En effet, tout n’est pas à décrire et à peindre dans tous les objets. […] A cette condition cependant, on pourra peindre les traits qui lui seraient communs avec d’autres objets. […] De même, dans une description, il faut placer en relief l’objet le plus intéressant et le peindre avec des couleurs plus vives et plus magnifiques. […] Pour réussir en ce genre, il faut avoir étudié attentivement la vie, les œuvres, l’influence du personnage que l’on veut peindre. […] Le sentiment se peint souvent dans un seul mot.
Voilà, certes, pour le théâtre, une source intarissable d’émotions : si le poète sait peindre les passions avec vérité, et parler le langage de la nature-, il est sûr, en tous temps et en tous lieux, de remuer les cœurs. […] Mais, en recherchant les grands effets sur le théâtre, l’auteur doit se garder de peindre le crime brutal et féroce ; l’effroi ne doit pas être poussé jusqu’à l’horreur sauvage, comme on le voit dans quelques drames modernes. […] La tragédie peint les crimes des hommes pour les rendre odieux, leurs infortunes pour nous attendrir ; la comédie peint les vices, les travers, les folies de l’humanité, pour les rendre ridicules ou méprisables, et les redresser. […] Le caractère que l’on veut peindre doit dominer tous les autres, l’Avare de Molière, le Menteur de Corneille, le Glorieux de Destouches. […] L’auteur qui court après le succès du moment ne se fonde pas une gloire durable : l’auteur de génie qui peint l’homme en général coule en bronze sa propre statue.
Il peint en racontant : sa poésie est soignée, sa diction pure, ses expressions toujours choisies. […] Mais bien souvent elle n’en a point, et ne peint que le sentiment. […] Ce poète a peint la nature simple, mais quelquefois négligée. […] Le sentiment y est peint avec tout le charme, et toutes les grâces imaginables. […] Ainsi pour peindre l’origine.
En quoi consiste l’art de peindre ? […] De là vient qu’un peintre et un poëte ont tant de rapport2 : l’un peint pour les yeux, l’autre pour les oreilles ; l’un et l’autre doivent porter les objets dans l’imagination des hommes. […] Homère semble avoir oublié le lecteur pour ne songer qu’à peindre en tout la vraie nature. […] L’auteur y répand des trésors d’élégance ; il peint la nature, il en égale les richesses et les couleurs par l’éclat de son style : souvent il laisse échapper cette abondance de sentiments tendres et passionnés, langage naturel de son cœur. […] Le charme de ce passage de Fénelon suffirait déjà pour montrer que Saint-Simon n’a été que juste et vrai pour lui, lorsqu’il l’a peint « doué d’une éloquence naturelle, douce et fleurie ».
Ils se sont attachés, et ils sont parvenus avec succès à peindre la pensée dans les mots seulement, dont l’esprit et l’oreille devaient être vivement frappés. […] Nous ne croyons pas, par exemple, que quand Fléchier nous représente Turenne étendu sur ses propres trophées ; quand il nous peint ce corps pâle et sanglant, auprès duquel fume encore la foudre qui l’a frappé , il se soit arrêté à dessein à ce choix de syllabes longues et tristement sonores, pour terminer tout à coup par ces quatre brèves : quĭ l’ă frâppĕ. […] Il y a harmonie dans le style, qui est rapide ou lent, coupé ou périodique, serré ou développé, selon qu’il s’agit de prouver ou de peindre, de toucher ou de raisonner. Style rapide, destiné à peindre l’effet d’un grand événement. […] Sa tête regarde le ciel, et présente une face auguste sur laquelle est imprimé le caractère de sa dignité : l’image de l’âme y est peinte par la physionomie ; l’excellence de sa nature perce à travers les organes matériels, et anime d’un feu divin les traits de son visage.
N’allez pas, dit Delille, Toujours peindre et toujours décrire : Dans l’art d’intéresser consiste l’art d’écrire. […] Que doit faire le poète quand il veut peindre les mœurs et les ridicules ? Lorsque le poète veut peindre les mœurs et les ridicules, il doit en saisir les traits les plus frappants, et les présenter sous des images peu communes. […] De même, Voltaire a admirablement peint et loué le militaire français dans une lettre bien connue, qu’il écrivit du camp de Philipsbourg. […] La Fontaine avait l’un et l’autre : il savait voir ; il savait peindre, et en même temps prêter à ses acteurs toutes les grâces dont ils avaient besoin.
