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29. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XIII. du corps de l’ouvrage. — argumentation, confirmation, réfutation  » pp. 175-188

Pour cette dernière partie nous pourrions donc renvoyer aux traités ex professo sur la matière. […] Les règles sont subordonnées à la matière, aux circonstances, à l’occasion, à la nécessité. […] Elle se fonde, disent-ils : 1° sur les objets de la pensée : l’honnête, l’utile et leurs contraires sont la matière du genre délibératif ; le vrai, le juste et leurs contraires, celle du genre judiciaire ; le beau et le laid, celle du genre démonstratif ; 2° sur la situation de celui qui écoute : dans le délibératif, il écoute pour approuver ou rejeter l’avis proposé ou combattu ; dans le judiciaire, pour absoudre ou condamner l’individu accusé ou défendu ; dans le démonstratif, pour imiter ou fuir les exemples loués ou blâmés ; 3° sur les différents points de la durée : la délibération porte toujours sur l’avenir, le jugement sur le passé, l’éloge ou le blâme ordinairement sur le présent.

30. (1892) La composition française aux examens du baccalauréat de l’enseignement secondaire moderne, d’après les programmes de 1891, aux examens de l’enseignement secondaire des jeunes filles et aux concours d’admission aux écoles spéciales pp. -503

Quelle matière pour un vrai poète et quel talent ne faudrait-il pas à qui saurait s’y montrer égal ? […] La Fontaine n’épuise point sa matière, il se fie à l’intelligence de son lecteur, et il lui laisse beaucoup à deviner. […] Son siècle ne lui a fourni qu’une matière informe, une sorte de pierre brute ; il l’a taillée, façonnée, polie, et il en a fait un diamant rare par le fini du travail. […] J’ai senti ces défauts ; je n’ai pu les éviter, emporté toujours par la matière, et peu attentif à la manière de la rendre, sinon pour la bien expliquer. […] Elle ne s’appliquait guère qu’à peindre les crises terribles où se décident les destinées des peuples ; elle cherchait matière à de grands tableaux.

31. (1843) Nouvelle rhétorique, extraite des meilleurs auteurs anciens et modernes (7e éd.)

Voulez-vous entendre Cicéron parler comme Platon en cette matière ? […] Il peut donc commencer d’un air grand et majestueux, si sa matière le permet. […] On appelle ainsi l’exorde où l’on entre brusquement en matière. […] L’élocution sera-t-elle la même dans les matières de discussion, dans les sujets agréables, et dans les sujets élevés ou pathétiques ? […] 4º Le nom de la matière pour la chose qui en est faite.

32. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre II. Les Oraisons ou discours prononcés. »

La rhétorique indique, comme les sources où l’orateur peut puiser ses preuves, certains chefs généraux appelés lieux ou lieux communs, parce qu’ils appartiennent ou peuvent servir à tous les genres d’oraison, à toutes les matières qui sont du ressort de l’éloquence. […] Nous ne nous étendrons pas sur cette matière : la pratique, beaucoup plus et mieux que tous les conseils, montre le parti que l’on en peut tirer. […] L’exorde tempéré ou ordinaire n’est qu’une manière élégante et polie d’entrer en matière ; il n’y a rien de particulier à y remarquer. […] Et ne croyez pas que ce fût sur des matières que Dieu semble avoir livrées à la dispute des hommes, c’était sur la nature de Dieu même, sur son existence, sur l’immortalité de l’âme, sur la véritable félicité. […] Au premier rang est l’éloquence politique, dans laquelle les hommes chargés de quelques parties du gouvernement sont obligés de parler sur ces matières, soit avec leurs concitoyens, soit avec des étrangers.

