Il paraît que ces philosophes-là ressemblaient à beaucoup d’autres, et qu’il suffisait, pour les réduire au silence, de les opposer à eux-mêmes.
La théorie n’est rien sans la pratique, nous le savons ; les poétiques et les rhétoriques ne suffiront jamais, seules, pour former un poète ou un orateur.
Pour décider cette question, il suffit de comparer nos traités de Rhétorique aux institutions oratoires de Quintilien.
Tandis que sonnait le tocsin de la Saint-Barthélemy, une troupe armée vint le menacer dans son asile ; ses serviteurs voulant la repousser, il s’y opposa : « Si la petite porte ne suffit pas, s’écria-t-il, qu’on ouvre la grande. » Il ne devait pas survivre au crime qu’il avait prévu.
L’honneur ne dépend pas d’un injuste caprice, Et quand le cœur est pur, il suffit. […] Il ne me suffit pas d’un changement de forme ; Au sein des profondeurs j’enfonce la réforme.
Il ne suffit pas de corriger les écarts de notre jugement pour nous détourner des penchants vicieux auxquels les hommes sont trop fréquemment enclins. […] Cependant je ne donne pas cette opinion comme une théorie générale ; il me suffit d’avoir fait connaître en quoi consiste le sublime et dans quels objets on peut le rencontrer. […] Ce peu de mots suffit pour produire en nous une forte impression. […] Il en est bien autrement pour le sublime ; ici la moindre chose qui prête à la plaisanterie suffit pour détruire toute l’illusion. […] Toute l’habileté d’un écrivain ne pourrait suffire à remplir un ouvrage de longue haleine d’une suite non interrompue d’idées sublimes.
Ce qu’il eût suffi d’indiquer dans d’autres temps, il le faut clairement énoncer aujourd’hui ; il faut attaquer sans crainte et combattre sans relâche toutes les erreurs du goût, parce qu’elles sont devenues des erreurs de morale ; toutes les hérésies littéraires, parce que l’esprit ne se trompe jamais qu’aux dépens du cœur, et que la corruption des mœurs est partout la conséquence inévitable de la dépravation du jugement.
Cela ne suffit cependant point encore ; il faut que son style et son débit soient capables de captiver, de commander même quelquefois l’attention de ses auditeurs.
On voit qu’il suffit quelquefois du trait historique pour constituer une véritable beauté poétique ; et Lucain, qui vient de nous en fournir un exemple, n’a pas toujours été aussi sage, il s’en faut de beaucoup.
La correction μὲν suffit pour donner un sens raisonnable.
C’est pourquoi ce premier travail de la composition ne suffit pas ; celui qui s’en contenterait prouverait qu’il a l’esprit léger et présomptueux, et en même temps qu’il s’inquiète peu de se perfectionner dans l’art d’écrire.
L’imagination, même la plus puissante, ne suffit pas pour constituer le génie poétique.
Heureux le panégyriste, quand il lui suffit d’être historien exact pour tracer l’éloge de son héros !
Nous savons qu’un travail de ce genre a été fait tout au commencement de ce siècle sur l’ouvrage de Batteux et n’a eu qu’un demi-succès ; mais, indépendamment de ce que Batteux demande à être complété, il ne suffit pas, quand on renouvelle pour l’usage présent un ancien ouvrage, d’y opérer quelques coupures : le nouvel éditeur doit y mettre son cachet et en faire un ouvrage vraiment neuf et qu’il puisse dire sien.
Mais ce fil suffit pour attacher l’une à l’autre les deux images, et ces échappées sur le calme de la nature champêtre rafraîchissent l’âme fatiguée de luttes et de combats. […] Qu’il faut être sobre de comparaisons, parce que l’excellent dans le difficile est chose rare ; qu’il faut, d’une part, dédaigner presque toujours ces similitudes tellement à portée qu’il suffit, dirait-on, de se baisser pour les prendre, de l’autre, ne jamais courir après celles qui se dérobent ou qu’on doit chercher trop loin101.
Talent souple et fertile qui suffit à tout avec de l’esprit, il mêla au sel gaulois du vieux temps le don de l’à-propos, et l’art d’exciter les passions en les amusant ; son style abonde en mots piquants : sa prose acérée se retient comme des vers.
Il ne suffit pas toujours de convaincre les esprits, il faut toucher les cœurs, et l’on n’y parvient qu’en remuant fortement les passions. […] Il ne suffit pas, pour être clair, de posséder les qualités constitutives de la clarté, il faut encore avoir le soin d’épargner au lecteur ou à l’auditeur tout travail d’esprit, et s’efforcer, pour cela, de bannir de son style toute cause d’obscurité. […] Les qualités constitutives de la clarté suffisent-elles toujours pour être clair, et ne faut-il pas prendre garde à certains défauts ? […] Cela suffira pour la forme. […] Le repos du premier hémistiche ne doit pas être aussi sensible que celui du second ; il suffit qu’il n’y ait pas une liaison nécessaire entre la syllabe qui finit le premier hémistiche et celle qui commence le second.
Ces exemples suffisent pour faire voir combien un mot plus ou moins nombreux, à la fin d’une phrase, combien même une syllabe de plus ou de moins produisent de différence dans l’harmonie. […] Nous ajouterons, comme une chose digne de remarque, qu’il ne faut point abuser des périphrases, quand les mots simples suffisent pour exprimer la pensée dans toute son extension. […] Il suffit, pour décrire des sons doux et coulants, de choisir et de combiner heureusement des mots composés de voyelles et de liquides. […] Quant aux deux comparaisons suivantes, l’une tirée de l’hyacinthe qui a été arrachée par la charrue, l’autre du pavot dont la tête chargée de pluie s’affaisse sur sa tige languissante, il suffit d’avoir une âme sensible et des oreilles délicates pour sentir combien elles sont belles d’harmonie et de sentiment, et combien cette beauté convient à la beauté mourante du jeune guerrier.
Il suffit d’ouvrir Cicéron, pour trouver des modèles accomplis de toutes les figures et de l’emploi judicieux que l’on en doit faire dans le discours ; et pour nous borner ici à l’allégorie, il n’est peut-être point d’orateur qui s’en soit plus heureusement servi que Cicéron. […] Ici le fait était si grand, si étonnant par lui-même, qu’il suffisait de le peindre, et c’est ce qu’a fait M. […] Cet exemple suffirait pour prouver que l’antithèse peut prendre le ton le plus haut, et que l’éloquence, la poésie héroïque et la tragédie elle-même peuvent l’admettre sans s’avilir.
Pour réduire toute la fable à sa plus simple expression, il suffirait de dire : Un jour le chêne dit au roseau : Vous êtes faible et chétif ; je suis grand et fort, pourquoi la nature vous a-t-elle si mal partagé, — Le roseau répond — je ne me plains pas de mon sort, votre grandeur peut vous nuire, ma faiblesse me protégera. — Après cet entretien, un vent violent s’élève et déracine le chêne. […] — Il ne suffit pas de dire la vérité ; il faut la dire tout entière. […] L’imagination est seule reine et maîtresse ; elle ne consulte point la vérité, il lui suffit d’obéir à la vraisemblance.