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2. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre II. Les Oraisons ou discours prononcés. »

L’objet de l’orateur est de persuader ; et, pour en venir à bout, il doit plaire, instruire et toucher. […] Quant aux moyens d’exciter les passions, le premier et le plus sûr est d’en être soi-même vivement touché. […] L’orateur peut, dans la confirmation, s’attacher à plaire et à toucher ; il doit même revêtir ses preuves des grâces de la diction. […] Ainsi, suivant saint Augustin, la prédication a trois fins : que la vérité soit connue, qu’elle soit écoutée avec plaisir, et qu’elle touche les cœurs. […] Il quitte sa solitude et devient le législateur des tribus ; il renouvelle la face de l’État, et les princes sont touchés de l’onction et de la grâce de ses paroles.

3. (1866) Cours élémentaire de rhétorique et d’éloquence (5e éd.)

Pour toucher un méchant homme, vous emploierez d’autres motifs que pour un homme vertueux. […] Nécessité de toucher ou onction du prédicateur. […] Comment peut-on se persuader qu’un sermon, débité de la sorte, touchera ceux qui l’entendent ? […] Croire qu’on va toucher, émouvoir un auditoire, quand on n’est nullement touché ni ému soi-même, c’est une illusion complète. […] Ne cherchez qu’une chose, si vous avez reçu le don de toucher les âmes : les ramener à Dieu.

4. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre I. Du Discours oratoire. »

L’objet qu’il se propose, est de persuader ; et pour en venir à bout, il doit, comme je l’ai déjà dit ailleurs, instruire, plaire et toucher, quoiqu’il arrive quelquefois qu’un seul de ces moyens suffit. […] Or, pour instruire, il faut qu’il fasse usage des preuves : pour plaire, il faut qu’il peigne les mœurs : pour toucher, il faut qu’il excite les passions. […] La possession des richesses les touche peu, parce qu’ils n’ont jamais senti l’indigence. […] Il n’est pas possible, dit Cicéron34, que celui qui écoute, se porte à la douleur, à la haine, à l’envie, à la crainte, aux pleurs, à la pitié, si l’orateur ne se montre touché des sentiments qu’il veut inspirer aux autres. […] L’orateur peut dans la confirmation s’attacher à plaire et à toucher.

5. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Balzac. (1594-1655.) » pp. 2-6

Il leur a montré que de cent cinquante et tant d’opinions1 qui visaient au souverain bien, il n’y en avait pas une qui eût touché au but : vous pouvez voir et compter ces opinions dans les livres de la Cité de Dieu de saint Augustin2. […] Car comment eussent-ils pu trouver la vérité qu’ils cherchaient, puisqu’elle n’était pas encore née : il fallait que la vérité se fit chair3, afin de se rendre sensible et de devenir familière aux hommes, afin de se faire voir et toucher. […] Elle est au moins plus délicate que forte, et, ayant sa puissance bornée, ou elle ne porte pas plus loin que les sens, ou, pour le plus, elle ne touche que légèrement le dehors de l’âme.

6. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre V. Analyse de l’éloge de Marc-Aurèle, par Thomas. »

. — Alors il approcha, il toucha la tombe, et dit : J’apporte à la cendre de Marc-Aurèle les hommages de l’Italie ». […] Carthage a remercié une fois les dieux d’être romaine. — Il approcha, toucha la tombe, et dit : J’apporte à la cendre de Marc-Aurèle les hommages de l’Afrique ». […] Je ne touchais ses mains défaillantes qu’avec respect ; et le lit funèbre où il attendait la mort, me semblait une espèce de sanctuaire. […] Je touche au terme de ma vie ; bientôt j’irai rejoindre ton père.

7. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Lacordaire, 1802-1861 » pp. 542-557

Heureusement la Providence de la parole le couvre de ses fécondes ailes ; elle se penche incessamment vers lui, le regarde, le touche, et par ses frémissements essaye d’éveiller cette âme endormie. […] Qui l’introduira bien ou mal dans la science de l’homme, dans cette science dont les éléments sont le passé, le présent, l’avenir, la terre et le ciel, qui touche à la fois au néant et à l’infini ? […] La curiosité seule tiendra la haine immobile, et l’audace même touchera ceux qui ne voudraient pas être touchés ; la France a un instinct de l’honneur qui la charme partout où elle en trouve l’ombre. […] Il exige, il suppose, avec des dons extérieurs qui plaisent ou qui touchent, le sang-froid, le tact, la présence d’esprit, la fermeté, le courage, la promptitude de la décision, la connaissance des hommes, l’art de les deviner et de les conduire ; comment ne serait-il pas une grande qualité politique, un moyen pratique de gouvernement ?

8. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Deuxième partie. Rhétorique. — Chapitre II. — Division de la rhétorique : Invention, Disposition, Élocution »

Lorsque l’écrivain ou l’orateur veulent communiquer le fruit de leurs pensées, soit par écrit, soit de vive voix, leur but principal est de persuader, c’est-à-dire de faire passer dans les âmes les sentiments dont ils sont animés ; et, pour réussir, ils doivent instruire, convaincre et toucher : c’est là ce que les anciens appelaient les trois devoirs de l’orateur. […] On doit, en second lieu, convaincre, ou démontrer la vérité du fait que l’on révèle ; et enfin on doit toucher ou émouvoir, en faisant partager à ses auditeurs les sentiments que l’on éprouve. […] Nécessité de les exciter pour être éloquent Nous avons dit précédemment que l’on instruit et que l’on intéresse par le récit des faits ; qu’on persuade par le raisonnement ; nous allons expliquer comment on peut émouvoir, toucher, entraîner, en s’adressant aux passions, c’est-à-dire en se montrant pathétique. […] « Quand une fois, dit Quintilien, l’auditeur commence à partager nos sentiments, quand nous faisons entrer dans son cœur la haine ou l’amitié, l’indignation ou la crainte alors il est subjugué, il fait de notre affaire la sienne propre, il n’examine plus ; le torrent l’entraîne et il se laisse aller… » La première et indispensable condition pour exercer de l’influence sur les cœurs, c’est d’abord d’être soi-même bien touché, avant de songer à toucher les autres. […] Et l’amour s’appelle piété, tendresse, respect, reconnaissance, admiration, suivant que l’objet aimé nous présente des malheurs qui nous touchent, des bienfaits qui nous attirent, des actions qui nous enchantent ou nous étonnent.

9. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Corneille 1606-1684 » pp. 310-338

Mais que sert3 de parler de ces trésors cachés A des esprits que Dieu n’a pas encor touchés ? […] Peux-tu voir tant d’amour sans en être touché ? […] cet hélas prouve qu’elle a touché juste. […] Ce Dieu touche. […] Ici, il nous touche ; on lui pardonne ses faiblesse.

10. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Molière, 1622-1673 » pp. 43-55

Il disait que rien ne lui donnait du déplaisir comme d’être accusé de regarder quelqu’un dans les portraits qu’il fait ; que son dessein est de peindre les mœurs sans vouloir toucher aux personnes, et que tous les personnages qu’il représente sont des personnages en l’air1 et des fantômes proprement, qu’il habille à sa fantaisie, pour réjouir les spectateurs ; qu’il serait bien fâché d’y avoir jamais marqué qui que ce soit ; et que, si quelque chose était capable de le dégoûter de faire des comédies, c’étaient les ressemblances qu’on y voulait toujours trouver, et dont ses ennemis tâchaient malicieusement d’appuyer la pensée pour lui rendre de mauvais offices auprès de certaines personnes à qui il n’a jamais pensé. […] sans sortir de la cour, n’a-t-il pas encore vingt caractères de gens où il n’a point touché ? […] Très-humble valet. — Va, va, marquis, Molière aura toujours plus de sujets3 qu’il n’en voudra ; et tout ce qu’il a touché jusqu’ici n’est rien que bagatelle au prix de ce qui reste4. » Voilà à peu près comme cela doit être joué. […] Pour moi, quand je vois une comédie, je regarde seulement si les choses me touchent ; et lorsque je m’y suis bien divertie, je ne vais point demander si j’ai eu tort et si les règles d’Aristote me défendaient de rire.

11. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Nisard. Né en 1806. » pp. 585-597

Elle est moins touchée des lois générales de l’esprit que des variétés de la vie individuelle. […] Étaient-ce des gens touchés allant du Dieu de l’éclectisme au Dieu de l’Évangile, ou des Athéniens courant d’une tribune à une autre tribune, du plaisir de la parole au plaisir de la parole ? […] Quels soins pour disposer dans l’ordre naturel tant de pensées qui se présentent isolément et avant leur tour, pour reconnaître les points par où elles se touchent, pour faire un tissu indestructible de tous ces fils dispersés ! […] Tout nous y plaît : la morale qui se confond avec notre propre expérience, en sorte que lire le fabuliste, c’est ruminer ; l’art, dont nous sommes touchés jusqu’à la fin de notre vie, comme d’une vérité supérieure et immortelle ; les mœurs et les caractères des animaux, auxquels nous prenons le même plaisir qu’étant enfants, soit ressouvenir des imperfections des hommes, soit effet de cette ressemblance justement remarquée entre les goûts de la vieillesse et ceux de l’enfance.

12. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Molière 1622-1672 » pp. 379-400

Depuis que dans sa tête il s’est mis d’être habile, Rien ne touche son goût, tant il est difficile ! […] Madame, l’amitié1 doit surtout éclater Aux choses qui le plus nous peuvent importer ; Et, comme il n’en est point de plus grande importance Que celles de l’honneur et de la bienséance2, Je viens, par un avis qui touche votre honneur, Témoigner l’amitié que pour vous a mon cœur. […] Madame, j’ai beaucoup de grâces à vous rendre ; Un tel avis m’oblige, et, loin de le mal prendre, J’en prétends reconnaître à l’instant la faveur, Par un avis aussi qui touche votre honneur ; Et, comme je vous vois vous montrer mon amie2 En m’apprenant les bruits que de moi l’on publie, Je veux suivre, à mon tour, un exemple si doux, En vous avertissant de ce qu’on dit de vous. […] La fresque Et toi, qui fus jadis la maîtresse du monde, Docte et fameuse école en raretés féconde, Où les arts déterrés ont, par un digne effort, Réparé les dégâts des barbares du Nord ; Source des beaux débris1 des siècles mêmorables, O Rome, qu’à tes soins nous sommes redevables De nous avoir rendu, façonné de ta main, Le grand homme, chez toi, devenu tout Romain2, Dont le pinceau célèbre avec magnificence De ses riches travaux vient parer notre France, Et dans un noble lustre y produire à nos yeux Cette belle peinture, inconnue en ces lieux, La fresque, dont la grâce, à l’autre3 préférée, Se conserve un éclat d’éternelle durée, Mais dont la promptitude et les brusques fiertés Veulent un grand génie à toucher ses beautés4 ! […] Bien touché !

13. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre IV. »

Cette division est à peu près celle des anciens rhéteurs, qui ramènent l’éloquence à ces trois points : plaire, toucher, instruire. […] Les passions en littérature, c’est l’emploi que l’on fait des sentiments de l’âme pour émouvoir et intéresser ; l’orateur s’en sert pour toucher ses auditeurs et entraîner leur conviction. […] Ce n’est pas tout de plaire et de toucher, il faut aussi Bavoir convaincre par les preuves : c’est le but du raisonnement.

14. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Première partie. De l’Art de bien écrire. — Section III. De l’Art d’écrire pathétiquement. — Observations générales sur l’Art d’écrire les Lettres » pp. 339-364

Votre bon cœur est pressé de reconnaissance et d’amitié pour moi ; je vous permets de le dire ; car je suis fort touchée de ces sentiments, et ce sont des vertus : mais il fallait le dire sans chercher des termes et des expressions plus propres à une déclamation qu’à une lettre. » L’autre excès est le trop de négligence. […] Montrez-vous touché d’avoir pu déplaire à celui à qui vous écrivez, et sincèrement disposé à réparer le passé. […] « C’est à vous que je m’adresse, mon cher Comte, pour vous écrire une des plus fâcheuses pertes qui pût arriver en France ; c’est celle de M. de Turenne, dont je suis assurée que vous serez aussi touché et aussi désolé que nous le sommes ici. […] Je voilerais même mes forces ; et je serais plus touché d’obtenir les suffrages, que de les contraindre.

15. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Première partie - Préceptes généraux ou De la composition littéraire. — Chapitre premier. De l’invention. »

Tout le travail de l’invention oratoire consiste à trouver les moyens de persuader, c’est-à-dire d’instruire, de plaire et de toucher. […] Il plaira en se conciliant les esprits ; il touchera en s’adressant aux cœurs : son devoir d’inventeur est donc 1° de découvrir ses preuves ; 2° de rechercher les moyens qui feront ressortir ce qu’on nomme les mœurs ; 3° de trouver le secret d’émouvoir les passions. […] Un jeune homme sera touché par d’autres considérations qu’un vieillard ; 3° le caractère des hommes. […] Plus rarement on devra employer les trois moyens à la fois : si je suis père de famille et dans une position gênée, si ma partie est puissante, si mes preuves sont faibles, si mes titres moraux ne suffisent pas, je tâcherai de toucher le cœur des juges par le spectacle de la pauvreté qui m’attend, de mes enfants réduits à la misère, je mettrai en regard l’opulence de mon adversaire, et si je parviens par mes larmes à attendrir mes auditeurs, le succès de ma cause n’est pas douteux.

16. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie —  Lamennais, 1782-1854 » pp. 455-468

Enfin, les bourreaux fatigués s’arrêtent1, la hache échappe de leurs mains : je ne sais quelle vertu céleste, émanée de la croix, commence à les toucher eux-mêmes ; à l’exemple des nations entières, subjuguées avant eux, ils tombent aux pieds du Christianisme, qui, en échange du repentir, leur promet l’immortalité, et déjà leur prodigue l’espérance. […] Un passereau qui meurt me touche davantage2 ; pauvre petite créature de Dieu, qui, après avoir aspiré, comme un globule de rosée sur la fleur, sa gouttelette de vie, s’en va et ne revient plus. […] Que de fois n’a-t-il pas dit : « Tout se prépare pour un changement de scène, et pour moi, je crois toucher à la catastrophe de ce drame terrible. » Lire une excellente étude de M. […] Ce travail si pénible, c’est le travail qui enfante le ciel : il est là ; il est tout près de nous ; levons les yeux, nous y touchons presque.

17. (1863) Principes de rhétorique et de littérature appliqués à l’étude du français

Ce sont de grandes familles qui se touchent par beaucoup de points, comme se touchent les espèces et les variétés dans les classifications des sciences naturelles. […] Elle n’a d’autre but que de toucher les passions quand et comme il lui plaît. […] Elle se réduit toute à prouver, à peindre ou à toucher. […] Ces trois genres se touchent par bien des points. […] L’art sert uniquement à diriger les dispositions et les émotions naturelles, il analyse les passions pour arriver à les toucher.

18. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre VI. Analyse du discours sur l’esprit philosophique, par le P. Guénard. »

Jetons hors de notre âme cette foule de petites idées, et voyons, s’il est possible, comme le vrai philosophe, par ces grandes vues qui embrassent les rapports éloignés, et décident à la fois une infinité de questions, en montrant l’endroit où mille objets viennent se toucher en secret par un côté, tandis que, par un autre, ils paraissent s’éloigner à l’infini, et ne pouvoir jamais se rapprocher. […] » Quel est ce philosophe téméraire qui ose toucher avec le compas d’Euclide la lyre délicate et sublime dé Pindare et d’Homère ? […] Je dirai donc aux philosophes : Ne vous agitez point contre ces mystères que la raison ne saurait percer ; attachez-vous à l’examen de.ces vérités qui se laissent approcher, qui se laissent en quelque sorte toucher et manier, et qui vous répondent de toutes les autres : ces vérités sont des faits éclatants et sensibles, dont la religion s’est comme enveloppée tout entière, afin de frapper également les esprits grossiers et subtils.

19. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Buffon, 1707-1788 » pp. 175-184

