Âges de la poésie. […] Alors apparaissent les héros et leurs merveilleuses aventures ; c’est l’âge héroïque. […] Bientôt le prestige héroïque disparaît ; la société atteint l’âge mûr. […] C’est l’apogée du développement humain, c’est aussi l’âge d’or de la littérature, le moment où la langue atteint sa maturité. […] Telle est, en général, la marche progressive de l’humanité, et sa division naturelle en âge lyrique, âge épique, âge dramatique, âge philosophique, correspondant à l’enfance, à la jeunesse, à l’âge mûr, à la vieillesse de l’homme ou de la société.
Les deux plus puissants sont l’âge et le sexe. […] « Le temps, dit Boileau, Le temps, qui change tout, change aussi nos humeurs, Chaque âge a ses plaisirs, son esprit et ses mœurs. […] L’âge viril plus mûr inspire un air plus sage, Se pousse auprès des grands, s’intrigue, se ménage ; Contre les coups du sort songe à se maintenir, Et loin dans le présent regarde l’avenir. […] Le Français, par exemple, que vous voulez persuader ou représenter, conserve bien toujours quelque chose de ce caractère français qui a traversé tous les âges depuis Hugues Capet jusqu’à Louis-Napoléon ; mais il est bien évident en même temps qu’il obéit à d’autres influences. […] Eh bien, suivez toutes ces figures, depuis ce guerrier à barbe blanche et tout bardé de fer, jusqu’au gentleman relevant par sa distinction native le frac noir et bourgeois de notre âge.
L’âge viril, plus mûr, inspire un air plus sage, Se pousse auprès des grands, s’intrigue, se ménage2, Contre les coups du sort songe à se maintenir, Et loin dans le présent regarde l’avenir. La vieillesse chagrine incessamment amasse ; Garde, non pas pour soi, les trésors qu’elle entasse ; Marche en tous ses desseins d’un pas lent et glacé ; Toujours plaint le présent, et vante le passé3 ; Inhabile aux plaisirs dont la jeunesse abuse, Blâme en eux les douceurs que l’âge lui refuse. […] Voici les vers de Mathurin Regnier sur les Quatre âges de la vie. Chaque âge a ses humeurs, son goust et ses plaisirs Et comme nostre poil, blanchissent nos désirs. Nature ne peut pas l’âge en l’âge confondre : L’enfant qui sait déjà demander et répondre.
Voici en substance, ce qu’il dit des mœurs des différents âges et des différentes conditions. […] Les passions dont une partie les a quittés, et l’autre est amortie par les glaces de l’âge, les agitent moins que l’intérêt ; ce qui les fait paraître modérés, plus susceptibles des impressions de la raison, que de celles de la future. […] » Comme l’âge viril29 tient le milieu entre la jeunesse et la vieillesse, les mœurs qui lui conviennent, gardent aussi une certaine proportion, un milieu entre celles de ces deux âges. […] En un mot, tout ce que la jeunesse et la vieillesse ont de bon séparément, l’âge mûr d’ordinaire les réunit ; et de plus, tout ce qui pêche dans ces deux âges, soit par défaut, soit par excès, se corrige le plus souvent dans celui-ci, et est ramené à une certaine médiocrité toujours estimable. » Si l’âge, dit le même Rhéteur30, influe sur les mœurs, la fortune et la condition n’y influent pas moins.
On sait que, sans le secours d’aucun livre, il trouva seul, à l’âge de douze ans, les trente-deux premières propositions d’Euclide. […] … Les secrets de la nature sont cachés ; quoiqu’elle agisse toujours, on ne découvre pas toujours ses effets : le temps les révèle d’âge en âge, et quoique toujours égale en elle-même, elle n’est pas toujours également connue. […] De là vient que, par une prérogative particulière, non-seulement chacun des hommes s’avance de jour en jour dans les sciences, mais que tous les hommes ensemble y font un continuel progrès à mesure que l’univers vieillit, parce que la même chose arrive dans la succession des hommes que dans les âges différents d’un particulier. De sorte que toute la suite des hommes, pendant le cours de tant de siècles, doit être considérée comme un même homme qui subsiste toujours et qui apprend continuellement1 : d’où l’on voit avec combien d’injustice nous respectons l’antiquité dans ses philosophes ; car, comme la vieillesse est l’âge le plus distant de l’enfance, qui ne voit que la vieillesse chez cet homme universel ne doit pas être cherchée dans les temps proches de sa naissance, mais dans ceux qui en sont les plus éloignés ? […] Et afin que cette grande merveille parût accompagnée de tous les sujets possibles d’étonnement, le degré où les hommes n’avoient pu atteindre est rempli par une jeune reine, dans laquelle se rencontrent ensemble l’avantage de l’expérience avec la tendresse de l’âge, le loisir de l’étude avec l’occupation d’une royale naissance, et l’éminence de la science avec la foiblesse du sexe.