Si l’on veut définir en philosophe, on caractérisera l’objet le plus brièvement possible ; mais l’orateur, le poète donnera à sa définition plus d’étendue et d’ornements : il pourra peindre l’objet par des traits caractéristiques et saillants, et faire une sorte d’accumulation des causes, des effets et des circonstances. […] Si j’ai à peindre une inondation, rien n’est plus naturel que de remonter aux causes qui l’ont amenée : un orage, le vent, les pluies, la rupture d’une digue ; les effets de l’évènement seront la désolation des villes et des campagnes, la ruine, la misère, etc. […] Que votre âme et vos mœurs, peintes dans vos ouvrages, N’offrent jamais de vous que de nobles images. […] L’histoire, c’est le drame des peuples ; la poésie lyrique peint les émotions intimes de l’âme ; le roman, les passions de la vie commune. […] Mais qu’ils se gardent surtout de ces lectures dangereuses où les passions, peintes sous des couleurs attrayantes, peuvent pervertir leur esprit et leur cœur.
C’est ainsi que peignent et s’expriment les prophètes, et ceux que pénètre et inspire leur esprit, il n’y a là rien de fantastique, rien d’idéal : ce n’est point ici une création humaine divinisée ; c’est la divinité peinte de ses propres traits. […] Cela est si vrai, que le plus sublime de tous, celui qui a le plus approché de ce qui était accessible au génie poétique humain, Homère, ne concevant pas un être capable de tout remplir de sa présence en même temps, est contraint, pour la peindre, de redescendre bientôt de la hauteur fictive où il venait de s’élever avec son dieu, et de laisser à ses coursiers tout l’honneur du sublime dans cette circonstance. […] Longin, qui cite cet exemple, ne manque pas de se récrier sur la majesté avec laquelle Homère peint ses Dieux. […] De là ces allusions si fréquentes, dans les livres saints, à une terre aride et brûlante, où il n’y a point d’eau, pour peindre l’excès du malheur : de là ces métaphores empruntées d’une rosée qui tombe du ciel, d’une source imprévue qui s’échappe du sein d’un rocher, pour décrire le passage du malheur à la prospérité, etc.
Polygnote les peignait plus beaux que nature, Pauson plus laids, Denys comme ils étaient. […] Sophocle imite les mêmes objets qu’Homère, parce qu’il peint en beau comme lui ; et de la même manière qu’Aristophane, parce qu’il peint par l’action ou le drame. […] Celle-ci peint les choses dans le particulier : la poésie les peint dans le général. […] Si l’on reproche au poète de n’avoir pas peint les objets comme ils sont, on dira qu’il les a peints comme ils devaient être. […] C’est le titre d’un poème où Homère s’était diverti à peindre en ridicule un fainéant.
Cet être souverain, dont elle nous donne une idée nette et précise, y est peint avec tous ses attributs. […] Cet auteur est exact dans la chronologie, et admirable dans ses portraits : il peint d’un seul trait. […] Son coloris est mâle et vigoureux : tout ce qu’il peint, il le peint en grand maître. […] Il peint d’ailleurs, sous des traits frappants et vrais, les grands hommes qu’il veut faire connaître. […] Ce sont proprement les Mémoires de sa vie, où elle peint au naturel le cœur humain.
On doit rechercher de préférence les épithètes qui font image et peignent la chose dont on parle, en mettant sous les yeux ses qualités les plus saillantes. […] Si l’on disait, en parlant de la neige qui couvre les campagnes : Candida nix operit campos, l’épithète candida serait ici choisie avec goût, parce qu’il s’agit précisément de peindre la surface de la terre blanchie par une couche de neige. […] En effet, ces mots virides, olentia latè, spirantis graviter, irriguum, peignent admirablement les divers objets dont parle Virgile, et répondent parfaitement au but qu’il s’est proposé. […] Ainsi, pour peindre l’aurore, Virgile dira : Postera jamque dies primo surgebat Eoo, Humentemque Aurora polo dimoverat umbram. […] Il s’agit ici de peindre l’inquiétude de ce tendre père, qui redoute que cet instrument de salut ne devienne pour son enfant un instrument de mort.