33. (1863) Principes de rhétorique et de littérature appliqués à l’étude du français

La passion est le sang, ou mieux encore le souffle qui fait circuler la vie dans cette matière inanimée. […] Dans les limites de ce petit ouvrage, nous ne pouvons pas même toucher une matière si riche ; mais l’étude des passions appelle quelques règles de goût qui appartiennent à l’Invention oratoire. […] Rollin, excellent juge en matière d’éducation comme de littérature, marque aux élèves le style dont il convient de se servir en faisant un rapport. […] Sauf certaines matières de théologie, de métaphysique, de science pure, où les profanes ne pénètrent pas, la vérité doit être claire pour tous. […] — A côté des Précieuses et de l’Académie, une école sévère portait, dans les matières les plus sérieuses et les plus hautes, la pénétration, la solidité et la force.

34. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre VII. Fontenelle. »

Fontenelle, au contraire, qui avait à parcourir le vaste domaine des sciences, crut faire disparaître l’aridité de la matière, en y semant les agréments prétendus d’un style qui semble se jouer de son sujet. […] Ce sont à la vérité des taches, et des taches beaucoup trop nombreuses dans ses éloges académiques ; mais il était aisé de les faire disparaître ; et quand il veut s’interdire ces écarts d’imagination, personne ne l’égale dans l’art de rendre non seulement intelligibles, mais agréables, des matières regardées jusqu’alors comme inabordables aux esprits ordinaires.

35. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre V. De l’Éloquence politique chez les Français. »

C’est que les matières devinrent bientôt si intéressantes, les événements se pressèrent tellement, tous les intérêts, toutes les passions froissées se heurtèrent avec une telle impétuosité, qu’il devait résulter de grandes choses et de grandes fautes, de grandes vérités et de tristes erreurs, d’un choc d’autant plus violent, qu’il avait été plus longtemps comprimé. […] On la vit s’élever tout à coup à une hauteur de pensées, et à une magnificence de diction proportionnées aux objets qu’elle traitait ; la langue française acquit, dans la bouche des Mirabeau, des Maury, des Lally-Tolendal, etc., une force d’expression, un caractère d’énergie oratoire, dont elle n’offrait pas encore de modèle, et dont nous multiplierions volontiers les exemples, si ces matières, complètement étrangères, d’ailleurs, aux études des jeunes gens, n’avaient de plus l’inconvénient de rappeler des souvenirs auxquels il est difficile de toucher, sans réveiller des passions.

36. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XVIII. des qualites essentielles du style. — harmonie  » pp. 240-256

Ceux qui ont un peu étudié la matière doivent, s’ils sont de bonne foi, reconnaître notre incompétence absolue à apprécier la vertu de l’harmonie grecque. […] Ronsard, du Bartas et bien d’autres poëtes du xvie  siècle en sont pleins ; et au xviiie , le chevalier de Piis, écrivain assez médiocre, a publié un poëme sur la matière, où elles sont tellement prodiguées que dans le chant troisième, par exemple, il n’y a guère de vers qui n’en soit une. […] La matière y est traitée à fond et ingénieusement.

37. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Brizeux, 1803-1858 » pp. 557-563

travaillez tous dans votre domaine La matière divine, et la matière humaine !

38. (1873) Principes de rhétorique française

Le genre démonstratif a peur matière le beau et son contraire, l’auditeur s’instruit pour approuver ou blâmer dans le présent ; le genre délibératif a pour matière le bon ou l’utile, l’auditeur examine ou délibère pour l’avenir ; enfin le genre judiciaire a pour matière le juste et l’injuste, l’auditeur décide et juge le passé. […] C’est seulement après cette préparation générale qu’on sera en état d’aborder l’analyse de la matière même sur laquelle on veut écrire.    . […] Après les arguments vient la passion, qui circule comme le souffle et anime la matière. […] Les faits sont des matières précises et fixés d’argumentation en dehors desquelles l’esprit s’égare et se perd dans des discussions stériles ou dans des querelles de mots. […] 2° La comparaison, qui peut à elle seule fournir la matière d’un développement poétique ou oratoire.

