Les syllabes longues se prononçent lentement ; elles se marquent ainsi : pāstōrēs. […] La réunion de plusieurs syllabes brèves et longues forme ce qu’on appelle un pied. […] 2° L'iambe, formé d’une brève et d’une longue, dĭēs. 3° Le trochée, formé d’une longue et d’une brève, Rōmă. […] 2° L'anapeste, formé de deux brèves et d’une longue, pĭĕtās.
A est long : 3° dans quelques noms propres en aius Cāius, Grāius, et d’autres tirés du grec, où cette voyelle est longue, comme Nāis, Lāocoon, āonia, Menelāüs. […] E est long : 2° dans quelques noms propres qui ont en grec la diphthongue ει, ou la longue η : Pompēius, Ænēas (en grec : Poµπήιος, Aίvειας). […] Les diphthongues sont longues de leur nature : cǣlum, aūrum, pǣna, rosǣ, etc. […] A moins toutefois que la voyelle ne soit longue de sa nature. Ainsi, māter fait mātris ; frāter, frātris ; salūber, salūbris, etc. ; parce que, dans ces mots, a est naturellement long.
Des voyelles longues et des voyelles brèves. […] è est long dans tempête, et il est bref dans trompette. i est long dans gîte, et bref dans petite. o est long dans apôtre, et bref dans dévote. u est long dans flûte, et bref dans butte.
L’emploi des autres vers est rare : on les trouve surtout mêlés aux vers de mesure plus longue. […] Il suit de là que chaque mot a une syllabe accentuée ou longue, et que toutes les autres sont brèves. […] D’après ce principe, le vers français a donc véritablement des longues et des brèves, c’est-à-dire des syllabes accentuées et d’autres qui ne le sont pas. […] Un vers chargé de syllabes fortes et accentuées est en réalité beaucoup plus long que celui qui en a moins, fussent-ils composés du même nombre de syllabes. […] Il est composé de quatre longues et de huit brèves ; le premier est donc réellement d’un tiers plus long que le second.
Il faut voir d’abord si, dans la matière donnée pour faire le vers, il n’y a pas un mot de trois syllabes dont la première soit brève et la deuxième longue, comme prŏcēllă, hŏnōrēs, fĕrēbānt, etc. ; ou bien un monosyllabe bref, comme ăd, ĭn, sĕd, ăb, suivi d’un disyllabe dont la première soit longue, comme ăb āurīs, pĕr ōrbĕm, ĭn āurās, etc. […] Ce pied et demi pourra être formé de trois syllabes longues, comme sūblīmēs, mōx qu[ATTcaractere]rūnt ; ou de deux longues et de deux brèves, comme mītīssĭmă, nōn sūstĭnĕt ; ou bien encore de deux brèves et de deux longues, comme rŭtĭlāntēs, sēd ĭn āurās. […] Si c’est une consonne, il faut avoir bien soin que le mot suivant commence par une voyelle ou une diphthongue ; autrement la dernière syllabe de ce dactyle deviendrait longue par position. Ainsi, après le verbe cōndĕrĕt, si l’on mettait muros au lieu de urbem, la dernière syllabe, ret, deviendrait longue, et il n’y aurait plus de dactyle. […] Le second hémistiche, au contraire, se compose nécessairement de deux dactyles, plus une césure (qui peut être brève ou longue) ; ce qui oblige, pour plus de facilité, de commencer le vers par le second hémistiche.
Ils ont ordinairement une césure après le troisième pied, et cette césure peut être brève ou longue, puisque le troisième pied peut être un iambe. […] Le premier pied est un iambe ou un spondée, le second un iambe suivi de la césure qui est ordinairement longue ; le troisième et le quatrième sont dactyles. […] 2° Le saphique, composé de cinq pieds : un trochée, un spondée, un dactyle et deux trochées ; ou, si l’on veut, trois trochées et deux iambes suivis d’une syllabe brève ou longue. […] 3° Le grand alcaïque, comprenant six pieds, plus une césure longue au milieu. […] Comme une syllabe longue équivaut à deux brèves, les poëtes moins anciens ont employé quelquefois le tribraque (trois brèves) au lieu de l’iambe, excepté au dernier pied°; et, comme un dactyle ou un anapeste équivalent à deux longues, ils ont aussi fait usage de ces pieds au lieu du spondée.
