Quel est celui qui ne serait vivement ému, à la vue des tortures qui assiègent le malheureux Montaigu, renfermé avec ses enfants dans la Tour de la faim, à Pise ? […] Ma vue en s’égarant s’éteignit à la fin ; Et ne pouvant mourir de douleur, ni de faim. […] 6° Admiration L’Admiration est une profonde satisfaction, mêlée d’étonnement, excitée par la vue ou le récit d’une action grande et sublime. […] Mais le poison s’étend et menace sa vue ; Il faut, pour écarter un péril trop certain, Qu’une bouche fidèle aspire le venin. […] Vous serez de sa vue affranchi dans dix jours : La nation entière est promise aux vautours.
Sans prétendre en présenter une nouvelle, je crois pouvoir définir les figures des formes particulières de langage qui manifestent l’idée d’une manière plus noble, plus énergique, plus élégante que les formes ordinaires, ou qui indiquent mieux que celles-ci le mouvement de la pensée et la vue de l’esprit. […] Si l’on n’en perd de vue ni l’origine, ni la nature, il sera facile d’en apprécier le but, d’en déterminer et d’en limiter l’usage, d’en saisir et d’en signaler les défauts. […] Avant d’entrer dans les détails, et sans vouloir, je le répète, imposer mon système, je recommanderai seulement à celui qui étudie les figures, d’abord, de ne point perdre de vue dans son travail la division que je viens d’indiquer, d’en vérifier l’exactitude par l’examen des faits, et, à mesure que se présente un terme nouveau, de le ramener sous ce que j’ai appelé sa bannière ; cette attention lui facilitera l’intelligence et le souvenir de chaque figure ; ensuite de mettre à part, d’un côté, celles qui ne sont, selon la remarque consignée plus haut, que des idiotismes consacrés par l’usage, de simples catachrèses, n’admettant par conséquent aucun précepte, aucune modification, en un mot, choses de mémoire et de théorie ; de l’autre, celles qui sont entièrement abandonnées au libre arbitre de l’écrivain, et par là même obligent le rhéteur à en régler l’emploi, à en déterminer les limites, choses de réflexion et de pratique.
Ce palais, ces meubles, ces jardins, ces belles eaux, vous enchantent, et vous font récrier d’une première vue sur une maison si délicieuse, et sur l’extrême bonheur du maître qui la possède : il n’est plus, il n’en a pas joui si agréablement ni si tranquillement que vous ; il n’y a jamais eu un jour serein ni une nuit tranquille ; il s’est noyé de dettes pour la porter à ce degré de beauté où elle vous ravit : ses créanciers l’en ont chassé ; il a tourné la tête, et il l’a regardée de loin une dernière fois ; et il est mort de saisissement1. […] Quand vous voyez quelquefois un nombreux troupeau qui, répandu sur une colline vers le déclin d’un beau jour, paît tranquillement le thym et le serpolet, ou qui broute dans une prairie une herbe menue et tendre qui a échappé à la faux du moissonneur, le berger soigneux et attentif est debout auprès de ses brebis ; il ne les perd pas de vue, il les suit, il les conduit, il les change de pâturages : si elles se dispersent, il les rassemble ; si un loup avide paraît, il lâche son chien, qui le met en fuite ; il les nourrit, les défend ; l’aurore le trouve déjà en pleine campagne, d’où il ne se retire qu’avec le soleil. […] Ma vue s’affaiblit, dit Irène : Prenez des lunettes, dit Esculape.
La même variété de caractères, d’actions et d’expressions règne parmi les spectateurs : les uns frissonnent et détournent la vue, d’autres secourent ; d’autres, immobiles, regardent. […] Vue du port de Dieppe. — Les quatre Parties du jour. — Deux vues des environs de Nogent-sur-Seine. — Un Naufrage. — Un Paysage. — Un autre Naufrage. — Une Marine au coucher du soleil. — Sept petits Paysages. — Deux autres Marines. — Une Tempête, et plusieurs autres tableaux sous un même numéro. — Quelques-uns de ces tableaux se voient encore au Musée français.