Ses parents3, témoins de son application toute volontaire, lui permirent, avec l’âge, de fréquenter des leçons plus élevées, mais sans lui rien épargner des devoirs et des gênes de leur maison. […] On traverse des cours silencieuses, en rencontrant çà et là des jeunes gens portant une toque sur la tête et une toge sur leurs épaules ; point de foule, point de bruit : une gravité dans l’air comme dans les murs noircis par l’âge ; car il me semble qu’ici on ne répare rien, de peur de commettre un crime contre l’antiquité. […] Que je vous ai recherché dans mon cœur, en me promenant, solitaire, au milieu de ces hommes de votre âge ! […] Mais, chez les peuples vivants, la culture des lettres est, après la religion, le premier trésor public, l’arome de la jeunesse, et l’épée de l’âge viril.
Soyez bénis cent fois, lieux où notre jeune âge, Tendre et docile encore, en fit l’apprentissage ! […] Et moi, sans mouvement, muet à ce langage, Je me crois un moment un homme d’un autre âge. […] Plus qu’Yvetot digne d’hommage, Elle, pauvre et libre à la fois, A, douze siècles, d’âge en âge, Conservé ses mœurs et ses lois.
Alors, on ne voit plus que l’onde, et que les cieux, Les nuages dorés passant silencieux, Et les oiseaux de mer, tous allongeant la tête5, Et jetant un cri sourd signe de la tempête… Le chevreuil Dans un bois du canton, pris dès son plus jeune âge, Il était familier, bien qu’au fond tout sauvage : Aux heures des repas, gentiment, dans la main Il s’en venait manger et des fruits et du pain. […] Un littérateur belge, Wenstenraad, dans un poéme intitulé Le haut-fourneau (1844), chantait ainsi l’Age de Fer : Que d’immenses travaux, que d’éclatants prodiges Notre âge n’a-t-il pas déjà vu s’accomplir ! […] Ainsi toujours fidèle à la voix des poëtes, Qu’il s’épande en bienfaits sur la création ; Au domaine de l’homme, accru par ses conquêtes, Que chaque année ajoute un plus large sillon ; Pour que l’histoire, un jour, en déroulant ses fastes, Apprenne, avec orgueil, à la postérité, Que le règne du Fer n’eut point de jours néfastes, Mais qu’il fut l’âge d’or du monde racheté !
Notre âge innove beaucoup dans les faits, l’ignorance seule s’imaginerait qu’il innove dans les idées. […] La maladie dominante de notre âge, et dont les funestes symptômes se reproduisent partout, c’est l’impatient désir de triompher avant de combattre et de cueillir les fruits qu’on n’a pas semés. […] Car l’âge présent, il faut bien le reconnaître, n’est pas celui des méditations prolongées et des travaux pleinement mûris ; le temps n’est plus où l’écrivain consumait des dix et vingt années sur un livre, bien sûr d’arriver toujours à propos. […] Cette foi au travail vous rendra avares de ce trésor de votre âge, que vous croyez inépuisable et qui s’épuise si vite, le temps.
