La qualité de sujet et de citoyen, ainsi que l’humanité naturelle, jointe à notre propre intérêt, nous en font une loi inviolable. […] Cet ouvrage profond, solide, lumineux et méthodique, en nous éclairant sur la source et sur l’importance de nos devoirs, nous laisse entièrement persuadés qu’il est de notre plus grand intérêt de les remplir avec une scrupuleuse exactitude. […] D’un autre côté, une trop grande réserve nuit bien souvent à nos propres intérêts : la connoissance des hommes nous donne de la confiance, et nous apprend jusqu’à quel point nous devons la porter. […] L’homme privé a un intérêt réel à juger sainement des actions de ses semblables ; et c’est par la connoissance des hommes qu’il se met en état de le faire. […] Car, si l’on peut supposer qu’il y ait de vrais athées, il est certain qu’ils ne le sont qu’en ce qu’ils voudroient se persuader dans leur cœur qu’il n’y a pas de Dieu, parce qu’ils auroient intérêt, comme l’ont dit Pascal et Bâcon, qu’il n’existât aucun vengeur de leurs crimes.
Dans cet immense conflit d’idées contradictoires, je crois, de part et d’autre, à plus de bonne foi qu’on ne s’en suppose mutuellement, et je ne blâme en moi-même aucun de ceux qui, se trompassent-ils, guidés uniquement par leur conscience, ne regardent, ne désirent que le Vrai et le Bien, complétement détachés de tout intérêt personnel. […] Et quand une action sublime ébranle toutes les puissances de notre être, nous ne pensons pas que l’homme généreux qui se sacrifie a bien connu, a bien combiné son intérêt personnel. […] Quand il serait prouvé qu’on servirait les intérêts terrestres d’un peuple par une bassesse ou une injustice, on serait également vil ou criminel en la commettant ; car l’intégrité des principes de la morale importe plus que les intérêts des peuples. […] « Quand une fois l’on s’est dit qu’il faut sacrifier le monde à l’intérêt national, on est bien près de resserrer de jour en jour le sens du mot nation, et d’en faire d’abord ses partisans, puis ses amis, puis sa famille, qui n’est qu’un terme décent pour se déguiser soi-même.
Voici comme Thomas décrit les devoirs et les travaux de l’homme d’état : « Il doit gouverner comme la nature, par des principes invariables et simples ; bien organiser l’ensemble, pour que les détails roulent d’eux-mêmes : pour bien juger d’un seul ressort, regarder la machine entière, calculer l’influence de toutes les parties les unes sur les autres, et de chacune sur le tout ; saisir là multitude des rapports entre des intérêts qui semblent éloignés ; faire concourir les divisions même à l’harmonie du tout ; veiller sans cesse à retrancher de la somme des maux qu’entraînent l’embarras de chaque jour, le tourment des affaires, le choc et le contraste éternel de ce qui serait possible dans la nature, et de ce qui cesse de l’être par les passions ». […] Il s’armait d’une patience plus héroïque que la valeur même, et sacrifiait l’intérêt de sa gloire à celui qu’avaient ses peuples de s’aguerrir ». […] « Ce fut le 8 juillet de l’année 1709 que se donna cette bataille décisive de Pultava, entre les deux plus singuliers monarques qui fussent alors dans le monde ; Charles XII, illustre par neuf années de victoires ; Pierre Alexiowitz, par neuf années de peines prises pour former des troupes égales aux troupes suédoises ; l’un glorieux d’avoir donné des états, l’autre d’avoir civilisé les siens ; Charles aimant les dangers, et ne combattant que pour la gloire ; Alexiowitz ne fuyant point le péril, et ne faisant la guerre que pour ses intérêts : le monarque suédois libéral par grandeur d’âme ; le Moscovite ne donnant jamais que par quelque vue : celui-là d’une sobriété et d’une continence sans exemple, d’un naturel magnanime, et qui n’avait été barbare qu’une fois ; celui-ci n’ayant pas dépouillé la rudesse de son éducation et de son pays, aussi terrible à ses sujets qu’admirable aux étrangers, et trop adonné à des excès qui ont même abrégé ses jours.
Tous les particuliers convinrent qu’ils n’obéiraient plus à personne ; que chacun veillerait uniquement à ses intérêts, sans consulter ceux des autres. […] Ils travaillaient avec une sollicitude commune pour l’intérêt commun ; ils n’avaient de différends que ceux qu’une douce et tendre amitié faisait naître ; et, dans l’endroit du pays le plus écarté, séparés de leurs compatriotes indignes de leur présence, ils menaient une vie heureuse et tranquille : la terre semblait produire d’elle-même, cultivée par ces vertueuses mains. […] Ils leur faisaient surtout sentir que l’intérêt des particuliers se trouve toujours dans l’intérêt commun ; que vouloir s’en séparer, c’est vouloir se perdre ; que la vertu n’est point une chose qui doive nous coûter ; qu’il ne faut point la regarder comme un exercice pénible, et que la justice pour autrui est une charité pour nous.
