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45. (1867) Rhétorique nouvelle « Troisième partie. la rhétorique » pp. 194-

Ils entrent en matière, non sans s’excuser et sans protester de leur insuffisance avec une modestie d’autant plus aimable qu’elle est naturelle et sincère. […] Que Condé s’endorme la veille du combat, c’est pour l’historien un incident naturel qui peut s’expliquer par deux causes également plausibles ; pour l’orateur, c’est le sommeil d’un héros. […] L’échafaudage de vos preuves, privé de l’appui des faits qui sont sa base naturelle, s’écroulera et entraînera votre cause dans sa chute. […] Autrefois ces qualités étaient un fruit naturel de la fréquentation du monde : mais alors il y avait en France de vrais salons. […] La période est sa forme naturelle.

46. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Préface. »

Je ne méprise point les règles, il s’en faut ; jamais je n’accorderai tout au naturel, quelque bon qu’il soit ; mais tout en donnant beaucoup à l’art je donne plus encore au talent : car, on ne peut le nier, le talent a existé avant l’art, les modèles existèrent avant les préceptes. […] Mais l’art peut manquer au talent, et voici où commence la nécessité d’étudier la Rhétorique, même pour les personnes qui ont les plus grandes dispositions naturelles à bien écrire. […] Si vous ne l’imitez pas, vous ferez des choses tellement opposées aux idées reçues, à toutes les notions du beau, du naturel, du sublime, que chacun vous blâmera, et dira, tout en reconnaissant que vous avez du talent, qu’il faudrait qu’il fût perfectionné par l’art.

47. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — La Rochefoucauld 1613-1680 » pp. 18-21

Le naturel. […] Il faut essayer de connaître celui qui nous est naturel, n’en point sortir, et le perfectionner autant qu’il nous est possible. […] À mademoiselle de Sillery 1 Il me semble que vous vous mariez bravement sans me rien dire ; j’avais cependant d’assez sages conseils à vous donner ; mais la bonté de votre naturel et l’éducation de ma sœur vous ont appris, sans doute, tout ce que vous aviez à faire dans une telle occasion.

48. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre III. Discours académiques de Racine, de Voltaire et de Buffon. »

Leurs tours naturels et hardis deviennent familiers ; les hommes, qui sont tous nés imitateurs, prennent insensiblement la manière de s’exprimer et même de penser des premiers dont l’imagination a subjugué celle des autres ». […] La véritable éloquence suppose l’exercice et la culture de l’esprit ; elle est bien différente de cette facilité naturelle de parler, qui n’est qu’un talent, une qualité accordée à tous ceux dont les passions sont fortes, les organes souples et l’imagination prompte. […] Les idées se succéderont aisément, et le style sera naturel et facile ; la chaleur naîtra de ce plaisir, se répandra partout, et donnera la vie à chaque expression : tout s’animera de plus en plus ; le ton s’élèvera, les objets prendront de la couleur ; et le sentiment, se joignant à la lumière, l’augmentera, la portera plus loin, la fera passer de ce qu’on dit à ce qu’on va dire, et le style deviendra intéressant et lumineux ». […] « Rien, ajoute-t-il encore, n’est plus opposé au beau naturel, que la peine qu’on se donne pour exprimer des choses ordinaires ou communes d’une manière singulière ou pompeuse ; rien ne dégrade plus l’écrivain.

49. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Buffon. (1707-1788.) » pp. 146-152

Histoire naturelle 1 : quadrupèdes domestiques. […] Villemain : « Rien dans notre langue ne surpasse l’élévation et la gravité philosophique, ni les divisions, les détails et le style de cette histoire conjecturale. » On sait que les Epoques de la nature (elles eurent d’abord leur place dans les Suppléments de l’Histoire naturelle, mais les éditeurs récents les ont justement placées en tête de l’ouvrage), écrites par Buffon à soixante-dix ans, ont été onze fois recopiées ; aussi l’auteur avait-il coutume de dire dans sa vieillesse la plus avancée « qu’il apprenait tous les jours à écrire ». […] Ce monument, auquel Buffon consacra environ cinquante années d’une santé et d’une application presque continues (il avait, a dit Voltaire, l’âme d’un sage dans le corps d’un athlète), n’était pas de ceux qu’une vie d’homme suffit à achever. — Les trois premiers volumes in-4° de l’Histoire naturelle avaient paru en 1749, un an après l’Esprit des lois, « comme si, remarque M. […] On sait quelle impulsion l’étude des sciences naturelles a reçue de cet ouvrage ; à Buffon l’on a dû peut-être Cuvier.

50. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — Première partie. Règles générales du style. — Chapitre III. Des ornements du style » pp. 119-206

Ainsi, cette transposition de nom n’a été employée que par une suite naturelle de la première impression que l’objet fait sur la vue. […] Il y a des métaphores permises, belles même en poésie, qui en prose paraîtraient absurdes ou peu naturelles. […] L’allusion plaît lorsqu’elle est naturelle, facile à découvrir, et quand elle présente à l’esprit une image neuve et belle. […] Nous ferons remarquer que les périodes doivent être liées entre elles d’une manière naturelle. […] Les transitions admettent les figures, pourvu qu’elles soient bien naturelles et sans aucune affectation.

51. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Deuxième partie. De la poésie en particulier ou des différents genres de poésie — Seconde section. Des grands genres de poésie — Chapitre IV. Du genre dramatique. » pp. 252-332

Après avoir exposé les règles concernant cette division naturelle du drame, nous dirons quelques mots des actes et des scènes. […] Bien dialoguer, c’est répondre, et répondre d’une manière naturelle et logique. […] Ainsi, le dialogue doit être rapide, animé, naturel, suivi et coupé à propos. […] La diction doit être naturelle, mais de ce naturel que le goût rectifie, où il ne laisse rien de froid, de négligé de diffus, de plat, d’insipide. […] Il faut que les pensées se distinguent par la finesse, la délicatesse, et surtout par la vérité, la justesse, le naturel et la clarté.

52. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Voltaire, 1694-1778 » pp. 158-174

Si j’osais vous donner un conseil, ce serait de songer à être simple, à ourdir votre ouvrage d’une manière bien naturelle, bien claire, qui ne coûte aucune attention à l’esprit du lecteur. […] Voyez avec quel naturel madame de Sévigné et d’autres dames écrivent ; comparez ce style avec les phrases entortillées de nos petits romans ; je vous cite les héroïnes de votre sexe, parce que vous me paraissez faite pour leur ressembler. […] Cependant, comme il y a plus de soixante ans que j’en ai perdu l’habitude, je sens malheureusement qu’il m’est impossible de la reprendre, et je laisse cette allure naturelle à ceux qui en sont plus dignes que vous et moi. […] Pour la poésie, comme pour l’architecture, il faut que tous les morceaux nécessaires se tournent en ornements naturels. […] Or, disons bien haut que croire à Dieu, l’aimer, l’adorer et le servir est le premier, le plus naturel de nos devoirs.

53. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Saint-Simon 1625-1695 » pp. 144-147

Beaucoup d’esprit naturel et facile l’y seconda, et beaucoup de qualités aimables lui attachèrent les cœurs, tandis que sa situation personnelle avec son époux, avec le roi, avec Madame de Maintenon, lui attira les hommages de l’ambition1 Douce, timide, mais adroite, bonne jusqu’à craindre de faire la moindre peine à personne, légère et vive, elle était pourtant capable de vues et de suite2. La complaisance lui était naturelle, coulait de3 source ; elle en avait jusque pour sa cour4 Régulièrement laide, les joues pendantes, le front trop avancé, un nez qui ne disait rien, de grosses lèvres mordantes, des cheveux et des sourcils châtain-brun fort bien plantés, des yeux les plus parlants et les plus beaux du monde, peu de dents, et toutes gâtées, dont elle parlait et se moquait5 la première, le plus beau teint du monde, le cou long avec un soupçon de goître6 qui ne lui seyait point mal, un port de tête galant, gracieux, majestueux, et le regard de même, le sourire le plus expressif, une taille longue, ronde, menue, aisée, parfaitement coupée, une marche de déesse sur les nues7 ; elle plaisait au dernier point. […] Un air simple et naturel toujours, naïf assez souvent, mais assaisonné d’esprit, charmait, avec cette aisance qui était en elle, jusqu’à la communiquer à tout ce qui l’approchait.

