Il est même court et véhément toutes les fois qu’il veut l’être, contre Catilina, contre Verrès, contre Antoine : mais on remarque quelque parure dans son discours ; l’art y est merveilleux, mais on l’entrevoit ; l’orateur, en pensant au salut de la République, ne s’oublie pas, et ne se laisse point oublier. […] Je veux un homme qui me fasse oublier qu’il est auteur, et qui se mette comme de plain-pied en conversation avec moi. […] Si Bourbon vous est aussi favorable qu’à lui2, je ne m’étonne pas qu’il vous fasse oublier la cour. […] La vertu ne perce point la foule ; elle n’a ni avidité ni empressement, elle se laisse oublier.
Parle, écris, je t’avouerai tout, pourvu que tu m’aides à sortir de cette botte au fond de laquelle on nous oublie. […] L’habit de voyage, la messe, le café, les adieux, le bardot, les sonnettes, la litière, tout est là, rien n’est oublié. […] Les impériaux ne pourront jamais oublier cette vigoureuse défense de Mézières contre eux. […] pour lui demander s’il n’oublie pas quelque chose. […] La pauvre mère en croit à peine à scs yeux ; elle oublie ses blessures pour prendre son enfant entre ses bras.
Pour oublier Brunon, il faudra bien du temps ! […] comment l’oublier, ni nous, ni nos enfants ! […] Voilà un homme oublié à jamais ! […] mon père, oubliez votre rang à ma vue. […] Dois-je les oublier s’il ne s’en souvient plus ?
C’est un ouvrage presque parfait ; cependant il était oublié à Rome même, cinquante ans, tout au plus, après sa mort, et ne fut rendu à la lumière que dans le xvie siècle85. […] La Fontaine, né en 1620 à Château-Thierry, en Champagne, a élevé l’apologue à une si grande perfection, qu’il a fait oublier tous ses devanciers. […] L’innocence et la paix régneront sur la terre ; Et les dieux apaisés Oublieront pour jamais l’usage du tonnerre. […] C’est de lui que La Harpe a dit, avec raison, que « Boileau l’avait surpassé, mais ne l’avait pas fait oublier. » Que peut-on dire de plus à sa louange ? […] Dans les autres poèmes, en effet, le poète n’est pas le personnage mis en scène ; son art même consiste souvent à se faire oublier.
Original jusque dans ses imitations, il a l’air, quand il emprunte, de prendre son bien où il le trouve, et fait oublier les sources auxquelles il puise. […] Tenez-vous ferme, Monsieur, embrassez Jésus-Christ et sa retraite ; goûtez combien le Seigneur est doux : laissez-vous oublier du monde ; mais ne m’oubliez pas dans vos prières : je ne vous oublierai jamais devant Dieu595. […] Parmi ceux qu’on connaît pour pauvres, et dont on ne veut ni ignorer, ni même oublier le douloureux état, combien sont négligés ! […] J’oubliais de vous dire qu’elle est plus petite que grande pour son âge. […] C’est oublier que tout poëte dramatique reproduit plus ou moins, à son insu, les mœurs de son temps.
Réparer les brèches d’une fortune compromise, établir son fils, adorer sa fille, Madame de Grignan, se lamenter sur son éloignement, voir et revoir la chère absente, lui raconter ses tendresses et les nouvelles du jour dans toute leur primeur, les commenter avec une verve étincelante, depuis le procès de Fouquet jusqu’à la disgrâce de M. de Pomponne, depuis la mort de Turenne jusqu’à celle de Vatel, sans oublier la pluie et le beau temps, en un mot laisser causer son esprit et son cœur : voilà toute sa vie. […] Voilà une belle chose de m’être embarquée à vous conter ce que vous saviez déjà ; mais ces originaux m’ont frappée, et j’ai été bien aise de vous faire voir que voilà comme on oublie M. de Turenne en ce pays-ci1. […] Sans madame de Sévigné, la postérité aurait depuis longtemps oublié le nom des Rabutin.
Rappelez-vous, et ne l’oubliez jamais, combien de fois vous avez provoqué dans le désert la colère de votre Dieu. […] à qui nous avons cru plus utile encore de donner des leçons de morale, que de citer des modèles d’éloquence, apprenez de bonne heure et n’oubliez jamais, que l’esprit est essentiellement faux, le goût essentiellement dépravé, quand le cœur est corrompu ; et le cœur est corrompu, quand rien de bon ou d’utile n’y a germé dans l’enfance, ou que ces germes précieux ont été tristement étouffés, dans la suite, par la séduction des mauvais exemples et l’empire des mauvaises habitudes.