Enfin, à quarante ans, après une maladie noire causée par ses longues épreuves, il publie les Études de la nature (1784), œuvre originale dont le succès le tire de l’indigence et le rend le favori de l’opinion. […] Mais la mer était sillonnée par cinq ou six vagues longues et élevées semblables à des chaînes de collines, espacées entre elles par de larges et profondes vallées. […] Quelquefois un vieux chêne élève au milieu d’eux ses longs bras dépouillés de feuilles et immobiles. […] De longs tourbillons de poussière s’élevaient sur les chemins et restaient suspendus en l’air. […] Les sommets des montagnes les rassemblaient autour d’eux, et de longs sillons de feu sortaient de temps en temps de leurs pitons embrumés.
Nous ne croyons pas, par exemple, que quand Fléchier nous représente Turenne étendu sur ses propres trophées ; quand il nous peint ce corps pâle et sanglant, auprès duquel fume encore la foudre qui l’a frappé , il se soit arrêté à dessein à ce choix de syllabes longues et tristement sonores, pour terminer tout à coup par ces quatre brèves : quĭ l’ă frâppĕ. Nous croyons bien moins encore que le grave, l’austère Bossuet, soit descendu de la sublimité de son génie à cette puérile recherche de longues et de brèves, et qu’il s’y soit asservi dans le magnifique tableau qui termine l’oraison funèbre du Grand Condé. […] Ce dont nous sommes fortement persuadés, c’est que Bossuet, Fléchier, et tous les grands écrivains avaient de leur langue une connaissance approfondie et raisonnée ; c’est qu’ils n’écrivaient que dans l’inspiration du génie, et que les morceaux qu’on admire le plus, sont ceux quelquefois qui ont dû leur coûter le moins, et qui ne supposent nullement le calcul minutieux des brèves et des longues. […] Mais Buffon eût été bien étonné, si un rhéteur moderne lui eût appris que tout le secret de son style enchanteur consistait dans le mélange des longues et des brèves. […] Un effort de douleur rompant enfin ce long et morne silence, d’une voix entrecoupée de sanglots, que formaient dans leurs cœurs la tristesse, la piété, la crainte, ils s’écrièrent : Comment est mort cet homme puissant, qui sauvait le peuple d’Israël !
En même temps, elles ont un rhythme et une prosodie, c’est-à-dire des sons graves ou aigus, longs ou brefs, déterminés par des règles fixes et un usage constant. […] Sa prosodie, plus flottante, n’est pourtant pas absolument nulle, et quelque fondées que soient les objections opposées à l’abbé d’Olivet, son Traité des longues et des brèves renferme bien des remarques d’une vérité et d’une justesse incontestables. […] Denys d’Halicarnasse, qui s’en est spécialement occupé, distingue dans l’harmonie oratoire, comme dans la musique, la mélodie, le nombre, la variété, la convenance ; il calcule la portée de la voix, les intervalles, les chutes, la mesure composée d’un certain nombre de pieds, formés eux-mêmes d’un certain nombre de syllabes longues ou brèves, et présentant chacun leur caractère spécial, si bien que tout l’effet est manqué, même en prose, si vous mettez un dactyle au lieu d’un spondée, et un trochée au lieu d’un ïambe, etc. […] Assurément les deux rhéteurs latins ne négligent pas l’harmonie ; l’un, dans le Traité de l’orateur, l’autre, au livre IX des Institutions, dissertent longuement aussi sur la valeur des pieds, dans la poésie comme dans la prose, sur l’arrangement des syllabes, sur le pouvoir d’une longue ou d’une brève mise en sa place, sur le charme des ïambes, des pæons, des crétiques, habilement distribués. […] Noveram quosdam qui se pulchre expressisse genus illud cælestis hujus in dicendo viri sibi viderentur, si in clausula posuissent esse videatur. — Oiseux et languissants, s’ils ont embarrassé une pensée dans une longue périphrase, ils assurent que Cicéron n’aurait pas mieux dit.
