Voilà pourquoi l’immensité de l’espace, l’infini des nombres et la durée éternelle, remplissent l’âme de si grandes idées. […] Ils remplissent l’âme d’admiration, et l’élèvent au-dessus d’elle-même. Toutes les fois que, dans une situation critique et dangereuse, nous voyons un homme déployer un courage extraordinaire, ne compter que sur lui-même, se montrer inaccessible à la crainte et plus grand que le danger, mépriser l’opinion du vulgaire, son intérêt personnel, et jusqu’à la mort qui le menace, l’élévation de son âme passe dans la nôtre, et nous éprouvons le sentiment du sublime.
Ainsi notre âme aime à connaître et à voir, à se ressouvenir de ce qu’elle a vu et à en conclure par l’imagination ce qu’elle verra ; le désordre et la confusion laissent en elle un sentiment de fatigue et d’inanité, et c’est d’après cette constitution de notre intelligence que nous venons de demander l’unité de l’ensemble et l’enchaînement rationnel des idées. […] L’antithèse est la forme la plus ordinaire de ces transitions ; continuez de feuilleter l’oraison funèbre de Condé : — Pendant que le prince se soutenait si hautement avec l’archiduc, il rendait au roi d’Angleterre tous les honneurs qui lui étaient dus… Nous avons parlé des qualités de l’âme, venons maintenant aux qualités de l’esprit… Si les autres conquérants ont reçu une récompense aussi vaine que leurs désirs, il n’en sera pas ainsi de notre grand prince, en effet,… etc. — C’est en étudiant les auteurs qui ont ainsi travaillé leurs transitions, Racine surtout et Massillon, que vous trouverez les modèles de ces mille artifices, et que vous vous habituerez à les employer vous-même à l’occasion. […] L’âme, comme le corps, ne supporte ni une longue inertie, ni une longue tension de force ; l’une et l’autre en usent les ressorts ; qu’au repos succède le mouvement, ou encore à un mouvement énergique un mouvement plus doux, pourvu toutefois que tous deux appartiennent au même ordre d’idées et se développent sur le même terrain. […] L’abbé Maury, dans son Essai sur l’éloquence de la chaire, fait assez bien ressortir la diversité d’action produite sur notre âme, d’un côté par un trait brusque et inattendu qui la surprend et la frappe, et de l’autre, par un coup non moins décisif, mais préparé de longue main, qui lui laisse une profonde et durable impression. […] L’âme aime la variété….
Car connaissant tout seul les plus secrets penchants de nos cœurs ; développant déjà dans les premières ébauches de nos passions tout ce que nous devons être ; jugeant de nous-mêmes par les rapports divers de vice ou de vertu que les situations infinies où il pourrait nous placer ont avec les qualités naturelles de notre âme ; découvrant en nous mille dispositions cachées que nous ne connaissons pas, et qui n’attendent que l’occasion pour paraître ; seul, lorsqu’il tira tout du néant, et qu’il donna à tous les êtres cet arrangement admirable et ce cours harmonieux que la durée des temps n’a jamais pu altérer, il put prévoir quelles étaient dans cet assemblage si bien assorti les circonstances du siècle, de la nation, du pays, de la naissance, des talents, de l’état, les plus favorables à notre salut, et en les rassemblant par un pur effet de sa miséricorde, en former comme le fil et toute la suite de notre destinée. […] Elle seule est la lumière de notre esprit, la règle de notre cœur, la source des vrais plaisirs, le fondement de nos espérances, la consolation de nos craintes, l’adoucissement de nos maux, le remède de toutes nos peines ; elle seule est la source de la bonne conscience, la terreur de la mauvaise, la peine secrète du vice, la récompense intérieure de la vertu ; elle seule immortalise ceux qui l’ont aimée, illustre les chaînes de ceux qui souffrent pour elle, attire des honneurs publics aux cendres de ses martyrs et de ses défenseurs, et rend respectables l’abjection ou la pauvreté de ceux qui ont tout quitté pour la suivre ; enfin, elle seule inspire des pensées magnanimes, forme des âmes héroïques, des âmes dont le monde n’est pas digne, des sages seuls dignes de ce nom. […] Qu’on ne prétende pas de là néanmoins que les choses soient égales ; car il y a cette extrême différence, que la violence n’a qu’un cours borné par l’ordre de Dieu, qui en conduit les effets à la gloire de la vérité qu’elle attaque ; au lieu que la vérité subsiste éternellement, et triomphe enfin de ses ennemis, parce qu’elle est éternelle et puissante comme Dieu même. » Nous lisons dans un sermon de Bossuet sur la brièveté de la vie « Quand je fais réflexion sur les diverses calamités qui affligent la vie humaine, entre toutes les autres la famine me semble être celle qui représente mieux l’état d’une âme criminelle, et la peine qu’elle mérite. L’âme, aussi bien que le corps, a sa faim et sa nourriture : cette nourriture, c’est la vérité, c’est un bien permanent et solide, c’est une pure et sincère beauté ; et tout cela c’est Dieu même.