La comparaison, nous l’avons prouvé, est dans notre nature, mais, pour qu’elle soit littéraire, la rhétorique pose certaines conditions : que les choses comparées aient entre elles une analogie réelle ; que l’écrivain connaisse parfaitement celle qu’il compare et celle à laquelle il compare, et rende les rapports saisissables à première vue ; qu’il évite dans l’expression de la comparaison les ambiguïtés, les longueurs, les écarts, les incohérences ; que la comparaison circonscrive l’objet, l’éclaircisse, l’avive en le doublant, comme une étoffe superposée augmente la chaleur et la solidité d’une autre étoffe. […] De ces reflets naît cette dégradation de lumière qui, d’un objet à l’autre, conduit la vue par des passages imperceptibles. […] Tous ces préceptes sont incontestables, et les grands maîtres les ont presque toujours religieusement suivis ; mais si parfois ils les perdent de vue, ce sont leurs fautes même que la critique doit relever le plus vivement, puisque leur supériorité rend leur exemple plus contagieux. […] La nécessité d’endurcir de bonne heure l’enfance à la fatigue lui rappelle Achille plongé dans le Styx ; celle de la guérir des terreurs puériles, le petit Astyanax qui, à la vue du cimier étincelant d’Hector, se rejette en pleurant sur le sein de sa nourrice.
Le plaisir que nous recevons de la vue d’un bel aspect ou de la lecture d’un bon poème, n’est pas le résultat d’une découverte de l’intelligence, ou la suite d’un raisonnement. […] Nous allons déterminer clairement cette différence, qu’il faut ensuite ne jamais perdre de vue. […] Le langage ne peut rendre que très difficilement l’impression que fait sur nous la vue des objets grands et sublimes, mais chacun s’en forme une idée. […] Les écrivains de génie tombent quelquefois dans cette erreur trop commune, en perdant inconsidérément de vue le caractère spécifique du sublime. […] Les objets individuels qui nous environnent sont innombrables ; quelque part qu’un sauvage porte la vue, il aperçoit des forêts et des arbres.
La vue des objets grands et sublimes produit en nous une espèce d’élévation et d’expansion instinctives. […] Ce principe s’applique à tous les genres de style figuré, et ne doit jamais être perdu de vue. […] Tout ce qui brille avec trop d’éclat fatigue bientôt la vue s’il la frappe fréquemment. […] On le perd de vue ; on n’est occupé que de Philippe qui envahit tout. […] C’est là une différence caractéristique qu’on ne doit jamais perdre de vue.
A la vue de leur misère, on rougirait de ses excès, on aurait honte de ses délicatesses, on se reprocherait ses folles dépenses, et l’on s’en ferait avec raison des crimes. […] Voici un petit sermon de Madame de Sévigné sur la Providence : « Qui m’ôterait la vue de la Providence m’ôterait mon unique bien ; et si je croyais qu’il fût en nous de songer, de déranger, de faire, de ne pas faire, de vouloir une chose ou une autre, je ne penserais pas à trouver un moment de repos.
Mais quelques intérêts particuliers m’en ont empêché et ont déterminé les vues que je devais avoir pour la grandeur, le bien et la puissance de l’État. […] Quand on a l’État en vue, on travaille pour soi ; le bien de l’un fait la gloire de l’autre : quand le premier est heureux, élevé et puissant, celui qui en est cause est glorieux, et par conséquent doit plus goûter que ses sujets, par rapport à lui et à eux, tout ce qu’il y a de plus agréable dans la vie.
Il m’est aussi impossible d’aller chez quelqu’un dans des vues d’intérêt qu’il m’est impossible de rester dans les airs. […] Il est vrai que les lois de Rome devinrent impuissantes pour gouverner la république ; mais c’est une chose qu’on a vue toujours, que de bonnes lois, qui ont fait qu’une petite république devient grande, lui deviennent à charge lorsqu’elle s’est agrandie : parce qu’elles étaient telles que leur effet naturel était de faire un grand peuple, et non pas de le gouverner. […] Cette ville, qui avait résisté à tant de défaites, qu’on avait vue renaître après ses destructions, fut vaincue à Chéronée, et le fut pour toujours. […] L’un a saisi quelques traits primitifs avec une force qui lui donne la gloire de l’invention ; l’autre, en réunissant tous les détails, a découvert des causes invisibles jusqu’à lui ; il a rassemblé, comparé, opposé les faits avec cette sagacité laborieuse moins admirable qu’une première vue de génie, mais qui donne des résultats plus certains et plus justes.
