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110. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Deuxième partie. Rhétorique. — Chapitre I. — Rhétorique »

L’Éloquence est le talent de bien dire, c’est le talent de faire passer dans l’âme des auditeurs, et d’y imprimer avec force les sentiments profonds dont on est soi-même pénétré. […] Un ton véhément et pathétique, des gestes expressifs et fréquents, des paroles rapides et sonnantes. » Tel est le sentiment de Buffon. […] Massillon, par exemple, ébranle puissamment les âmes par l’éloquence continue qui règne dans son admirable sermon Sur le petit nombre des Élus, et Racine est constamment sublime dans sa tragédie inimitable d’Athalie, où la grandeur des pensées et des sentiments, l’intérêt des situations et la majesté du style tiennent constamment les auditeurs dans l’admiration la plus profonde.

111. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Deuxième partie. De la poésie en particulier ou des différents genres de poésie — Seconde section. Des grands genres de poésie — Chapitre II. Du genre didactique. » pp. 161-205

., mais dans une série de tableaux rangés de manière à former une espèce de galerie, tableaux qui ne sont liés ensemble que par une idée, un sentiment moral, quoiqu’ils concourent au même but. […] Beaucoup d’autres poètes ont embelli du coloris de l’imagination ou des grâces du sentiment, les choses les plus simples et les événements les plus communs. 11 n’est presque point d’objet qui ne puisse servir de matière à l’épître. […] L’héroïde est susceptible de tous les sentiments qui animent la tragédie. […] Ces poésies de pure invention demandent à être animées par une grande chaleur de sentiment et embellies par une grande richesse d’expression. […] On peut cependant y mettre plus de finesse, de délicatesse ou d’agrément ; mais il faut en exclure toute fiction sérieuse, toute peinture magnifique, toute idée ou tout sentiment trop relevé.

112. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre IV. Genre dramatique. »

Mais il y a deux sentiments contraires qui se disputent sans cesse notre âme : la joie et la douleur, qui se manifestent par le rire et les larmes : c’est comme la double face de l’humanité. […] Ces sentiments impétueux qui poussent au crime les héros tragiques, ces amours qui font leur joie et leur tourment, nous émeuvent et nous attendrissent sans nous inquiéter. » Le tableau du malheur, dans la tragédie, a aussi un effet moral : il perfectionne la sensibilité, et attendrit l’âme aux souffrances de l’humanité. […] Il ne faut pas oublier que, dans la tragédie, personnages, sentiments et style, tout doit être héroïque et aspirer au sublime. […] Les descriptions ne sont bonnes que quand elles tiennent à l’action et sont amenées par le sentiment. […] Or tout ce qui vient à heurter cette idée, à faire contraste avec ce type, excite en nous le sentiment du comique et provoque le rire.

113. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre III. — Ornements du Style, qui consistent dans les Mots ou Figures »

8° On prend enfin, pour exprimer un sentiment, l’organe ou la partie du corps, qui en est considérée comme le siège. […] Il a de l’agrément dans la conversation : de la douceur et de la fidélité dans le commerce de l’amitié, une grande élévation dans les sentiments et dans les idées. […] La concession est particulièrement utile pour combattre un sentiment, un préjugé, une erreur. […] Cette figure consiste encore à faire des questions avec art, ou à y répondre de manière à amener à son sentiment les esprits qui en sont éloignés. […] Cette figure donne au style un mouvement vif et imprévu qui frappe, saisit et étonne ; elle convient aux passions ardentes, et impétueuses, ou animées de quelque profond sentiment qui éclate avec transport.

114. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Origine et principe des beaux-arts »

Des besoins réciproques forcèrent les premiers hommes à se communiquer, par la parole, leurs pensées et leurs sentiments. […] Il leur exposa ces vérités ; et il vint à bout d’éclairer leur esprit, en leur faisant concevoir ses propres idées ; d’échauffer leur âme, en leur faisant éprouver ses propres sentiments. […] Il fit, sans doute, un pareil essai, après avoir été affecté des divers tons, sur lesquels les hommes s’exprimaient, selon le sentiment ou la passion dont ils étaient agités.