Il était planteur de famille et de goût, et voué à ces intérêts, à ces habitudes, à cette vie agricole qui faisaient la vigueur de la société américaine. […] Sans doute, il portait sur les droits et les intérêts de l’Angleterre un jugement bien moins pur, bien moins juste que Falkland et Hampden1 ; cependant il ne faut pas croire que tout fût erreur dans sa pensée politique : bien des choses, et de très-importantes, le frappaient, qui échappaient à ses rivaux ; il connaissait des besoins publics, des conditions de liberté publique dont Hollis et Pym2 avaient tort de ne point tenir compte ; il prévoyait, au train de la révolution, mille conséquences dont ils ne voulaient pas plus que lui, mais qu’ils ne savaient point démêler. […] Le monde vous appartiendra un jour ; mais gardez-vous de vous associer, avant le temps, à ses intérêts et à ses passions. […] Vivez, vivez longtemps au milieu d’elle ; consacrez-lui avec affection cette ardeur que n’altèrent point encore les intérêts agités de la vie.
La correspondance familière des grands écrivains ou des personnages remarquables offre un vif intérêt ; on aime à y chercher des traits particuliers de caractère et des détails intimes qu’il est impossible de trouver ailleurs. […] Il y a donc dans les lettres un intérêt à la fois littéraire et historique.
A l’instant où cesse l’occupation de ses propres intérêts, les intérêts de la chose commune lui apparaissent, et sollicitent son génie ou son cœur. […] Si, chez les peuples serfs, il ne conduit qu’à la défense des intérêts vulgaires, chez les peuples libres, il est la porte des institutions qui fondent ou qui sauvegardent.
Talma, suivant avec intérêt les débuts d’un jeune tragédien, l’interrompit tout à coup par cette observation pleine de finesse : « Ah ! […] Concluons que, si on ne peut rendre les hommes plus vertueux, il est possible de les rendre plus disciplinés, plus attentifs à leurs intérêts. […] Il aimait peu le duc d’Orléans et son ambition incertaine ; et il n’eut jamais avec lui aucun intérêt commun. […] Il disait que ce n’étaient pas les gouvernements qu’il servait, mais le pays, sous la forme politique qui, dans le moment, lui semblait convenir le mieux ; et qu’il n’avait jamais voulu sacrifier l’intérêt de la France à l’intérêt d’un pouvoir. […] Au pied de ses remparts quel intérêt m’appelle ?
Mais comme il a servi de texte à une foule de discussions qui n’ont pas été sans influence sur l’art dramatique, particulièrement en France, on lira peut-être avec intérêt quelques extraits des controverses qui s’y rapportent : « Il suffit, dit Lopez de Véga, de s’attacher à l’unité d’action et d’éviter l’épisode, en sorte qu’il n’y ait rien d’étranger et qui nous tire du sujet principal c’est-à-dire qu’on n’en puisse détacher aucune partie, sans que la pièce tombe en ruine. […] Car ces règles ne sont pas arbitraires vous les trouvez dans la Poétique d’Aristote, où l’unité de lieu, l’unité de temps et l’unité d’intérêt sont prescrites comme le seul moyen de rendre la tragédie intéressante : au lieu de ce que, dans ces pièces anglaises, la scène dure un espace de quelques années. » M. […] Le célèbre Manzoni les combat non moins victorieusement par une savante analyse des conditions de l’action dramatique et de l’intérêt théâtral, dans son Dialogue et dans sa Lettre sur les unités de temps, de lieu, etc., que l’on trouve dans l’édition de ses tragédies (Paris, 1830, in-12), et dans la traduction qu’en a donnée Fauriel (Paris, 1834).
L’avocat plaide, dans la même matinée, deux causes diverses ; le poëte, et remarquez que c’est là le ressort continuel de l’action scénique, introduit deux interlocuteurs opposés de sentiment comme d’intérêts ; le romancier, d’une page à l’autre, peint avec une égale énergie deux passions rivales. […] Passionner un sujet, c’est l’animer en s’y attachant, c’est en faire sa chose, c’est soutenir une thèse avec autant d’ardeur que si nos plus chers intérêts se trouvaient compromis par le triomphe de l’opinion contraire. […] Ces écrivains passionnent toute chose, et l’intérêt tout personnel qu’ils semblent prendre aux moindres événements qu’ils racontent, aux moindres principes qu’ils établissent, leur donne des ressources infinies pour les développer en y intéressant aussi le lecteur.
