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38. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre VI. Analyse du discours sur l’esprit philosophique, par le P. Guénard. »

C’est ainsi que les opinions bizarres des peuples, les dogmes souvent absurdes de l’école, l’esprit des corps avec tous ses préjugés, le génie des sectes avec toutes ses extravagances, se perpétuent d’âge en âge, et ne meurent presque jamais avec les hommes, parce que toutes ces idées, en sortant de l’âme des vieillards et des maîtres, entrent aussitôt dans celle des enfants et des disciples, qui les transmetteront de même à leurs crédules successeurs ». […] Écartant avec dédain toutes ces minuties scolastiques qui remplissent l’esprit sans l’éclairer, ils vous porteront d’abord au centre où tout vient aboutir, et vous mettront à la main le nœud, pour ainsi dire, de toutes les vérités de détail, lesquelles, à le bien prendre, ne sont réellement vérités que pour ceux qui en connaissent l’étendue et les affinités secrètes : aussitôt toutes vos observations s’éclairent mutuellement, toutes vos idées se rassemblent en un corps de lumière ; il se forme de toutes vos expériences un grand et unique fait, et de toutes vos vérités une seule et grande vérité qui devient comme le fil de tous les labyrinthes. […] Sans cesse il vient accuser de témérité, et lier par de timides conseils la noble hardiesse du pinceau créateur : naturellement scrupuleux, il pèse et mesure toutes ses pensées, et les attache les unes aux autres par un fil grossier qu’il veut toujours avoir à la main ; il voudrait ne vivre que de réflexions, ne se nourrir que d’évidence ; il abattrait, comme ce tyran de Rome, la tête des fleurs qui s’élèvent au-dessus des autres : observateur éternel, il vous montrera tout autour de lui des vérités, mais des vérités sans corps, pour ainsi dire, qui sont uniquement pour la raison, et qui n’intéresseraient ni les sens ni le cœur humain. […] Profitez de ses idées originales et hardies, c’est la source du grand et du sublime ; mais donnez du corps à ces pensées trop subtiles ; adoucissez par le sentiment la fierté de ses traits ; abaissez tout cela jusqu’à la portée de nos sens : nous voulons que les objets viennent se mettre sous nos yeux ; nous voulons un vrai qui nous saisisse d’abord, et qui remplisse toute notre âme de lumière et de chaleur.

39. (1883) Morceaux choisis des classiques français (prose et vers). Classe de troisième (nouvelle édition) p. 

Son beau corps a roulé sous la vague marine. […] Son corps ne lut jamais retrouvé. […] Le corps reçoit de tous côtés les impressions des objets sans en être blessé. […] Ainsi nous pouvons dire avec assurance que, de toutes les proportions qui se trouvent dans les corps, celles du corps organique sont les plus parfaites et les plus palpables. […] Il n’y a guère de machines qu’on ne trouve dans le corps humain.

40. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Modèles

C’est la partie la plus vive et la plus subtile de l’âme qui s’appesantit et qui semble vieillir avec le corps. […] Vous n’aviez donc plus rien qui vous embarrassât sur la nature de l’âme humaine, sur ses fonctions, sur son union avec le corps ? […] » Achille pleura, et rendit le corps à son ennemi. […] Le boulet fait un trou dans le corps, mais ne rend point invisible le cadavre. […] Est-ce tout le corps ?

41. (1872) Recueil de compositions françaises pour préparer au discours latin les candidats au baccalauréat ès-lettres. Première série

L’armée des ennemis est partagée en plusieurs corps ; le plus grand nombre s’est dirigé vers la Gaule. […] Pour moi, je n’ai jamais pu croire que l’âme vive, tant qu’elle est dans le corps de l’homme, et qu’elle meure, quand elle en est sortie, ni qu’elle devienne inintelligente, en se séparant d’un corps sans intelligence. […] Par là on peut comprendre ce qu’elles deviendront, lorsqu’elles seront entièrement détachées des liens du corps. […] C’est ainsi que les médecins, quand une partie du corps est atteinte, s’ils voient que le mal gagne les autres membres, en sacrifient un seul, pour garantir la conservation du corps entier. […] Priam supplie Achille de lui rendre le corps de son fils Hector.