Nous l’avons vue en Grèce, enchaînée par des lois sévères, concentrer toutes ses forces dans la dialectique. […] Tandis que la tribune athénienne, dominant la ville et le golfe d’Egine, ouvre au regard et à l’imagination de vastes perspectives, le forum, enfermé entre le Capitole et le mont Palatin, arrête la vue de l’orateur sur les monuments de la grandeur romaine et concentre sa pensée dans l’enceinte de la cité. […] Il peut aussi (l’espace le lui permet) appeler au secours de ses arguments toutes les ressources de la mise en scène : trophées conquis sur l’ennemi, vieillards suppliants, enfants éplorés, armées de clients en deuil, tout ce qui frappe les yeux, tout ce dont la vue émeut la chair et le sang, et arrache des sanglots à la multitude. […] Il se tourne vers ce Capitole qu’il a défendu ; il prend Jupiter à témoin de l’injustice qu’on lui fait ; il jette un tel trouble dans les âmes que les patriciens sont obligés, pour obtenir la sentence de condamnation, de transporter ailleurs le tribunal, et de dérober aux juges la vue du temple qui leur rappelle la gloire de l’accusé.
Ce fut alors qu’il charma ses loisirs par des études historiques, où les vues pénétrantes et parfois paradoxales d’un savoir aussi précis qu’enthousiaste s’allient à l’éclat d’une forme magistrale et à cette puissance d’imagination qui rend la vie à la poussière des morts. […] Il nous enlève1 aux misères qui nous assiégent, et nous transporte en des régions où nous nous retrouvons encore (car nous ne voulons jamais nous perdre de vue), mais où nous nous retrouvons transformés à notre avantage, où toutes les imperfections de la réalité ont fait place à une certaine perfection, où le langage que l’on parle est plus égal et plus relevé, où les personnages sont plus beaux, où même la laideur n’est point admise, et tout cela en respectant l’histoire dans une juste mesure, surtout sans sortir jamais des conditions impérieuses de la nature humaine. […] Transporter à la scène le plus de réalité possible, et nous émouvoir fortement en ébranlant nos sens par la vue de douleurs affreuses.
La loi et la coutume présentent sans cesse et de toutes parts des limites qu’il n’est ni permis ni possible de franchir : l’imagination est sans cesse arrêtée dans son vol ; et l’avocat ne peut jamais perdre de vue la ligne, l’équerre et le compas : son devoir principal est d’en faire constamment un emploi judicieux. […] Nous ne saurions donc recommander trop scrupuleusement aux jeunes gens qui se destinent à la carrière du barreau, de se mettre de bonne heure en garde contre un défaut que rien ne rachète auprès d’un auditeur fatigué par un torrent de paroles inutiles, qui ne lui apprennent rien, qui lassent sa patience, lui font perdre de vue l’objet intéressant de la cause, et détruisent nécessairement tout l’effet que l’on se proposerait de produire.
Il semble qu’il a perdu de vue le point d’où il est parti, et le but où il doit arriver. […] Le poète paraît avoir perdu de vue son objet ; et c’est alors qu’il l’a parfaitement rempli. […] On le croit entièrement hors de son sujet, qu’il n’a point perdu de vue un seul instant. […] Dans le récit, le poète présente l’objet : dans l’air, il exprime le sentiment ou la réflexion qu’a dû faire naître la vue de cet objet. […] Dans l’ode héroïque, il échauffe, élève notre âme, et la remplit des transports d’admiration dont il est lui-même saisi à la vue des grands hommes qu’il loue.
Ses idées, comme ses œuvres, ont contracté la souillure de ses vues. […] A la vue d’un larcin si nouveau, tous les voleurs éclatèrent en ris immodérés. […] Martyr de sa justesse, il était offensé d’une saillie, comme une vue délicate est offensée par une lumière trop vive. […] La vue de cette aimable personne, exposée à un si terrible danger, nous remplit de douleur et de désespoir. […] Il s’approcha de Virginie avec respect : nous le vîmes se jeter à ses genoux ; mais elle, le repoussant avec dignité, détourna de lui sa vue.
