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66. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Prosper Mérimée. Né en 1803. » pp. 558-565

Hors du collége, si par fortune nous avons retenu quelque chose de ce qu’on nous y a montré, l’histoire ancienne pourra devenir pour nous la plus attachante lecture. Tout le monde n’est pas roi ou ministre pour avoir besoin des enseignements de l’histoire ; mais il n’est personne qui ne prenne intérêt au jeu des passions, aux portraits de ces grands caractères qui dominent des peuples entiers, à ces alternatives de gloire et d’abaissement que, de près, on nomme la fortune, mais qui, vues de loin et d’ensemble, deviennent la révélation des terribles et mystérieuses lois de l’humanité1.

67. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Jean-Jacques Rousseau, 1712-1778 » pp. 313-335

Ils emploieraient volontiers leur fortune à consumer leur vie entière ; et il n’y en a peut-être pas un qui n’eût réduit ses ans à très-peu d’heures, s’il eût été le maître d’en ôter, au gré de son ennui, celles qui lui étaient à charge, et, au gré de son impatience, celles qui le séparaient du moment désiré. […] Laissons dire les méchants qui montrent leur fortune et cachent leur cœur, et soyons sûrs que, s’il est un seul exemple de bonheur sur la terre, il se trouve dans un homme de bien. […] Alors vous serez heureux malgré la fortune, et sage malgré les passions. […] Elle n’est autre que cet indomptable esprit de liberté que rien n’a pu vaincre, et devant lequel les honneurs, la fortune, et la réputation même, ne me sont rien.

68. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre III. De la partie oratoire dans les Historiens anciens. Historiens grecs. »

Après vous avoir acquis, à peu de frais et presque sans danger, l’amitié des villes les plus puissantes du Péloponèse, j’ai forcé les Lacédémoniens de risquer, à Mantinée, toute leur fortune dans une seule bataille, dont ils sont encore affaiblis, quoique la victoire se soit déclarée pour eux. […] « Tu es le premier pour qui la satiété ait produit la faim, puisqu’à mesure que tu as plus, tu désires davantage. — Serre à deux mains ta fortune ; elle glisse, et on ne la retient pas en dépit d’elle : c’est l’avenir plus que le présent qui donne un bon conseil. […] On dit chez nous que la fortune est sans pieds ; elle n’a que des mains et des ailes, et quand elle nous présente les unes, elle ne laisse pas saisir les autres.

69. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre cinquième. De l’Éloquence des Livres saints. — Chapitre IV. Beautés morales et philosophiques. »

Mes yeux sont dessillés ; je saurai désormais Des dieux sur le méchant respecter les décrets : Ils n’élèvent si haut sa fortune trompeuse, Que pour rendre bientôt sa chute plus affreuse. […] L’inconstance de l’homme dans ses goûts, les peines qu’il se donne pour tourmenter sa vie, pour accumuler de vains trésors dont il ne veut ou ne sait pas jouir, ont fourni à l’auteur des Proverbes le sujet et la matière de ces excellentes réflexions : Le riche est le jouet de sa propre fortune : C’est un tyran cruel, dont le joug l’importune. […] Sa fortune est durable autant que légitime, Elle passe aux neveux du fortuné vieillard ; Tandis que les enfants du crime et du hasard, Ces hommes sans pitié que les pleurs endurcissent, Et que les maux publics en un jour enrichissent, Dépouillés tout à coup d’un éclat passager, Ne sortent du néant que pour s’y replonger.

70. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Napoléon Ier , 1769-1821 » pp. 428-446

Mais la gloire des hommes célèbres est, comme leur vie, exposée à des fortunes diverses. […] La masse des hommes est faible, mobile parce qu’elle est faible, cherche fortune où elle peut, fait son bien sans vouloir le mal d’autrui, et mérite plus de compassion que de haine. […] Elle était riche, couverte de gloire, et l’on pouvait dire que sa fortune était faite.

71. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Lacordaire, 1802-1861 » pp. 542-557

C’est en vain que l’hypocrisie se couvre d’un voile ou que la fortune nous entoure d’un prestige ; il y a dans l’humanité un sentiment du bien et de l’honneur qui ne la trompe pas. […] Je suis pour lui en ce moment une de ces rares fortunes que la Providence accorde aux hommes qu’elle aime. […] S’il m’était permis de raconter vos efforts, vos veilles, votre dévouement de toutes les heures aux intérêts sacrés dont vous êtes les dépositaires, j’étonnerais certainement les esprits superficiels qui considèrent le noble métier des lettres comme une distraction élégante, mais en même temps j’enflammerais d’une sainte ardeur tous les jeunes courages impatients de lutte dédaigneux de la fortune sans la gloire, chastes amants des beautés idéales, serviteurs désintéressés du vrai !