Nous le demanderons maintenant à ceux qui ont fait à Cicéron un crime des louanges données à César : n’est-ce pas là le langage d’un homme également sensible aux vertus de César et aux intérêts de la patrie, et qui rend justice à l’un, mais qui aime l’autre ; qui, en louant l’usurpateur de l’usage qu’il fait de sa puissance, l’avertit que son premier devoir est de la soumettre aux lois ? […] Tous les citoyens de Rome, ceux surtout qui vous doivent la vie, ont-ils donc moins d’intérêt que vous-même à empêcher l’efffet de ces soupçons ? […] Est-ce donc à vous de mesurer la durée de vos jours sur le peu de prix que peut y ajouter votre grandeur d’âme, et non pas sur l’intérêt commun ? […] Ayez donc devant les yeux ces juges sévères qui prononceront un jour sur vous, et dont le jugement, si j’ose le dire, aura plus de poids que la nôtre, parce qu’ils seront sans intérêt, sans haine et sans envie ».
Un capitaine français avait amené à Paris un jeune sauvage d’O-taïti : il le conduisit au Jardin des Plantes, où celui-ci se promena sans prendre grand intérêt à tourne qu’il voyait. […] Dans la composition, celui dont les idées se lient facilement trouve sans peine de grandes ressources pour écrire, et il se fait lire avec intérêt ; mais il faut observer que si les notions sont mal assorties, elles nous égarent et peuvent fausser notre jugement.
Il m’est aussi impossible d’aller chez quelqu’un dans des vues d’intérêt qu’il m’est impossible de rester dans les airs. […] Le nombre de troupes n’étant pas excessif, on avait attention à ne recevoir dans la milice que des gens qui eussent assez de bien pour avoir intérêt à la conservation de la ville3 ; enfin le sénat voyait de près la conduite des généraux, et leur ôtait la pensée de rien faire contre leur devoir. […] Les peuples d’Italie étant devenus ses citoyens, chaque ville y apporta son génie, ses intérêts particuliers, et sa dépendance de quelque grand protecteur3. […] « Beaucoup de douceur, assez de gaieté, une égalité parfaite, un air de simplicité et de bonhomie qui, vu la réputation qu’il s’est déjà faite, lui forme un intérêt particulier. » 1. […] Villemain juge ainsi cet ouvrage : « Montesquieu a adopté, dans les Considérations sur les causes de la grandeur et de la décadence des Romains, le plan tracé par Bossuet, et se charge de le remplir sans y jeter d’autre intérêt que celui des événements et des caractères.
Comptez que vous trouverez ici mille écus, dont vous paierez ce qui vous presse ; qu’on vous les prête sans intérêt, et que vous les rembourserez petit à petit, comme vous voudrez. […] Si l’on décrit une tempête, on peut jeter de belles couleurs sur ces éléments déchaînés ; mais si l’on y voit l’homme luttant contre le péril et la mort, combien l’intérêt n’en sera-t-il pas augmenté ? […] Sans l’unité, l’attention flotte incertaine entre plusieurs personnages, et l’intérêt s’évanouit en se partageant ; unité dans la variété, telle est la règle à suivre. […] Cela n’est permis que si la digression sert à l’intelligence ou à l’intérêt du rit, si elle ne le coupe pas d’une manière brusque et désagréable. […] L’intérêt, c’est la vie même de la narration, c’est le but que doit atteindre l’écrivain : malheur à lui, s’il ne parvient qu’à ennuyer !
Si c’est votre ami qui s’est rendu coupable, ne le défendez pas, livrez-le, dans son intérêt, à la vindicte des lois. […] Qui connaît mieux que lui ses intérêts ? […] Quand vous assistez à un drame bien conduit, vous remarquez que l’intérêt redouble de scène en scène, à mesure que les incidents sortent du caractère des personnages et du jeu des passions. […] L’unité du drame est donc l’intérêt. […] je plaide une cause pour de l’argent, et vous voulez que je m’échauffe sérieusement pour des intérêts qui me sont étrangers !
Nous sommes proches et de même sang5 ; nous nous plaisons, nous nous aimons, nous prenons intérêt dans nos fortunes. […] Gardez ma lettre, et la relisez, si jamais la fantaisie vous prenait de le croire, et soyez juste là-dessus, comme si vous jugiez d’une chose qui se fût passée entre deux autres personnes ; que votre intérêt ne vous fasse pas voir ce qui n’est pas : avouez que vous avez cruellement offensé l’amitié qui étoit entre nous, et je suis désarmée. […] Je ne vous dis point l’intérêt extrême que j’ai toujours pris à votre fortune : vous croiriez que ce seroit le rabutinage qui en seroit la cause ; mais non, c’étoit vous ; c’est vous encore qui m’avez causé des afflictions tristes et amères, en voyant ces trois nouveaux maréchaux de France1. […] Nicole, était si étendu, qui était le centre de tant de choses : que d’affaires, que de desseins, que de projets, que de secrets, que d’intérêts à démêler, que de guerres commencées, que d’intrigues, que de beaux coups d’échecs à faire et à conduire !