Souvent le lecteur trouve long et par conséquent fastidieux ce qui dans le fait n’est que disproportionné37. […] L’âme, comme le corps, ne supporte ni une longue inertie, ni une longue tension de force ; l’une et l’autre en usent les ressorts ; qu’au repos succède le mouvement, ou encore à un mouvement énergique un mouvement plus doux, pourvu toutefois que tous deux appartiennent au même ordre d’idées et se développent sur le même terrain. […] L’abbé Maury, dans son Essai sur l’éloquence de la chaire, fait assez bien ressortir la diversité d’action produite sur notre âme, d’un côté par un trait brusque et inattendu qui la surprend et la frappe, et de l’autre, par un coup non moins décisif, mais préparé de longue main, qui lui laisse une profonde et durable impression. […] « Une longue uniformité, dit Montesquieu, rend tout insupportable : le même ordre de périodes longtemps continué accable dans une harangue, les mêmes nombres et les mêmes chutes mettent de l’ennui dans un long poème.
Observez-vous vous-mêmes et jetez un regard sur votre passé si court encore et qui vous paraît déjà si long. […] Les peuplades encore sauvages ne respirent que la joie enivrante des combats et des longs banquets. Il leur faut des hymnes comme les sagas des Danois, où ruissellent à longs flots le sang, la bière et l’hydromel. […] C’est l’ère des longs récits, des grandes épopées, des Achille et des Roland. […] Une longue paix donne aux hommes le temps de s’étudier et de se connaître : alors naît le théâtre, miroir de la vie humaine.
Il est évidemment le fruit d’un consciencieux travail, d’une sérieuse application, d’une expérience longue et consommée. […] La disposition par interrogations et par réponses convient parfaitement à des leçons dont l’élève doit rendre compte, en classe, sur la demande du maître, et trahit, de la part de l’auteur, une longue expérience de l’enseignement. […] J’aurais été heureux de l’avoir entre les mains pendant les longues années que j’ai passées dans renseignement. […] L’auteur y donne le résumé de ses doctes leçons et le fruit de sa longue expérience dans la carrière de l’enseignement. […] Monsieur le Vicaire général, Les travaux incessants de mon ministère ne me permettant pas de lire avec assez de suite le Cours de littérature auquel vous avez consacré vos talents et vos longues études, j’ai fait examiner avec soin cet important ouvrage par MM. les Directeurs du Petit-Séminaire de Langres, et le jugement si favorable qu’ils en ont porté est venu confirmer mes appréciations personnelles.
Mais cette carrière, qui convenait si peu à Bernardin de Saint-Pierre, devait lui offrir de longues et cruelles déceptions. […] L’astre du jour, qui paraît à peine à travers leurs voiles pluvieux et multipliés, laisse échapper de longs rayons d’une lumière blafarde. […] Le chêne, au tronc roide, ne courbe que ses branches, l’élastique sapin balance sa haute pyramide, le peuplier robuste agite son feuillage mobile, et le bouleau laisse flotter le sien dans les airs comme une longue chevelure. […] Quelquefois un vieux chêne élève au milieu d’eux ses longs bras dépouillés de feuilles et immobiles : comme un vieillard, il ne prend plus de part aux agitations qui l’environnent ; il a vécu dans un autre siècle.
Rejetant de son front ses longs cheveux, Psyché Écarte l’herbe haute et les fleurs autour d’elle, Respire, sent la vie, et voit la terre belle, Et blanche, se dressant dans sa robe aux longs plis, Hors du gazon touffu monte comme un grand lis4 (Psyché. […] Car déjà, de très-haut, dans leur savante fuite, Nos chasseurs dominaient cette vaine poursuite, Du seuil de ces grands bois dont les troncs vénérés, Comme des combattants étroitement serrés, Autour des longs rochers, donjons à tête grise, Font une palissade où tout assaut se brise. […] La moisson Les blés hauts et dorés, que le vent touche à peine, Comme un jaune océan, ondulent sur la plaine2 ; D’un long ruban de pourpre, agité mollement, L’aurore en feu rougit ces vagues1 de froment, Et, dans l’air, l’alouette, en secouant sa plume, Chante, et comme un rubis dans le ciel bleu s’allume2.
Rien n’est moins selon Dieu et selon le monde que d’appuyer tout ce que l’on dit dans la conversation, jusqu’aux choses les plus indifférentes, par de longs et fastidieux serments. […] Que n’en usiez-vous donc, répond le dieu, sans venir me chercher de si loin, et abréger vos jours par un long voyage ! […] Une longue maladie semble être placée entre la vie et la mort, afin que la mort même devienne un soulagement et à ceux qui meurent et à ceux qui restent. […] La vie est un sommeil2 : les vieillards sont ceux dont le sommeil a été plus long ; ils ne commencent a se réveiller que quand il faut mourir. […] Ils sont très-inutiles à l’Etat, et leurs discours de cinquante ans n’ont pas un effet différent de celui qu’aurait pu produire un silence aussi long : cependant ils se croient considérables, parce qu’ils s’entretiennent de projets magnifiques et traitent de grands intérêts.