72. (1867) Rhétorique nouvelle « Deuxième partie. L’éloquence du barreau » pp. 146-

Devant de pareilles foules, un véritable orateur, à qui on eût laissé pleine carrière, eût été le maître des consciences ; il eût tenu dans ses mains la vie et la fortune de ses concitoyens ; il eût disposé de la justice. […] Dira-t-elle que tu travailles à accroître ta fortune ? […] C’est que dans les assemblées délibérantes, où s’agitent des intérêts généraux, la palme est à celui qui sait prouver qu’il a raison ; tandis que devant les tribunaux, où la vie et la fortune des particuliers sont en question, le succès appartient à celui qui fait le mieux jouer les ressorts des passions.

73. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Fléchier, 1632-1710 » pp. 124-132

Il ôte aux uns la volonté, aux autres les moyens de nuire ; et, profitant de toutes ces conjonctures importantes, qui préparent les grands et glorieux événements, il ne laisse rien à la fortune de ce que le conseil et la prudence humaine lui peuvent ôter. […] Je me trouble, messieurs ; Turenne meurt : tout se confond, la fortune chancelle, la victoire se lasse, la paix s’éloigne, les bonnes intentions des alliés se ralentissent, le courage des troupes est abattu par la douleur et ranimé par la vengeance ; tout le camp demeure immobile.

74. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Deuxième partie. De la poésie en particulier ou des différents genres de poésie — Seconde section. Des grands genres de poésie — Chapitre III. Du genre épique » pp. 207-250

L’Odyssée, qui nous montre un seul homme en butte à toutes les disgrâces de la fortune, est une belle épopée, quoiqu’elle n’ait guère d’autres personnages qu’Ulysse. […] Le merveilleux philosophique, ainsi appelé parce qu’il existe indépendamment des croyances religieuses, consiste à personnifier, et à habiller d’un voile transparent les êtres métaphysiques ou moraux, comme la Paix, la Fortune, la Renommée, la Discorde, la Mollesse, la Gloire, le Fanatisme, le Sommeil, la Politique, la Mort, les Prières, les Grâces, les Jeux, etc. […] Le nœud est l’ensemble des dangers et des obstacles qui s’opposent à la fortune, aux desseins, en un mot, à l’exécution de l’entreprise du héros. […] Ces alternatives de bonne et de mauvaise fortune ont pour but de renouveler et d’accroître sans cesse l’intérêt, en tenant le lecteur dans l’incertitude et comme suspendu entre la crainte et l’espérance relativement à l’issue définitive de l’entreprise.

75. (1813) Principes généraux des belles-lettres. Tome III (3e éd.) « Notes. Pour l’intelligence des exemples cités dans ce troisième volume. — C — article »

Il mourut, en 1712, dans sa terre de Saint-Gratien, près de Paris, n’ayant ni augmenté ni diminué sa fortune.

76. (1870) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices par Gustave Merlet,... à l'usage de tous les établissements d'instruction. Cours moyens, grammaire et enseignement spécial. Première partie : prose

Il se vit emporté malgré lui dans l’orageuse destinée de ses amis, et la fortune prit comme un malin plaisir à le jeter dans les controverses d’une polémique qui répugnait à son caractère. […] Aussi, à voir comme il marche, vous diriez que la nature ne le contient plus ; et sa fortune enfermant en soi tant de fortunes particulières, il ne peut plus se compter pour un seul homme. […] c’est la maladie qui se joue, comme il lui plaît, de nos corps, que le péché a donné en proie à ses cruelles bizarreries ; et la fortune, pour être également ombrageuse, ne se rend pas moins féconde en événements fâcheux. […] Elle excelle par la tenue, la justesse, la mesure et le bon sens pratique ; elle porta simplement une haute fortune, et s’en servit pour faire le bien, surtout lorsqu’elle fonda Saint-Cyr (1685), création qui suffirait à honorer son nom. […] Songez, mon cher frère, au voyage d’Amérique, aux malheurs de notre père, aux malheurs de notre enfance, à ceux de notre jeunesse, et vous bénirez la Providence au lieu de murmurer contre la fortune.

77. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bernardin de Saint-Pierre, 737-1814 » pp. 357-367

D’abord ingénieur et officier, il tente la fortune, et promène à travers le monde, en Pologne, en Russie, à l’Ile de France, de mécomptes en mécomptes, sa mélancolie inquiète, et son imagination éprise d’utopies philanthropiques. […] Horace invitait Mécène à venir manger dans sa petite maison de Tivoli un quartier d’agneau et boire du vin de Falerne. — Comme il s’en faut bien que ma fortune approche de sa médiocrité d’or, je ne vous donnerai que des fraises et du lait dans des terrines ; mais vous aurez le plaisir d’entendre les rossignols chanter dans les bosquets des dames anglaises, et de voir leurs pensionnaires folâtrer dans le jardin1.

78. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Mirabeau, 1749-1791 » pp. 368-376

D’ailleurs, dévoré de besoins, mécontent du présent, il s’avançait vers un avenir inconnu, faisant tout supposer de ses talents, de son ambition, de ses vices, du mauvais état de sa fortune, et autorisant, par le cynisme de ses propos, tous les soupçons et toutes les calomnies. » 1. […] Couvert des armes de la dialectique, il sonne la charge, fond sur ses adversaires, les saisit, les frappe au visage et ne les lâche pas qu’il ne les ait forcés, le genou sur la gorge, à s’avouer vaincus ; s’ils tournent le talon, il les poursuit, il les bat par devant et par derrière, il les presse, il les pousse, et il les ramène invinciblement dans le cercle impérieux qu’il leur a tracé, comme ces marins qui, sur le pont d’un étroit navire, pris à l’abordage, placent un ennemi sans espérance entre leur glaive et l’Océan… « J’ai dit que ce qui a élevé Mirabeau, sans aucune comparaison, au-dessus des autres orateurs, c’est la profondeur et l’étendue de ses pensées, la solidité de sa dialectique, la véhémence de ses improvisations ; mais c’est surtout la fortune inouïe de ses reparties… Jamais Mirabeau ne reculait devant aucune objection ni devant aucun adversaire.

79. (1854) Éléments de rhétorique française

Dans les choses matérielles, le désordre et la profusion détruisent les plus grandes fortunes ; la sagesse et l’économie font prospérer les plus modiques : il en est de même de nos pensées ; et, à l’âge où l’on prend des habitudes qui doivent durer toute la vie, on doit s’accoutumer à bien régler ses idées comme à bien employer sa fortune. […] Les soucis de l’ambition, les inquiétudes de la fortune, les mouvements des passions, les raffinements de la volupté : je puis être un serviteur inutile ; mais n’êtes-vous pas vous-même un serviteur infidèle ? […] Malherbe a dit en parlant des rois qui meurent : Et tombent avec eux, d’une chute commune, Tous ceux que la fortune Fit leurs adorateurs. […] Les alarmes pour la fortune troublent autant e commun des hommes que la crainte de la mort, et n’inspirent pas cet élan de l’âme, cet enthousiasme qui fait trouver des ressources « Les cris des matelots ont toujours quelque chose de lugubre et de prolongé, que la terreur rendait encore plus effrayant. […] « Il envoya quatre matelots anglais avec des haches pour briser les barrières qui retenaient ces malheureux ; et ils se répandirent à l’instant dans la ville, courant à leurs marchandises, au milieu des flammes, avec cette avidité de fortune qui a quelque chose de bien sombre quand elle fait braver la mort.

80. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre IV. Continuation du même sujet. Historiens latins. »

Que personne donc ne soit disposé plus que vous, Cambyse, à servir le vôtre, et ne vole plus promptement à son secours, puisque sa bonne et sa mauvaise fortunes vous touchent de plus près que personne. — Voyez s’il est quelque autre homme qu’il vous soit plus honteux de ne pas aimer, et plus louable d’honorer. […] Elle vous sourit enfin, cette liberté que vos vœux appellent depuis si longtemps, et avec elle, s’offrent à vous les richesses, l’honneur et la gloire : ce sont les prix que la fortune promet aux vainqueurs. […] si sa personne vous était plus chère que sa fortune.