Il peint l’homme comme le théâtre ; avec moins de force et de vivacité sans doute, mais avec plus de liberté. […] Il ne suffit pas, en effet, que le roman soit bien ordonné, que le récit en soit vif, intéressant, les peintures variées, les passions peintes avec naturel ; que les évènements s’enchaînent, que les caractères soient bien tracés et bien soutenus, qualités qui appartiennent aussi au poème épique ; il faut encore que le roman soit moral et instructif. […] Trop souvent il peint les passions sous des couleurs vives et attrayantes ; trop souvent, dans les caprices ou le délire de l’imagination, il porte atteinte au bon goût, à la vérité, à la vertu. […] La lecture des romans, même les plus innocents en apparence, peut fausser l’esprit et troubler le cœur où règnent la candeur et la simplicité de la vertu ; car ils peignent un monde idéal et factice qui diffère toujours du monde réel. […] C’est là qu’il trouve le principe de l’Individualité ; il le puise à la fois dans l’indépendance germanique et dans la réflexion intérieure ; il s’y empreint fortement de l’esprit d’observation et d’analyse intime ; il peint le cœur humain en pénétrant dans tous ses replis les plus cachés ; il affectionne les tableaux de famille, il entre dans tous les détails et les effets des passions.
Une jeunesse éternelle, un bonheur sans fin, une gloire toute divine est peinte sur leur visage ; mais leur joie n’a rien de folâtre ni d’indécent ; c’est une joie douce, noble, pleine de majesté : c’est un goût sublime de la vérité et de la vertu qui les transporte. […] Homère et Virgile excellent dans ce grand art de peindre : leurs poèmes offrent une suite de tableaux de la dernière force et de la plus grande vérité. […] Berruyer, dans son Histoire du peuple de Dieu, peint l’embrasement de ces anciennes villes, dont les habitants livrés à d’infâmes débauches, attirèrent sur eux un des plus terribles fléaux de la vengeance céleste. […] Ils peignent avec plus de feu et de précision : ils peignent même souvent d’un seul trait. […] La Posographie, peint l’extérieur des objets.
Le sot projet qu’il a de se peindre ! […] Le sublime ne peint que la vérité, mais en un sujet noble ; il la peint tout entière, dans sa cause et dans son effet ; il est l’expression ou l’image la plus digne de cette vérité. […] Pour les exciter, il faut les peindre : ainsi je crois que toute l’éloquence se réduit à prouver, à peindre et à toucher. […] Qu’appelez-vous peindre ? […] Pour réussir à peindre les passions, il faut étudier les mouvements qu’elles inspirent.
est-ce l’esprit, l’imagination, la critique, l’art de composer, le talent de peindre ? […] Chacun d’eux a sa qualité particulière et saillante ; tel raconte avec une abondance qui entraîne, tel autre, sans suite, va par saillies et par bonds, mais en passant, il trace en quelques traits des figures qui ne s’effacent jamais de la mémoire des hommes ; tel autre enfin, moins abondant ou moins habile à peindre, mais plus calme, plus discret, pénètre d’un œil auquel rien n’échappe dans la profondeur des événements humains, et les éclaire d’une éternelle clarté. […] En effet, avec ce que je nomme l’intelligence, on démêle bien le vrai du faux ; on ne se laisse pas tromper par les vaines traditions ou les faux bruits de l’histoire ; on a de la critique, on saisit bien le caractère des hommes et des temps ; on n’exagère rien, on ne fait rien trop grand ou trop petit, on donne à chaque personnage ses traits véritables ; on écarte le fard, de tous les ornements le plus malséant en histoire, on peint juste ; on entre dans les secrets ressorts des choses, on comprend et on fait comprendre comment elles se sont accomplies ; diplomatie, administration, guerre, marine, on met ces objets si divers à la portée de la plupart des esprits, parce qu’on a su les saisir dans leur généralité intelligible à tous ; et quand on est arrivé ainsi à s’emparer des nombreux éléments dont un vaste récit doit se composer, l’ordre dans lequel il faut les présenter, on le trouve dans l’enchaînement même des événements ; car celui qui a su saisir le lien mystérieux qui les unit, la manière dont ils se sont engendrés les uns les autres, a découvert l’ordre de narration le plus beau, parce que c’est le plus naturel ; et si, de plus, il n’est pas de glace devant les grandes scènes de la vie des nations, il mêle fortement le tout ensemble, le fait succéder avec aisance et vivacité ; il laisse au fleuve du temps sa fluidité, sa puissance, sa grâce même, en ne forçant aucun de ses mouvements, en n’altérant aucun de ses heureux contours ; enfin, dernière et suprême condition, il est équitable, parce que rien ne calme, n’abat les passions comme la connaissance profonde des hommes. […] L’intelligence est donc, selon moi, la facilité heureuse qui, en histoire, enseigne à démêler le vrai du faux, à peindre les hommes avec justesse, à éclaircir les secrets de la politique et de la guerre, à narrer avec un ordre lumineux, à être équitable enfin, en un mot à être un véritable narrateur. […] Mézerai et Daniel m’ennuient ; c’est qu’ils ne savent ni peindre ni remuer les passions.