Contemporain de la vieillesse chagrine de Louis XIV, ce récit frondeur sans amertume fait pressentir le voisinage d’un âge philosophique et ami de la satire. […] À mon âge, on commence à sentir les infirmités, et les infirmités du corps altèrent l’esprit. […] Vous êtes donc aujourd’hui tout ce que vous fûtes jamais, et peut-être meilleur ; car si à votre âge vous êtes si vif et si impétueux, quel nom, Théobalde, fallait-il vous donner dans votre jeunesse, et lorsque vous étiez la coqueluche ou l’entêtement de certaines femmes qui ne juraient que par vous et sur votre parole, qui disaient : Cela est délicieux ; qu’a-t-il dit ? […] Or les espérances, à cet âge, ne peuvent plus avoir pour objet que les choses d’une autre vie. »
De quel front cependant faut-il que je confesse Que ton effronterie a surpris ma vieillesse, Qu’un homme de mon âge a cru légèrement Ce qu’un homme du tien débite impudemment ? […] Quand l’âge dans mes nerfs a fait couler sa glace, Votre rare valeur a bien rempli ma place : Enfin, pour épargner les discours superflus, Vous être aujourd’hui ce qu’autrefois je fus. […] Parlons-en mieux, le Roi fait honneur à votre âge. […] Et qu’un long âge apprête aux hommes généreux, Au bout de leur carrière, un destin malheureux1 ! […] Variante : Quand avecque la force on perd aussi la vie, Sire, et que l’âge apporte aux hommes généreux Avec que sa faiblesse un destin malheureux.
Quand l’âge dans mes nerfs a fait couleur sa glace, Votre rare valeur a bien rempli ma place : Enfin, pour épargner les discours superflus, Vous êtes aujourd’hui ce qu’autrefois je fus. […] Parlons-en mieux, le roi fait honneur à votre âge. […] L’insolent en eût perdu la vie : Mais mon âge a trompé ma généreuse envie ; Et ce fer que mon bras ne peut plus soutenir, Je le remets au tien pour venger et punir. […] Et qu’un long âge apprête aux hommes généreux, Au bout de leur carrière, un destin malheureux ! […] De quel front cependant faut-il que je confesse Que ton effronterie a surpris ma vieillesse, Qu’un homme de mon âge a cru légèrement Ce qu’un homme du tien débite impudemment ?
Ce fut en 1659, à l’âge de 32 ans, qu’il entra dans la sphère du règne mémorable dont il devait être le docteur, l’arbitre et l’oracle. […] Tout s’y fait par une chaleur inconsidérée ; et comment accoutumer à la règle, à la solitude, à la discipline, cet âge qui ne se plaît que dans le mouvement et dans le désordre, qui n’est presque jamais dans une action composée5, « et qui n’a honte que de la modération et de la pudeur : et pudet non esse impudentem ? » Certes, quand nous nous voyons penchant sur le retour de notre âge, que nous comptons déjà une longue suite de nos ans écoulés, que nos forces se diminuent1, et que le passé occupant la partie la plus considérable de notre vie, nous ne tenons plus au monde que par un avenir incertain : ah ! […] Quelle apparence4 de quitter le monde, dans un âge où il ne présente rien que de plaisant5 ? […] (Art poétique, les âges de la vie.)
On lit des fables à tous les âges de la vie, et les mêmes fables ; à chaque âge elles donnent tout le plaisir qu’on peut tirer d’un ouvrage de l’esprit, et un plaisir proportionné2. […] C’est là, pour cet âge, le profit proportionné2. […] Le maître du chien n’a ni âge, ni condition, ni fortune ; le faible est pour le chien le seul puissant de ce monde ; le vieillard lui est un enfant aux fraîches couleurs ; le pauvre lui est roi. […] Saint-Marc Girardin a dit : « Je ne serais pas éloigné de réserver les fables de La Fontaine pour l’homme fait, non comme étant d’une mauvaise morale, mais comme ayant un mérite et un charme que l’âge mûr goûte mieux que l’enfance.
Dès l’âge de 28 ans, il gagna, en 1488, la fameuse bataille de Saint-Aubin, sur le duc de Bretagne et les princes ligués contre le roi Charles VIII, et y fit prisonnier le duc d’Orléans (depuis le roi Louis XII). Sous ce dernier monarque, et sous François I, son successeur, il se signala à la tête des armées par une suite de nouveaux triomphes, et termina sa glorieuse carrière dans la funeste journée de Pavie, l’an 1525, à l’âge de 65 ans.
Implacable ennemi des Romains, auxquels, dès l’âge de neuf ans, il avait voué une haine éternelle, il prit en Espagne la ville de Sagonte, leur alliée, et dont les habitants aimèrent mieux périr sous ses ruines que de se rendre. […] Ce dernier, mort à la fleur de son âge, est le même dont Virgile fait l’éloge à la fin du sixième livre de l’Énéide. […] Pompée reçut pour prix de ses exploits militaires les honneurs du triomphe, à l’âge de 24 ans, quoiqu’il fut simple chevalier romain. C’est alors qu’on lui donna le surnom de grand ; et peu de temps après, il fut élu consul avant l’âge requis par les lois. […] Cette ville, fameuse dans l’âge brillant des républiques de la Grèce, n’est plus aujourd’hui qu’un petit bourg, nommé Tiva ou Stives.