Une narration de deux lignes peut être trop longue, si elle contient des détails inutiles ; une narration de dix pages sera courte, si elle ne contient aucun détail qu’on voulût retrancher. […] Une longue et sérieuse étude de la théologie lui est indispensable pour distinguer exactement ce qui est de foi d’avec ce qui n’est que d’opinion. […] Quand vous auriez commencé à vivre avec le monde, le passé ne vous paraîtrait pas plus long ni plus réel. […] Les discours contre Verrès, par exemple, sont un acte d’accusation et un plaidoyer très longs et très développés contre ce préteur. Il serait intéressant, mais beaucoup trop long, de suivre sur tous ces discours les changements de ton et de style qu’amène la marche même du sujet.
Il ne lui est pas permis en effet de chercher de longs développements, de se jeter dans l’amplification des preuves. […] Quelquefois une phrase suffira, si elle vaut seule un long discours. […] L’exactitude de la prononciation consiste encore à observer les règles de la quantité, c’est-à-dire, à éviter de rendre brèves des syllabes longues, ou longues des syllabes brèves. […] On fera un repos très court au signe un repos plus long au signe — Le point indique naturellement le repos complet. […] Tantôt le repos sera long, tantôt court, quelquefois il sera à peine sensible.
Quoique tous les ouvrages en vers soient des poèmes dans la rigueur du terme, on donne cependant ce nom par excellence au poème didactique et au poème épique qui sont assez longs pour se diviser en plusieurs parties qu’on appelle chants ou livres, et qu’à cause de cela nous avons appelés grands poèmes. […] Écoutez Boileau : D’un air plus grand encor, la poésie épique, Dans le vaste récit d’une longue action, Se soutient par la fable et vit de fiction. […] Nous avons parlé jusqu’ici de l’épopée régulière, de celle qu’on nomme par excellence poème épique ; il y a d’autres poèmes aussi étendus, quelquefois plus longs que le poème épique, qui peuvent rouler sur des faits aussi considérables, prendre le même ton ou un autre ton, mais qui ne sont pas soumis à des règles aussi sévères ; alors on ne leur donne pas le même nom. […] En général, on accorde à Homère la supériorité du génie producteur, puisqu’il a trouvé en lui-même de quoi remplir deux poèmes très longs ; qu’il a eu le secret de tirer le plus long des deux du sujet le plus mince et le plus étroit qui fut jamais, la brouillerie de deux princes pour une esclave. […] Ce poème est composé de trente-six chants, tous fort longs.
Montluc « haïssait les écritures », et pourtant il doit un long souvenir à ces Commentaires, qui consolèrent sa retraite morose et impatiente d’action. […] Or n’avions-nous autres herbes au long des murailles de la ville ; car tout estoit mangé, et encores n’en pouvions avoir sans sortir à l’escaramouche6 ; et alors tous les enfans et femmes de la ville sortoient au long des murailles ; mais je vis que j’y perdois force gens, et ne volsis7 plus laisser sortir personne…… En cest estat nous traisnasmes jusques au huictiesme d’avril8, que nous eusmes perdu toute esperance. […] Et alors je fis une remontrance aux Gascons, et leur dis qu’il y avoit une disputte de longue main entre les Espaignolz4 et les Gascons, et qu’il falloit à ce coup en vuider le procés commencé il y a plus de cinquante ans ; c’estoit que les Espaignolz disoient qu’ilz estoient plus vaillans que les Gascons, et les Gascons qu’ils en estoient plus que les Espaignolz ; et que, puisque Dieu nous avoit fait la grace de nous trouver en ceste occasion en mesme combat et sous mesmes enseignes, qu’il falloit que l’honneur nous en demeurast. « Je suis Gascon, je renie la patrie, et ne m’en diray jamais plus, si aujourd’huy vous ne gaignés le procés5 à force de combatre ; et vous verrés que je seray bon advocat en ceste cause.