115. (1866) Morceaux choisis des classiques français, à l’usage des classes supérieures : chefs d’œuvre des prosateurs et des poètes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouvelle édition). Classe de seconde

c’est l’opinion reçue dès l’enfance, et établie par le sentiment unanime de la nation, qu’un gentilhomme sans cœur se dégrade lui-même et n’est plus digne de voir le jour. […] Ce sont dans celui-là des maximes, des règles, des préceptes, et dans celui-ci du goût et des sentiments. […] L’œil reçoit et réfléchit en même temps la lumière de la pensée et la chaleur du sentiment : c’est le sens de l’esprit et la langue de l’intelligence. […] On parle par expérience ; et l’on voudrait étouffer ce sentiment tyran Bique qui nous donne tant de tourment. […] n’attendrissez point ici mes sentiments.

116. (1870) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices par Gustave Merlet,... à l'usage de tous les établissements d'instruction. Cours moyens, grammaire et enseignement spécial. Première partie : prose

Pour moi, je vous l’avoue, j’ai les sentiments sur cette matière un peu plus délicats. […] Voilà bien les sentiments d’un petit esprit, de vouloir demeurer toujours dans la bassesse. […] Ce sentiment est raisonnable ; nam, sine doctrinà, vita est quasi mortis imago. […] Au sentiment de notre grandeur et de notre misère, il associe l’accent d’un cœur qui a souffert. […] n’aurai-je aucun autre sentiment que celui de la peur ?

117. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XI. du corps de l’ouvrage. — narration, description  » pp. 146-160

Pour y parvenir, l’écrivain rattachera la description tantôt aux héros du poëme, du drame, du roman, du discours, par l’harmonie ou les contrastes qu’il établit entre la nature extérieure et les sentiments qui les animent ; tantôt au lecteur lui-même, en mettant l’action en lui, en réveillant, pour les lui faire partager ou du moins comprendre, les émotions humaines qui dorment au sein de la nature, en faisant pénétrer enfin dans les objets physiques un élément moral. […] Walter Scott et Victor Hugo, je l’ai remarqué déjà, ont penché vers ce défaut, où donnent pleinement quelques-uns de nos contemporains, qu’un sentiment de répulsion pour le vague et le banal du xviiie  siècle jette dans l’excès contraire. […] Pour lui donner la vie, mêlez le sentiment à l’image, soit que vous mettiez l’aspect des lieux en harmonie avec les émotions de l’âme ; soit que vous aviviez celles-ci par l’opposition ; soit que vous y rattachiez une espérance ou un souvenir public ou privé. Sans parler des poëtes et surtout des contemporains, de lord Byron, de Victor Hugo, de Lamartine, de Soumet, les prosaleurs qui ont le mieux su rattacher le sentiment à la description sont d’abord J.

118. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Joubert, 1754-1824 » pp. 388-398

Je voudrais surtout, et j’ordonnerais, si je le pouvais, que pendant cette tendre cérémonie, pendant l’aller et le retour, il n’y eût dans les sentiments et dans les contenances rien de lugubre et rien de repoussant, en sorte qu’ils offrissent un spectacle qu’on serait bien aise d’avoir vu. […] Ces deux causes agissent perpétuellement l’une sur l’autre, et bouleversent les âmes dans leurs sentiments les plus louables et les plus inévitables. […] Élevez-vous, je vous en conjure, au-dessus de ces sentiments vulgaires. […] « Telle est la puissance de l’imagination et du sentiment en nous, que nous rendons la vie à ceux qui nous ont quittés.

119. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Fénelon, 1651-1715 » pp. 178-204

Elle n’est bonne qu’autant que les sons y conviennent au sens des paroles, et que les paroles y inspirent des sentiments vertueux. […] On ne se contente pas de la simple raison, des grâces naïves, du sentiment le plus vif, qui font la perfection réelle ; on va un peu au delà du but par amour-propre. […] Il était intrépide à la guerre, décisif dans ses conseils, supérieur aux autres hommes par la noblesse de ses sentiments ; sans hauteur, sans présomption, sans dureté. […] Ils ont gardé les caractères, ils ont attrapé l’harmonie, ils ont su employer à propos les sentiments et la passion. […] En ce pays où le peuple régnait, point de palais fastueux, mais des édifices destinés à tous, des théâtres, des portiques, et partout le sentiment de l’homme dans sa beauté et sa liberté.

120. (1867) Morceaux choisis des classiques français, à l’usage des classes supérieures : chefs d’œuvre des prosateurs et des poètes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouvelle édition). Classe de rhétorique

Les sentiments dénaturés de ces derniers montrent la corruption de la nature humaine. […] Où peut-on prendre ces sentiments ? […] La conclusion est que, ne pouvant posséder la science complète, l’homme doit s’humilier dans le sentiment de son ignorance. […] Elles sont vides de sentiments qui n’ont régné que depuis leur temps, et qui doivent aux femmes leur naissance. […] Témoignes-tu pour moi les moindres sentiments ?

121. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Pascal, 1623-1662 » pp. 56-71

Au sentiment de notre grandeur et de notre misère, il associe l’accent d’un cœur qui a souffert. […] Est-ce par grimace et par feinte que les juges chrétiens ont établi ce règlement ; et ne l’ont-ils pas fait pour proportionner les lois civiles à celles de l’Évangile, de peur que la pratique extérieure de la justice ne fût contraire aux sentiments intérieurs que des chrétiens doivent avoir ? […] C’est de cette façon que l’on peut aujourd’hui prendre d’autres sentiments et de nouvelles opinions sans mépriser les anciens et 3 sans ingratitude, puisque les premières connaissances qu’ils nous ont données ont servi de degrés aux nôtres, et que dans ces avantages nous leur sommes redevables de l’ascendant que nous avons sur eux ; parce que s’étant élevés jusqu’à un certain degré où ils nous ont portés, le moindre effort nous fait monter plus haut, et avec moins de peine et moins de gloire nous nous trouvons au-dessus d’eux. […] Cependant il est étrange de quelle sorte on révère leurs sentiments. […] Et ceux qui méprisent le plus les hommes, et qui les égalent aux bêtes, encore veulent-ils en être admirés et crus, et se contredisent à eux-mêmes par leur propre sentiment, leur nature, qui est plus forte que tout, les convainquant de la grandeur de l’homme plus fortement que la raison ne les convainc de leur bassesse.

122. (1811) Cours complet de rhétorique « Notes. »

Heureux une fois, dans la conception d’un rôle éminemment dramatique, celui d’un grand homme aigri par le sentiment d’une grande injustice, il fit de cette idée qui lui avait si bien réussi, l’âme de son théâtre tragique, et s’attacha de préférence aux sujets qui lui en offraient les développements les plus favorables. Ainsi Coriolan, Philoctète, Icilius (dans Virginie) ont tous avec Warvick, ce trait premier de ressemblance qui tient à l’idée générale du rôle ; et malgré les efforts de l’auteur pour graduer les nuances qui devaient les différencier, tous ces personnages ont un défaut commun, l’exagération du sentiment de l’injure, plus de roideur que de véritable force, et d’âpreté que d’énergie. […] que la plus indispensable des dispositions dans un traducteur, est cette espèce d’analogie naturelle qui le rapproche, à son insu, du modèle qu’il se propose d’imiter, qui établit d’avance entre eux un rapport de goût et de sentiments, sans lequel le traducteur, quel que soit d’ailleurs son talent, restera toujours infiniment au-dessous de son auteur. […] La langue italienne est si belle, si harmonieuse, si facile en apparence ; l’attrait du Tasse en particulier est si puissant, qu’il faut pardonner à la médiocrité de ses traducteurs (en vers français) d’avoir trop aisément cédé à l’enthousiasme qu’inspire ce grand poète : c’est une erreur de sentiment, bien plus encore qu’une illusion de l’amour-propre, qui a égaré sur ses pas cette foule malheureuse d’imitateurs. […] Des émotions fortes, des tableaux absolument neufs, de nouveaux cieux, une terre nouvelle, un langage et des sentiments qui ne ressemblaient à rien de ce que l’on avait senti, voilà ce qu’offrait l’épisode d’Atala ; et voilà ce qu’il fallait pour donner à l’âme, de ces distractions puissantes qui l’arrachent malgré elle au charme douloureux de ses souvenirs, et même aux illusions de ses espérances.

123. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Buffon, 1707-1788 » pp. 282-302