81. (1839) Manuel pratique de rhétorique

Le tribunal de Dieu est bien la justice suprême, puisqu’elle s’élève au-dessus de toutes les antres et prononce sur le sort de tous les hommes, sans distinction de rang ni de fortune. […] Je me trouble, Messieurs, Turenne meurt : tout se confond, la fortune chancelle, la victoire se lasse, la paix s’éloigne, les bonnes intentions des alliés se ralentissent, le courage des troupes est abattu par la douleur et ranimé par la vengeance ; tout le camp demeure immobile. […] Il ôte aux uns la volonté, aux autres les moyens de nuire ; et, profitant de toutes ces conjonctures importantes qui préparent les grands et glorieux événements, il ne laisse rien à la fortune de ce que le conseil et la prudence humaine lui peuvent ôter. […] ô reine admirable et digne d’une meilleure fortune, si les fortunes de la terre étaient quelque chose ! […] L’un, enfin, par la profondeur de son génie et les incroyables ressources de son courage, s’élève au-dessus des plus grands périls, et sait même profiter de toutes les infidélités de la fortune ; l’autre, et par l’avantage d’une si haute naissance, et par ces grandes pensées que le ciel envoie, et par une espèce d’instinct admirable dont les hommes ne connaissent pas le secret, semble né pour entraîner la fortune dans ses desseins, et forcer les destinées.

82. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) «  Chapitre XXIV. des figures. — figures par rapprochement d’idées opposées  » pp. 339-352

Quand Florus compare la Rome des empereurs à cette Rome naissante qui portait ses vœux au Capitole pour la conquête de Tibur et de Préneste, devenus depuis les maisons de plaisance du peuple-roi ; quand Auguste demande aux jeunes gens d’écouter un vieillard que les vieillards écoutaient lorsqu’il était jeune, audite, jurenes, senem quem juvenem senes audiere ; quand Bossuet rappelle l’Océan traversé tant de fois par la reine d’Angleterre dans des fortunes si diverses, l’opposition dans les faits amène nécessairement l’antithèse dans les mots. […] Rousseau, Ode à la fortune.

83. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Cousin, 1792-1867 » pp. 492-503

Elle avait suivi la fortune de la France. […] Dans les allées de nos jardins publics, sur les quais qui bordent ce palais, qui ne l’a entendu des heures entières prodiguer les idées, les expressions, les mouvements qui auraient fait la fortune d’un discours préparé ?

84. (1883) Morceaux choisis des classiques français (prose et vers). Classe de troisième (nouvelle édition) p. 

Tel fut l’homme extraordinaire qui donna le signal des croisades, et qui, sans fortune et sans renommée, par 1q seul ascendant des larmes et des prières, parvint ébranler l’Occident pour le précipiter tout entier sur l’Asie. […] Sous un dais de feuillage et sur un trône de gazon, comme sous les lambris dorés de son palais et sur son lit de justice, sans brigue, sans laveur, sans acception de qualité ni de fortune, il rendait sans délai ses jugements et ses oracles avec autorité, avec équité, avec tendresse ; roi, père et juge tout ensemble. […] Enfin il faut confesser que tous ses vices ont été de ceux que la grande fortune rend aisément illustres, parce qu’ils ont été de ceux qui ne peuvent avoir pour instruments que de grandes vertus. […]            D’Athène élevant la fortune,      Fils de Saturne, ô glorieux Neptune,            Par toi l’impétueux coursier            Subit le joug qui l’importune,            Docile au frein du cavalier ! […] Ai-je donc élevé si haut votre fortune Pour mettre une barrière entre mon fils et moi ?

85. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre III. Éloges de Pompée et de César, par Cicéron. »

— Est-il une espèce de guerre où la fortune de la république n’ait exercé ses talents et son courage ? […] Vous serez pour nos neveux, comme vous l’avez été pour nous, un sujet éternel de division : les uns vous éléveront jusqu’au ciel ; les autres diront qu’il vous a manqué ce qu’il y a de plus glorieux, de guérir les maux de la patrie ; ils diront que vos grands exploits peuvent appartenir à la fortune, et que vous n’avez pas fait ce qui n’aurait appartenu qu’à vous.

86. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Madame de Sévigné 1626-1696 » pp. 52-64

Réparer les brèches d’une fortune compromise, établir son fils, adorer sa fille, madame de Grignan, se lamenter sur son éloignement, voir et revoir la chère absente, lui raconter ses tendresses et les nouvelles du jour dans toute leur primeur, les commenter avec une verve étincelante, depuis le procès de Fouquet jusqu’à la disgrâce de M. de Pomponne, depuis la mort de Turenne jusqu’à celle de Vatel, sans oublier la pluie et le beau temps, en un mot laisser causer son esprit et son cœur : voilà sa vie. […] Voilà le second ministre3 que vous voyez mourir, depuis que vous êtes à Rome ; rien n’est plus différent que leur mort ; mais rien n’est plus égal que leur fortune, et les cent millions de chaînes qui les attachaient tous deux à la terre.

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