Heureux celui qui d’un cœur humble reconnaît dans la nature un auteur visible, se manifestant par tous les signes ; qui croit l’entendre dans le tonnerre et dans l’orage ; qui le bénit dans la rosée du matin et dans la pluie du printemps ; qui l’admire et l’adore dans la splendeur du soleil, ou dans les magnificences d’une belle nuit ! […] Les amitiés littéraires Aimer Molière, c’est avoir une garantie en soi contre bien des défauts, bien des travers et des vices d’esprit ; c’est n’être disposé à goûter ni le faux bel-esprit, ni la science pédante ; c’est savoir reconnaître à première vue nos Trissotins et nos Vadius1 jusque sous leurs airs galants et rajeunis ; c’est ne pas se laisser prendre aujourd’hui plus qu’autrefois à l’éternelle Philaminte, cette précieuse de tous les temps, dont la forme seule change, et dont le plumage se renouvelle sans cesse ; c’est aimer la santé et le droit sens de l’esprit, chez les autres comme pour soi.
Ceux-ci, réunis en petites sociétés, devaient par conséquent en reconnaître l’existence, et lui rendre une espèce de culte. […] Après cette notion, quoique très superficielle, de l’origine des beaux-arts, il est bien facile de reconnaître un principe qui leur est commun ; principe qui, comme l’ont dit tous les anciens et tous les modernes, est l’imitation de la belle nature.
On ne s’en étonnera pas, s’il est vrai, comme il faut le reconnaître avec Vauvenargues, « qu’il ait été l’homme de la terre qui sut mettre la vérité dans un plus beau jour et raisonner avec le plus de force ». […] Il n’était donc pas juste qu’il parût d’une manière manifestement divine et absolument capable de convaincre tous les hommes ; mais il n’était pas juste aussi qu’il vînt d’une manière si cachée, qu’il ne pût être reconnu de ceux qui le chercheraient sincèrement.
Ceux qui ont un peu étudié la matière doivent, s’ils sont de bonne foi, reconnaître notre incompétence absolue à apprécier la vertu de l’harmonie grecque. […] On reconnaissait pour légitimes la période carrée, quadrata, de trois ou quatre membres bien distincts l’un de l’autre ; la période ronde, rotunda, où les membres étaient plus étroitement liés et enchâssés ; la période croisée, decussata, où les membres se correspondaient par antithèses symétriques. […] Raymond, placé à la tête de la maison, qui, eu lisant curieusement et doctement les épreuves, reconnut que l’illustre écrivain, évitant dans sa phraséologie le plus de qui et de que possible, procédait par le participe présent avec une prédilection fort harmonieuse.
Je ne crois pas qu’il m’ait reconnue ; mais je vous avoue que j’ai été étrangement saisie quand je l’ai vu entrer dans cette petite porte. […] Je le reconnus à plusieurs choses que j’en avois ouï dire, plutôt qu’à la peinture de mes sentiments, que je méconnus entièrement. […] Il monta à cheval le samedi à deux heures, après avoir mangé, et, comme il avait bien des gens avec lui, il les laissa tous à trente pas de la hauteur où il vouloit aller, et dit au petit d’Elbeuf : « Mon neveu, demeurez là : vous ne faites que tourner autour de moi, vous me feriez reconnoître. » M. d’Hamilton, qui se trouva près de l’endroit où il alloit, lui dit : « Monsieur, venez par ici ; on tire du côté où vous allez. — Monsieur, lui dit-il, vous avez raison ; je ne veux point du tout être tué aujourd’hui, cela sera le mieux du monde. » Il eut à peine tourné son cheval qu’il aperçut Saint-Hilaire, le chapeau à la main, qui lui dit : « Monsieur, jetez les yeux sur cette batterie que je viens de faire placer là4. » M. de Turenne revint, et dans l’instant, sans être arrêté, il eut le bras et le corps fracassés du même coup qui emporta le bras et la main qui tenoient le chapeau de Saint-Hilaire.
Un point brillant pari comme un éclair, et remplit aussitôt tout l’espace ; le voile des ténèbres s’efface et tombe ; l’homme reconnaît son séjour et le trouve embelli. […] Et vous reconnaissez le cheval de Job. […] Il repose sur une de ces vérités rationnelles sur lesquelles tous les hommes sont d’accord, sur un fait attesté par le témoignage de tous, et à l’aide desquels on fait reconnaître et accepter une proposition, qui, sans cela, ne serait point admise par ceux qui l’écoutent, et formerait un obstacle à la conviction à laquelle on veut arriver. […] Il sent, il reconnaît le fil qu’il a perdu ; Et de joie et d’espoir il tressaille éperdu. […] Un Dieu cruel a perdu ta famille ; Reconnais sa vengeance aux fureurs de ta fille.
