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2. (1813) Principes généraux des belles-lettres. Tome III (3e éd.) « Lettre. A un ancien Elève de l’Ecole Militaire de Paris. » pp. 375-399

C’est un des premiers livres bien écrits qui aient été publiés en France. […] Son ouvrage est un livre fait pour les bons esprits et pour l’homme qui a l’usage du monde. […] Voyez les livres des philosophes avec toute leur pompe. […] Se peut-il qu’un livre à la fois si sublime et si sage soit l’ouvrage des hommes ? […] Mais le livre, dont la lecture doit, pour cet objet, nous occuper le plus fréquemment ; le livre le plus capable de nous faire aimer et pratiquer la vertu, est l’Imitation de Jésus-Christ ; livre admirable, plein de sagesse, de force et d’onction.

3. (1853) Éléments de la grammaire française « Éléments de lagrammaire française. — Chapitre IV. Quatrième espèce de mots.  » pp. 12-15

Le maître me donnera un livre, c’est-à-dire, donnera à moi. […] Le maître te donnera un livre, c’est-à-dire donnera à toi. […] Ces pronoms sont toujours joints à un nom : mon livre, ton chapeau. […]   42. — Il y a des pronoms adjectifs qui servent à montrer la chose dont on parle, comme quand je dis : ce livre, cette table, je montre un livre, une table 1. […] Dans les deux exemples ci-dessus, Dieu est l’antécédent du pronom relatif qui ; livre est l’antécédent du pronom relatif que.

4. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « PRÉFACE. » pp. -12

La première édition de ce livre n’avait ni préface, ni avant-propos. […] L’édition a été rapidement épuisée ; un jury composé des hommes les plus compétents lui a décerné le prix quinquennal de littérature française, et le conseil de perfectionnement de l’enseignement moyen l’a adopté comme livre classique. […] Avant tout donc ce livre, dans mon idée, devait être composé de façon que la lecture en fût, sinon amusante, du moins intéressante. […] Je sais bien qu’il manque encore beaucoup à ce livre, qu’il répond mal au travail que j’y ai dépensé, qu’en un mot, comme bien d’autres choses humaines, institutions, révolutions et plaisirs, il ne vaut pas ce qu’il a coûté. […] Car l’âge présent, il faut bien le reconnaître, n’est pas celui des méditations prolongées et des travaux pleinement mûris ; le temps n’est plus où l’écrivain consumait des dix et vingt années sur un livre, bien sûr d’arriver toujours à propos.

5. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Montesquieu, 1689-1755 » pp. 235-252

J’ai la maladie de faire des livres, et d’en être honteux quand je les ai faits. […] J’allais à lui, et le priai de me dire quels étaient quelques-uns de ces livres que je voyais mieux reliés que les autres […] (Appian, De la Guerre civile, livre I, chap.  […] Voyez les Lettres de Cicéron à Atticus, livre IV, lettre xviii. […] Son livre devrait être le bréviaire de ceux qui sont appelés à gouverner les autres.

6. (1853) Éléments de la grammaire française « Éléments de lagrammaire française. — Chapitre premier. Première espèce de mots.  » p. 6

. — Le Nom est un mot qui sert à nommer une personne ou une chose, comme Pierre, Paul, livre, chapeau. […] Ensuite, par imitation, l’on a donné le genre masculin ou le genre féminin à des choses qui ne sont ni mâles, ni femelles, comme un livre, une table, le soleil, la lune.   13. — Il y a deux nombres, le singulier et le pluriel ; le singulier, quand on parle d’une seule personne ou d’une seule chose, comme un homme, un livre ; le pluriel, quand on parle de plusieurs personnes ou de plusieurs choses, comme les hommes, les livres. […] Pour former le pluriel, ajoutez s à la fin du nom : le père, les pères ; la mère, les mères ; le livre, les livres ; la table, les tables.

7. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Chapitre II. Moyens de se préparer à la composition. »

De même que les abeilles savent faire un choix parmi les fleurs, nous devons choisir avec soin nos lectures : il y a des fleurs vénéneuses, il y a des livres où circule le poison. Il en est des livres comme des amis : un petit nombre suffit ; ce n’est pas la quantité, mais la qualité que nous devons rechercher. […] Les mauvais livres gâtent le cœur et le goût : ils n’apprennent rien ; ils égarent l’imagination et faussent le jugement. […] Mais, dira-t-on, quels livres choisir ? […] Il n’est personne qui ne sente une impression de plaisir à l’aspect des magnificences de la nature, qui ne soit ému par un beau tableau, par une musique harmonieuse ; chacun se plaît à une belle représentation dramatique, à la lecture d’un beau livre.

8. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Silvestre de Sacy. Né en 1801. » pp. 522-533

Ses études sont inspirées par la passion des livres, l’amour des lettres, l’enthousiasme du beau, et le culte du vrai. […] Prend-on son livre pour devenir plus fort, plus courageux, plus homme de bien ? […] O mes chers livres ! […] Ils sont bien à moi pourtant, ces livres ; je les ai tous choisis un à un, rassemblés à la sueur de mon front, et je les aime tant ! […] Dans ces livres, M.

9. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — Seconde partie. Moyens de former le style. — Chapitre Ier. Des exercices préparatoires à la composition » pp. 209-224

Quels livres faut-il lire ? […] Or, pour mériter cet honneur, un livre doit être irréprochable, tant sous le rapport moral que sous le rapport littéraire. […] Le jeune littérateur doit donc rejeter impitoyablement tous les livres qui portent des atteintes plus ou moins funestes à la religion et aux bonnes mœurs. […] La multitude des livres, dit Sénèque, au lieu d’enrichir et d’éclairer l’esprit, ne sert qu’à y jeter le désordre et la confusion. […] Un bon moyen encore de rendre une lecture fructueuse, c’est de ne pas lire un seul livre utile sans en faire, non pas l’analyse, ce serait trop demander, mais au moins des extraits à son usage.

10. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Cours complet de littérature à l’usage des séminaires et des colléges rédigé d’après les meilleurs critiques anciens et modernes par M. l’abbé A. Piron. Chanoine, Vicaire général, Membre de l’Académie des Arcades, ancien Professeur de littérature. » pp. 1-8

La légèreté et le pédantisme sont trop souvent le caractère des livres de ce genre ; ici, les notions sont précises, renseignement est grave et bienveillant, et l’on sent partout l’homme de goût. […] Dans cette intention, il dirige l’attention de ses auditeurs vers les beautés fécondes des livres saints, et il aime à former leur goût sur les chefs-d’œuvre de l’inspiration chrétienne. […] D’après le rapport qui m’en a été adressé, j’ai la satisfaction de vous dire que ce livre ne contient rien de contraire aux principes de la saine doctrine en ce qui concerne la foi et les bonnes mœurs. […] Je vous félicite, Monsieur l’Abbé, d’avoir publié ce travail consciencieux qui mérite une place distinguée parmi les livres, classiques édités de nos jours, et je ne puis que vous souhaiter de nombreux lecteurs dans les maisons d’enseignement ainsi que parmi les gens du monde amateurs de bonne littérature. […] Aussi désiré-je vivement le voir introduire comme livre classique dans notre maison ; il serait à la fois agréable pour les professeurs et très utile pour les élèves.

11. (1897) Extraits des classiques français, seizième, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours moyens. Première partie : prose. [Seizième siècle] « XVIe siècle — Prose — Michel de Montaigne, 1533-1592 » pp. -

Vers 1580, parut la première édition de ce livre « consubstantiel à son auteur et membre de sa vie ». […] Non, il ne nous trompe pas, lorsqu’il dit : « Ceci est un livre de bonne foy. […] Là, ie feuillette à cette heure un livre, à cette heure un aultre, sans ordre et sans desseing, à pieces descousues9. […] Tout lieu retiré requiert un promenoir ; mes pensees dorment, si ie les assis ; mon esprit ne va pas seul, comme si3 les iambes l’agitent : ceux qui estudient sans livre en sont touts là. […] Sa bibliothèque est circulaire et lui offre ses livres rangés à l’entour sur cinq rangs.

12. (1875) Les auteurs grecs expliqués… Aristote, Poétique « Commentaire sur la Poétique d’Artistote. — Chapitre XVI » pp. 112-113

Welcker, livre cité, I, p. 313  et les Fragments de Sophocle, réunis et commentés par M. […] Voyez Ovide, Métamorphoses, VI, 575  Welcker, livre cité, I, p. 379  Ahrens, livre cité, p. 341. […] (Virgile a imité ce trait dans le i er livre de l’Énéide.) […] Ahrens, livre cité, p. 285.

13. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre IV. Genre didactique. »

Il faut que, pour bien comprendre ce qui est dit au commencement du livre, on ne soit pas obligé de le lire ou de l’étudier tout entier. […] On a dit souvent que les Français étaient les seuls qui sussent faire un livre. […] On pourrait même dire qu’elle y est plus obligée encore ; car on est bien plus près d’arriver aux personnalités blessantes dans la discussion contre une personne que quand on juge un livre. […] Mais, après avoir achevé tout le livre, je trouvai qu’il n’y avait que la moitié de l’ouvrage fait. […] Le traité de l’Orateur est aussi un grand dialogue divisé en trois livres.

14. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Nisard. Né en 1806. » pp. 585-597

Nisard a fait un livre qui manquait à la France. […] Elle s’est fait un idéal de l’esprit humain dans les livres ; elle s’en est fait un du génie particulier de la France, un autre de sa langue3 ; elle met chaque auteur et chaque livre en regard de ce triple idéal4. […] Quant au quatrième genre, les lecteurs de ce livre diront s’il répond à une réalité, ou si l’auteur n’a pas pris pour un genre son défaut de génie pour les trois autres. […] L’art de lire les bons livres serait son vrai nom. Elle parle plus volontiers de ses plaisirs que de ses dégoûts ; elle tient plus à nous faire aimer les beautés des livres qu’à nous rendre trop délicats sur les défauts des écrivains.

15. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre III. Du Genre historique. »

Les hommes de tous les âges, de toutes les conditions trouvent dans ce livre des livres la route qui doit les mener au vrai bonheur. […] Elle était divisée en quarante livres, dont il ne nous reste que les cinq premiers, avec des extraits de quelques endroits des autres. […] De cent quarante livres qu’elle renfermait, on n’a pu en sauver que trente-cinq ; encore ne sont-ils pas d’une même suite : nous devons les suppléments à Freinshemius. […] L’abbé de La Bletterie a traduit ce dernier ouvrage, les Mœurs des Germains, et les six premiers livres des Annales. […] De quarante livres dont elle était composée, il ne nous en est parvenu que dix.

16. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VII. des passions  » pp. 89-97

« Il est impossible, dit Antoine à Crassus, que l’auditeur se livre à la douleur, à la haine, à l’indignation, à la crainte, à la pitié, si tous ces sentiments ne sont profondément imprimés dans l’âme de l’orateur. […] N’est-ce pas Cicéron lui-même, ce grand champion de la passion réelle, qui a dit quelque part, en rapportant l’opinion des péripatéticiens : « Pour allumer la colère dans l’âme de l’auditeur, quand même on ne la ressentirait pas, il faut la feindre du moins par ses paroles et son action. » Relisez aussi le chapitre II du VIe livre de Quintilien, où il traite des passions ; vous verrez, quoi qu’il semble, que nous ne sommes pas loin de nous entendre. […] Dans un livre, vous pouvez préparer le lecteur, l’amener peu à peu à prendre vos impressions, l’échauffer insensiblement sur les sujets même les plus indifférents au premier coup d’œil. Et puis, que vous n’y parveniez pas, il vous quitte sans se plaindre ; la faute n’en est pas à vous, mais à lui qui, d’humeur triste, a pris un livre gai, ou d’humeur gaie, un livre triste. […] « Rien, dit Cicéron, qu’il faut toujours citer au chapitre des passions, rien ne sèche plus vite que les larmes, nil lacryma citius arescit. » Il répète deux fois cette sentence, dans le livre à Herennius et dans le De Inventione.

17. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Nisard Né en 1806 » pp. 296-300

Nisard a fait un livre qui manquait à la France6. […] Les fables ne sont pas le livre des jeunes gens ; ils préfèrent les illustres séducteurs, qui les trompent sur eux-mêmes et leur persuadent qu’ils peuvent tout ce qu’ils veulent, que leur force est sans bornes et leur vie inépuisable. […] Mais si, dans cet orgueil de la vie, il en est un qui, par désœuvrement ou par fatigue des plaisirs, ouvre le livre dédaigné, quelle n’est pas sa surprise en se retrouvant parmi ces animaux auxquels il s’était intéressé enfant, de reconnaître par sa propre réflexion, non plus sur la parole du maître ou du père, la ressemblance de leurs aventures avec la vie, et la vérité des leçons que le fabuliste en a tirées ! […] Heureux celui qui se souvient un jour qu’il a fait des études, et qui, dans un moment où il est accablé de son bien-être, s’avise de jeter les yeux sur sa bibliothèque, dont il n’estimait que le bois, et y prend ce qui lui a le moins coûté de tout son luxe, ce qu’il avait peut-être gardé, comme prévoyance, de sa médiocrité première, un livre qui le rend un moment à lui-même, et lui fait savourer la différence du bien-être par l’argent au bonheur par l’esprit1 ! […] Il ajoute ailleurs : « La mémoire n’aime que ce qui est excellent. » — « On dit que les livres sont bientôt lus, mais ils ne sont pas bientôt entendus.

18. (1853) Éléments de la grammaire française « Éléments de lagrammaire française. — Chapitre VI. Sixième espèce de mots.  » pp. 38-40

Ce qu’on appelle gérondif n’est autre chose que le participe présent, devant lequel on met le mot en, comme : les jeunes gens se forment l’esprit en lisant de bons livres 1. […] Les livres que j’avais prêtés, on les a rendus. […] Vous avez acheté un livre. Vous avez acheté des livres.

19. (1845) Leçons de rhétorique et de belles-lettres. Tome II (3e éd.)

Nous lisons un livre avec plus de plaisir, lorsque nous avons une idée avantageuse de l’auteur. […] L’imprimerie a multiplié les livres, les a mis à la portée de tout le monde. […] Nous retrouvons encore ce genre de composition dans le Livre de Job. […] Le livre des Proverbes est essentiellement dans le genre didactique. […] Cependant la poésie du Livre de Job n’est pas seulement égale à celle des autres livres saints, elle leur est même supérieure,-si toutefois on en excepte le Livre d’Isaïe.

20. (1845) Les auteurs latins expliqués... Horace. Art poétique pp. -72

Voilà pourtant, jeunes Pisons, voilà l’image exacte et fidèle d’un livre où les idées confuses ressembleraient aux songes d’un malade, et dont les différentes parties manqueraient d’harmonie et d’ensemble. — Les poëtes, dira-t-on, n’ont-ils pas toujours eu, comme les peintres, le privilège de tout oser ?  […] Le bon sens, la raison : voilà le principe et la source des bons vers Socrate et les livres de ses disciples vous fourniront les idées premières ; soyez bien pénétré de votre sujet, et les mots arriveront sans effort. […] C’est alors qu’un livre fait la fortune des Sosies, et qu’il franchit les mers, et qu’il assure à l’auteur une glorieuse immortalité. […] — 938Le tiers d’une livre (quatre onces).  […] 989Un tel livre 990vaut (rapporte) beaucoup d’argent 991aux Sosies (au libraire), 992un-tel livre aussi passe la mer, 993et proroge (assure) 994une vie longue (l’immortalité) 995à son auteur célèbre.

21. (1865) Cours élémentaire de littérature : style et poétique, à l’usage des élèves de seconde (4e éd.)

Pour le choix des livres, il y a trois précautions principales à prendre : s’interdire les livres dangereux sous le rapport moral, ne pas lire ceux qui pourraient altérer le goût, et savoir se borner à un petit nombre. […] Enfin, dans le choix de ses livres, il faut savoir se borner. Ce n’est pas en lisant beaucoup de livres que l’on s’instruit, mais en lisant beaucoup un même livre. […] Quand on a choisi ces derniers, il faut savoir s’y tenir et ne pas voltiger de livre en livre. […] Dans Horace, les plus belles du troisième livre ont aussi le même caractère.

22. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Montesquieu 1666-1755 » pp. 148-157

J’allai à lui, et le priai de me dire quels étaient quelques-uns de ces livres que je voyais mieux reliés que les autres. « Monsieur, me dit-il, j’habite ici une terre étrangère, et je n’y connais personne. Bien des gens me font de pareilles questions ; mais vous voyez bien que je n’irai pas lire tous ces livres pour les satisfaire ; j’ai mon bibliothécaire qui vous renseignera peut-être ; car il s’occupe nuit et jour à déchiffrer tout ce que vous voyez là. […] Rapprochez ce passage de La Bruyère sur le Bibliomane : « Mais quand il ajoute que les livres en apprennent plus que les voyages, et qu’il m’a fait comprendre par ses discours qu’il a une bibliothèque, je souhaite de la voir ; je vais trouver cet homme, qui me reçoit dans une maison où dès l’escalier je tombe en faiblesse d’une odeur de maroquin noir dont ses livres sont tous couverts. Il a beau me crier aux oreilles, pour me ranimer, qu’ils sont dorés sur tranche, ornés de filets d’or, et de la bonne édition ; me nommer les meilleurs l’un après l’autre, dire que sa galerie est remplie, à quelques endroits près qui sont peints de manière qu’on les prend pour de vrais livres arrangés sur des tablettes, et que l’œil s’y trompe ; ajouter qu’il ne lit jamais, qu’il ne met pas le pied dans cette galerie, qu’il y viendra pour me faire plaisir : je le remercie de sa complaisance, et ne veux, non plus que lui, voir sa tannerie, qu’il appelle sa bibliothèque. » 2. Voltaire appelle les lettres persanes un ouvrage de plaisanterie, plein de traits qui annoncent un esprit plus solide que son livre.

23. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Descartes, 1596-1650 » pp. 11-20

J’y avais appris tout ce que les autres y apprenaient ; et même, ne m’étant pas contenté des sciences qu’on nous enseignait, j’avais parcouru tous les livres traitant de celles qu’on estime les plus curieuses et les plus rares qui avaient pu tomber entre mes mains. […] Je savais que les langues que l’on y apprend sont nécessaires pour l’intelligence des livres anciens ; que la gentillesse des fables réveille l’esprit ; que les actions mémorables des histoires le relèvent, et qu’étant lues avec discrétion elles aident à former le jugement ; que la lecture de tous les bons livres est comme une conversation avec les plus honnêtes gens des siècles passés, qui en ont été les auteurs, et même une conversation étudiée en laquelle ils ne nous découvrent que les meilleures de leurs pensées ; que l’éloquence a des forces et des beautés incomparables ; que la poésie a des délicatesses et des douceurs très-ravissantes ; que les mathématiques ont des inventions très-subtiles, et qui peuvent beaucoup servir tant à contenter les curieux qu’à faciliter tous les arts et diminuer le travail des hommes ; que les écrits qui traitent des mœurs contiennent plusieurs enseignements et plusieurs exhortations à la vertu qui sont fort utiles ; que la théologie enseigne à gagner le ciel ; que la philosophie donne moyen de parler vraisemblablement1 de toutes choses et de se faire admirer des moins savants ; que la jurisprudence, la médecine et les autres sciences apportent des honneurs et des richesses à ceux qui les cultivent ; et enfin, qu’il est bon de les avoir toutes examinées, même les plus superstitieuses et les plus fausses2, afin de connaître leur juste valeur et se garder d’en être trompé. Mais je croyais avoir déjà donné assez de temps aux langues, et même aussi à la lecture des livres anciens, et à leurs histoires, et à leurs fables. […] C’est pourquoi, sitôt que l’âge me permit de sortir de la sujétion de mes précepteurs, je quittai entièrement l’étude des lettres ; et, me résolvant de ne chercher plus d’autre science que celle qui se pourrait trouver en moi-même, ou bien dans le grand livre du monde, j’employai le reste de ma jeunesse à voyager, à voir des cours et des armées, à fréquenter des gens des diverses humeurs et conditions, à recueillir diverses expériences, à m’éprouver moi-même dans les rencontres que la fortune me proposait, et partout à faire telle réflexion sur les choses qui se présentaient que j’en pusse tirer quelque profit. […] Mais, après que j’eus employé quelques années à étudier ainsi dans le livre du monde et à tâcher d’acquérir quelque expérience, je pris un jour résolution d’étudier aussi en moi-même, et d’employer toutes les forces de mon esprit à choisir les chemins que je devais suivre ; ce qui me réussit beaucoup mieux, ce me semble, que si je ne me fusse jamais éloigné ni de mon pays ni de mes livres1.

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