Nous pouvons donc regarder cette partie comme déjà vue, avec plus de détails même qu’on n’en peut donner dans les cours de rhétorique ordinaires, et nous passons à l’invention. […] Il n’est pas rare que le dissertateur, le romancier, le poète, dans la vue d’instruire, de plaire ou de toucher, donnent des définitions étendues et ornées, qu’ils entrent dans des détails, fassent des comparaisons, mettent sous les yeux des exemples, opposent plusieurs tableaux entre eux, rapportent toutes les circonstances d’un événement, et, de même, s’appuient sur les témoignages, la renommée, la loi, etc. […] Regardez le monde tel que vous l’avez vu dans vos premières années, et tel que vous le voyez aujourd’hui : une nouvelle cour a succédé à celle que nos premiers ans ont vue ; de nouveaux personnages sont montés sur la scène ; les grands rôles sont remplis par de nouveaux acteurs ; ce sont de nouveaux événements, de nouvelles intrigues, de nouvelles passions, de nouveaux héros dans la vertu comme dans le vice, qui font le sujet des louanges, des dérisions, des censures publiques. […] L’épouse de Jésus-Christ ne s’était jamais vue couverte de plus de taches et de rides que dans ces temps de ténèbres et de dissolutions, où la Providence avait marqué dans ses conseils éternels la naissance de ce grand homme : la foi éteinte parmi les fidèles, le culte défiguré et inondé de superstitions, les clercs et les princes des prêtres plongés dans l’ignorance et dans le vice, la vigueur de la discipline monastique affaiblie, et les élus eux-mêmes, si j’ose le dire, sur le point de céder au torrent, et de se laisser entraîner par l’erreur commune. […] Son intention, très louable, était de former par cette fondation des orateurs chrétiens, et l’Académie a dû se conformer autant qu’il a été possible à des vues si religieuses.
La clarté consiste dans la vue nette et distincte de l’objet qu’on se représente. […] Si vous prenez trop d’essor, on vous perd de vue ; si vous rasez la terre, vous êtes plat et rampant. […] Elle aime le mystère ; et une pensée qui n’a rien de mystérieux, c’est-à-dire qui se montre tout entière à la première vue, n’est pas fine, quelque spirituelle qu’elle soit d’ailleurs. […] La vue étant par excellence le sens de l’imagination, est celui de tous les sens qui enrichit le plus le langage poétique. […] L’habitant d’un climat pluvieux compare la vue de ce qu’il aime à la vue d’un ciel sans nuages ; l’habitant d’un climat brûlant la compare à la rosée.
L’aspect d’un jeune arbre flatte la vue ; mais Qu’un chêne, un vieil érable, Patriarche des bois, lève un front vénérable, (Delille). […] Que l’art ajoute à cette belle scène quelques ornements analogues au ton général du tableau, comme un pont jeté sur la rivière, la fumée qui s’élève du hameau, à travers les arbres, et la vue, dans l’éloignement, de quelque grand édifice, qui réfléchisse majestueusement les rayons du soleil naissant, nous éprouverons tout ce qu’ont de plus doux et de plus aimable les sensations qui caractérisent le beau.
Je dis plus : c’est que cet état2, si l’on est enfin assez heureux pour s’y ingérer, bien loin de mettre des bornes à l’ambition et d’en éteindre le feu, ne sert au contraire qu’à la piquer davantage et qu’à l’allumer ; que d’un degré on tend bientôt à un autre, tellement qu’il n’y a rien où l’on ne se porte, ni rien où l’on se fixe ; rien que l’on ne veuille avoir, ni rien dont on jouisse ; que ce n’est qu’une perpétuelle succession de vues, de désirs, d’entreprises, et, par une suite nécessaire, qu’un perpétuel tourment. […] Ce qui fit un héros du prince de Condé J’appelle le principe de ces grands exploits cette ardeur martiale qui ; sans témérité ni emportement, lui faisait tout oser et tout entreprendre ; ce feu qui, dans l’exécution, lui rendait tout possible et tout facile ; cette fermeté d’âme que jamais nul obstacle n’arrêta, que jamais nul péril n’épouvanta, que jamais nulle résistance ne lassa, ni ne rebuta ; cette vigilance que rien ne surprenait ; cette prévoyance à laquelle rien n’échappait ; cette étendue de pénétration avec laquelle, dans les plus hasardeuses occasions, il envisageait d’abord tout ce qui pouvoit ou troubler, ou favoriser l’événement des choses : semblable à un aigle