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2. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre V. des topiques ou lieux. — lieux applicables aux parties du sujet  » pp. 64-74

— Sans doute ; mais remarquez d’abord qu’Aristote et Quintilien enseignent à argumenter dans une cause, et non simplement à développer une idée, ce qui n’est pas tout à fait la même chose : et puis, nous l’avouons, la rhétorique n’est pas l’art de se faire des opinions justes sur les choses et les hommes, c’est l’art de faire partager aux autres l’opinion quelconque que l’on s’est faite. […] On peut être de bonne foi en défendant une opinion erronée, ou ne l’est jamais en soutenant une cause immorale. […] « Avec le sentiment de la Divinité, s’écrie-t-il, tout est grand, noble, invincible dans la vie la plus étroite ; sans lui, tout est faible, déplaisant et amer au sein même de la grandeur… » Et il continue à faire comprendre ainsi la nécessité de cette opinion consolatrice, par ses effets dans l’une et l’autre hypothèse. […] Dites-nous les conséquences de cette opinion ; ou encore, en réunissant deux topiques, celles de l’opinion contraire. […] « Otez aux hommes, dit Voltaire, l’opinion d’un Dieu rémunérateur et vengeur, Sylla et Marius se baignent alors avec délices dans le sang de leurs concitoyens ; Auguste, Antoine et Lépide surpassent les fureurs de Sylla ; Néron ordonne de sang-froid le meurtre de sa mère.

3. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VII. des passions  » pp. 89-97

N’est-ce pas Cicéron lui-même, ce grand champion de la passion réelle, qui a dit quelque part, en rapportant l’opinion des péripatéticiens : « Pour allumer la colère dans l’âme de l’auditeur, quand même on ne la ressentirait pas, il faut la feindre du moins par ses paroles et son action. » Relisez aussi le chapitre II du VIe livre de Quintilien, où il traite des passions ; vous verrez, quoi qu’il semble, que nous ne sommes pas loin de nous entendre. […] Passionner un sujet, c’est l’animer en s’y attachant, c’est en faire sa chose, c’est soutenir une thèse avec autant d’ardeur que si nos plus chers intérêts se trouvaient compromis par le triomphe de l’opinion contraire. […] N’employez que la raison, vos auditeurs ou vos lecteurs pourront approuver votre opinion ; mais arrivez à exciter la passion, ils voudront que votre opinion soit vraie, et ce qu’on veut, on le croit aisément. […] Rien de plus avantageux à la poésie que l’emploi de la mythologie : voilà une opinion, juste ou erronée, peu importe pour le moment, qu’ont soutenue, entre autres, six poëtes de renom, J. […] Comparez ces compositions l’une à l’autre, c’est un exercice que je recommande d’ailleurs aux jeunes gens, vous remarquerez que cette matière, purement didactique pour les deux premiers, est animée par l’attendrissement dans M. de Fontanes, par l’enthousiasme dans Voltaire, par l’indignation contre l’opinion contraire dans Boileau, et plus vivement encore dans Corneille.

4. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Préface. »

Selon les uns, et c’est l’opinion que l’institution du concours général a fait prévaloir à Paris, il ne se distingue en rien des classes précédentes que par la nature des devoirs à faire. […] En province, où la même cause n’existe pas, l’opinion est généralement différente. […] Ce n’est pas pour une étude première comme celle de nos collèges qu’il faut recourir aux hommes supérieurs ; on ne tirera d’eux, avec avantage, qu’un ouvrage philosophique analogue à notre Cours supérieur de grammaire, où l’on devra comparer et discuter les opinions différentes, et se prononcer, après examen, pour la meilleure. […] Ajoutons que l’homme qui écrit pour l’enseignement ne doit pas, en général, exposer ses propres idées, ni les idées contestées ; mais bien celles qui sont communément reçues, et dont l’ensemble constitue véritablement la science, selon l’opinion du monde ; qu’ainsi un ouvrage classique pour la littérature doit toujours s’appuyer ou d’autorités incontestables, ou d’ouvrages antérieurs reconnus bons et acceptés partout comme tels.

5. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Villemain. Né en 1790. » pp. 479-491

Voilà le goût classique ; qu’il soit sage sans être timide, exact sans être borné3 ; qu’il passe à travers les écoles moins pures de quelques nations étrangères, pour se familiariser avec de nouvelles idées4, se fortifier dans ses opinions, ou se guérir de ses scrupules1 ; qu’il essaye, pour ainsi dire, les principes sur une grande variété d’objets ; il en connaîtra mieux la justesse, et, corrigé d’une sorte de pusillanimité sauvage, il ne s’effarouchera pas de ce qui paraît nouveau, étrange, inusité ; il en approchera, et saura quelquefois l’admirer2. […] C’est au mauvais goût qu’il appartient d’être partial et passionné : le bon goût n’est pas une opinion, une secte ; c’est le raffinement de la raison cultivée, la perfection du sens naturel1. […] Comme le sentiment de nos propres forces influe toujours sur nos opinions, le critique sans chaleur et sans imagination sentira faiblement des qualités qui lui sont trop étrangères. […] Loin donc de partager l’opinion que vous venez de soutenir, loin de croire, comme vous, que le théâtre est par état en opposition avec les mœurs, qu’il est le contre-pied de la société, et que, pour plaire au public, il ne doit pas du tout lui ressembler, je m’en tiens, je l’avoue, à l’ancienne opinion, et je chargerai vos comédies de réfuter en partie votre discours. […] Au milieu d’une société placée tout entière sur le même niveau, mais mobile et agitée, vous avez mis en scène les opinions, les fantaisies, les modes, à mesure qu’elles posaient devant vous.

6. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre quatrième. De la disposition oratoire, ou de l’Ordre mécanique du discours. — Chapitre premier. »

Quel que soit l’objet du discours, celui qui parle doit commencer par une espèce d’introduction, qui prépare l’esprit des auditeurs : il établit ensuite l’état de la question, expose celui des faits, et les appuie de preuves propres à fortifier l’opinion qu’il a de la bonté de sa cause, et à détruire les raisons de son adversaire. […] Un éloge pompeux des Gracques fortifie, dans l’idée du peuple, son opinion sur la popularité, et sur les lois agraires en général : il ajoute enfin, qu’ayant entendu parler du projet de Rullus, il se disposait à l’appuyer de toutes ses forces ; mais qu’un mûr examen lui ayant démontré combien ce projet était contraire aux intérêts du peuple, il se voyait obligé de leur mettre sous les yeux les motifs qui l’avaient déterminé à le rejeter. Malgré tant de précautions si adroitement prises, l’orateur ne se croit pas assez maître encore des esprits de ses auditeurs, et il termine son exorde, en déclarant qu’il va exposer les motifs de son opinion, mais que s’ils paraissent insuffisants à ceux qui l’écoutent, il est tout prêt à renoncer à son avis, pour adopter celui du plus grand nombre. […] Car il s’agit ou de prouver que ce que l’on a dit est vrai, et c’est confirmer l’auditeur dans l’opinion que nous lui avons déjà donnée de la cause ; ou il est question de démontrer la fausseté des faits avancés par la partie adverse, et c’est ce qu’on appelle la réfutation. […] Elle est loin d’avoir au barreau la même importance : ici, c’est la loi qui prononce ; c’est donc bien moins la volonté du juge, que son opinion qu’il s’agit de déterminer.

7. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Descartes, 1596-1650 » pp. 11-20

En quoi il n’est pas vraisemblable que tous se trompent ; mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger et distinguer le vrai d’avec le faux, qui est proprement ce qu’on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes ; et ainsi, la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. […] Mais je serai bien aise de faire voir en ce discours quels sont les chemins que j’ai suivis, et d’y représenter ma vie comme en un tableau, afin que chacun en puisse juger, et qu’apprenant du bruit commun les opinions qu’on en aura, ce soit un nouveau moyen de m’instruire que j’ajouterai à ceux dont j’ai coutume de me servir. […] Mais sitôt que j’eus achevé tout ce cours d’études au bout duquel on a coutume d’être reçu au rang des doctes, je changeai entièrement d’opinion ; car je me trouvais embarrassé de tant de doutes et d’erreurs, qu’il me semblait n’avoir fait autre profit, en tâchant de m’instruire, sinon que j’avais découvert de plus en plus mon ignorance. […] Je ne dirai rien de la philosophie, sinon que, voyant quelle a été cultivée par les plus excellents esprits qui aient vécu depuis plusieurs siècles, et que néanmoins il ne s’y trouve encore aucune chose dont on ne dispute, et par conséquent qui ne soit douteuse, je n’avais point assez de présomption pour espérer d’y rencontrer mieux que les autres ; aussi, considérant combien il peut y avoir de diverses opinions touchant une même matière, qui soient soutenues par des gens doctes, sans qu’il y en puisse avoir jamais plus d’une seule qui soit vraie, je réputais presque pour faux tout ce qui n’était que vraisemblable. […] Il est vrai que pendant que je ne faisais que considérer les mœurs des autres hommes, je n’y trouvais guère de quoi m’assurer, et que j’y remarquais quasi autant de diversité que j’avais fait auparavant entre les opinions des philosophes.

