La mort n’arrive qu’une fois, et se fait sentir à tous les moments de la vie ; il est plus dur de l’appréhender que de la souffrir. […] Ils ont eu un songe confus, informe, et sans aucune suite ; ils sentent néanmoins, comme ceux qui s’éveillent, qu’ils ont dormi longtemps. Il n’y a pour l’homme que trois événements : naître, vivre et mourir : il ne se sent pas naître, il souffre à mourir, et il oublie de vivre.
Je sentirais du moins le velouté de sa reliure, et je m’imaginerais le voir. […] Quel plaisir de ne se sentir pas tiraillé, au milieu de ces enivrantes études, par l’affaire qui vous rappelle à la maison, de ne pas porter au fond de l’âme l’idée importune de l’ennui qui vous a donné rendez-vous pour ce soir ou pour demain, et qui ne sera, hélas !
Nous ne sentons ni l’extrême chaud ni l’extrême froid. Les qualités excessives nous sont ennemies et non pas sensibles : nous ne les sentons plus, nous les souffrons. […] Qui de nous ne se sentit frappé à ce coup, comme si quelque tragique accident avait désolé sa famille ? […] Je ne sentis point devant lui le désordre où nous jette ordinairement la présence des grands hommes. […] Il est donc ridicule de ne pas sentir que c’est le Vice qui nous empêche d’être heureux par la vertu.
Sa composition refroidie parlera le langage de l’homme qui décrit, et non de celui qui sent. […] Le style en est élégant et poli ; elles donnent de l’auteur l’idée la plus avantageuse ; mais, pour me servir d’une expression vulgaire, elles sentent un peu trop la lampe. […] Vivement épris de ses charmes, il décrivait ce qu’il sentait, et savait transmettre aux autres les impressions qu’il éprouvait. […] Comme les circonstances sont heureusement choisies pour nous faire sentir toute l’horreur de ce spectacle ! […] C’est ce qu’ont bien senti plusieurs écrivains de l’antiquité.
Et si sentez que soys foible de reins47 Pour vous payer, les deux princes lorrains Me pleigeront48. […] Assez tost un malheur se fait à nous sentir ; Mais, las ! toujours trop tard on sent un repentir. […] Son style se sent, il le reconnaît lui-même, du « naturel ramage » ; c’est un mélange d’audace fanfaronna dans l’étrangeté, d’imagination brillante et de grandeur, parfois tendue et guindée. […] Et de fait il ne nomme personne, pas même Malherbe, qui l’a piqué au vif : Tout le monde s’y voit et ne s’y sent nommer.
Corinne disait encore : « Il y a dans les plus petites villes d’Italie un théâtre, de la musique, des improvisateurs, beaucoup d’enthousiasme pour la poésie et les arts, un beau soleil ; enfin, on y sent qu’on vit ; mais je l’oubliais tout à fait dans la province que j’habitais, et j’aurais pu, ce semble, envoyer à ma place une poupée légèrement perfectionnée par la mécanique, elle aurait très-bien rempli mon emploi dans la société. […] Corinne disait encore : « Il y a dans les plus petites villes d’Italie un théâtre, de la musique, des improvisateurs, beaucoup d’enthousiasme pour la poésie et les arts, un beau soleil ; enfin, on y sent qu’on vit ; mais je l’oubliais tout à fait dans la province que j’habitais, et j’aurais pu, ce semble, envoyer à ma place une poupée légèrement perfectionnée par la mécanique, elle aurait très-bien rempli mon emploi dans la société.