L’érudition est exacte, étendue chez l’abbé Barthélémy ; mais la fiction qu’il imagine refroidit l’intérêt du tableau qu’il veut retracer. […] Ce sujet se confond trop souvent avec notre histoire politique pour en être détaché sans perdre beaucoup de son intérêt. […] Le style n’est pas à beaucoup prés le seul intérêt de la lecture de Saint-Simon. […] L’intérêt particulier faisant partie de l’intérêt national, l’ordre, la police et les lois ont dû succéder, et la société prendre de la consistance et des forces. […] Oui, messieurs, c’est la prudence la plus ordinaire, la sagesse triviale, c’est votre intérêt le plus grossier que j’invoque.
L’intérêt de la narration dépend presque toujours de la manière dont le nœud se présente à l’esprit du lecteur. […] Cet intérêt peut venir ou de l’action elle-même, ou de la nature des obstacles à surmonter pour achever l’entreprise. […] L’intérêt exige que l’action attache tout ensemble l’âme, l’esprit et l’imagination. […] Cette figure principale rend plus sensible l’unité du sujet et donne plus d’intérêt à l’entreprise. […] Mais, avec ces ressources, on ne peut produire un intérêt universel.
Il y en a peu qui n’aient leur source dans quelque erreur et dans quelque faute de jugement : de sorte qu’il n’y a point de défaut dont on ait plus d’intérêt de se corriger. […] J’entends au contraire qu’on doit avoir ce sentiment par un principe d’intérêt humain et par un intérêt d’amour propre : il ne faut pour cela que voir ce que voient les personnes les moins éclairées. […] Leur gloire et leur intérêt le plus essentiel est de les conserver et de leur bien faire ; et les autres n’iront jamais en cela si avant qu’eux. […] On y voyait comme écrite une rage de douleur, non d’amitié mais d’intérêt. […] Au contraire, le sacrifice mercenaire du bonheur public à l’intérêt propre est le sceau éternel du vice.
Il était plus beau pour lui de mourir ainsi ; mais son intérêt était de conserver la vie. […] La justice, qui est en quelque sorte d’un intérêt commun. […] Car ce que l’on fait dans son propre intérêt s’adresse plutôt à une personne vivante. […] Les gens discrets ; car ils n’aiment pas à guerroyer pour une question d’intérêt. […] Nous ne perdons pas de vue ce qui nous inspire de l’intérêt.
Mais il faut que ces incidents soient vraisemblables ; qu’ils tiennent par quelque chose au sujet ; qu’ils piquent assez la curiosité, et offrent assez d’intérêt pour dédommager le lecteur de l’impatience qu’il a de voir la fin des aventures. […] Mais elles nous rappellent les mœurs de l’ancienne chevalerie ; et c’est ce qui nous les fait lire avec plaisir et avec intérêt.
Bientôt leurs cœurs sont embrasés de la même flamme qui échauffe l’orateur : les voilà prêts à tout sacrifier à la gloire et aux intérêts de la patrie. […] Ils s’estiment également dignes des honneurs, qu’ils préfèrent à l’intérêt. […] » Leur amitié est toujours plus vive, souvent plus pure, moins suspecte d’intérêt que celle des personnes plus âgées. […] L’examen, l’attention président à ses jugements, qu’il règle bien plus sur la vérité que sur l’opinion, il n’est point esclave de l’intérêt jusqu’à négliger son honneur, ni de l’honneur jusqu’à négliger entièrement son intérêt ; mais il sait les allier et les faire concourir à ses desseins. […] Il est craint, haï, envié, et par ceux-là même qui paraissent les plus dévoués à ses intérêts.
Intérêt de l’histoire grecque L’histoire moderne est décidément seule en vogue parmi nous ; en France, aujourd’hui, loin d’encourager les recherches sur l’antiquité grecque et romaine, on pense qu’elles appartiennent exclusivement aux érudits, aux pédants disons le mot, et qu’elles ne s’adressent qu’aux écoliers, encore seulement pour le temps qu’ils sont condamnés au grec et au latin. […] Tout le monde n’est pas roi ou ministre pour avoir besoin des enseignements de l’histoire ; mais il n’est personne qui ne prenne intérêt au jeu des passions, aux portraits de ces grands caractères qui dominent des peuples entiers, à ces alternatives de gloire et d’abaissement que, de près, on nomme la fortune, mais qui, vues de loin et d’ensemble, deviennent la révélation des terribles et mystérieuses lois de l’humanité1. […] Concluons que, si on ne peut rendre les hommes plus vertueux, il est possible de les rendre plus disciplinés, plus attentifs à leurs intérêts.