54. (1886) Recueil des sujets de composition française donnés à la Sorbonne aux examens du baccalauréat ès lettres (première partie), de 1881 à 1885

Pour atteindre à l’éloquence, il faut avoir un naturel sensible, prompt à s‘émouvoir, et l’art de faire partager son émotion. […] Aussi Racine, suivant la pente naturelle où l’entraînait l’éducation littéraire qu’il avait reçue, demanda-t-il à l’antiquité classique le sujet de ses tragédies profanes. […] Éliante nous attire et nous charme par sa sincérité, sa douceur, son naturel, son caractère ouvert et sa profonde raison. […] Les divers genres littéraires sont-ils autre chose que des manifestations naturelles de la pensée humaine ? […] Observateur profond, écrivain plein de verve, de bon sens et de naturel, il a atteint la perfection dans son art, et la gloire sans l’avoir cherchée.

55. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section II. Des Ouvrages en Vers. — Chapitre II. Des petits Poèmes. »

L’élégance, le naturel, le gracieux, et la bonne morale forment le caractère de ses fables. […] On les suppose toujours païens ; et il est bien naturel qu’on les suppose en même temps instruits de leur religion. […] Au mérite d’un style aisé, simple et naturel, il joint le talent d’exprimer avec grâce les plus petites choses. […] Le premier, surtout, est doux, élégant et toujours naturel : il ne peint jamais que le sentiment et la passion. […] Ses pensées, sans avoir un certain degré de force et d’élévation, sont toujours vives et naturelles.

56. (1875) Poétique

Penchant naturel pour l’imitation ; goût du chant et du rythme. […] Homère, si supérieur en tout aux autres poètes, l’a encore été dans cette partie, où il a jugé mieux qu’eux, soit par la science de l’art, soit par son bon sens naturel. […] De même dans Lyncêe 5 : ce jeune époux allait à la mort, Danaüs le suivait pour l’immoler ; et il se trouve, par une suite naturelle de ce qui a précédé, que c’est Danaüs qui meurt et Lyncée qui est sauvé. […] De ces reconnaissances, la meilleure est celle qui naît de l’action même et qui frappe par sa vraisemblance, comme dans l’Œdipe de Sophocle et dans l’Iphigénie d’Euripide ; car il est naturel qu’Iphigénie, dans le cas où elle est, veuille donner des lettres pour Oreste. […] Ainsi quand Homère a dit, le javelot resta à la lame d’or , pour dire qu’il s’y arrêta : ce mot peut avoir plusieurs sens dans cet endroit, mais le plus naturel est qu’il s’y arrêta sans la percer.

57. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre IV. Genre didactique. »

Mais, en général, un principe doit être assez bien développé pour qu’il puisse être saisi sans le secours d’un autre, qui doit le suivre dans l’ordre naturel des matières. […] Mais tant que ceux-ci n’abandonneront pas leur oriflamme, c’est-à-dire les idées naturelles et distinctes, ils triompheront toujours des newtoniens avec la même facilité qu’ils ont triomphé des péripatéticiens. […] Qu’est-ce encore que ces idées naturelles et distinctes que les cartésiens ne doivent pas abandonner, comme si, en ce qui tient à la nature physique, aucune idée distincte et naturelle pouvait contrarier l’observation constante ? […] Ils sont écrits d’un style pur et naturel, assaisonnés du sel d’une plaisanterie délicate.

58. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — De Retz. (1614-1679.) » pp. 20-28

Mais amendé par la disgrâce1, qui fut le seul fruit de ses intrigues ambitieuses, il mérita dans les loisirs de la retraite, où le consolait l’amitié ingénieuse de madame de Sévigné, une gloire plus solide que celle qu’avait rêvée sa jeunesse, celle d’écrivain : il mourut en 1679, laissant dans ses Mémoires un des monuments les plus remarquables de cette éloquence naturelle dont César a offert chez les anciens le modèle le plus frappant2. […] L’on se croyait bien obligé au ministre de ce que toutes les semaines il ne faisait pas mettre quelqu’un en prison, et l’on attribuait à la douceur de son naturel les occasions qu’il n’avait pas de mal faire. […] Il lui représenta au naturel le jeu que l’on avait fait en toutes occasions de la parole royale ; les illusions honteuses, et même puériles, par lesquelles on avait éludé mille et mille fois les résolutions les plus utiles et même les plus nécessaires à l’Etat ; il exagéra avec force le péril où le public se trouvait par la prise tumultuaire et générale des armes. […] Sur cet homme « si fidèle aux particuliers et si redoutable à l’Etat », comme l’a dit Bossuet, il faut consulter l’Oraison funèbre de Michel Le Tellier, et les Mémoires de La Rochefoucauld, qui l’a représenté comme « joignant à plusieurs belles qualités naturelles et acquises une ambition extrême ».

59. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Buffon, 1707-1788 » pp. 175-184

Le cygne 2 Les grâces de la figure et la beauté de la forme répondent dans le cygne à la douceur du naturel ; il plaît à tous les yeux ; il décore, embellit tous les lieux qu’il fréquente ; on l’aime, on l’applaudit, on l’admire. […] Le style C’est faute de plan, c’est pour n’avoir pas assez réfléchi sur son objet, qu’un homme d’esprit se trouve embarrassé, et ne sait par où commencer à écrire : il aperçoit à la fois un grand nombre d’idées, et, comme il ne les a ni comparées ni subordonnées, rien ne le détermine à préférer les unes aux autres ; il demeure donc dans la perplexité ; mais, lorsqu’il se sera fait un plan, lorsqu’une fois il aura rassemblé et mis en ordre toutes les pensées essentielles à son sujet, il s’apercevra aisément de l’instant auquel il doit prendre la plume ; il sentira le point de maturité de la production de l’esprit, il sera pressé de la faire éclore, il n’aura même que du plaisir à écrire ; les idées se succéderont aisément, et le style sera naturel et facile1 ; la chaleur naître de ce plaisir, se répandra partout, et donnera de la vie à chaque expression ; tout s’animera de plus en plus ; le ton s’élèvera, les objets prendront de la couleur, et le sentiment, se joignant à la lumière, l’augmentera, la portera plus loin, la fera passer de ce que l’on dit à ce que l’on va dire, et le style deviendra intéressant et lumineux. […] Rien n’est plus opposé au beau naturel que la peine qu’on se donne pour exprimer des choses ordinaires ou communes d’une manière singulière ou pompeuse ; rien ne dégrade plus l’écrivain. […] Le style sera naturel et facile.

60. (1843) Nouvelle rhétorique, extraite des meilleurs auteurs anciens et modernes (7e éd.)

On ne peut violer cette loi sans être mauvais citoyen ; on ne peut violer la loi naturelle sans offenser l’humanité. […] La connaissance de l’homme lui apprendra quelles sont comme les routes naturelles, et, si l’on peut s’exprimer ainsi, les avenues de l’esprit humain. […] Que le naturel fasse donc le charme de vos narrations : le naturel est tout ; toujours vrai, toujours aimable, il est simple, élevé, sublime ; il est aussi varié que le sentiment. […] Voulez-vous savoir si une pensée est naturelle et juste ? […] Cette métaphore, l’écorce des eaux, pour dire la glace, est d’ailleurs peu naturelle.

61. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Première partie. De l’Art de bien écrire. — Section III. De l’Art d’écrire pathétiquement. — Observations générales sur l’Art d’écrire les Lettres » pp. 339-364

Dans les lettres d’agrément, il doit être fleuri, mais en n’admettant que des ornements naturels, et en rejetant toute parure affectée. […] Il faut, dans ces lettres d’excuses, une manière de s’exprimer franche et naturelle, qui soit un sûr garant des sentiments du cœur. […] Un chevalier de Nantouillet était tombé de cheval ; il va au fond de l’eau, il revient ; il y rentre, il revient encore ; enfin il trouve la queue d’un cheval, il s’y attache ; ce cheval le mène à bord ; il monte sur le cheval, se trouve à la mêlée ; reçoit deux coups dans son chapeau, et revient gaillard. » Tout fait image dans ce récit ; et tout y est naturel. […] Celles de Boursault sont faites sans goût et dépourvues de naturel. […] Mais qui parviendra jamais à imiter la vivacité, la délicatesse, l’enjouement, l’aimable négligence, les grâces si naturelles et si piquantes du style enchanteur de la première ?

62. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre XI. Grands poèmes. »

L’histoire ne montre que les causes naturelles ; l’épopée comprend non seulement le jeu des causes naturelles, mais plus encore des causes surnaturelles. […] Il doit donc être naturel, c’est-à-dire paraître sans art, sans apprêt, et comme né de l’action. […] Il était naturel qu’Évandre lui racontât l’origine de ce sacrifice ; c’est l’épisode de Cacus. […] Le caractère est une disposition naturelle qui porte à agir d’une manière plutôt que d’une autre. […] Il est naturel que tout auteur, entrant en matière, propose ce dont il s’agit137.

63. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — La Bruyère, 1646-1696 » pp. 155-177

L’autre2 fait revivre Virgile parmi nous, transmet dans notre langue les grâces et les richesses de la latine, compose des romans qui ont une fin, en bannit le prolixe et l’incroyable, pour y substituer le vraisemblable et le naturel. […] Aussi les Pamphiles sont-ils toujours comme sur un théâtre : gens nourris dans le faux, et qui ne haïssent rien tant que d’être naturels ; vrais personnages de comédie, des Floridors, des Mondoris6. […] Elle se laisse toucher et manier ; elle ne perd rien à être vue de près : plus on la connaît, plus on l’admire ; elle se courbe par bonté vers ses inférieurs et revient sans effort dans son naturel ; elle s’abandonne quelquefois, se néglige, se relâche de ses avantages, toujours en pouvoir de les reprendre et de les faire valoir ; elle rit, joue et badine, mais avec dignité. […] Il n’a eu dans ses premières années qu’à remplir2 des talents qui étaient naturels, et qu’à se livrer à son génie. […] Ne vent pas dire ici seulement la complexion physique, mais le naturel avec tous ses éléments.

64. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XVI. des qualités essentielles du style. — clarté, pureté  » pp. 217-229

» Les qualités opposées à ces diverses causes d’obscurité, et par conséquent les éléments de la clarté du style sont la pureté, la propriété, la précision, le naturel. […] Il est naturel de croire que les langues ont d’abord été fondées sur des analogies avouées par la raison humaine ; mais une foule de circonstances, l’origine d’un peuple, son mélange plus ou moins durable, plus ou moins complet avec d’autres, l’infinie variété de relations des hommes entre eux ou avec les choses, les rapides et continuelles vicissitudes des idées et des intérêts, que sais-je ? […] La mobilité d’imagination et la paresse de jugement, également naturelles à l’homme, ont fait passer, souvent à l’insu de sa volonté, les modifications spontanées ou les altérations successives du langage à l’état d’habitude, et cette habitude, une fois enracinée dans les esprits, est devenue ce qu’on appelle le génie de la langue, c’est-à-dire cette collection d’idiotismes, ces procédés de lexilégie et de construction qui distinguent une langue des autres et lui impriment un cachet particulier. […] Et il ajoute avec raison : « L’ingénuité, le naturel, la simplicité même n’ont rien qui se refuse à la correction du langage. » Quant à la seconde catégorie de jargons, ceux dont ou convient pour se parler sans être entendus, on conçoit que la rhétorique ne les admette nulle part.

65. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Fénelon. (1651-1715.) » pp. 101-109

D’ailleurs, c’est par un effet de la providence divine que nulle terre ne porte tout ce qui sert à la vie humaine ; car le besoin invite les hommes au commerce pour se donner mutuellement ce qui leur manque, et ce besoin est le lien naturel de la société entre les nations : autrement tous les peuples du monde seraient réduits à une seule sorte d’habits et d’aliments ; rien ne les inviterait à se connaître et à s’entrevoir. […] En été, ces rameaux nous protégent de leur ombre contre les rayons du soleil ; en hiver, ils nourrissent la flamme qui conserve en nous la chaleur naturelle. […] L’auteur y répand des trésors d’élégance ; il peint la nature, il en égale les richesses et les couleurs par l’éclat de son style : souvent il laisse échapper cette abondance de sentiments tendres et passionnés, langage naturel de son cœur. […] Le charme de ce passage de Fénelon suffirait déjà pour montrer que Saint-Simon n’a été que juste et vrai pour lui, lorsqu’il l’a peint « doué d’une éloquence naturelle, douce et fleurie ».

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