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51. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — De la Poétique » pp. 2-4

Les hommes de génie ont considéré la nature et l’ont embellie en l’imitant ; puis des esprits observateurs ont analysé ces productions, et après avoir découvert le secret de leurs beautés, ont fait part aux autres hommes du résultat de leurs investigations, et leur ont indiqué la voie qu’ils devaient suivre. […] Ce vaste génie, qui embrassa toutes les sciences, et qui fit toujours preuve d’une incontestable supériorité, a laissé un art poétique, en prose, dont une partie est perdue. […] Admirateur enthousiaste du prince des poètes latins, il ne pense qu’avec ses expressions, il imite toutes ses formes, et quelquefois, dans ses beaux moments, il réunit son génie heureux à la brillante fécondité d’Ovide.

52. (1867) Morceaux choisis des classiques français, à l’usage des classes supérieures : chefs d’œuvre des prosateurs et des poètes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouvelle édition). Classe de rhétorique

Le génie de la princesse palatine se trouva également propre aux divertissements et aux affaires. […] Tout fut uni par la force de son génie. […] Son génie se répandit sur toutes les parties de l’empire. […] Sylla respire, et son génie est plus puissant que celui de tous les Romains. […] La véritable éloquence suppose l’exercice du génie et la culture de l’esprit.

53. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre V. — Qualités particulières du Style »

Tel est ce mot de madame de Sévigné à, sa fille : J’ai mal à votre poitrine ; expression de génie, si l’on peut appeler ainsi ce que le cœur a inventé. […] Aux mulets rassemblés de toute la Suisse ont été ajoutés les traîneaux, les brancards, tous les moyens de transport que le génie de l’administration française ou les habitudes de la contrée ont pu fournir. […] Alors il s’élèvera à mesure que la matière s’élèvera elle-même ; et si le ton est constamment élevé, si chaque idée est brillamment rendue, si le génie de l’écrivain peut la rendre avec enthousiasme, le ton s’élèvera jusqu’au sublime. Le sublime n’appartient pas à tous les sujets : il règne seulement dans la poésie, l’histoire et la philosophie : ce sont là les seuls champs où l’habile écrivain peut déployer toute l’étendue de son génie. […] Les premiers ont réuni au plus haut degré l’imagination, c’est-à-dire, le génie qui crée, et le goût, c’est-à-dire, la faculté qui fait discerner le bon et le beau du mauvais et de la laideur.

54. (1867) Rhétorique nouvelle « Troisième partie. la rhétorique » pp. 194-

Mais, si indépendant que soit le génie, il ne doit pas présumer assez de ses forces pour rejeter les conseils de l’expérience. […] — Je vous l’ai déjà dit, et je ne me laisserai pas de le répéter, il y a autant de routes que de causes et de génies différents. […] Son génie, un instant contenu, rompt ses digues et s’épanche en torrents. […] Le génie a, comme la beauté, un rayonnement qui couvre toutes les imperfections. […] S’il n’y avait que le génie pour suppléer à l’insuffisance de l’organe, que d’orateurs réduits à l’impuissance !

55. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre second. Définition et devoir de la Rhétorique. — Histoire abrégée de l’Éloquence chez les anciens et chez les modernes. — Chapitre IV. De l’Éloquence chez les modernes. »

Parmi les nations civilisées, les Anglais ont longtemps possédé seuls un gouvernement populaire et des assemblées assez nombreuses pour offrir un champ libre à l’éloquence politique, qui y devait être naturellement encouragée par la hardiesse du génie national. […] Mais elle est loin d’être riche en orateurs publics, et l’on trouverait difficilement des monuments de leur génie. […] Sans doute les Grecs et les Romains avaient plus de génie que nous ; mais nous avons sur eux un avantage incontestable : c’est la justesse et l’exactitude du raisonnement.

56. (1882) Morceaux choisis des prosateurs et poètes français des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Cours supérieur. Poètes (2e éd.)

Âme froide, génie tout négatif, il n’eut guère d’enthousiasme que contre les mauvais vers. […] Esprit tout français, Malherbe avait cependant d’étroites affinités avec le génie antique, mais avec le génie latin infiniment plus qu’avec le génie grec. […] C’est le premier éclat de son génie. […] Deux traits caractérisent le génie de Boileau. […] Mais dans tout cela il n’y a pas une incontestable œuvre de génie.

57. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Buffon. (1707-1788.) » pp. 146-152

Auparavant, Buffon s’était livré à l’étude des sciences : son puissant génie s’attacha dès lors à pénétrer dans tous les secrets de l’art d’écrire, dont il nous a si parfaitement tracé les lois. […] Il faut encore consulter sur lui Châteaubriand, Génie du Christianisme, IIIe partie, liv.  […] Par là il a mérité ce jugement de La Harpe, qui a placé ses ouvrages entre les titres de la gloire nationale : « Il est du petit nombre des écrivains originaux qui ont donné à l’idiome qu’ils maniaient le caractère de leur génie, en même temps qu’ils l’appropriaient à des sujets nouveaux. » 1. […] Villemain, le génie français eût voulu marquer sans intervalle son ambition de tout soumettre à l’analyse, de tout embellir par la parole ».

58. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — André de Chénier 1762-1794 » pp. 480-487

Mais ces grands hommes, en imitant, sont demeurés originaux, parce qu’ils avaient à peu près le même génie que ceux qu’ils prenaient pour modèles ; de sorte qu’ils cultivaient leur propre caractère, sous ces maîtres qu’ils consultaient et qu’ils surpassaient quelquefois ; au lieu que ceux qui n’ont que de l’esprit sont toujours de faibles copistes des meilleurs modèles, et n’atteignent jamais leur art : preuve incontestable qu’il faut du génie pour bien imiter, et même un génie étendu pour prendre divers caractères ; tant s’en faut que l’imagination donne l’exclusion au génie. » 1.

59. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre V. Ouvrages historiques. »

Si les beaux-arts fleurirent en France par les soins de son roi, ils furent négligés en Angleterre, où l’on ne connut plus qu’une politique dure et inquiète, conforme au génie du prince. […] Quelque génie que je reconnaisse dans l’invention d’une arme meurtrière, j’exciterais une juste indignation si je disais que tel homme ou telle nation eut la gloire de l’avoir inventée. […] Sur la terre, c’est le lot de la vertu, et non du génie ; de la vertu utile, grande, bienfaisante, éclatante, héroïque. […] L’historien pouvait étaler toutes les richesses du génie et de l’art dans un si beau champ ; mais un appareil d’idées brillantes aurait rendu suspecte la foi de l’écrivain. […] Le principal devoir de l’historien est de distinguer le ton, le talent, le génie particulier de chaque auteur ; de les peindre tous et de les caractériser d’après leurs ouvrages.

60. (1868) Morceaux choisis des écrivains contemporains à l’usage des classes supérieurs de l’enseignement classique et spécial. Prose et poésie

Au nombre des admirateurs de sa beauté et de son génie poétique elle eut bientôt distingué Oswald, lord Nelvil, pair d’Écosse. […] Il y a tant d’âme dans nos beaux-arts, que peut-être un jour notre caractère égalera notre génie. […] C’est une belle chose que l’innocence dans le génie et la candeur dans la force. […] Où sont allés les génies divins qui élevèrent le temple sur les débris duquel j’étais assis ? […] Alexandre, César, Annibal, Louis XIV, avec tout son génie, ont échoué.

61. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre IV. Des Ouvrages Didactiques. »

Il est aisé de sentir qu’ici le génie n’a rien à créer pour le fond. […] C’est le plus sûr moyen d’en faire sentir la vraie justesse, l’importante nécessité, les grands avantages qu’en retire le génie ; de former même le jugement et le goût de ceux à qui il donne ses leçons. […] Le second dépend ordinairement du génie des langues et des nations : il peut varier suivant les lieux et les siècles. […] Les meilleurs modèles de critique que je connaisse en notre langue, sont les Sentiments de l’Académie sur le Cid, tragédie de Corneille, et les Réflexions critiques sur le génie d’Horace, de Despréaux et de Rousseau, par le duc de N***.

62. (1866) Morceaux choisis des classiques français, à l’usage des classes supérieures : chefs d’œuvre des prosateurs et des poètes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouvelle édition). Classe de seconde

Sa prose se recommande par un tour net et vif, admirablement approprié au génie de notre langue. […] Entre tant de pages, également inspirées par la vertu et le génie, notre choix était bien difficile. […] Pour le sublime, il n’y a même entre les grands génies que les plus élevés qui en soient capables. […] Les poètes qui ont le plus d’essor, de génie, d’étendue de pensées et de fécondité sont ceux qui doivent le plus craindre cet écueil de l’excès d’esprit. […] Mais son principal service fut d’achever l’éducation de notre langue et de la façonner pour l’usage des génies qui illustrèrent notre grand siècle.

63. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XVIII. des qualites essentielles du style. — harmonie  » pp. 240-256

Tout dépend ici, comme ailleurs, du génie de la langue. […] L’idiome contracte des habitudes, résultat de ces circonstances et de la nature, et l’ensemble de ces habitudes forme ce qu’on appelle le génie de la langue. Les règles de l’harmonie, comme celles de la grammaire spéciale, ne sont le plus souvent que les formules du génie de la langue. […] Mais, en même temps, le génie de votre langue est essentiellement sérieux et positif ; n’attribuez donc pas à l’harmonie une valeur exagérée, ne lui sacrifiez jamais ni la justesse, ni l’énergie de l’expression. […] Que les jeunes gens surtout soient bien convaincus d’une vérité, c’est que les génies les plus vastes et les plus élevés, comme les plus spontanés et les plus naïfs, n’ont point estimé au-dessous d’eux les plus minutieuses prescriptions de l’art ; c’est qu’ils n’ont pas cru que l’étude de toutes les délicatesses du nombre nuisît aux sublimes inspirations de la pensée ; c’est qu’enfin, sans jamais sacrifier ni le sens, ni l’expression, ils ont su donner au discours les charmes de l’euphonie et du rhythme, et n’ont même négligé, dans l’occasion, aucun des embellissements variés de l’harmonie imitative.

64. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Nisard. Né en 1806. » pp. 585-597

Nisard s’est imposé le devoir périlleux de représenter le respect des traditions et des principes qui sauvegardent l’intégrité du génie français, à savoir la raison, la mesure, la règle, et ce bon sens délicat qui est la substance même de toute éloquence. […] Elle s’est fait un idéal de l’esprit humain dans les livres ; elle s’en est fait un du génie particulier de la France, un autre de sa langue3 ; elle met chaque auteur et chaque livre en regard de ce triple idéal4. […] Si son objet est élevé, si elle ne fait tort ni à l’esprit humain qu’elle étudie dans son imposante unité, ni au génie de la France, qu’elle veut toujours montrer semblable à lui-même, ni à notre langue qu’elle défend contre les caprices de la mode, il faut avouer qu’elle se prive des grâces5 que donnent aux trois premières sortes de critique la diversité, la liberté, l’histoire mêlée aux lettres, la beauté des tableaux, la vie des portraits, les rapprochements de la littérature comparée. […] Quant au quatrième genre, les lecteurs de ce livre diront s’il répond à une réalité, ou si l’auteur n’a pas pris pour un genre son défaut de génie pour les trois autres. […] La réunion de ces diverses conditions, une certaine facilité apparente qui cache au lecteur jusqu’à la trace des efforts qu’elle a coûtés, voilà ce qui constitue un bon écrit, ou plutôt une chose écrite en français ; car je ne donne pas ici le secret du génie.

65. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Buffon, 1707-1788 » pp. 175-184

Il put dire avec fierté : « J’ai passé cinquante ans à mon bureau », et il songeait sans doute à lui-même, en définissant le génie, une longue patience. […] Lettre à M. de la Condamine1 lors de sa reception a l’académie française Du génie pour les sciences, du goût pour la littérature, du talent pour écrire, de l’ardeur pour entreprendre, du courage pour exécuter, de la constance pour achever, de l’amitié pour vos rivaux, du zèle pour vos amis, de l’enthousiasme pour l’humanité : voilà ce que vous connaît un ancien ami, un confrère de trente ans, qui se félicite aujourd’hui de le devenir pour la seconde fois. […] Son génie fut égal à la majesté de la nature. […] Je lis dans Joubert : « Buffon a du génie pour l’ensemble, et de l’esprit pour les détails ; mais il y a en lui une emphase cachée, un compas toujours trop ouvert. » 1.

66. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre premier. Du Goût. »

Réfléchissons pour nous pénétrer de cette vérité, que les productions du génie ne sont, pour la plupart, que des imitations de la nature, des peintures du caractère, des actions ou des mœurs des hommes. […] Celui dont le goût est sur, ne s’en laisse jamais imposer par des beautés factices ; il a sans cesse devant les yeux la règle invariable du bon sens, qui doit le guider dans tout ce qu’il veut juger ; il apprécie exactement le mérite relatif des diverses beautés que lui offrent les ouvrages du génie ; il les classe avec ordre, assigne, autant qu’il est possible de le faire, les sources d’où elles tirent le pouvoir de nous charmer, et n’en est lui-même touché que précisément autant qu’il le doit être. […] De là, ces témoignages nombreux de l’estime générale que les peuples les plus éclairés ont accordée, depuis tant de siècles, à des chefs-d’œuvre de génie, tels que l’Iliade d’Homère et l’Énéide de Virgile.