Il y a dans son style quelque chose de cette noblesse et de cette onction qu’on sent en lisant les histoires sacrées. […] -C, entendant lire l’histoire d’Hérodote aux jeux Olympiques, sentit naître, dit-on, en lui une vive émulation : il écrivit, en effet, l’Histoire de la guerre du Péloponnèse. […] Mais ils nous font sentir en même temps notre impuissance de nous élever jusqu’à l’imitation de ces actions d’éclat qui ont fixé la destinée des empires et le sort des peuples ; au lieu que nous ne jugeons pas au-dessus de nos forces morales les actions particulières d’un homme, quelque illustres qu’aient été son rang ou sa naissance59. […] À la lecture, on avait été plus indulgent, parce que les auditeurs, trompés sur l’effet dramatique par la manière séduisante dont l’auteur lisait, avaient oublié de se transporter en idée dans le parterre, et de sentir qu’on y serait infailliblement blessé de cette métamorphose imaginaire, grossièrement et ridiculement démentie par le spectacle lui-même. […] On sent que ces sortes d’ouvrages ne sont susceptibles ni de grands détails ni de bien riches ornements.
Les pauvres bien mieux qu’elle ont senti sa richesse : L’humilité, la paix, étaient son allégresse ; Et son dernier soupir fut un soupir d’amour. […] Le déplorable état où je vous abandonne Est bien digne des pleurs que mon amour vous donne ; Et si l’on peut au ciel sentir quelques douleurs,J’y pleurerai pour vous l’excès de vos malheurs ; Mais si, dans ce séjour de gloire et de lumière, Ce Dieu tout juste et bon peut souffrir ma prière, S’il y daigne écouter un conjugal amour, Sur votre aveuglement il répandra le jour. […] Nous adoptons de préférence l’autre leçon ; car on y sent l’ironie envieuse d’un orgueil blessé au vif. […] Nous sentons ici la griffe et l’âme du lion. […] Vous aussi, magistrats, c’est lui qui tant de fois Entoura de respect l’autorité des lois : Venez, généreux fils, en qui l’affront d’un père Ferait encor du Cîd bouillonner la colère ; Pour les lui présenter, Rodrigue attend vos dons : Vous qui, les yeux en pleurs à ses nobles leçons, Sentez de pardonner la magnanime envie, Rois, à lui rendre hommage Auguste vous convie ; Et vous, guerriers, et vous, qui trouvez des appas Dans ce bruit glorieux que laisse un beau trépas.
Voici comment Amyot et Racine expriment cette pensée, que les forfaits des parents sont un triste héritage pour les enfants : Qui sent son père ou sa mère coupable De quelque tort ou faute reprochable, Cela de cœur bas et lâche le rend Combien qu’il l’eût de sa nature grand. […] Mais il rejette tout ce qui est recherché, tout ce qui sent le travail, l’apprêt et l’art, en un mot, tout ce qui peut jeter dans le discours une lumière trop vive et trop éclatante. […] La délicatesse du style est l’expression simple et naïve des choses délicatement senties, c’est-à-dire des pensées et des sentiments tendres et délicats. […] La première cause de cette faiblesse est dans la manière de concevoir et de sentir. […] Faites sentir cette différence par un exemple.
Par la force du génie, on se représentera toutes les idées générales et particulières sons leur véritable point de vue ; par une grande finesse de discernement, on distinguera les pensées stériles des idées fécondes ; par la sagacité que donne la grande habitude d’écrire, on sentira d’avance quel sera le produit de toutes ces opérations de l’esprit… « Ce plan n’est pas encore le style, mais il en est la base ; il le soutient, il le dirige, il règle son mouvement et le soumet à des lois. […] Quelque brillantes que soient les couleurs qu’il emploie, quelques beautés qu’il sème dans les détails, comme l’ensemble choquera, ou ne se fera pas assez sentir, l’ouvrage ne sera point construit… C’est par cette raison que ceux qui écrivent comme ils parlent, quoiqu’ils parlent bien, écrivent mal ; que ceux qui s’abandonnent au premier feu de leur imagination prennent un ton qu’ils ne peuvent soutenir ; que ceux qui craignent de perdre des pensées isolées, fugitives, et qui écrivent en différents temps des morceaux détachés, ne les réunissent jamais sans transitions forcées ; qu’en un mot il y a tant d’ouvrages faits de pièces de rapport, et si peu qui soient fondus d’un seul jet. » Les interruptions, les repos, les sections peuvent être utiles au lecteur, elles le délassent et lui indiquent les temps d’arrêt, mais il ne doit pas y en avoir dans l’esprit de l’auteur. « Son dessein ne peut se faire sentir que par la continuité du fil, par la dépendance harmonique des idées, par un développement successif, une gradation soutenue, un mouvement uniforme, que toute interruption détruit ou fait languir. » Ce discours de Buffon est, ce me semble, un admirable commentaire des quarante-cinq premiers vers si vrais et si féconds de la Poétique d’Horace. […] Je le veux bien, mais il fallait le faire mieux sentir, et de toute manière, il reste quelque chose de louche et d’incomplet dans la pensée.