A l’énumération de ces richesses, il reconnaît le prix de sa valeur, à jamais célèbre. […] La connaissance des règles de l’action est nécessaire à l’orateur qui parle en public, cela est incontestable ; il est beaucoup moins reconnu qu’elle soit indispensable à tout narrateur, et même à tout lecteur. […] 2° Dans les interrogations simples, c’est l’accent tonique qui fait seul reconnaître une demande. […] Ici je vois un second membre de phrase exactement proportionné au premier, et à cette proportion exacte je reconnais le rhythme poétique. […] Il faut donc reconnaître ou que les rhéteurs commettent une erreur, ou qu’ils font une métonymie barbare, qui n’est justifiée ni par les principes qui régissent ce trope, ni par l’usage.
Disons d’abord que l’importance de l’unité d’action est à peu près unanimement reconnue. […] Le nœud qui vient de l’ignorance se résout par la connaissance de ce qui était inconnu : Iphigénie reconnaît son frère, et le sauve. […] Laïus est mort, Œdipe a épousé Jocaste ; il n’a plus, pour être malheureux, qu’à, se reconnaître incestueux et parricide. […] C’est Iphigénie qui reconnaît son frère Oreste, et qui le sauve. […] Aux premières phrases sorties de la bouche d’un personnage, on reconnaître sa profession, son âge et son humeur, si le style est convenablement adapté à son rôle.
Je commence par montrer à Céthégus son cachet ; il le reconnaît. […] On introduit alors Statilius ; il reconnaît son cachet et l’écriture de sa main. […] Alors je montre à Lentulus ses tablettes et je lui demande s’il en reconnaît le cachet. […] Malgré son trouble extrême, Lentulus reconnaît et son cachet et l’écriture de sa main. […] Reconnaissez ici le front et l’extrême impudence de cet homme.
Sans cela le meilleur écrivain s’égare ; au milieu de couleurs brillantes, de détails admirables, on reconnaît que l’ouvrage n’est point construit, et on accuse l’auteur de manquer d’invention. […] — Le jugement est la faculté par laquelle on adopte les idées reconnues convenables. […] Achille déplairait moins bouillant et moins prompt, J’aime à lui voir verser des pleurs pour un affront : A ces petits défauts marqués dans sa peinture, L’esprit avec plaisir reconnaît la nature ; Qu’il soit sur ce modèle en vos écrits tracé.
Les coursiers, dans Pradon, ne reconnaissent plus de maître ni de guide : ces deux expressions sont synonymes, la seconde même est plus faible que la première ; tandis que Racine nous montre les coursiers Ile connaissant plus ni le frein ni la voix, deux expressions qui ont un sens diffèrent chacune, au lieu d’être la répétition l’une de l’autre. Les deux poètes parlent des rochers où le jeune prince trouve la mort ; le premier le fait avec noblesse : À travers les rochers la peur les précipite ; le second ajoute aux rochers une épithète qui, loin de faire de l’effet, excite le rire dans ce moment solennel : Sur les rochers pointus qui lui percent le flanc … Reconnaissons cependant que le récit de Pradon se recommande par de belles pensées qu’il ne doit point à Racine, telles que celle-ci qui contient l’expression d’un tendre sentiment : Il s’éloigne à regret d’un rivage si cher ; et celle-ci qui respire l’intrépidité, la bravoure : Le minotaure en Crète à mon bras était dû ; Et les dieux réservaient ce monstre à ma vertu. […] Il nous semble que le premier est supérieur au second par l’élégance et la noblesse de son style ; et, s’il est juste de dire que Racine a été quelque fois égalé par Pradon sous le rapport des pensées, il l’est aussi de reconnaître combien le second est inférieur quant à l’expression : Racine lui-même n’hésitait pas à dire sincèrement : « Je ne pense pas mieux, mais j’écris mieux que Pradon.
« Mais une chose bien plus étrange et pourtant très-véritable, j’ai vu des gens qui travaillaient depuis longtemps au théâtre lire ou voir un poëme par plusieurs fois, sans reconnaître ni la durée du temps ni le lieu de la scène, ni la plupart des circonstances des actions les plus importantes, pour en découvrir la vraisemblance. » (Pratique du Théâtre, II, 2 cf. […] Marmontel écrit : « La même continuité d’action qui, chez les Grecs, liait les actes l’un à l’autre et qui forçait l’unité de temps, n’aurait pas dû permettre le changement de lieu les Grecs ne laissaient pourtant pas de se donner quelquefois cette licence, comme on le voit dans les Euménides. » Et plus bas : « On n’a pas toujours ni partout reconnu comme indispensable la règle des unités : on sait que sur le théâtre anglais et sur le théâtre espagnol elle est violée en tout point et contre toute vraisemblance.
« Nous ne reconnaissons pas à la critique, disent-ils11, le droit de questionner l’écrivain sur sa fantaisie, et de lui demander pourquoi il a choisi tel sujet, broyé telle couleur, cueilli à tel arbre, puisé à telle source. […] Qu’ils se trompent sur les sources de cet intérêt, c’est ce que je viens de reconnaître, mais ils admettent avec raison le principe.