C’est pourtant vrai, mais oubliez bien vite que je vous l’ai dit ; ne vous souvenez que d’une chose : Amour, tu perdis Troie, — et passons à l’apostrophe. […] L’esprit dominé par une idée oublie la concordance grammaticale, et rapporte un mot non plus aux mots précédents, mais à l’idée qui le préoccupe et dans laquelle il comprend, il absorbe ce mot. […] Sans parler, en effet, de toutes les figures dont j’ai, dans l’occasion, annoncé le retranchement, et de toutes celles que j’ai rejetées dans les notes, j’aurais pu nommer l’ épithète et l’épithétisme, et recommander à ce propos d’éviter les épithètes fades, oiseuses et déplacées, un des défauts les plus énervants pour le style ; j’ai volontairement oublié l’adjonction, la conglobation, l’atroïsme, le mérisme, l’harmonisme, etc.
On compte les hommes capables de lire à haute voix de façon à charmer les loisirs d’une journée de mauvais temps ou d’une longue soirée d’hiver, à faire oublier à un malade les lenteurs d’une convalescence. […] On n’oubliera pas combien en 1789, quand les États généraux se réunirent, il était facile de combler le déficit qui n’était pas considérable, et de rétablir l’ordre dans les finances. […] Nous a-t-il oubliés ? […] Mais vous, qui me parlez d’une voix menaçante, Oubliez-vous ici qui vous interrogez ? […] Oubliez-vous qui j’aime et qui vous outragez ?
La Bretagne et la Provence ne sont pas compatibles ; c’est une chose étrange que les grands voyages : si l’on était toujours dans le sentiment qu’on a quand on arrive, on ne sortirait jamais du lieu où l’on est ; mais la Providence fait qu’on oublie. […] Voici un bel incident : M. l’abbé1 avait mandé que nous arriverions le mardi, et puis tout d’un coup il l’oublie : ces pauvres gens attendent le mardi jusqu’à dix heures du soir ; et quand ils sont tous retournés chacun chez eux, bien tristes et bien confus, nous arrivons paisiblement le mercredi, sans songer qu’on eût mis une armée en campagne pour nous recevoir : ce contre-temps nous a fâchés ; mais quel remède ?
Vous savez ce qu’il faut pour paraître marquis ; N’oubliez rien de l’air ni des habits ; Arborez un chapeau chargé de trente plumes Sur une perruque de prix ; Que le rabat soit des plus grands volumes Et le pourpoint des plus petits : Mais surtout je vous recommande Le manteau d’un ruban sur le dos retroussé : La galanterie en est grande ; Et parmi les marquis de la plus haute bande C’est pour être placé. […] « S’il nous était enjoint de désigner précisément, observe un de nos critiques, le jour, le lieu et l’heure où Molière se révéla en quelque sorte à Louis XIV, et reçut de lui sa mission de poursuivre les ridicules du siècle, nous ne croirions pas nous tromper en disant que ce fut à Vaux, lorsque l’imprudent Fouquet voulut étaler devant le monarque les splendeurs de sa magnifique demeure. » Néanmoins, dans la comédie qui fut jouée à cette occasion, la scène que nous offrons ici ne se trouvait pas d’abord : ce fut après la représentation que le roi, félicitant l’auteur, lui indiqua un personnage de fâcheux qu’il avait oublié, celui du courtisan chasseur ; et il paraît assez certain que l’original de ce caractère était le marquis de Soyecourt, qui obtint en effet, un peut plus tard, la charge de grand veneur, pour laquelle il avait dès longtemps une vocation très-marquée.
Il est peu probable qu’une laitière saute, lorsqu’elle porte son lait sur la tête ; mais celle-ci, tout occupée de ses rêves de fortune, oublie un instant le précieux liquide qu’elle va vendre à la ville ; la joie lui fait perdre la tête, et elle voit s’évanouir en un instant tout son bonheur. […] — M. de Vardes, du même ton : Sire, je ne sais plus rien ; j’ai tout oublié ; il faut que Votre Majesté me pardonne jusqu’à trente sottises. — Eh bien ! […] Si la chose est aisée à obtenir, il ne faut point insister, comme s’il y avait des obstacles ; si l’on a des droits à faire valoir, il faut les exposer avec modestie réserve, et montrer que l’on a confiance dans la bonté et l’équité de celui au cœur duquel on s’adresse ; développez l’importance que l’on attache à la grâce demandée, et n’oubliez pas surtout de peindre la reconnaissance que vous en éprouverez. […] N’oubliez point vos études, et cultivez continuellement votre mémoire, qui a un grand besoin d’être exercée, je vous demanderai compte à mon retour de vos lectures, et surtout de l’histoire de France, dont je vous demanderai à voir des extraits. […] « Je m’accuse encore de vous avoir ennuyée par le moyen d’un Français dont j’ai oublié le nom, qui se vantait de courir à Pétersbourg pour être utile à Votre Majesté, et qui, sans doute, a été fort inutile.