Cependant Votre Majesté sent que, si la suspension d’armes qui a lieu ne doit pas conduire à la paix, elle est sans but et contraire aux intérêts de ma nation. […] L’on sent dans cette situation que si rien ne nous obligeait à vivre, il vaudrait beaucoup mieux mourir ; mais lorsque, après cette première pensée, l’on presse ses enfants sur son cœur, des larmes, des sentiments tendres raniment la nature, et l’on vit pour ses enfants. […] Persuadez-vous qu’il est des hommes, en petit nombre, qui méritent d’être l’espoir de la douleur, parce qu’ils sentent avec chaleur les peines de l’âme. […] Ironie discrète de la force qui se sent supérieure à l’adversaire.
Je sais bien que cette simplicité apparente cache un art réel, et que sous cette froideur calculée on sent palpiter une émotion vraie. […] On sent quelquefois de la sécheresse dans sa concision. […] Mais trop souvent ces harangues sentent le plaidoyer. […] Et quand vos doutes seront dissipés, vos objections réduites à néant, quand vous vous sentirez inondés de lumière et d’évidence, quand votre esprit jouira de la possession pleine et entière de la vérité surabondamment démontrée, ne dites pas encore que Cicéron est le plus puissant des avocats ; réservez votre jugement, attendez qu’il ait ouvert en vous les sources de la sensibilité et que, déjà maître de votre esprit, il ait achevé votre conquête en s’emparant de votre cœur.
Qu’on ne s’y trompe cependant pas, et disons ici ce que n’ont point dit les rhéteurs, qui n’ont vu et cherché à faire sentir, dans ces discours, que le mérite de la perfection oratoire : le véritable motif de ce concours général de toute la Grèce, était bien moins encore la grande réputation des deux orateurs, que la nature même du débat qui allait dévoiler les ressorts politiques qui avaient dirigé la Grèce dans des circonstances décisives pour elle. […] , parce que ce grand homme avait senti que l’observation de la loi est le maintien de notre indépendance ». […] On sent bien, d’après cela, qu’il lui devient presque superflu de réfuter des inculpations, que les auditeurs ont déjà perdues de vue, et dont l’impression est effacée.
« En effet, dit Cicéron, le discours se composant de la pensée et de l’expression, l’expression n’existe pas, si vous retranchez la pensée ; la pensée ne se manifeste pas, si vous supprimez l’expression. » Ce qui revient à l’idée de Buffon : « Bien écrire est tout à la fois bien penser, bien sentir et bien rendre ; c’est avoir à la fois de l’esprit, de l’âme et du goût63. » Mais par là même qu’on met à part le bien rendre, on conçoit qu’on puisse, en rhétorique, abstraire l’expression d’un écrit, pour la considérer indépendamment de toute autre propriété, comme, en géométrie, on abstrait l’étendue de la matière, en peinture, le coloris du tableau. […] Chez les modernes, Montaigne : « Je veux que les choses surmontent, c’est aux paroles à servir et à suivre ; » Fénelon, s’appuyant de saint Augustin : « Le véritable orateur pense, sent, et la parole suit. […] Vous, au rebours, attachez-vous aux écrivains qui s’éloignent le plus des vices auxquels vous vous sentez enclin.