Les ruines, dont la chute de l’empire romain couvrit l’Europe entière, achevèrent d’étouffer le peu qui restait encore, dans un petit nombre d’âmes privilégiées, d’amour de la gloire et de la liberté. Des peuples vaincus d’avance, engourdis depuis longtemps dans les chaînes du despotisme, étaient incapables de sortir tout à coup de ce profond abattement, pour renaître à des sentiments dont leurs âmes flétries n’étaient plus susceptibles. […] La révolution qui s’opéra alors dans les esprits et dans les âmes, est si frappante ; ses conséquences ont tellement influé sur la destinée des peuples de l’Europe, que nous avons cru nous y devoir arrêter un moment.
Lorsqu’on réfléchit, on est étonné de voir combien les mouvements du corps ont de rapports avec ceux de l’âme. […] C’est par eux que notre âme se manifeste ; la joie les fait briller, la tristesse les obscurcit comme d’un nuage. […] Les mouvements du corps et des mains doivent seconder les sentiments de l’âme.
Que de touchantes paraboles, quelle délicatesse d’analyse, quelle science des âmes, que de solidité sous ses légères broderies ! […] Voilà bien l’intime entretien de deux âmes sœurs. […] L’excès en serait périlleux ; mais sous ces transports on retrouve l’équilibre du bon sens, et l’on aime les ravissements de cette âme où la sainteté fut visible.
Elle demande le crucifix sur lequel elle avait vu expirer sa belle-mère2, comme pour y recueillir les impressions de confiance et de piété que cette âme vraiment chrétienne y avait laissées avec les derniers soupirs. […] Ne croyez pas que ses excessives et insupportables douleurs aient tant soit peu troublé sa grande âme. Nous n’avons vu en elle ni cette ostentation par laquelle on veut tromper les autres, ni ces émotions d’une âme alarmée par lesquelles on se trompe soi-même. Tout fut simple, tout fut solide, tout fut tranquille ; tout partit d’une âme soumise, et d’une source sanctifiée par le Saint-Esprit. […] C’est une grande âme qui se montre toute à nu, et qui entraîne tout avec elle.
A peine de la cour j’entrai dans la carrière, Que mon âme éclairée, ouverte au repentir, N’eut d’autre ambition que d’en pouvoir sortir4. […] Quelques feintes caresses, Quelques propos sur le jeu, sur le temps, Sur un sermon, sur le prix des rubans, Ont épuisé leurs âmes excédées3. […] Sur un tapis dès qu’on te voit paraître, Noble bourgeois, clerc, prélat, petit-maître3, Femmes surtout, chacun met son espoir Dans tes cartons peints de rouge et de noir ; Leur âme vide est du moins amusée Par l’avarice4 en plaisir déguisée. […] L’âme est un feu qu’il faut nourrir, Et qui s’éteint s’il ne s’augmente. […] Le bonheur est de sentir son âme bonne.
Ce sont elles qui donnent à la poésie et à l’éloquence la vie, l’âme, comme une espèce d’action et de mouvement. […] Pour être belles, les figures, dit Blair, doivent sortir naturellement du sujet, naître d’elles-mêmes, et émaner d’une âme qu’échauffe la vue de l’objet dont elle s’occupe. […] Les figures de pensée, qui sont suggérées par la passion et l’artifice oratoire, ont pour objet de peindre les mouvements de l’esprit et les émotions de l’âme. […] L’harmonie imitative peut-elle exprimer les mouvements de l’âme ? La troisième espèce d’objets que les mots peuvent imiter par le son, comprend les sentiments, les émotions et les passions de l’âme.
Il est impossible de ne pas l’employer quand on se sent agité par l’étonnement, la colère et les grands mouvements de l’âme. […] L’apostrophe doit être le mouvement d’une imagination fortement ébranlée, ou d’une âme puissamment affectée. […] Il nous commande comme un maître, il nous terrasse comme la foudre, notre âme s’élève quand elle entend le sublime. […] Si l’on s’attend au sublime, son effet est manqué ;car l’âme se prépare à la sensation qu’elle va éprouver. […] Je lui pose ce dilemme : Ou notre âme est immortelle ou elle ne l’est pas.