Les âges se renouvellent, la figure du monde passe sans cesse, les morts et les vivants se remplacent et se succèdent continuellement ; tout change, tout s’use, tout s’éteint. […] On se détermine d’ordinaire dans un âge où à peine la raison peut connaître, loin qu’elle soit capable de choisir. […] Si l’on attend un âge, plus avancé pour se choisir un état, les attentions n’en sont pas pour cela plus sérieuses ; c’est le hasard et l’occasion qui en décident d’ordinaire. […] Si l’on est maître de son sort, c’est la crainte du monde et de ses jugements qui en décide ; en un âge tendre, on regarde comme une loi la volonté de ceux de qui l’on tient la vie ; on n’ose produire des désirs qui contrediraient leurs desseins : on étouffe des répugnances qui deviendraient bientôt des crimes.
Quoique le roman, tel que nous le comprenons aujourd’hui, soit une véritable création des temps modernes, on peut dire que, dans tous les âges et dans tous les lieux, l’homme s’est plu à sortir en imagination de la vie ordinaire, et à rêver un ordre d’événements plus varié, plus fantastique, plus en harmonie avec ses désirs. […] À un âge où l’imagination est vivement impressionnable, il est important de ne la fausser sous aucun rapport. […] Rien de plus attrayant que cet effort de l’imagination et de la science qui s’empare d’une époque historique, ranime la poussière du passé, et fait revivre dans ses peintures, à l’aide de personnages et d’événements supposés, les mœurs, les usages et l’esprit d’un autre âge.
Il a eu dans la jeunesse toute la prudence d’un âge avancé, et dans un âge avancé toute la vigueur de la jeunesse. […] Maurice de Nassau, qui, mort en 1625, à l’âge de 63 ans, laissa la réputation d’un des premiers capitaines de son siècle.
Salut à vous, amis de mon jeune âge ! […] C’était à l’âge où naît l’amitié franche, Sol que fleurit un matin plein d’espoir5. […] Dans la chanson du Tailleur et de la Fée, l’auteur a déjà eu l’occasion de dire qu’à l’âge de douze ans il fut frappé du tonnerre.
Un vrai classique, comme j’aimerais à l’entendre définir, c’est un auteur qui a enrichi l’esprit humain, qui en a réellement augmenté le trésor, qui lui a fait faire un pas de plus, qui a découvert quelque vérité morale non équivoque, ou ressaisi quelque passion éternelle dans ce cœur où tout semblait connu et exploré ; qui a rendu sa pensée, son observation ou son invention, sous une forme, n’importe laquelle, mais large et grande, fine et serrée, saine et belle en soi ; qui a parlé à tous dans un style à lui, et qui se trouve aussi celui de tout le monde, dans un style nouveau, sans néologisme, nouveau et antique, aisément contemporain de tous les âges. […] Ayons la sincérité et le naturel de nos propres pensées, de nos sentiments, cela se peut toujours ; joignons-y, ce qui est plus difficile, l’élévation, la direction, s’il se peut, vers quelque but haut placé ; et, tout en parlant notre langue, en subissant les conditions des âges où nous sommes jetés, et où nous puisons notre force comme nos défauts, demandons-nous de temps en temps, le front levé vers les collines et les yeux attachés au groupe des mortels révérés : Que diraient-ils de nous 1 ? […] Il vient un âge, peut-être, où l’on n’écrit plus. […] Prémunis par là contre bien des agitations insensées, sachons nous tenir à un calme grave, à une habitude réfléchie et naturelle, qui nous fasse tout goûter selon la mesure, nous permette une justice clairvoyante, dégagée des préoccupations superbes, et, en sauvant nos productions sincères des changeantes saillies du jour et des jargons bigarrés qui passent, nous établisse dans la situation intime la meilleure pour y épancher le plus de ces vérités réelles, de ces beautés simples, de ces sentiments humains bien ménagés, dont, sous des formes plus ou moins neuves et durables, les âges futurs verront se confirmer à chaque épreuve l’éternelle jeunesse.