8. (1811) Cours complet de rhétorique « Notes. »

Il me semble que l’on peut remarquer, dans la carrière de M. de La Harpe, trois époques bien distinctes, qui pourront servir à diriger l’opinion que l’on doit avoir de ses talents et de sa conduite littéraire. […] C’est une opinion assez généralement reçue parmi les gens de lettres, que la prose de M. de La Harpe est infiniment supérieure à ses vers, c’est-à-dire, qu’elle offre au premier coup d’œil des disparates moins frappantes peut-être, et que sa médiocrité est plus constamment soutenue. […] Rousseau, quelques traces de ces opinions erronées auxquelles M. de La Harpe ne devait plus tenir, même en les modifiant, dans un ouvrage destiné à faire époque, et où l’on veut trouver des règles générales, et non pas des manières de voir particulières. […] Trop haut dans l’opinion des uns, infiniment trop bas dans celle des autres, c’est du temps qu’il doit attendre et qu’il obtiendra son véritable rang. Mais en attendant cette décision, qui sera plus ou moins prompte, plus ou moins honorable, au gré de la direction que pourront prendre les opinions religieuses et littéraires, le Génie se soutiendra par des beautés réelles qui sont de tous les temps, de tous les lieux et de toutes les opinions : il n’y en a qu’une sur le mérite prodigieux de certaines parties de l’ouvrage ; mais elle varie sur les taches, que tous les lecteurs ne voient pas des mêmes yeux, et n’aperçoivent pas dans les mêmes endroits.

9. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Résumé. » pp. 388-408

Sans vouloir donner les règles de disposition de chaque groupe d’idées dans tous les genres possibles, et en se bornant aux plus importants, on remarque que : Dans les écrits qui ont pour objet l’exposition des faits, racontés ou dialogués, l’ordre chronologique ou la gradation de l’intérêt trace la marche à suivre ; Dans les compositions didactiques et oratoires, il y a diverses manières de procéder : Ou l’on commence par une synthèse que développe ensuite l’analyse ; Ou l’on saisit un détail de l’analyse, et de détail en détail on parvient à la synthèse ; Ou l’on oppose à une thèse, l’opinion contraire que l’on appelle antithèse, et l’on concilie les deux opinions par une troisième qui prend le nom de synthèse. Mais la méthode la plus ordinaire est d’exposer d’abord le fait ou la doctrine, ensuite de les développer et de les prouver, enfin de combattre les opinions opposées : c’est ce qu’on nomme narration ou thèse, confirmation et réfutation. […] Réelle, à propos d’une idée elle réveille dans l’esprit une autre idée, qui est ordinairement un fait historique, une fiction, une opinion, un passage connu d’un écrivain ; verbale, elle emploie à dessein un mot susceptible d’un sens différent de celui qu’elle lui donne. […] La communication, où l’on paraît entrer dans l’opinion de l’adversaire, pour le ramener à ses propres idées. […] Ces dernières figures sont : L’exclamation, espèce d’élan du cœur, qui substitue l’expression d’un sentiment à celle d’une opinion ; L’épiphonème, qui donne à l’idée une forme sentencieuse ; L’apostrophe, qui détourne la parole de ceux à qui s’adresse le reste du discours pour la reporter à d’autres ; La parenthèse, l’interruption, la réticence, la suspension, qui arrêtent l’expression d’une idée et passent à une autre, soit pour abandonner tout à fait la première, soit pour y revenir plus tard ; Et en dernier lieu, tout ce qu’on nomme figures de construction ou de syntaxe.

10. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XI. du corps de l’ouvrage. — narration, description  » pp. 146-160

L’auteur a-t-il à exposer deux opinions contraires, deux ordres de faits opposés, qui amènent, pour s’y absorber, une opinion éclectique ou un fait conciliateur, il présentera, l’une après l’autre, la thèse, l’antithèse et la synthèse. […] Cependant, parmi les diverses méthodes, il en est une qui me parait, ainsi qu’à la majorité des rhéteurs, plus généralement applicable, et la voici : Qu’immédiatement après l’exorde, s’il y a exorde, l’écrivain expose le fait ou les faits dont il veut tirer une leçon ou un argument, les éléments de la science qu’il se propose de traiter, l’ensemble de vérités qu’il prétend établir ; que de là il passe aux preuves de ces faits, aux développements de ces données premières, à la démonstration de sa doctrine ; qu’enfin il s’attache à combattre les arguments et les moyens de ceux qui, sur les choses ou les personnes, les faits ou les idées, adoptent et soutiennent une opinion contraire à la sienne, ou tirent de la même opinion des conséquences différentes. […] Tantôt il arrive qu’avant de poser notre doctrine, il est urgent de réfuter une opinion hostile à la nôtre, erronée, mais dominante, et de déblayer en quelque sorte le terrain sur lequel nous voulons édifier ; en ce cas on commence par la réfutation, comme fait Cicéron dans la Milonienne.

11. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre Ier. Considérations générales. »

Cette opinion a d’ailleurs pour elle d’imposantes autorités. […] Comme il peut y avoir versification sans poésie et poésie sans versification, nous avons cru ne devoir regarder la versification que comme une qualité du style, et la renvoyer à l’art oratoire. » Malgré les grands noms dont s’appuie cette opinion, elle n’est pas moins une erreur. […] On peut avoir l’un sans l’autre, je le sais ; mais les vrais favoris de la nature les réunissent. » Il faut donc revenir à la définition de l’Académie, qui est en même temps celle de la raison et de l’opinion générale, et dire que la poésie est l’art de composer des ouvrages en vers, et que ces ouvrages en vers sont les seuls qu’on doive appeler des poèmes.

12. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre IV. des topiques ou lieux. — lieux applicables a l’ensemble du sujet. » pp. 48-63

Considérez aussi quelle puissance d’argumentation vous donnera, dans les choses de discussion, tout ce qui se rapproche, comme lieux externes, de l’opinion que vous émettez, de la thèse que vous soutenez : exemples tirés de l’histoire, de la fable, des traditions, inductions, précédents, si vivaces en politique et en législation, autorités, proverbes même12. […] Quant à la définition, si vous ne voulez qu’exposer et instruire, sans plaider une cause, sans soutenir une opinion, votre définition ne doit avoir que les qualités exigées en logique ; il suffit que le lecteur puisse saisir nettement l’idée, la distinguer de toute autre, l’embrasser dans son ensemble. […] Non plus à présenter l’idée dans sa réalité complète et sous toutes ses faces, mais à réunir et à mettre dans leur jour les traits favorables à l’opinion que vous soutenez, en laissant dans l’ombre les côtés opposés et même voisins. […] Quintilien parle très-bien à ce propos : « J’appelle autorité, dit-il, l’opinion d’une nation, d’hommes renommés pour leur sagesse, de garuds citoyens, d’Illustres poëtes, je n’exclus pas même les proverbes, car ils ne sont pas sans utilité. Ces opinions sout en quelque sorte des témoignages publies d’autant plus puissants, qu’ils n’ont été dictés ni par la haine, ni par la faveur, mais qu’ils ont pour fondement la vertu et la vérité.

13. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Villemain 1790-1870 » pp. 251-256

Voilà le goût classique ; qu’il soit sage sans être timide, exact sans être borné3 ; qu’il passe à travers les écoles moins pures de quelques nations étrangères, pour se familiariser avec de nouvelles idées4, se fortifier dans ses opinions, ou se guérir de ses scrupules5 ; qu’il essaye, pour ainsi dire, les principes sur une grande variété d’objets ; il en connaîtra mieux la justesse, et, corrigé d’une sorte de pusillanimité sauvage, il ne s’effarouchera pas de ce qui paraît nouveau, étrange, inusité ; il en approchera, et saura quelquefois l’admirer1. […] C’est au mauvais goût qu’il appartient d’être partial et passionné ; le bon goût n’est pas une opinion, une secte : c’est le raffinement de la raison cultivée, la perfection du sens naturel3. […] Comme le sentiment de nos propres forces influe toujours sur nos opinions, le critique sans chaleur et sans imagination sentira faiblement des qualités qui lui sont trop étrangères.