42. (1868) Morceaux choisis des écrivains contemporains à l’usage des classes supérieurs de l’enseignement classique et spécial. Prose et poésie

Cette statue n’a ni tête ni pieds ; mais le corps et la draperie qui restent ont encore des beautés antiques. […] Son corps gît délaissé sur un grabat, d’où le juge est obligé de le faire enlever, non comme le corps d’un homme, mais comme une immondice dangereuse aux vivants. […] Son corps reste encore un moment debout, étendant des mains convulsives, objet d’épouvante et de pitié. […] Deux corps de cavalerie, s’avançant dans deux directions différentes, dispersèrent lentement la foule. […] Quand ils eurent perdu leurs rangs, les clôtures des redoutes furent enfoncées ; cavaliers et fantassins y pénétrèrent ; mais le combat fut encore vif, pêle-mêle et corps à corps.

43. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre XII. Abrégé des règles de la versification française. »

L’e muet précédé d’une voyelle accentuée, dans le corps du vers, doit aussi être élidé, parce qu’il ne peut compter dans la prononciation, comme dans vie, vue, joie, aimée, etc., ainsi le vers suivant est défectueux : La joie ne règne pas dans le cœur du méchant. Il résulte de là que les mots terminés par un e muet précédé d’une voyelle et suivi d’une consonne, ne peuvent entrer dans le corps d’un vers, parce que l’élision est impossible ; ils ne peuvent se mettre qu’à la fin du vers, où la syllabe muette ne compte pas ; tels sont les mots joies, journées, lient, payent, etc. […] Dans le corps de certains mots, l’e muet est nul et ne compte pas ; ex. : je prierai, il avouera. […] Voici un exemple où les rimes sont mêlées et redoublées : Son coursier superbe Foule comme l’herbe Les corps des mourants ; Le héros l’excite, Et le précipite À travers les rangs ; Les feux l’environnent ; Les casques résonnent Sous ses pieds sanglants ; Devant sa carrière, Cette foule altière Tombe toute entière Sous ses traits brûlants, Comme la poussière Qu’emportent les vents.

44. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Massillon 1643-1743 » pp. 133-138

Bossuet jugeait ainsi la Majesté royale : « Ramassez tout ce qu’il y a de grand et d’auguste ; voyez un peuple immense réuni en une seule personne ; voyez cette puissance sacrée, paternelle et absolue ; voyez la raison secrète qui gouverne tout le corps de l’État renfermée dans une seule tête ; vous voyez l’image de Dieu, et vous avez l’idée de la majesté royale. […] L’âme, aussi bien que le corps, a sa faim et sa nourriture : cette nourriture, c’est la vérité, c’est un bien permanent et solide, c’est une pure et sincère beauté ; et tout cela c’est Dieu même. Comme donc elle se sent piquée d’un certain appétit qui la rend affamée de quelque bien hors de soi, elle se jette avec avidité sur l’objet des choses créées qui se présentent à elle, espérant s’en rassasier ; mais ce sont viandes creuses, qui ne sont pas assez fortes et n’ont pas assez de corps pour la sustenter ; au contraire, la retirant de Dieu, qui est sa véritable et solide nourriture, ils la jettent insensiblement dans une extrême nécessite et dans une famine désespérée »

45. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Jean-Jacques Rousseau, 1712-1778 » pp. 313-335

« Les boiteux, dit Montaigne, sont malpropres aux exercices du corps, et aux exercices de l’esprit les âmes boiteuses » ; or, en ce siècle savant, on ne voit que boiteux voulant apprendre à marcher aux autres. […] Enfin, après avoir fait encore quelques tours dans mon jardin, ou chanté quelque air sur mon épinette, je trouvais dans mon lit un repos de corps et d’âme cent fois plus doux que le sommeil même. […] cette âme plongée dans le corps, qui en épouse toutes les passions avec tant d’attache, qui languit, qui se désespère, qui n’est plus à elle-même quand il souffre, dans quelle lumière a-t-elle vu qu’elle eût néanmoins sa félicité à part ? […] En un mot une âme saine peut donner du goût à des occupations communes, comme la santé du corps fait trouver bons les aliments les les plus simples. » (Rousseau.) […] La marche a quelque chose qui anime et avive mes idées : je ne puis presque penser quand je reste en place ; il faut que mon corps soit en branle pour y mettre mon esprit.