Il est, dans le cours de la période, des intervalles plus ou moins longs pendant lesquels on peut respirer ; et lorsqu’on sait en profiter, on peut suivre jusqu’à la fin la phrase la plus longue, sans avoir été obligé de s’arrêter à contresens. […] Quoique moins longue que celle de la fin du vers, il faut cependant qu’elle soit sensible à l’oreille. […] Une plus longue expérience des différents modes de gouvernement nous a donné plus de lumières et d’intelligence dans les affaires publiques. […] Les écrits philosophiques, par exemple, ne nous entraîneront point dans une longue dissertation. […] Son idée, il est vrai, ne nous paraît pas très claire, et cette obscurité fut pour les critiques un motif de longues discussions.
Aucun talent moissonné dans sa fleur n’a dû laisser de plus longs souvenirs et de plus vifs regrets que celui d’André Chénier. […] Il les entend, près de son jeune guide, L’un sur l’autre pressés, tendre une oreille avide ; Et Nymphes et Sylvains sortaient pour l’admirer, Et l’écoutaient en foule, et n’osaient respirer ; Car, en de longs détours de chansons vagabondes, Il enchaînait de tout les semences fécondes, Les principes du feu, les eaux, la terre et l’air, Les fleuves descendus du sein de Jupiter, Les oracles, les arts, les cités fraternelles, Et depuis le chaos les amours immortelles5. […] En longs cercles hideux leurs écailles sonnantes. […] Le ciel les fit humains, hospitaliers et bons, Amis des doux plaisirs, des festins, des chansons ; Mais faibles, opprimés, la tristesse inquiète Glace ces chants joyeux sur leur bouche muette2, Pour les jeux, pour la danse, appesantit leurs pas, Renverse devant eux les tables des repas, Flétrit de longs soucis, empreinte douloureuse, Et leur front et leur âme.
Il me tomba, en même temps, un Sénèque dans les mains, je ne sais par quel hasard ; puis, des lettres de Brutus à Cicéron, dans le temps qu’il était en Grèce, après la mort de César : elles sont si remplies de hauteur, d’élévation, de passion et de courage, qu’il m’était bien impossible de les lire de sang-froid1 ; je mêlais ces trois lectures, et j’en étais si ému, que je ne contenais plus ce qu’elles mettaient en moi ; j’étouffais, je quittais mes livres, et je sortais comme un homme en fureur, pour faire plusieurs fois le tour d’une assez longue terrasse2, en courant de toute ma force, jusqu’à ce que la lassitude mît fin à la convulsion. […] Il avait l’esprit sûr et judicieux dans sa sphère, mais sans finesse et sans profondeur ; le goût des détails, une assez longue expérience des choses du monde, la mémoire prompte, fidèle, et un coup d’œil assez vif, mais au delà duquel il ne voyait plus. […] « Je vais lire vos Portraits, lui écrivait Voltaire ; si jamais je veux faire celui du génie le plus naturel, de l’homme du plus grand goût, de l’âme la plus haute et la plus simple, je mettrai votre nom au bas. » Vauvenargues disait ailleurs : « On doit se consoler de n’avoir pas les grands talents, comme on se console de n’avoir pas les grandes places : on peut être au-dessus de l’un et de l’autre par le cœur. » Citons encore de lui quelques pensées détachées : « Les feux de l’aurore ne sont pas si doux que les premiers regards de la gloire. » « Les orages de la jeunesse sont environnés de jours brillants. » « Les premiers jours du printemps ont moins de grâce que la vertu naissante d’un jeune homme. » « La servitude abaisse l’homme jusqu’à s’en faire aimer. » « La liberté est incompatible avec la faiblesse. » « Le fruit du travail est le plus doux plaisir. » « C’est un grand signe de médiocrité que de louer toujours modérément. » « Si vous avez quelque passion qui élève vos sentiments, qui vous rend plus généreux, plus compatissant, plus humain, qu’elle vous soit chère. » « Les conseils de la vieillesse éclairent sans échauffer, comme le soleil d’hiver. » « Les longues prospérités s’écoulent quelquefois en un moment, comme les chaleurs de l’été sont emportées par un jour d’orage. » 1. […] Vauvenargues n’a pas ce courage intéressé qui aime la guerre pour l’avancement, pour ce qu’elle rapporte, et place l’héroïsme à intérêts ; ce qui lui plaît, c’est la mort qu’on brave, c’est l’emploi des qualités fortes, la fermeté, la patience, les nuits laborieuses, les longues marches, avec la faim et la soif pour compagnes, tout ce qui trempe l’âme, tout ce qui l’élève.