Scander un vers, c’est le prononcer en faisant sentir chaque syllabe dont il se compose. […] On sent ici tout l’avantage du vers. […] Nous ne pouvons entrer ici dans le détail des règles de l’harmonie ; ce sont d’ailleurs des secrets qui se devinent et se sentent plutôt qu’ils ne s’enseignent ; une oreille sensible et délicate les trouvera sans peine, et saura les appliquer par instinct.
Grâce à eux l’influence de l’esprit français se fait partout sentir. […] Ce qui le touche, c’est bien moins la pensée du danger qu’il a couru, que le chagrin de se sentir odieux. […] On n’est entendu, avec plaisir, qu’à la condition d’exprimer des idées dont chacun sente la justesse. […] On sent que l’âme est absente et que la plume va comme elle peut. […] Elle a analysé ses tirades brillantes et elle en a fait sentir le vide, les idées superficielles et le clinquant.
Le plaisir qui résulte des ouvrages conduits de la sorte, est reçu et senti par le goût, comme sens interne ; mais la découverte de cette conduite qui nous charme, est due a la raison ; et plus la raison nous rend capables de découvrir le mérite d’un semblable plan, plus nous trouvons de plaisir à la lecture de l’ouvrage. […] Il est difficile de compter tous les divers objets qui peuvent procurer des plaisirs au goût ; il est plus difficile encore de définir ceux que l’expérience a découverts, et de les mettre à leur véritable place ; et lorsque nous voulons faire un pas de plus, et rechercher la cause efficace du plaisir que nous procurent de tels objets, c’est là que notre insuffisance se fait le plus sentir.
Cette insatiable avidité de parler s’exerce indifféremment sur tout, dévore tout comme un vaste incendie, et fait contracter à un jeune homme la déplorable habitude de parler de tout avec une légèreté dont on ne sent ni ne veut sentir les conséquences ; de sacrifier les ridicules des personnes présentes, la réputation et l’honneur des absents, avec une précipitation dont on serait soi-même effrayé, si une réflexion solide pouvait trouver sa place dans une tête vide d’idées, et étourdie du bruit qu’elle-même excite autour d’elle.
La sublimité de son discours ne laissera pas à l’auditeur transporté hors de lui-même, le temps et la liberté de remarquer ses défauts : ils seront cachés dans l’éclat de ses vertus ; on sentira son impétuosité, mais on ne verra point ses démarches : on le suivra comme un aigle dans les airs, sans savoir comment il a quitté la terre ». […] Leur objet était d’éteindre la croyance, de faire prendre un autre cours aux esprits sur les institutions religieuses et civiles ; et la révolution s’est, pour ainsi dire, opérée ; les prosélytes se sont multipliés ; leurs maximes se sont répandues ; les royaumes ont senti chanceler leurs antiques fondements ; et les nations, étonnées de trouver leurs principes anéantis, se sont demandé par quelle fatalité elles étaient devenues si différentes d’elles-mêmes.
comprenez-vous bien ce que je sentis en montant ce degré683 ? […] Il se sentait du penchant à ces sortes de vexations ; il était éloigné de la cour et presque assuré de l’impunité. […] Je m’en sentais offensé, et je dis fièrement à Corcuelo : a Apportez-nous votre truite, et ne vous embarrassez pas du reste ». […] Je ne pouvais me consoler de m’être laissé tromper si grossièrement, ou, pour mieux dire, de sentir mon orgueil humilié. […] Colin sentit son néant et pleura.
Il n’a, pour ainsi dire, d’âme que pour sentir leur bonheur ou leurs peines : elle s’identifie en quelque sorte avec la leur. […] On sent qu’un roi a une façon de s’exprimer bien différente de celle d’un courtisan, et que le langage d’un homme de qualité, n’est pas le même que celui d’un simple citoyen. […] Mais on sent qu’un seul endroit déterminé ne peut fournir le sujet que d’une ou de deux scènes de parodie. […] S’est-il plaint à tes yeux des maux qu’il ne sent pas ? […] Agamemnon troublé, sent plus que jamais la tendresse paternelle se réveiller dans son âme.