39. (1813) Principes généraux des belles-lettres. Tome III (3e éd.) « Lettre. A un ancien Elève de l’Ecole Militaire de Paris. » pp. 375-399

Style pur, naturel et rapide, netteté et liaison des idées, instructions solides et appuyées sur des principes aussi sages que vrais, tout se trouve réuni dans cet excellent ouvrage, qui ne laisse sur cette matière rien d’important à desirer. […] La matière qu’il traite est sublime ; et l’expression l’est toujours. […] Cet ouvrage précieux, en nous rappelant les instructions que nous avons reçues dès nos plus tendres années, nous servira de guide dans toutes les matières de foi.

40. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Première partie - Préceptes généraux ou De la composition littéraire. — Chapitre premier. De l’invention. »

Qu’on médite attentivement son sujet, qu’on se pénètre profondément de sa matière, qu’on l’envisage sous toutes ses faces, qu’on en étudie tous les détails, et l’on trouvera assez de preuves intrinsèques ; qu’on enrichisse son esprit des connaissances nécessaires à la matière que l’on traite, qu’on lise avec attention les auteurs qui ont écrit sur le même sujet, et les preuves extrinsèques se présenteront en foule. […] Il faut d’abord feindre d’entrer dans leurs dispositions, sembler condamner ce qu’ils condamnent eux-mêmes, les ramener peu à peu et ne faire usage de ses moyens que lorsque les préventions seront tombées ; 2° lorsque la matière que l’on traite peut faire une impression désagréable, il faut éviter de se servir de mots trop découverts et qui rappelleraient des idées contraires au but du discours ; 3° lorsque l’on a des reproches à faire, il faut en tempérer la vivacité par un ton affectueux, atténuer les fautes et en rejeter l’odieux soit sur un petit nombre de coupables soit sur la fatalité des circonstances, etc.

41. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VII. des passions  » pp. 89-97

Comparez ces compositions l’une à l’autre, c’est un exercice que je recommande d’ailleurs aux jeunes gens, vous remarquerez que cette matière, purement didactique pour les deux premiers, est animée par l’attendrissement dans M. de Fontanes, par l’enthousiasme dans Voltaire, par l’indignation contre l’opinion contraire dans Boileau, et plus vivement encore dans Corneille. […] D’abord toute matière oratoire ne comporte pas la passion.

42. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — Molière, (1622-1673.) » pp. 205-211

Tu te tais, et prétends que ce sont des matières Dont tu dois nous cacher les savantes lumières, Et que ces beaux secrets, à tes travaux vendus, Te coûtent un peu trop pour être répandus; Mais ton pinceau s’explique et trahit ton silence : Malgré toi, de ton art il nous fait confidence ; Et dans ses beaux efforts, à nos yeux étalés, Les mystères profonds nous en sont révélés. […] Je te laisse à penser si, sur cette matière, Il voudrait me tromper, lui qui me considère.

43. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre III. Discours académiques de Racine, de Voltaire et de Buffon. »

Les discours de réception se renfermèrent longtemps dans un cadre aussi monotone qu’étroit : l’éloge du roi, l’éloge de l’académicien auquel on succédait, l’éloge du cardinal fondateur de l’académie ; telle était la matière, dont Racine lui-même ne put vaincre l’aridité ; et ce même homme, qui se montra si éloquent quelque temps après dans l’éloge du grand Corneille, fut sec, froid et stérile pour son propre compte, et balbutia à peine son discours de réception. […] Après un court éloge du président Bouhier, et une revue rapide de ses titres littéraires, Voltaire entre en matière : « Pourquoi, dit-il, Homère, Théocrite, Lucrèce, Virgile, Horace, sont-ils heureusement traduits chez les Italiens et chez les Anglais105 ?

44. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « PRÉFACE. » pp. -12

En certaines matières, si l’on ne veut pas s’égarer, l’innovation ne doit consister que dans une disposition différente, et dans les additions que réclament les besoins de l’époque. […] Mais si les matières qu’il traite ne sont pas nouvelles, la disposition en est nouvelle.

45. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Courier, 1773-1825 » pp. 447-454

Peu de matière et beaucoup d’art : voilà le secret de son talent. […] Pour vous écrire, depuis six mois que je roule ce projet dans ma tête, je n’ai pas faute de matière, mais de temps et de repos ; car nous triomphons en courant, et ne nous sommes encore arrêtés qu’ici, où terre nous a manqué.

46. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre IV. »

Il ne faut emprunter à ces deux derniers moyens que ce qui est absolument nécessaire au sujet, sinon la matière deviendra interminable, elle manquera d’intérêt et de précision. […] Pour compléter cette matière, nous ajouterons un mot sur les sophismes.

47. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Notions préliminaires » pp. 2-15

Le goût en matière littéraire, que Quintilien et les Latins appelaient discernement, jugement, judicium, est un sentiment exquis du bon et du beau, un discernement vif et délicat, net et précis des beautés et des défauts que renferme un ouvrage d’esprit. […] Ces observations judicieuses, recueillies et mises au jour, formèrent bientôt de nouveaux orateurs, de nouveaux poètes, de nouveaux écrivains qui, joignant les talents naturels à l’étude de ces observations, réussirent mieux que leurs prédécesseurs, et fournirent eux-mêmes une matière abondante à de nouvelles réflexions.

48. (1839) Manuel pratique de rhétorique

Cette concession est adroite ; car il fallait bien se garder de heurter de front un prince irrité, ni de contester un fait d’une telle évidence : il était donc difficile d’entrer en matière d’une manière plus convenable à la circonstance. […] Si le talent naturel ne suffit pas seul, sans lui aussi l’art est inutile ; c’est la nature qui fournit le fonds, la matière ; l’art la façonne, lui donne la forme, et de la réunion des deux se compose la parfaite éloquence. […] — Quels sont les principaux genres de matières que peut avoir à traiter l’orateur ? […] Ici la matière échappe aux règles ; on n’enseigne pas les bienséances, c’est le bon usage qui les apprend ; mais le principe en est toujours dans un cœur droit et vertueux ; l’homme de bien se respecte toujours et respecte toujours les autres. […] Le mot indique que ce qui est la matière de la péroraison doit être recueilli dans le reste du discours.

49. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Fénelon, 1651-1715 » pp. 178-204

Il remonte d’abord au premier principe sur la matière qu’il veut débrouiller. […] Tout auteur qui ne donne point cet ordre à son discours ne possède pas assez sa matière : il n’a qu’un goût imparfait, et qu’un demi-génie. […] Il y a longtemps, Madame1, que j’ai envie de réveiller votre souvenir et d’avoir l’honneur de vous écrire ; mais vous savez que la vie se passe en bons désirs sans effets, sur des matières encore plus importantes que les devoirs de la société. […] L’ordre est à l’arrangement ce que l’âme est au corps, ce que l’esprit est à la matière.

50. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VIII. de la disposition. — unité, enchainement des idées  » pp. 98-117

De là vient que, malgré l’immensité si variée de la matière, le Discours sur l’histoire universelle semble avoir été fondu d’un seul jet, tant toutes les parties sont étroitement liées. […] On croirait presque que ce morceau a été fait à plusieurs reprises ; le poëte aurait d’abord écrit le commencement à part, mais n’ayant pas trouvé matière à toute une ode dans cette sentence pourtant si féconde, le génie ne s’acquiert qu’à force de travail, il l’aurait ensuite renouée à l’éloge de son protecteur. […] Ces transports déréglés, vagabonde manie, Sont l’accès de la fièvre, et non pas du génie ; D’Ormuzd et d’Ariman ce sont les noirs combats, Où partout confondus, la vie et le trépas, Les ténébres, le jour, la forme et la matière Luttent sans être unis ; mais l’esprit de lumière Fait naitre en ce chaos la concorde et le jour, D’éléments divisés il reconnait l’amour, Les rappelle, et partout, en d’heureux intervalles, Sépare et met en paix les semences rivales. » On ne pouvait exprimer dans un langage plus poétique les avantages de la disposition.

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