dont la vue perçante fait en un moment la découverte de tout un vaste pays ; cette promptitude à prendre son parti, qu’on n’accusa jamais en lui de précipitation, et qui, sans avoir l’inconvénient de la lenteur des autres, en avait toute la maturité ; cette science qu’il pratiquait si bien, et qui le rendait si habile à profiter des conjonctures, à prévenir les desseins des ennemis presque avant qu’ils fussent conçus, et à ne pas perdre en vaines délibérations ces moments heureux qui décident du sort des armées ; cette activité que rien ne pouvait égaler, et qui, dans un jour de bataille, le partageant, pour ainsi dire, et le multipliant, faisait qu’il se trouvait partout, qu’il suppléait à tout, qu’il ralliait tout, qu’il maintenait tout : soldat et général tout à la fois, et, par sa présence, inspirant à tout le corps d’armée, jusqu’aux plus vils membres qui le composaient, son courage et sa valeur, ce sang-froid qu’il savait si bien conserver dans la chaleur du combat, cette tranquillité dont il n’était jamais plus sûr que quand on en venait aux mains, et dans l’horreur de la mêlée ; cette modération et cette douceur pour les siens, qui redoublaient à mesure que sa fierté pour l’ennemi était émue ; cet inflexible oubli de sa personne, qui n’écouta jamais la remontrance, et auquel constamment déterminé, il se fit toujours un devoir de prodiguer sa vie, et un jeu de braver la mort ; car tout cela est le vif portrait que chacun de vous se fait, au moment que je parle, du prince que nous avons perdu ; et voilà ce qui fait les héros1.
Examinons dans cette vue, 1°. […] Non, ou vous me croirez ; ou bien de ce malheur Ma mort m’épargnera la vue et la douleur. […] Nouveau Joasa, unique reste du sang de David, arraché aux débris de son auguste maison, ayant peine à se faire jour à travers les ruines sous lesquelles il parut enseveli : dans cet enfant se réunissent les mouvements de son cœur et les vues de son esprit, les tendresses d’un père et les projets d’un roi.
Le madrigal peut avoir le même nombre de vers que l’épigramme ; il consiste également dans une seule pensée, et n’en diffère que par le caractère de cette pensée que nous avons vue moqueuse ou piquante, et qui est délicate au contraire dans le madrigal spécialement consacré à des sujets tendres ou galants. […] Tout le monde connaît ce madrigal de Voltaire à la marquise de Pompadour qu’il avait vue dessiner une tête : Pompadour, ton crayon divin Devait dessiner ton visage : Jamais une plus belle main N’aurait fait un plus bel ouvrage ; et cet autre à la princesse Ulrique de Prusse, depuis reine de Suède : Souvent un peu de vérité Se mêle au plus grossier mensonge. […] Mlle de Scudéri étant allée de même que tant d’autres visiter cette prison, la vue de quelques pots d’œillets que le prince avait pris plaisir à cultiver, lui inspira ces vers charmants : En voyant ces œillets qu’un illustre guerrier Arrosa de ces mains qui gagnaient des batailles, Souviens-toi qu’Apollon bâtissait des murailles, Et ne t’étonne pas que Mars soit jardinier.
accueilleraient les plus ingénieux modernes, les La Rochefoucauld et les La Bruyère, lesquels se diraient en les écoutant : « Ils savaient tout ce que nous savons, et, en rajeunissant l’expérience, nous n’avons rien trouvé. » Sur la colline la plus en vue, et de la pente la plus accessible, Virgile entouré de Ménandre, de Tibulle, de Térence, de Fénelon, se livrerait avec eux à des entretiens d’un grand charme et d’un enchantement sacré : son doux visage serait éclairé de rayons et coloré de pudeur, comme ce jour où, entrant au théâtre de Rome dans le moment qu’on venait d’y réciter ses vers, il vit le peuple se lever tout entier devant lui par un mouvement unanime, et lui rendre les mêmes hommages qu’à Auguste lui-même. […] C’est le propre des plus grandes œuvres du génie en tout genre qu’à la première vue on est généralement désappointé. Les cartons de Raphaël à Hampton-Court, les fresques du même grand peintre dans les galeries du Vatican, les fameuses statues du Laocoon et de l’Apollon du Belvédère, et l’église de Saint-Pierre à Rome, le plus magnifique édifice qui soit peut-être au monde, produisent également cet effet le plus ordinaire de désappointer le spectateur à première vue.