Je viens de le dire, et je l’ai reconnu dès le premier chapitre de cet ouvrage, elle a parfois de soudaines illuminations, et révèle des rapports inaperçus dans l’état normal. […] Au reste, vous concevez bien que cette intelligence de la passion portée jusqu’à l’illusion est le comble de l’art ; vous concevez que, pour peindre avec une certaine perfection, ou pour soulever et calmer à son gré ces fièvres de l’âme, il faut à l’écrivain des études aussi obstinées, aussi diverses qu’au médecin pour reconnaître et guérir les maladies du corps.
Louis XIV et Bossuet se reconnurent comme étant faits l’un pour l’autre. […] Son plus sensible plaisir, c’est de pouvoir obliger ses amis, ou de pouvoir reconnaître les obligations qu’il leur a. […] D’unanimes témoignages s’accordent du moins à reconnaître la solidité de son esprit, et la délicatesse de son jugement. […] Ses héros sont voisins de nous : on se reconnaît en eux. […] Je n’ai jamais vu en vérité une si bonne mère, ni si digne que vous fassiez votre possible pour reconnaître son amitié.
Il se charge de reconnaître si la rivière est guéable ; il dit que oui : elle ne l’est pas. […] En me voyant maintenant, vous ne me reconnaîtriez pas, et vous demanderiez encore : où est le cousin qui rit ? […] « Il eût été bien à plaindre, celui qui, dans ce spectacle, n’eût point reconnu la beauté de Dieu. […] Je me sens doucement ému à la lecture de ce morceau ; je reconnais l’élégie à ces tendres et mélancoliques accents. […] Comme je reconnais la jeune fille à ces mots, Moi, je pleure et j’espère !
Il reconnut sa faute, en disant : J’ai péché contre le Seigneur. […] Si le genre n’est pas nominativement exprimé, on peut dire qu’il se fait voir partout, et on reconnaît l’action d’une faculté ! […] Vous revenez à vos génies, et moi, je ne reconnais que mes sots. […] Reconnaissons donc dans le dialogue la plus haute éloquence jointe à la plus sublime position de l’accusateur et du défenseur. […] Egaré dans un labyrinthe de tertres mouvants et semblables entre eux, le guide déclare qu’il ne reconnaît plus sa route.
On y reconnoît depuis long-temps une mauvaise physique. […] Athalie, attirée dans le temple par le grand-prêtre, est mise à mort par son ordre, et Joas est reconnu roi ; voilà la fn. […] Aussi Corneille lui-même a-t-il reconnu que cette duplicité de péril rendoit l’action double dans cette tragédie. […] C’est Iphigénie qui reconnoît son frère Oreste, et qui le sauve. […] S’il y a une reconnoissance de choses ou de personnes, comme dans Iphigénie en Tauride, qui reconnoît son frère et qui en est reconnue, dans Œdipe, qui se reconnoît lui-même pour être le meurtrier de Laïus, qui reconnoît sa mère, et qui en est reconnu ; dans Zaïre, dont l’innocence est reconnue par Orosmane au moment où il vient de la tuer ; alors la fable est composée.
Par son intelligence, les animaux ont été apprivoisés, subjugués, domptés, réduits à lui obéir à jamais ; par ses travaux, les marais ont été desséchés, les fleuves contenus, leurs cataractes effacées, les forêts éclaircies, les landes cultivées ; par sa réflexion, les temps ont été comptés, les espaces mesurés, les mouvements célestes reconnus, combinés, représentés, le ciel et la terre comparés, l’univers agrandi et le Créateur dignement adoré ; par son sort émané de la science, les mers ont été traversées, les montagnes franchies, les peuples rapprochés, un nouveau monde découvert, mille autres terres isolées sont devenues son domaine ; enfin la face entière de la terre porte aujourd’hui l’empreinte de la puissance de l’homme, laquelle, quoique subordonnée à celle de la nature, souvent a fait plus qu’elle1, ou du moins l’a si merveilleusement secondée, que c’est à l’aide de nos mains qu’elle s’est développée dans toute son étendue, et qu’elle est arrivée par degrés au point de perfection et de magnificence où nous la voyons aujourd’hui. […] Buffon reconnaît en effet, conformément à ce que nous enseigne la sainte Ecriture, que l’homme était né dans un état et pour un sort bien différents de ceux où la faute d’Adam nous a fait tomber.
Parabole Un homme est jeté par la tempête dans une île inconnue, dont les habitants étaient en peine4 de trouver leur roi, qui s’était perdu ; et ayant beaucoup de ressemblance de corps et de visage avec ce roi, il est pris pour lui, et reconnu en cette qualité par tout ce peuple. […] Ainsi il avait une double pensée : l’une par laquelle il agissait en roi, l’autre par laquelle il reconnaissait son état véritable, et que2 ce n’était que le hasard qui l’avait mis en la place où il était.