Il n’en est pas de même dans les aliments de l’âme. […] Le premier est l’ascendant, c’est-à-dire une manière impérieuse de dire ses sentiments, que peu de gens peuvent souffrir, tant parce qu’elle représente l’image d’une âme fière et hautaine, dont on a naturellement de l’aversion, que parce qu’il semble que l’on veuille dominer sur les esprits et s’en rendre le maître… C’est encore un fort grand défaut que de parler d’un air décisif, comme si ce qu’on dit ne pouvait être raisonnablement contesté ; car l’on choque ceux à qui l’on parle de cet air, ou en leur faisant sentir qu’ils contestent une chose indubitable, ou en faisant paraître qu’on leur veut ôter la liberté de l’examiner et d’en juger par leur propre lumière1, ce qui leur paraît une domination injuste. […] Dans le style religieux, ce terme est opposé à corporel, et signifie ce qui regarde la conduite de l’âme, l’intérieur de la conscience. […] (Lettres des 21 juin, 5 et 22 juillet 1671, etc.) — L’écrit dont nous avons donné un extrait était principalement la lecture favorite de cette femme d’un esprit si charmant, mais d’une âme si forte et si élevée.
Tant que j’étais avec vous, vous n’avez pas vu mon âme, mais d’après mes actions, vous compreniez qu’elle était présente dans ce corps. Soyez donc toujours persuadés que cette âme existe, lors même que vous ne la verrez pas. […] N’ai-je plus la libre disposition de mon âme ? […] Réfléchissez longtemps sur l’adoption d’un ami ; une fois décidé, ouvrez toute votre âme pour le recevoir ; parlez devant lui aussi franchement qu’à vous-même. […] Je le sais pourtant, et mon âme en éprouve, hélas !
Ce fut l’expression naïve de ce caractère simple, qui, n’ayant de faste ni dans la vertu ni dans la gloire, savait à peine que sa grande âme était connue ». […] Partout elle est étrangère ; elle est, comme la vertu, le partage de quelques âmes privilégiées ; et lorsqu’une de ces belles âmes se trouve sur le trône, ô Providence, qu’il faut vous bénir !
L’enfance et la vieillesse Après l’enfance, ce que je connais de plus intéressant au monde, c’est la vieillesse : il y a dans la faiblesse de ces deux âges, dans les espérances que donne l’un, dans les souvenirs que laisse l’autre, quelque chose de profondément touchant qui pénètre l’âme d’un sentiment de bienveillance que la sécheresse et la légèreté peuvent seules méconnaître. […] Votre âme s’énerverait, votre esprit s’abaisserait dans ce contact prématuré. […] Nous avons vécu dans des temps pleins à la fois de passion et d’incertitude, qui ont exalté et confondu sans mesure l’ambition humaine, où l’âme de l’homme a été troublée aussi profondément que la société.
Mais il doit s’accommoder à la faiblesse de l’entendement de ses auditeurs, quand il vient pour les instruire ; à la trempe de leur esprit, quand il veut les persuader ; au naturel enfin de leur âme, quand il cherche à les émouvoir. […] Il ne suffit pas, en effet, d’un zèle que rien n’intimide, d’une âme brûlante et consumée du désir vrai d’opérer le bien ; il faut que la raison dirige cet enthousiasme divin : et, ici plus qu’ailleurs, c’est la conviction qui doit amener la persuasion et le triomphe de l’orateur. […] Ses juges sont non seulement des hommes, mais des hommes prévenus d’opinions, de sentiments et de maximes absolument opposées aux sienues ; mais des parties intéressées, qu’il faut réduire à prononcer contre les affections les plus intimes de leur âme, contre leurs penchants les plus chers.
Quand notre âme est livrée à de vives émotions, les images et les sentiments qui la dominent donnent à la pensée un degré d’animation telle, que tout se passe pour ainsi dire en scène dans le grand théâtre de l’intelligence. […] Quand notre âme éprouve de douces émotions, ce sentiment s’appelle de la joie. […] Je vous jugerai digne de toute louange, quand votre âme sera ornée de toutes les vertus. […] Enfin, on peut imiter aussi, par l’harmonie du style, les sentiments, les émotions vives, les mouvements passionnés de l’âme. […] C'est que, dans ce fortuné séjour, il n’y avait que des âmes bienheureuses ; on n’y voyait aucun être soumis à la mortalité.