Ensuite, que bien des choses aient été dites, si je les ai pensées également, si surtout elles sont utiles et oubliées, pourquoi ne pas les redire ? […] La famille gâte la jeunesse, en l’initiant trop tôt au spectacle énervant et enivrant du monde ; les pères se laissent aller à l’entrainement général, et oublient de quel immense avantage ont été pour eux-mêmes les habitudes de travail sérieux et retiré.
Un de vos amis, grand seigneur, ayant valets et laquais, vous oublie si bien qu’il ne fait pas même demander de vos nouvelles. […] Ses ouvrages sont à peu près inintelligibles et presque oubliés. […] N’oubliez pas que vous êtes historien, et que votre style soit serré et concis. […] Dans le dénouement faites ressortir la générosité d’Auffrédi, qui oublie les mépris qu’il avait essuyés dans sa mauvaise fortune. […] Comment fera Callidore pour oublier les objets de ses plus chères affections ?
la vache, la chèvre, des brebis, le pigeon, des oiseaux chantants, le chien surtout, ce meuble vivant du foyer, cet ami de ceux qui sont oubliés du monde et qui pourtant ont besoin d’être aimés par quelqu’un ! […] Voilà un homme oublié à jamais ! […] « Quiconque fut nourri aux affections de famille, et a éprouvé une de ces grandes et saintes douleurs que le cœur n’oublie pas, retrouve ici ses plus profondes émotions. » M.
« La précision, dit Aristote, ne consiste pas à être rapide et concis, mais à dire ce qu’il faut, et ni plus ni moins qu’il ne faut, οίδι γἀρ ίνταῦθά ίστι τό ιὖ ὔ τῷ ταχύ, ὔ τῷ συνόμως, άλλὰ τῷ μιτ ρίως. » N’oubliez pas que la précision est un des éléments de la clarté, et qu’ainsi c’est aller contre sa nature que de retrancher des mots qui éclairciraient votre idée. […] Aussi quand on voit le style naturel, on est tout étonné et ravi, car on s’attendait de voir un auteur, et on trouve un homme. » Et Fénelon disait dans le même sens : « Je veux un homme qui me fasse oublier qu’il est auteur, et qui se mette comme de plain-pied en conversation avec moi.
Vous n’avez point sans doute oublié que ce même Nicias, sur le sort duquel vous allez prononcer, est celui qui plaida votre cause dans rassemblée des Athéniens, et qui employa tout son crédit et toute son éloquence pour les détourner de vous faire la guerre. […] Sion a dit : Le Seigneur m’a abandonnée ; le Seigneur m’a oubliée ; une mère peut-elle oublier son enfant et n’avoir point de compassion du fils qu’elle a porté dans ses entrailles ? Mais, quand même elle l’oublierait, pour moi je ne vous oublierai jamais.
*** Tel par la caravane au désert oublié L’homme cherche de l’œil la trace d’un seul pié 11. […] Mais vous, qui me parlez d’une voix menaçante, Oubliez-vous ici qui vous interrogez ? […] Oubliez-vous qui j’aime, et qui vous outragez ? […] —Mais aussi (ne l’oublions pas), si Racine n’avait pas été détourné de cette voie du théâtre profane, quel autre nous aurait jamais donné Athalie ?
Dieu nous donna des biens ; il veut qu’on en jouisse ; Mais n’oubliez jamais leur cause et leur auteur. […] gardez-vous d’oublier sa justice. […] Terrible égarement d’un esprit qui s’oublie !
Mais, lui faire ce reproche, c’est oublier que tout poëte dramatique a toujours reproduit plus ou moins, à son insu, les mœurs de son temps. […] Non, je ne vous veux pas contraindre à l’oublier. […] Quelque ennui qui le presse, Il ne voit, dans son sort, que moi qui s’intéresse, Et n’a pour tout plaisir, seigneur, que quelques pleurs Qui lui font quelquefois oublier ses malheurs3.
Cela ne signifie pas qu’il doive entièrement oublier ses auditeurs pour ne songer qu’à ses lecteurs. […] Il y a des choses qui s’apprennent, quoiqu’elles ne s’enseignent pas. » N’oubliez pas, d’autre part, que si la vertu des préceptes est singulièrement puissante pour rectifier les erreurs, améliorer les qualités naturelles, et tracer des limites à leurs développements, elle l’est beaucoup moins pour nous donner les mérites qui nous manquent.