L’homme Tout marque dans l’homme, même à l’extérieur, sa supériorité sur tous les êtres vivants ; il se soutient droit et élevé, son attitude est celle du commandement, sa tête regarde le ciel1 et présente une face auguste2 sur laquelle est imprimé le caractère de sa dignité ; l’image de l’âme y est peinte par la physionomie ; l’excellence de sa nature perce à travers les organes matériels, et anime d’un feu divin3 les traits de son visage ; son port majestueux, sa démarche ferme et hardie, annoncent sa noblesse et son rang4 ; il ne touche à la terre que par ses extrémités les plus éloignées, il ne la voit que de loin5, et semble la dédaigner ; les bras ne lui sont pas donnés pour servir de piliers d’appui à la masse de son corps ; sa main ne doit pas fouler la terre, et perdre par des frottements réitérés la finesse du toucher dont elle est le principal organe ; le bras et la main sont faits pour servir à des usages plus nobles, pour exécuter les ordres de la volonté, pour saisir les choses éloignées, pour écarter les obstacles, pour prévenir les rencontres et le choc de ce qui pourrait nuire, pour embrasser et retenir ce qui peut plaire, pour le mettre à portée des autres sens. […] C’est surtout dans les yeux3 qu’elles se peignent et qu’on peut les reconnaître : l’œil appartient à l’âme plus qu’aucun autre organe ; il semble y toucher, et participer à tous ses mouvements ; il en exprime les passions les plus vives et les émotions les plus tumultueuses, comme les mouvements les plus doux et les sentiments les plus délicats ; il les rend dans toute leur force, dans toute leur pureté, tels qu’ils viennent de naître ; il les transmet par des traits rapides qui portent dans une autre âme le feu, l’action, l’image de celle dont ils partent : l’œil reçoit, et réfléchit en même temps la lumière de la pensée, et la chaleur du sentiment : c’est le sens de l’esprit, et la langue de l’intelligence4.

20. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Balzac, 1596-1655 » pp. 2-10

Elle est au moins plus délicate que forte ; et, ayant sa puissance bornée, et ses coups d’ordinaire mesurés, ou elle ne porte pas plus loin que les sens, ou, pour le plus4, elle ne touche que légèrement le dehors de l’âme. […] Leur impétuosité est une lâcheté qui menace ; elle ressemble à la colère des personnes faibles, qui les remue sans toucher les autres. […] Il y avait en lui beaucoup d’indifférence pour tout ce qui ne touchait pas directement sa personne.

21. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Fléchier, 1632-1710 » pp. 124-132

Chacun trouve en soi la source de sa douleur, et rouvre lui-même sa plaie ; et le cœur, pour être touché, n’a pas besoin que l’imagination soit émue. […] J’ai été sensiblement touché, Monsieur, de la mort de M. l’évêque de Meaux votre oncle. […] À un père sur la mort de sa fille J’apprends avec déplaisir, monsieur, mais en même temps avec beaucoup d’édification, la mort de mademoiselle votre fille cadette, et je ne sais si je dois vous consoler de l’avoir perdue ou vous féliciter de l’avoir rendue au ciel dans un état d’innocence et de pénitence dont j’ai été tout à fait touché.

22. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — Première partie. Règles générales du style. — Chapitre Ier. Des éléments du style. » pp. 22-78

Quels sont les défauts qui touchent à la finesse et à la délicatesse ? […] Sentir, c’est donc avoir le cœur touché, l’âme émue par quelque objet. […] Les sentiments intéressent le cœur ou la sensibilité d’où ils partent, et ont pour effet de toucher et de persuader. […] Un sentiment feint ne saurait toucher ; il a toujours quelque chose de froid. […] Le sentiment pathétique est celui qui émeut, touche, agite le cœur, et souvent dispose à répandre des larmes.

23. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Molière 1622-1673. » pp. 27-43

Elle me touche assez pour m’en charger moi-même ; et, sans autre détour, je vous dirai que l’honneur d’être votre gendre est une faveur glorieuse que je vous prie de m’accorder. […] Touchez là, monsieur, ma fille n’est pas pour vous2. […] La muse tragique et comique La tragédie, sans doute, est quelque chose de beau, quand elle est bien touchée ; mais la comédie a ses charmes ; et quand, pour la difficulté, vous mettriez un peu plus du côté de la comédie, peut-être que vous ne vous abuseriez pas ; car enfin je trouve qu’il est bien plus aisé de se guinder sur de grands sentiments, de braver en vers la fortune, accuser les destins, et dire des injures aux dieux, que d’entrer comme il faut dans le ridicule des hommes, et de rendre agréablement sur le théâtre les défauts de tout le monde. […] Molière dit ailleurs d’un faux bel esprit : Il est guindé sans cesse, et dans tous ses propos On voit qu’il se travaille à dire de bons mots, Depuis que dans la tête il s’est mis d’être habile, Rien ne touche son goût tant il est difficile.

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