Le but de l’élégie est d’attendrir l’âme, et non d’exciter la terreur102. […] L’âme du poète doit être toute remplie de son objet, toute pénétrée des malheurs qu’il s’agit de déplorer. […] La sensibilité de l’âme doit être aidée d’un génie facile qui donne une certaine délicatesse à ce poème. […] Quand l’âme est échauffée par la passion, cette vitesse est plus grande encore. […] Elles ne se tiennent que de loin, et laissent, par conséquent, entre elles quelques vides qu’un lecteur remplit aisément quand il a de l’âme et qu’il a saisi l’esprit du poète.
Dès lors, l’illustre prélat devint l’âme de son siècle, et mérita ce titre de Père de l’Église que La Bruyère lui décerna de son vivant. […] Édifier, éclairer, diriger les âmes fut son unique ambition, et c’est de lui qu’on peut dire : « Il ne se sert de la parole que pour la pensée, et de la pensée que pour la vérité et la vertu. » Le spoliateur du pauvre Vous1 avez dépouillé cet homme pauvre, et vous êtes devenu un grand fleuve engloutissant les petits ruisseaux ; mais vous ne savez pas par quels moyens, ni je ne me soucie pas de le pénétrer. […] Voulez-vous voir une image de l’enfer, et d’une âme damnée, regardez un pécheur. » Plus loin, il appelle les pécheurs « des damnés vivants ». […] Dût le bourreau manquer, l’âme en fera l’office ; Le remords saura bien se charger du supplice. […] C’est là, dans ces constructions irrégulières se trahit l’essor spontané d’une âme et d’un cœur.
Représentez-vous, en effet, dans une enceinte ou siégeaient jusqu’à dix mille juges, choisis par le sort dans tous les rangs du peuple, quel trouble des tableaux pareils à celui-là auraient jeté dans les âmes, puisque, même dépouillés de l’action et du prestige de la scène, ces vers du poëte ont encore aujourd’hui un accent qui nous pénètre. […] Il se tourne vers ce Capitole qu’il a défendu ; il prend Jupiter à témoin de l’injustice qu’on lui fait ; il jette un tel trouble dans les âmes que les patriciens sont obligés, pour obtenir la sentence de condamnation, de transporter ailleurs le tribunal, et de dérober aux juges la vue du temple qui leur rappelle la gloire de l’accusé. […] L’argumentation est donc le nerf du discours politique, et la passion l’âme du plaidoyer. […] Elle a mollement trempé cette âme si belle et si richement ornée. […] Il aurait pu devenir l’âme de la république : il ne sut pas même être le chef de son parti.
C’est ainsi que les opinions bizarres des peuples, les dogmes souvent absurdes de l’école, l’esprit des corps avec tous ses préjugés, le génie des sectes avec toutes ses extravagances, se perpétuent d’âge en âge, et ne meurent presque jamais avec les hommes, parce que toutes ces idées, en sortant de l’âme des vieillards et des maîtres, entrent aussitôt dans celle des enfants et des disciples, qui les transmetteront de même à leurs crédules successeurs ». […] Jetons hors de notre âme cette foule de petites idées, et voyons, s’il est possible, comme le vrai philosophe, par ces grandes vues qui embrassent les rapports éloignés, et décident à la fois une infinité de questions, en montrant l’endroit où mille objets viennent se toucher en secret par un côté, tandis que, par un autre, ils paraissent s’éloigner à l’infini, et ne pouvoir jamais se rapprocher. […] Profitez de ses idées originales et hardies, c’est la source du grand et du sublime ; mais donnez du corps à ces pensées trop subtiles ; adoucissez par le sentiment la fierté de ses traits ; abaissez tout cela jusqu’à la portée de nos sens : nous voulons que les objets viennent se mettre sous nos yeux ; nous voulons un vrai qui nous saisisse d’abord, et qui remplisse toute notre âme de lumière et de chaleur. […] Je ne ferai aucune remarque sur les beautés de détail, qui étincellent en foule dans cette étonnante production : elles sont de nature à frapper tous les yeux, à parler à toutes les âmes, et n’appartiennent en rien à la critique littéraire.
Il y a de l’éloquence dans tout ce qui parle à l’âme et la remue, et toute parole qui ne va pas à l’âme n’atteint pas l’éloquence. […] La qualité essentielle à un prédicateur est une foi ardente et profonde ; l’étude, la science, lui sont utiles sans doute, mais avec elles seules il n’aurait aucune action sur les âmes ; la rhétorique n’a jamais converti personne. Les apôtres, les Pères de l’Église, ne couraient pas après les fleurs du langage ni après les subtilités de la dialectique ; ils parlaient avec l’émotion et l’entraînement d’une âme convaincue, et les passions et l’erreur pliaient sous le souffle de leur parole inspirée.