S’il peint ceux de la bourgeoisie, c’est le comique bourgeois. S’il peint ceux du peuple, c’est le be. […] Il suffit de les peindre suivant les règles de l’art. […] Avec quelle énergie, avec quelle vérité il peint l’avare ! […] Les mœurs de la vie bourgeoise y sont peintes avec toutes les grâces imaginables.
Faut-il peindre, dans le calme du silence, le murmure des flots qui baignent le rivage ? […] On ne peint pas un incendie des mêmes couleurs qu’on peint un naufrage. […] Fugere feræ, où l’action se peint la première, vaut mieux que les animaux ont fui. […] Elle est très propre à peindre une passion ardente, une émotion vive et profonde : le style en tire à la fois plus de grâce et de force. […] Telle est cette hyperbole où Virgile peint l’agilité de l’amazone Camille à la course.
Cela est peint. […] La philosophie décrit et dépeint la nature, la poésie la peint et l’embellit ; elle peint aussi les hommes ; elle les agrandit, elle les exagère ; elle crée les héros et les dieux. L’histoire ne peint que l’homme, et le peint tel qu’il est : ainsi le ton de l’historien ne deviendra sublime, que quand il fera le portrait des plus grands hommes, quand il exposera les plus grandes actions, les plus grands mouvements, les plus grandes révolutions, et partout ailleurs, il suffira qu’il soit majestueux et grave. […] Cette réponse peint le sublime de l’amour de la patrie. […] Terminons ce que nous venons de dire sur le sublime, en citant ces beaux vers de Racine, qui peignent si bien la confiance admirable de Joad dans l’Être suprême.
La Bruyère dit : « Tout l’esprit d’un auteur consiste à bien définir et à bien peindre. […] Pour réussir à peindre les passions, il faut étudier les mouvements qu’elles inspirent. […] Il faut sentir la passion pour la bien peindre ; l’art, quelque grand qu’il soit, ne parle point comme la passion véritable. Ainsi vous serez toujours un orateur très-imparfait, si vous n’êtes pénétré des sentiments que vous voulez peindre et inspirer aux autres ; et ce n’est pas par spiritualité que je dis ceci, je ne parle qu’en orateur. » 1. […] Buffon a l’imagination du poëte : il peint des tableaux qu’il n’a pas vus.
L’idée représente l’objet, le peint dans notre esprit ; elle naît de la première impression formée en nous par des mouvements extérieurs ou intérieurs ; la pensée considère cet objet, elle l’examine avec attention, elle naît de la réflexion. […] Le moraliste qui peint les travers de la société vivante, l’écrivain qui retrace quelque grande scène de la nature, prennent leurs sujets dans le monde existant ; l’annaliste s’empare du monde historique, le romancier vit dans le monde idéal ; quant au monde fabuleux, il est aujourd’hui presque abandonné. […] Mais deux règles sont à observer ici : 1° C’est de peindre les personnages, de les faire agir et parler suivant les lois de la nature et les caprices du cœur humain. 2° C’est de donner aux objets cette couleur locale qui les rapproche de l’histoire. […] Mais sur le second point, il est essentiel de peindre d’après l’histoire les mœurs de temps et de lieux. […] Je sais bien que le personnage que vous choisirez peut avoir été une exception dans son siècle, n’avoir point marché avec lui, comme on le dit généralement ; mais vous ne devez pas peindre une exception : car on s’intéresse rarement aux hommes incompris.
Peindre la passion ou chercher à l’inspirer : voilà évidemment un des topiques de discours les plus féconds et les plus variés ; l’ajouter à un sujet quelconque, passionner le sujet, pour ainsi dire, voilà un des plus puissants moyens de le développer et d’en exprimer tout ce qu’il contient. […] L’avocat plaide, dans la même matinée, deux causes diverses ; le poëte, et remarquez que c’est là le ressort continuel de l’action scénique, introduit deux interlocuteurs opposés de sentiment comme d’intérêts ; le romancier, d’une page à l’autre, peint avec une égale énergie deux passions rivales. […] Je soutiens seulement qu’elle n’est pas l’auxiliaire indispensable, la condition sine qua non de l’expression ; qu’il ne faut pas, de nécessité, être amoureux pour peindre l’amour, ni pleurer réellement pour arracher des larmes aux autres. […] Au reste, vous concevez bien que cette intelligence de la passion portée jusqu’à l’illusion est le comble de l’art ; vous concevez que, pour peindre avec une certaine perfection, ou pour soulever et calmer à son gré ces fièvres de l’âme, il faut à l’écrivain des études aussi obstinées, aussi diverses qu’au médecin pour reconnaître et guérir les maladies du corps.