C’est faute de plan, c’est pour n’avoir pas assez réfléchi sur son objet, qu’un homme d’esprit se trouve embarrassé, et ne sait par où commencer à écrire : il aperçoit à la fois un grand nombre d’idées ; et, comme il ne les a ni comparées ni subordonnées, rien ne le détermine à préférer les unes aux autres ; il demeure donc dans la perplexité ; mais, lorsqu’il se sera fait un plan, lorsqu’une fois il aura rassemblé et mis en ordre toutes les pensées essentielles à son sujet, il s’apercevra aisément de l’instant auquel il doit prendre la plume ; il sentira le point de maturité de la production de l’esprit, il sera pressé de la faire éclore, il n’aura même que du plaisir à écrire ; les idées se succéderont aisément, et le style sera naturel et facile2 ; la chaleur naîtra de ce plaisir, se répandra partout, et donnera de la vie à chaque expression ; tout s’animera de plus en plus ; le ton s’élèvera, les objets prendront de la couleur ; et le sentiment, se joignant à la lumière, l’augmentera, la portera plus loin, la fera passer de ce que l’on dit à ce que l’on va dire, et le style deviendra intéressant et lumineux. […] L’homme, qui ne peut que par le nombre, qui n’est fort que par sa réunion, qui n’est heureux que par la paix, a la fureur de s’armer pour son malheur et de combattre pour sa ruine : excité par l’insatiable avidité, aveuglé par l’ambition encore plus insatiable, il renonce aux sentiments d’humanité, tourne toutes ses forces contre lui-même, cherche à s’entre-détruire, se détruit en effet ; et après ces jours de sang et de carnage, lorsque la fumée de la gloire s’est dissipée, il voit d’un œil triste la terre dévastée, les arts ensevelis, les nations dispersées, les peuples affaiblis, son propre bonheur ruiné et sa puissance réelle anéantie. […] Aux avantages de la nature, le cygne réunit ceux de la liberté ; il n’est pas du nombre de ces esclaves que nous puissions contraindre ou renfermer : libre sur nos eaux, il n’y séjourne, ne s’y établit qu’en jouissant d’assez d’indépendance pour exclure tout sentiment de servitude et de captivité ; il veut à son gré parcourir les eaux, débarquer au rivage, s’éloigner au large, ou venir, longeant la rive, s’abriter sous les bords, se cacher dans les joncs, s’enfoncer dans les anses les plus écartées ; puis, quittant sa solitude, revenir à la société, et jouir du plaisir qu’il paraît prendre et goûter en s’approchant de l’homme, pourvu qu’il trouve en nous ses hôtes et ses amis, et non ses maîtres et ses tyrans1. […] Ainsi vous serez toujours un orateur très-imparfait, si vous n’êtes pénétré des sentiments que vous voulez peindre et inspirer aux autres ; et ce n’est pas par spiritualité que je dis ceci, je ne parle qu’en orateur. » 1. […] Le même sentiment se retrouve dans cette page de Lacordaire : « Souvent, dans ma jeunesse, j’ai gravi les hautes montagnes.

124. (1875) Les auteurs grecs expliqués… Aristote, Poétique « Commentaire sur la Poétique d’Artistote. — Chapitre V. » pp. 82-88

Il ne faut pas s’embarrasser de la règle des vingt-quatre heures, ni déférer sur cela au sentiment d’Aristote. Nous lui avons déjà perdu le respect en mêlant les grands sentiments du tragique aux bas sentiments de la comédie.

125. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VII. des passions  » pp. 89-97

Tous ne sont-ils pas unanimes pour répéter le précepte d’Horace : … Si vis me flere, dolendum est Primum ipsi tibi… vérité si incontestable aux yeux de Boileau, qu’il se contente de la traduire : Pour me tirer des pleurs, il faut que vous pleuriez ; et qu’ailleurs, après avoir accordé à l’amour une place dominante dans les écrits, comme dans les sentiments et les actions des hommes, il ajoute : Mais pour bien exprimer ces caprices heureux, C’est peu d’être poëte, il faut être amoureux. […] « Il est impossible, dit Antoine à Crassus, que l’auditeur se livre à la douleur, à la haine, à l’indignation, à la crainte, à la pitié, si tous ces sentiments ne sont profondément imprimés dans l’âme de l’orateur. […] L’avocat plaide, dans la même matinée, deux causes diverses ; le poëte, et remarquez que c’est là le ressort continuel de l’action scénique, introduit deux interlocuteurs opposés de sentiment comme d’intérêts ; le romancier, d’une page à l’autre, peint avec une égale énergie deux passions rivales.

126. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Introduction »

Vivant sous la tente patriarcale, éprouvant peu de besoins, trouvant la terre docile à leurs désirs et produisant sans culture les fruits les plus délicieux, entourés de nombreux troupeaux qui leur assuraient une existence facile, exempte de soucis, ne soupçonnant pas l’existence des honneurs et des richesses, n’abandonnant leurs cœurs qu’à des passions douces et innocentes, les hommes durent nécessairement se contenter d’un langage fort limité pour l’expansion de leurs sentiments et l’expression de leurs idées. […] L’Écriture L’homme qui avait reçu du ciel les plus précieuses facultés, et entre autres celle de transmettre à son frère les pensées et les sentiments qui l’animaient, chercha le moyen de rendre durable l’expression de ces mêmes pensées et sentiments.

127. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XII. du corps de l’ouvrage. — portrait, dialogue, amplification  » pp. 161-174

Si vous voulez donc réussir comme épistolographe, abandonnez-vous à l’impulsion de votre nature, de vos sentiments, de vos opinions, de votre esprit, en appliquant seulement à ce genre les règles générales de l’art d’écrire. […] Il est, en effet, dans une œuvre didactique ou oratoire, certaines preuves, certains sentiments, certaines vérités, sur lesquels on ne peut assez appuyer, comme, dans un récit, certains faits qu’il faut agrandir, ou au contraire atténuer par la manière dont on les présente. […] Pour les juger mettez-vous à leur place, sinon votre froide et rigoureuse analyse glacera toute imagination, étouffera tout sentiment. […] Dans Cicéron, dans Bossuet, dans Massillon, dans Rousseau, dans Bernardin de Saint-Pierre, dans Chateaubriand, elle s’adresse plutôt au sentiment ou à l’imagination.

128. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Deuxième partie. De la poésie en particulier ou des différents genres de poésie — Seconde section. Des grands genres de poésie — Chapitre III. Du genre épique » pp. 207-250

Ainsi, c’est grâce à ce caractère fondamental, qu’il diffère de la poésie lyrique qui est l’expression vive et animée du sentiment, du poème dramatique qui représente l’action au lieu d’en faire le récit, du poème didactique qui n’est qu’un tissu de principes et de préceptes, et des fastes en vers qui ne sont qu’une suite d’événements sans unité d’action. […] Cet effet moral provient des grands exemples que le poète met sous nos yeux, et des nobles sentiments qu’il fait passer dans notre cœur. […] Les origines illustres, les antiques gloires d’un pays, les actions mémorables de ses héros ont le privilège, non seulement d’exalter les nationaux, mais encore d’intéresser les autres peuples, si le poète est guidé par les sentiments d’un cœur généreux. […] Le poète est inspiré dans l’ode et dans l’épopée ; mais, dans l’ode, son inspiration est prophétique : son cœur est dans l’ivresse du transport ; le poète, possédé du dieu qui l’inspire, y peint avec des traits de feu le sentiment qui l’anime, pour remplir notre âme. […] Ce sera la même noblesse dans les pensées, la même élévation dans les sentiments, la même vivacité dans les images, la même pompe d’expressions, la même hardiesse dans les tours et les figures.

129. (1876) Traité de versification latine, à l'usage des classes supérieures (3e éd.) « PRÉAMBULE. » pp. -

Ce n’est pas assez que le langage soit vrai et qu’il exprime d’une manière précise nos pensées et nos sentiments ; ce n’est pas même assez qu’il soit correct et suive en tous points les règles de la grammaire. […] En suivant cette méthode, qui nous est spécialement recommandée par un grand poëte1, ils enrichiront leur esprit d’une foule de pensées nobles et fécondes, leurs cœurs s’épanouiront sous l’influence de sentiments élevés, et il se formera en eux comme un riche trésor de termes choisis et de tournures élégantes, où ils n’auront qu’à puiser quand il sera besoin d’écrire et de composer en latin.

130. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre III. Discours académiques de Racine, de Voltaire et de Buffon. »

quelle gravité dans les sentiments ! […] » Un de leurs contemporains, incapable peut-être du sublime qui élève l’âme, et du sentiment qui l’attendrit, mais fait pour éclairer ceux à qui la nature accorda l’un et l’autre ; laborieux, sévère, pur, harmonieux, il devint le poète de la raison : — il égala et surpassa peut-être Horace dans la morale et dans l’art poétique. […] Les idées se succéderont aisément, et le style sera naturel et facile ; la chaleur naîtra de ce plaisir, se répandra partout, et donnera la vie à chaque expression : tout s’animera de plus en plus ; le ton s’élèvera, les objets prendront de la couleur ; et le sentiment, se joignant à la lumière, l’augmentera, la portera plus loin, la fera passer de ce qu’on dit à ce qu’on va dire, et le style deviendra intéressant et lumineux ».

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