46. (1872) Cours élémentaire de rhétorique

Et n’eût-il point d’autre défense, oseras-tu me frapper moi-même, quand de mon corps je ferai un rempart au corps d’Annibal ? […] Ce corps n’est ni échauffé par des veines, ni agité par des nerfs. […] Ce mot domine le vers, comme leur tête domine et la mer et la plage et les corps immenses des serpents. […] Ingentibus, quel développement de tout leur corps ! […] Le corps.

47. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Pascal, 1623-1662 » pp. 56-71

Et alors, si l’ordre de Dieu les oblige d’abandonner au supplice le corps de ces misérables, le même ordre de Dieu les oblige de prendre soin de leurs âmes criminelles ; et c’est même parce qu’elles sont criminelles qu’ils sont plus obligés à en prendre soin : de sorte qu’on ne les envoie à la mort qu’après leur avoir donné moyen de pourvoir à leur conscience. […] Mais, pour lui présenter un autre prodige aussi étonnant, qu’il recherche dans ce qu’il connaît les choses les plus délicates ; qu’un ciron lui offre dans la petitesse de son corps des parties incomparablement plus petites, des jambes avec des jointures, des veines dans ces jambes, du sang dans ces veines, des humeurs dans ce sang, des gouttes dans ces humeurs, des vapeurs dans ces gouttes ; que, divisant encore ces dernières choses, il épuise ses forces en ces conceptions, et que le dernier objet où il peut arriver soit maintenant celui de notre discours ; il pensera peut-être que c’est là l’extrême petitesse de la nature. […] Qu’il y voie une infinité d’univers, dont chacun a son firmament, ses planètes, sa terre, en la même proportion que le monde visible, dans cette terre, des animaux, et enfin des cirons, dans lesquels il retrouvera ce que les premiers ont donné ; et, trouvant encore dans les autres la même chose, sans fin et sans repos, qu’il se perde dans ces merveilles aussi étonnantes par leur petitesse que les autres par leur étendue : car qui n’admirera que notre corps, qui tantôt n’était pas perceptible dans l’univers, imperceptible lui-même dans le sein du tout, soit à présent un colosse, un monde ou plutôt un tout à l’égard du néant où l’on ne peut arriver1 ? […] Ce second empire me paroît même d’un ordre d’autant plus élevé que les esprits sont d’un ordre plus élevé que les corps ; et d’autant plus équitable qu’il ne peut être départi et conservé que par le mérite, au lieu que l’autre peut l’être par la naissance ou par la fortune. […] Quand l’image masque l’objet et que l’on fait de l’ombre un corps ; quand l’expression plaît tellement qu’on ne tend plus à passer outre pour pénétrer jusqu’au sens ; quand la figure absorbe l’attention tout entière, on est arrêté en chemin, et la route est prise pour le gite, parce qu’un mauvais guide nous conduit. » 3.

48. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre premier. Apologie de Socrate par Platon. »

N’est-ce pas la séparation de l’âme d’avec le corps ? Et ne sommes-nous pas convenus que la perfection de l’âme consiste surtout à s’affranchir le plus qu’il est possible du commerce des sens et des soins du corps pour contempler la vérité dans Dieu ? […] N’est-il pas clairement démontré pour nous, que le seul moyen d’avoir quelque faible notion du vrai, est de le considérer avec les yeux de l’esprit, et en fermant les yeux du corps et les portes des sens ?

49. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Fléchier. (1632-1710.) » pp. 69-75

Il a rendu tous les services qu’on peut attendre d’un esprit ferme et agissant quand il se trouve dans un corps robuste et bien constitué. […] Si nous le considérons selon la nature, c’est un feu qu’une maladie et qu’un accident amortissent sensiblement ; c’est une heureuse conformation d’organes qui s’usent ; c’est la partie la plus vive et la plus subtile de l’âme, qui s’appesantit, et qui semble vieillir avec le corps ; c’est une finesse de raison qui s’évapore, et qui est d’autant plus faible et plus sujette à s’évanouir, qu’elle est plus délicate et plus épurée. […] Mascaron a bien décrit aussi, dans son oraison funèbre, cet hommage spontané de la douleur publique : « On vit, dit-il, dans les villes par où son corps a passé les mêmes sentiments que l’on avait vus autrefois dans l’empire romain, lorsque les cendres de Germanicus furent portées de la Syrie au tombeau des Césars… » (Tacite, Annales, III, 4.)

50. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Beaumarchais, 1732-1799 » pp. 344-356

Le Barbier de Séville (1775) et surtout le Mariage de Figaro (1784) sont l’image peu flattée d’une société qui court gaiement à une révolution où elle périra corps et biens. […] On peut lui appliquer ce trait : « qui dit auteur, dit oseur. » Exorde de son quatrième mémoire 1 Si l’être bienfaisant qui veille à tout m’eût un jour honoré de sa présence et m’eût dit : « Je suis Celui par qui tout est ; sans moi tu n’existerais point ; je te douai d’un corps sain et robuste ; j’y plaçai l’âme la plus active ; tu sais avec quelle profusion je versai la sensibilité dans ton cœur et la gaieté sur ton caractère ; mais tu serais trop heureux si quelques chagrins ne balançaient pas cet état fortuné : aussi tu vas être accablé sous des calamités sans nombre ; déchiré par mille ennemis ; privé de ta liberté, de tes biens ; accusé de rapines, de faux, d’imposture, de corruption, de calomnie ; gémissant sous l’opprobre d’un procès criminel ; garrotté dans les liens d’un décret ; attaqué sur tous les points de ton existence par les plus absurdes on dit ; et ballotté longtemps au scrutin de l’opinion publique, pour décider si tu n’es que le plus vil des hommes ou seulement un honnête citoyen », je me serais prosterné, et j’aurais répondu : « Être des êtres, je te dois tout, le bonheur d’exister, de penser et de sentir ; je crois que tu nous as donné les biens et les maux en mesure égale ; je crois que ta justice a tout sagement compensé pour nous, et que la variété des peines et des plaisirs, des craintes et des espérances, est le vent frais qui met le navire en branle et le fait avancer gaiement dans sa route. […] Las d’attrister des bêtes malades, et pour faire un métier contraire, je me jette à corps perdu dans le théâtre ; me fussé-je mis une pierre au cou ! […] On me dit que, pendant ma retraite économique, il s’est établi dans Madrid un système de liberté sur la vente des productions, qui s’étend même à celle de la presse ; et que pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l’autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l’Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l’inspection de deux ou trois censeurs.

51. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — André de Chénier 1762-1794 » pp. 480-487

Ton corps débile a vu trois retours du soleil, Sans connaître Cérès, ni tes yeux le sommeil ! […] Son beau corps a roulé sous la vague marine. […] je t’ai vue en songe, et, de terreur glacé, J’ai vu sur des écueils ton vaisseau fracassé, Ton corps flottant sur l’onde, et tes bras avec peine Cherchant à repousser la vague ionienne.

52. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre V. — Qualités particulières du Style »

Il était, dès l’âge de seize ans, le premier trompette de son corps. […] Marchant sur le gouffre, voyant qu’il ne peut tarder à s’y voir engloutir, le bon fils veut signaler sa dernière heure par les pieux sentiments qui l’ont guidé dans son voyage ; il prend sa trompette, sonne un air guerrier que son père aimait beaucoup, puis il s’écrie : « Cent pièces d’or sont contenues dans ma ceinture ; j’en donne cinquante à celui qui repêchera mon corps et qui portera les cinquante autres pièces à mon père » À peine eut-il achevé ces mots qu’un glaçon énorme le renversa, et il disparut… Son corps fut retrouvé quelques jours après. […] à l’assaut des Alpes ; la musique des corps marche en tête de chaque régiment. […] C’est un seul corps qui n’a qu’une pensée, qu’une âme ; une même ardeur, une même joie court dans les rangs ; les mêmes chants apprennent aux échos de ces monts la présence, la gaieté, la victoire de nos soldats : la victoire ! […] Rien ne s’oppose plus à la chaleur que le désir de mettre partout des traits saillants ; rien n’est plus contraire à la lumière, qui doit faire un corps et se répandre uniformément dans un écrit, que ces étincelles qu’on ne lire que par force en choquant les mots les uns contre les autres, et qui ne nous éblouissent pendant quelques instants que pour nous laisser ensuite dans les ténèbres.

53. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bossuet, 1627-1704 » pp. 89-123

Étant éloigné de cet animal, vous voyez sa tête, ses pieds et son corps ; quand vous approchez pour le prendre, vous ne trouvez plus qu’une boule ; et celui que vous découvriez de loin tout entier, vous le perdez tout à coup, aussitôt que vous le tenez dans vos mains. […] Vous avez découvert toutes ses menées et démêlé toute son intrigue ; enfin vous avez reconnu tout l’ordre du crime ; vous voyez ses pieds, son corps et sa tête ; aussitôt que vous pensez le convaincre en lui racontant ce détail, par mille adresses il vous retire ses pieds : il couvre soigneusement tous les vestiges de son crime ; il vous cache sa tête : il recèle profondément ses desseins ; il enveloppe son corps, c’est-à-dire toute la suite de son intrigue, dans un tissu artificieux d’une histoire embarrassée et faite à plaisir. […] Mais voici en la personne de Jésus-Christ la résurrection et la vie : qui croit en lui ne meurt pas ; qui croit en lui est déjà vivant d’une vie spirituelle et intérieure, vivant par la vie de la grâce qui attire après elle la vie de la gloire ; mais le corps est cependant sujet à la mort. […] Mais ici notre imagination nous abuse encore ; la mort ne nous laisse pas assez de corps pour occuper quelque place, et on ne voit là que les tombeaux qui fassent quelque figure : notre chair change bientôt de nature, notre corps prend un autre nom ; même celui de cadavre, dit Tertullien, parce qu’il nous montre encore quelque forme humaine, ne lui demeure pas longtemps ; il devient un je ne sais quoi qui n’a plus de nom dans aucune langue : tant il est vrai que tout meurt en lui, jusqu’à ces termes funèbres par lesquels on exprimait ses malheureux restes ! […] Il n’y aura plus sur la terre aucun vestige de ce que nous sommes : la chair changera de nature ; le corps prendra un autre nom ; « même celui de cadavre ne lui demeurera pas longtemps ; il deviendra, dit Tertullien, un je ne sais quoi qui n’a plus de nom dans aucune langue » : tant il est vrai que tout meurt en lui, jusqu’à ces termes funèbres par lesquels on exprimait ses malheureux restes.

54. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre V. Ouvrages historiques. »

La liaison des faits dans l’histoire doit être, pour ainsi dire, aussi naturelle que la liaison des divers membres dans le corps humain. […] Mais il faut qu’elles ne nuisent en rien à la régularité de l’ouvrage ; qu’elles tiennent surtout au fond du sujet par quelque chose d’intéressant ; et leur étendue doit dépendre de leur liaison avec le corps de l’histoire, et surtout de leur importance44. […] On est l’honneur de son corps sans être la gloire de son pays. […] Une histoire universelle comprendrait le fond de toutes les histoires des peuples, réduites à une étendue proportionnée au corps entier de l’ouvrage : tous les objets détaillés, mesurés, placés selon leurs rapports symétriques entre eux et avec le tout, y seraient dans un état perpétuel de comparaison. […] Les spectateurs furent bien plus sévères, et l’auteur fut étonné lui-même de n’avoir pas prévu que ces hommes qui devaient, en public, s’agrandir et se rapetisser aux yeux de l’esprit, en conservant pour les yeux du corps leur taille ordinaire, exigeaient un genre d’illusion trop forcée pour le théâtre.

55. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Notes pour l’intelligence des exemples cités dans ce premier volume. » pp. 365-408

Cette déesse de la mer est représentée ayant la partie supérieure du corps semblable à celle de la femme, et le reste semblable à celle d’un poisson. […] Nom que l’on donne souvent au peuple de Dieu, comme étant celui du célèbre patriarche, père des chefs des douze tribus qui formaient le corps entier de la nation. […] Jéhu, nouveau roi d’Israël, la fit jeter du haut d’une fenêtre, l’an 884 avant Jésus-Christ ; et les chiens dévorant son corps, ne laissèrent que le crâne, les pieds et les extrémités des mains. […] Ils le représentent avec un visage enflammé, des cornes sur la tête, ayant sur sa poitrine une peau de chevreuil, parsemée d’étoiles, et la partie inférieure du corps semblable à celle d’un bouc. […] On les représente avec des coquillages, et on leur donne un corps d’homme jusqu’à la ceinture : le reste est terminé en queue de poisson.

56. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre IV. Continuation du même sujet. Historiens latins. »

Non, mes enfants, jamais je n’ai pu me persuader que l’âme, qui vit lorsqu’elle est renfermée dans un corps mortel, s’éteigne dès qu’elle en sera délivrée. C’est elle au contraire qui vivifie les corps destructibles, tant qu’elle les habite. […] » Quand l’homme a fini, et que sa machine se dissout, on voit les différentes parties qui la composaient, se rejoindre aux éléments auxquels elles appartiennent : l’âme seule échappe aux regards, soit lorsqu’elle anime le corps, soit lorsqu’elle le quitte. […] Si donc les choses sont comme je le pense, si l’âme survit en effet au corps qu’elle abandonne, faites, par respect pour la mienne, ce que vous recommande aujourd’hui ma tendresse : si je suis dans l’erreur, si l’âme reste et périt avec le corps, craignez, du moins, craignez les dieux qui ne meurent point, qui voient tout, qui peuvent tout, qui entretiennent dans l’univers un ordre immuable dont la magnificence et la majesté sont au-dessus de l’expression ; craignez, dis-je, les immortels, et que cette crainte vous empêche de rien faire, de rien dire, de rien penser même qui puisse blesser la piété et la justice.

57. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XVII. les qualités essentielles du style. — propriété, précision, naturel  » pp. 230-239

Villemain, dans la préface de la dernière édition du Dictionnaire de l’Académie, l’avait presque promis officiellement au nom de ce corps illustre. […] Elles sont à l’esprit ce qu’une nourriture indigeste ou trop abondante est au corps : Tout ce qu’on dit de trop est fade et rebutant, L’esprit rassasié le rejette à l’instant. […] Andrieux, qu’il en est de l’exercice de la pensée comme des exercices du corps.

58. (1912) Morceaux choisis des auteurs français XVIe, XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles

On crie, on pleure ; M. d’Hamilton fait cesser ce bruit et ôter le petit d’Elbeuf, qui était jeté sur ce corps, qui ne le voulait pas quitter et qui se pâmait de crier. […] Combien d’ouvrages admirables sur la terre que nous habitons, sur ce point imperceptible à ceux qui ne mesurent que les corps célestes ! […] Elle demanda à entrer dans le corps d’un perroquet. « Au moins, disait-elle, je conserverai par là quelque ressemblance avec les hommes, que j’ai si longtemps imités. […] Pluton accorda donc à celui-ci qu’il irait dans le corps d’un homme. […] Ce qui découvre bien les mœurs de ces temps-là, c’est qu’ayant reconnu leur erreur, ils portèrent le corps du jeune Soltikoff à son père pour l’enterrer ; et le père malheureux, loin d’oser se plaindre, leur donna des récompenses pour lui avoir rapporté le corps sanglant de son fils.

59. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre III. Du Genre historique. »

La liaison des faits dans l’histoire doit être, pour ainsi dire, aussi naturelle que la liaison des divers membres du corps humain. […] Mais il faut qu’elles ne nuisent point a la régularité de l’ouvrage ; qu’elles tiennent surtout au fond du sujet par quelque chose d’intéressant, et qu’elles soient plus ou moins étendues, selon leur plus ou moins de liaison avec le corps de l’histoire. […] Mais tout cela doit se faire dans le corps du récit. […] Cette histoire, en effet, doit présenter le fond de toutes les histoires des peuples, dans une étendue proportionnée au corps entier de l’ouvrage. […] C’est un corps de science militaire, enrichi de notes historiques et critiques, où toutes les grandes parties de la guerre sont expliquées et démontrées.

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