14. (1883) Poétique et Rhétorique (trad. Ruelle)

Des opinions de Xénophane (ou plutôt de Mélissus), de Zénon et de Gorgias. […] Telle est du moins l’opinion de J.  […] En effet, le premier cas a lieu lorsque l’opinion exprimée est générale, et le second lorsque cette opinion est celle de personnes autorisées et connaissant la question. […] Ce qui tient à la réalité vaut mieux que ce qui tient à l’opinion. […] Chez l’homme tempérant, à cause de sa tempérance même, il peut survenir des opinions et des désirs honnêtes à l’occasion de certains plaisirs, et chez l’homme intempérant, à l’occasion de ces mêmes plaisirs, des opinions et des désirs contraires.

15. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre V. De l’Éloquence politique chez les Français. »

On sent bien qu’il ne peut être question ici d’opinions jugées, ni d’hommes mis à leur place depuis longtemps : il s’agit seulement de la marche et des progrès de l’éloquence politique, pendant cette période si brillante, et devenue ensuite si flétrissante pour elle. […] Mais cette lutte même, quelque affligeante qu’elle fût pour les vrais amis de l’ordre et du repos des états, n’en servit que mieux la cause de l’éloquence, en mettant toutes les passions, tous les intérêts aux prises, dans le sein d’une assemblée, qui n’offrit plus qu’un champ de bataille, et dont chaque séance était un combat opiniâtre, au lieu d’une discussion sage et paisible des opinions contraires ; et la nation vit avec douleur ses représentants partagés en deux corps d’armée, également décidés à ne rien rabattre de leurs prétentions, à ne rien abandonner de leurs droits. […] « Son esprit (dit l’abbé Sicard) était brûlant comme le soleil qui éclaira son berceau, sa tête remplie de principes justes et sains ; homme étonnant, qui mieux que lui les eût fait triompher, si d’anciens ressentiments ne l’avaient jeté dans un parti dont il faisait la force, dont il était la gloire, et dont il était sur le point de déserter les drapeaux, quand la mort vint empêcher cette réparation solennelle à la cause qu’il avait combattue jusqu’alors avec tant de courage, de talent et de persévérance. » Cependant cet athlète si redoutable, dont la seule apparition à la tribune semblait en devoir écarter tous ceux qui n’y monteraient pas pour soutenir ou défendre ses opinions ; ce turbulent tribun du peuple, qui jouissait et abusait même insolemment de toute l’influence que donne une grande popularité, trouva un adversaire digne de son talent, dans un homme qui, célèbre jusque-là par des succès dans la chaire évangélique, et par de pacifiques triomphes d’académie, ne laissait pas soupçonner en lui le publiciste profond, l’homme d’état complètement familiarisé avec tous les ressorts et tous les secrets de l’administration.

16. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Balzac. (1594-1655.) » pp. 2-6

Il leur a montré que de cent cinquante et tant d’opinions1 qui visaient au souverain bien, il n’y en avait pas une qui eût touché au but : vous pouvez voir et compter ces opinions dans les livres de la Cité de Dieu de saint Augustin2. […] L’inconstance de leur esprit, l’incertitude de leurs opinions, est chose à faire pitié. […] Balzac entend par là des opinions innombrables, puisque chaque secte de philosophes avait la sienne.

17. (1867) Rhétorique nouvelle « Tableau des arguments » pp. 306-

L’exemple est un enthymème, où la majeure s’appuie, non sur une raison abstraite, mais sur l’autorité d’un fait, comme l’opinion d’un grand homme ou d’un jurisconsulte ancien, les institutions, les monuments, les actes des ancêtres. […] Mirabeau, accusé de trahison par ses ennemis, se défend en ces termes : « — Celui qui a la conscience d’avoir bien mérité de son pays, et surtout de lui être encore utile ; celui que ne rassasie pas une vaine popularité, et qui dédaigne les succès d’un jour pour la véritable gloire ; celui qui veut dire la vérité, qui veut faire le bien public, indépendamment des mobiles mouvements de l’opinion populaire ; cet homme porte avec lui la récompense de ses services, le charme de ses peines et le prix de ses dangers ; il ne doit attendre sa moisson, sa destinée, la seule qui l’intéresse, la destinée de son nom, que du temps, ce juge incorruptible, qui fait justice à tous. » — (Du droit de paix et de guerre. 2e Discours.) […] Ce sont les lois, les titres, les promesses, les serments, les informations, l’opinion des jurisconsultes, les arrêts des cours souveraines, les dépositions des témoins.

18. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — De Maistre, 1753-1821 » pp. 377-387

La moindre opinion que vous lancez sur l’Europe est un bélier3 poussé par trente millions d’hommes. […] Voyez ce qu’il est dans l’opinion des hommes, et comprenez, si vous pouvez, comment il peut ignorer cette opinion ou l’affronter ! […] Votre mémoire n’ébranle nullement mon opinion, qui se réduit uniquement à ceci : « Que l’empire de la Coalition sur la France et la division de ce royaume seraient un des plus grands maux qui puissent arriver à l’humanité. » Je me suis formé une démonstration si parfaite de cette proposition, que je ne désespérerais pas de vous convertir vous-même, mais non par écrit, car ce serait un traité dans les formes3.

19. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section troisième. La Tribune sacrée. — Chapitre IV. Prédicateurs français. »

C’est une opinion assez généralement reçue, que Bossuet, qui devait à la chaire une partie de sa célébrité, effrayé de la grande réputation de Bourdaloue, n’osa pas lutter contre ce fameux jésuite, et aima mieux être le premier dans la controverse, que le second dans la chaire. Mais il en est de cette opinion, comme de beaucoup d’autres qui s’accréditent faute de réflexion, et qui ne tiennent pas à l’examen.

20. (1875) Les auteurs grecs expliqués… Aristote, Poétique « Commentaire sur la Poétique d’Artistote. — Chapitre I. » pp. 73-74

Le Tasse part de ces trois différences marquées par Aristote, lorsque, dans son deuxième Discours sur l’Art poétique, il s’efforce de montrer, contre l’opinion de quelques critiques ses contemporains, que le roman en vers appartient au même genre de poésie que l’épopée, et que par conséquent il doit se conformer aux mêmes lois, entre autres à la loi de l’unité. […] IX, etc.) d’autres observations plus décisives contre l’opinion de ceux qui veulent que la poésie ne parle qu’en vers. — Ce qui est remarquable ici, c’est qu’Aristote semble ne pas savoir que les poëmes d’Homère aient jamais été chantés.

21. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre lII. »

Ce n’était pas l’opinion de Boileau, qui dit, dans-son Art poétique : De la foi d’un chrétien les mystères terribles D’ornements égayés ne sont point susceptible. […] Si les personnages sont historiques, ils doivent agir et parler d’après leur caractère connu et d’après les mœurs de leur époque ; rien ne serait plus choquant que de braver à ce sujet l’opinion reçue et de donner, par exemple, des idées, des opinions modernes à des héros anciens.

22. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre VI. Analyse du discours sur l’esprit philosophique, par le P. Guénard. »

C’est ainsi que les opinions bizarres des peuples, les dogmes souvent absurdes de l’école, l’esprit des corps avec tous ses préjugés, le génie des sectes avec toutes ses extravagances, se perpétuent d’âge en âge, et ne meurent presque jamais avec les hommes, parce que toutes ces idées, en sortant de l’âme des vieillards et des maîtres, entrent aussitôt dans celle des enfants et des disciples, qui les transmetteront de même à leurs crédules successeurs ». […] Libre des opinions vulgaires, et pensant d’une manière qui n’appartient qu’à lui seul, il parle un langage, vrai dans le fond, mais nouveau et singulier, qui blesserait l’oreille des autres hommes ; vaste et profond dans ses vues, et s’élevant toujours par ses notions abstraites et générales, qui sont pour lui comme des livres abrégés, il échappe à tout moment aux regards de la foule, et s’envole fièrement dans les régions supérieures. […] « La sagesse incarnée n’est pas venue défendre à l’homme de penser, et elle n’ordonne point à ses disciples de s’aveugler eux-mêmes : aussi réprouvons-nous ce zèle amer et ignorant qui crie d’abord à l’impiété, et qui se hâte toujours d’appeler la foudre et l’anathème, quand un esprit éclairé, séparant les opinions humaines des vérités sacrées de la religion, refuse de se prosterner devant les fantômes sortis d’une imagination faible et timide à l’excès, qui veut tout adorer, et, comme dit un ancien, mettre Dieu dans les moindres bagatelles.

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