui s’énonce mal ; un musicien, par exemple, qui, après m’avoir comme enchanté par ses accords, semble s’être remis avec son luth dans un même étui, on n’être plus, sans cet instrument, qu’une machine démontée, à qui il manque quelque chose, et dont il n’est plus permis de rien attendre ?  […] La sérénité Qu’il est grand, qu’il est doux de se dire à soi-même : Je n’ai point d’ennemis, j’ai des rivaux que j’aime, Je prends part à leur gloire, à leurs maux, à leurs biens ; Les arts nous ont unis ; leurs beaux jours sont les miens. […] Ayons le cœur et l’esprit hospitaliers. » Je lis dans La Bruyère : « Appellerai-je homme d’esprit celui qui, borné et renfermé dans quelque art, ou même dans une certaine science qu’il exerce dans une grande perfection, ne montre hors de là ni jugement, ni mémoire, ni vivacité, ni mœurs, ni conduite ; qui ne m’entend pas, qui ne pense point, qui s’énonce mal ; un musicien, par exemple, qui, après m’avoir comme enchanté par ses accords, semble s’être remis avec son luth dans un même étui, on n’être plus, sans cet instrument, qu’une machine démontée, à qui il manque quelque chose, et dont il n’est plus permis de rien attendre ?  […] Ce vers est vague et mal écrit.

54. (1866) Morceaux choisis des classiques français, à l’usage des classes supérieures : chefs d’œuvre des prosateurs et des poètes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouvelle édition). Classe de seconde

Le soupçon du mal touche les esprits infirmes plus violemment que le mal même ; ils croient faire beaucoup de se garantir de l’agitation par la chute, et préfèrent une condition mauvaise à une condition incertaine. […] Le mal physique ne serait presque rien sans nos vices, qui l’augmentent et l’irritent. […] Le mal moral est incontestablement notre ouvrage, et le mal physique ne serait rien sans nos vices qui nous l’ont rendu sensible. […] Combien l’homme vivant dans la simplicité primitive est sujet à peu de maux ! […] Enfin, l’on a, malgré soi, pitié des infortunés : quand on est témoin de leur mal, on en souffre.

55. (1873) Principes de rhétorique française

L’absence est le plus grand des maux, Non pas pour vous, cruel. […] S’ils sont bons, quelles difficultés n’ont-ils pas à vaincre, quels pièges à éviter, quels maux à souffrir ! […] Le goût moderne, dans sa susceptibilité ombrageuse, s’accommode mal des précautions de l’orateur qui affecte de s’étendre sur sa faiblesse et son insuffisance ; la pénétration du lecteur voit dans ces précautions un détour et une subtilité de l’amour-propre d’un auteur, qui aime mieux dire du mal de lui-même que de s’en taire. […] Si le fait est mal exposé, les preuves manqueront de base et l’obscurité de la narration répandra les ténèbres sur tout le discours. […] Que de fois nous pouvons être entraînés à ce sophisme qui excuse le mal par le mal et qui admet volontiers qu’un honnête homme a le droit d’user de représailles et de combattre l’injure par l’injure, le mensonge par le mensonge, 4.

56. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — La Rochefoucauld, 1613-1680 » pp. 32-37

L’honnêteté veut que l’on cache quelquefois la moitié de son esprit, et qu’on ménage un opiniâtre qui se défend mal, pour lui épargner la honte de céder. […] Je ne sais si le remède n’est point pire que le mal et si je ne vous prierai point à la fin de me laisser ma goutte. […] « Si l’on faisait une sérieuse attention à tout ce qui se dit de froid, de vain et de puéril dans les entretiens ordinaires, l’on aurait honte de parler ou d’écouter ; et l’on se condamnerait peut-être à un silence perpétuel, qui serait une chose pire dans le commerce que les discours inutiles Il faut donc s’accommoder à tous les esprits, permettre comme un mal nécessaire le récit des fausses nouvelles, les vagues réflexions sur le gouvernement présent ou sur l’intérêt des princes, le débit des beaux sentiments, et qui reviennent toujours les mêmes ; il faut laisser Aronce parler proverbe, et Mélinde parler de soi, de ses vapeurs, de ses migraines et de ses insomnies.

57. (1865) De la Versification française, préceptes et exercices à l’usage des élèves de rhétorique. Première partie. Préceptes. Conseils aux élèves.

D’un autre côté, Souvent la peur d’un mal nous conduit dans un pire 7. […] *** On vous a mal jugés, mais jugez-vous vous-même, Votre borne flottante est de vos lois l’emblème. […] Ma fille, vous pleurez, Et baissez devant moi vos yeux mal assurés : Quel trouble ! […] Il semble que l’isolement aurait paru trop hardi au poète, si le vers avait été brisé comme ci-dessous : Je répondrai, madame, avec la liberté D’un soldat : je sais mal farder la vérité. […] Il critique, il enseigne, il pratique ; voilà le mal, voilà la route du bien, voilà le bien.

58. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre XII. Poésie dramatique. »

Les monologues n’étant pas agréables à l’auditeur, pour les éviter, on a inventé les confidents, dans le sein desquels les héros déposent leurs chagrins et leurs projets ; mais le rôle de ces confidents est ordinairement si froid, que le remède ne vaut guère mieux que le mal. […] L’action de la tragédie sera héroïque dans son principe, si elle est l’effet d’une qualité de l’âme portée, soit en bien soit en mal, à un degré extraordinaire, et au-dessus des esprits vulgaires. […] L’amour, dans une tragédie, n’est pas plus un défaut essentiel que dans l’Énéide ; il n’est à reprendre que quand il est amené mal à propos et sans art. Le mal est que l’amour n’est souvent, chez nos héros de théâtre, que de la galanterie. […] C’est Voltaire qui se trouve ici le plus mal partagé.

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