67. (1813) Principes généraux des belles-lettres. Tome III (3e éd.) « Principes généraux des belles-lettres. » pp. 1-374

Il lui est permis de se jeter dans des écarts, de s’abandonner à l’essor de son génie, de négliger l’ordre jusqu’à un certain point ; mais ce n’est que dans les détails, dans les petites parties de son poëme. […] Mais le génie de Corneille, en créant tous ces incidens, les a tous rendus nécessaires ou vraisemblables, et a répandu sur toutes les parties de son poëme la plus vive lumière. […] Bret a bien raison de dire que cette pièce est le chef-d’œuvre du génie comique pour les vues, la disposition et la conduite de l’ouvrage. […] Ce poëte avoit un génie libre, gai, et vraiment comique ; il saisissoit très-bien le ridicule et le rendoit de même : ses comédies sont pleines de vivacité et de saillies. […] Elles portent toutes l’empreinte d’un génie vif, gai et vraiment comique.

68. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre XI. Grands poèmes. »

Il est assurément permis au poète de se jeter dans quelques écarts, d’obéir à son génie, de négliger l’ordre jusqu’à un certain point. […] On entend par là l’intervention, dans l’action d’un poème, des êtres surnaturels, tels que dieux ou déesses, anges ou démons, fées ou génies, etc. […] En général, on accorde à Homère la supériorité du génie producteur, puisqu’il a trouvé en lui-même de quoi remplir deux poèmes très longs ; qu’il a eu le secret de tirer le plus long des deux du sujet le plus mince et le plus étroit qui fut jamais, la brouillerie de deux princes pour une esclave. […] Son génie original ouvrit une route nouvelle : en choisissant une histoire récente pour sujet d’un poème épique, il s’est ôté toute la liberté de l’invention et l’usage du merveilleux. […] Il a tout pris d’Homère, hors le génie.

69. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — La Bruyère, 1646-1696 » pp. 155-177

Avouons-le, on sent la force et l’ascendant de ce rare esprit, soit qu’il prêche de génie et sans préparation, soit qu’il prononce un discours étudié et oratoire, soit qu’il explique ses pensées dans la conversation : toujours maître de l’oreille et du cœur de ceux qui l’écoutent, il ne leur permet pas d’envier ni tant d’élévation, ni tant de facilité, de délicatesse, de politesse ; on est assez heureux de l’entendre, de sentir ce qu’il dit, et comme il le dit ; on doit être content de soi si l’on emporte ses réflexions et si on en profite. […] Il n’a eu dans ses premières années qu’à remplir2 des talents qui étaient naturels, et qu’à se livrer à son génie. […] L’homme d’esprit, de mérite, ou de valeur, devient en un instant un génie de premier ordre, un héros, un demi-dieu. […] Tout ce morceau est une protestation éloquente, pleine de hardiesse et de dignité contre un état social par suite duquel de grands génies, comme Corneille, par exemple, étaient réduits à comparer à Auguste un receveur général, M. de Montoron (voir l’épitre dédicatoire de Cinna). […] Bossuet a dit : « Par la profondeur de son génie et les incroyables ressources de son courage, il s’élève au-dessus des plus grands périls, et sait même profiter de toutes les infidélités de la fortune. » 1.

70. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre III. Du Sublime dans les Compositions littéraires. »

À mesure que la société a fait des progrès en civilisation, le génie et les mœurs ont perdu en force et en sublimité ce qu’ils ont gagné en politesse et en correction. […] Milton, que son génie portait singulièrement au sublime, nous en offre presque continuellement des exemples, dans les 1er et 2e livres de son Paradis Perdu. […] C’est là que le génie de Corneille devzit s’arrêter : mais, séduit par un mauvais modèle, il s’égare sur ses pas, et affaiblit, en la paraphrasant à son exemple, la simplicité sublime de ce grand trait de caractère. […] C’est la preuve la plus complète de l’absence totale, ou du moins de la stérilité du génie.

71. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre V. Du Style en général, et de ses qualités. »

L’écrivain de génie a un style, une manière à lui, et on les retrouve dans toutes ses productions. Lorsqu’au contraire les compositions d’un auteur n’offrent point de caractère particulier et distinctif, on en peut conclure que c’est un écrivain médiocre, qui ne travaille que d’imitation, et n’éprouvera jamais l’impulsion du génie. […] Il ne faut ni beaucoup de génie, ni beaucoup d’imagination, pour atteindre à ce style ; il suffit du travail et de l’attention : c’est celui qu’il faut étudier avec le plus de soin, parce qu’il n’est point de sujet auquel il ne convienne, et qu’il en est beaucoup où il est indispensable. […] car l’âge calmera cette fougue d’une imagination trop abondante ; le jugement la corrigera en se formant… Il est bon que les jeunes gens aient un génie hardi et inventif, et qu’ils tirent vanité de leurs premiers essais, quelque incorrects qu’ils soient.

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