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81. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Fléchier, 1632-1710 » pp. 124-132

Quoiqu’il perde beaucoup de temps, il se rencontre qu’il en a toujours assez, et tout lent qu’il paraît, il y a peu de gens qu’il ne rattrape, quelque diligents qu’ils puissent être. […] À un père sur la mort de sa fille J’apprends avec déplaisir, monsieur, mais en même temps avec beaucoup d’édification, la mort de mademoiselle votre fille cadette, et je ne sais si je dois vous consoler de l’avoir perdue ou vous féliciter de l’avoir rendue au ciel dans un état d’innocence et de pénitence dont j’ai été tout à fait touché. […] Les villes pour lesquelles ce triste spectacle était tout nouveau faisaient paraître une douleur encore plus véhémente que ceux qui l’accompagnaient ; et, comme si en voyant son cercueil on l’eût perdu une seconde fois, les cris et les larmes recommençaient. » 1.

82. (1813) Principes généraux des belles-lettres. Tome III (3e éd.) « Principes généraux des belles-lettres. » pp. 1-374

Avez-vous, dites-moi, perdu le jugement ? […] Pourroit-on craindre pour un scélérat menacé de perdre une vie si funeste aux gens de bien ? […] Félix irrité contre son gendre, le condamna à perdre la tête ; et cet arrêt fut aussi-tôt exécuté que rendu. […] C’est un principe que le poëte ne doit jamais perdre de vue, même quand il fait raisonner ses personnages. […] On sent que Camille, qui a perdu un amant qui alloit être son époux, peut, dans les premiers transports de sa douleur, s’expprimer avec une véhémence et un emportement qui ne conviendroit point à Sabine qui n’a perdu qu’un frère.

83. (1854) Éléments de rhétorique française

Aussi, chez les peuples qui, par suite des émigrations ou des conquêtes, furent obligés d’apprendre et d’adopter le langage d’un autre peuple, l’usage des prépositions fit-il perdre entièrement celui des cas. […] Les matelots furent alarmés jusqu’à perdre l’esprit, et quelques-uns d’entre eux se précipitèrent dans les ondes. […] Votre Majesté ne souffrirait jamais qu’on dise qu’un cadet de la maison de Lorraine lui aurait fait perdre terre, encore moins qu’on la vit mendier à la porte d’un prince étranger. […] On se console, parce qu’on emporte quelques fleurs cueillies en passant, qu’on voit se faner entre ses mains du matin au soir, et quelques fruits qu’on perd en les goûtant : enchantement ! […] Les marchands, à l’aspect de leurs magasins en flamme, perdaient entièrement la présence d’esprit.

84. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — Chapitre » pp. 169-193

L’insolent en eût perdu la vie : Mais mon âge a trompé ma généreuse envie ; Et ce fer que mon bras ne peut plus soutenir, Je le remets au tien pour venger et punir. […] Enfin mon père est mort, j’en demande vengeance, Plus pour votre intérêt que pour mon allégeance1 Vous perdez en la mort d’un homme de son rang ; Vengez-la par une autre, et le sang par le sang. […] Qu’on est digne d’envie, Lorsqu’en perdant la force on perd aussi la vie2 ! […] Je le perds Quand je vous ois3 parler de guerre et de concerts. […] Terme aujourd’hui inusité pour soulagement, consolation ; mais ce n’est pas sans raison que Marmontel le signale parmi plusieurs mots perdus qui sont à regretter : voy., dans ses Eléments de littérature, l’article Usage.

85. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Chapitre premier. De l’art de la composition en général. »

On ne doit jamais perdre le sujet de vue ; il faut éviter les digressions qui nous jetteraient à côté, et rendraient la composition obscure et traînante. […] Le théâtre grec, admirable en soi, ne serait pas goûté sur notre scène ; une fable doit être courte, sinon elle perd son charme et ennuie le lecteur.

86. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Deuxième partie. De la poésie en particulier ou des différents genres de poésie — Seconde section. Des grands genres de poésie — Chapitre III. Du genre épique » pp. 207-250

Tels sont, dans l’Iliade, l’entretien d’Hector et d’Andromaque ; dans l’Énéide, l’histoire de Cacus et celle de Nisus et d’Euryale ; dans la Jérusalem délivrée, les aventures de Tancrède avec Herminie et Clorinde ; et, dans les derniers chants du Paradis perdu, le tableau présenté à Adam de la suite de ses descendants. […] A ce genre appartiennent la Jérusalem délivrée, le Paradis perdu et la Messiade. […] L’action de la Jérusalem, est aussi d’un an ; celle de la Lusiade est de moins de six mois, et celle du Paradis perdu n’a guère duré qu’une semaine, d’après Lemercier. […] Le Paradis perdu et la Messiade sont aussi écrits en grands vers, mais ils n’ont pas de rimes. […] Orales seuls ouvrages vraiment épiques, d’après notre définition, sont l’Iliade et l’Odyssée, d’Homère ; l’Énéide, de Virgile ; la Divine Comédie, du Dante ; la Jérusalem délivrée, du Tasse ; la Lusiade, du Camoëns ; le Paradis perdu, de Milton ; la Messiade, de Klopstock.

87. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section deuxième. La Tribune du Barreau. — Chapitre IV. Analyse et Extraits du plaidoyer de Cicéron pour Sextius. »

Vérité incontestable, vérité de tous les temps ; vérité si sensible, enfin, qu’il sembleront inutile de s’y arrêter, s’il n’était devenu nécessaire de ne perdre aucune des occasions qui peuvent y ramener ; si nous ne frémissions encore de la dissolution affreuse qui a été la conséquence indispensable de l’oubli de ses droits, du mépris et de la négligence de ses maximes. […] Ce qui m’indigne, ce qui me révolte le plus dans leur conduite, c’est que ce n’est plus à leurs brigands, ce n’est plus à des hommes abîmés de dettes et souillés de forfaits, c’est à vous qu’ils s’adressent ; c’est par le ministère de ce qu’il y a de plus vertueux qu’ils veulent perdre les amis de la vertu. […] Il méprisait les chevaliers romains, menaçait les sénateurs, se vendait à la populace de Rome : il se vantait d’avoir échappé par son secours à une accusation de brigue, se flattait de pouvoir par elle obtenir une province, même contre le gré du sénat ; et s’il ne l’obtenait, pas il se croyait absolument perdu.

88. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Montesquieu. (1689-1755.) » pp. 130-139

Ils leur faisaient surtout sentir que l’intérêt des particuliers se trouve toujours dans l’intérêt commun ; que vouloir s’en séparer, c’est vouloir se perdre ; que la vertu n’est point une chose qui doive nous coûter ; qu’il ne faut point la regarder comme un exercice pénible, et que la justice pour autrui est une charité pour nous. […] Ce ne fut point Pultava qui perdit Charles : s’il n’avait pas été détruit dans ce lieu, il l’aurait été dans un autre. […] Il résista à ceux qui voulaient qu’il traitât les Grecs comme maîtres et les Perses comme esclaves : il ne songea qu’à unir les deux nations, et à faire perdre les distinctions du peuple conquérant et du peuple vaincu ; il abandonna, après la conquête, tous les préjugés qui lui avaient servi à la faire ; il prit les mœurs des Perses, pour ne pas désoler les Perses en leur faisant prendre les mœurs des Grecs : c’est ce qui fit qu’il marqua tant de respect pour la femme et pour la mère de Darius, et qu’il montra tant de continence.

89. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Voltaire, 1694-1778 » pp. 158-174

Ma chère amie, Paris est un gouffre où se perdent le repos et le recueillement de l’âme, sans qui3 la vie n’est qu’un tumulte importun. […] Cependant, comme il y a plus de soixante ans que j’en ai perdu l’habitude, je sens malheureusement qu’il m’est impossible de la reprendre, et je laisse cette allure naturelle à ceux qui en sont plus dignes que vous et moi. […] Si j’osais me compter parmi ceux dont les travaux n’ont eu que la persécution pour récompense, je vous ferais voir des gens acharnés à me perdre, du jour que je donnai la tragédie d’Œdipe ; une bibliothèque de calomnies ridicules imprimées contre moi. […] « Une société particulière d’athées qui ne se disputent rien, et qui perdent doucement leurs jours dans les amusements de la volupté, peut durer quelque temps sans trouble ; mais si le monde était gouverné par des athées, il vaudrait autant être sous le joug immédiat de ces êtres infernaux qu’on nous peint acharnés contre leurs victimes. »

90. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Canevas

Vous n’êtes point capable de perdre le juste avec l’impie, et de traiter l’innocent comme le coupable. […] Ces eaux si pures, aussitôt qu’elles y entrent, perdent leurs qualités primitives. […] Mais j’ai perdu beaucoup de monde dans le dernier combat ? […] J’ai perdu du monde, mais quel général n’en perd pas ? […] À son grand regret, le comte de Fontaines perdit la vie.

91. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Mézeray. (1610-1683.) » pp. 12-14

Enfin, sire, nous sommes en France, il nous y faut enterrer : il s’agit d’un royaume, il faut l’emporter ou y perdre la vie. […] Votre Majesté ne souffrirait jamais qu’on dît qu’un cadet de la maison de Lorraine lui aurait fait perdre terre, encore moins qu’on la vît mendier à la porte d’un prince étranger.

92. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Beaumarchais 1732-1799 » pp. 199-202

perdu dans la foule obscure, il m’a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu’on n’en a mis depuis cent ans pour gouverner toutes les Espagnes. […] Las d’attrister des bêtes malades, et pour faire un métier contraire, je me jette à corps perdu dans le théâtre ; me fussé-je mis une pierre au cou !

93. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Louis XIV, 1638-1715 » pp. 146-149

Ce sont les accidents extraordinaires qui lui font considérer ce qu’il en retire ordinairement d’utile, et que1, sans le commandement, il serait lui-même la proie du plus fort, il ne trouverait dans le monde ni justice, ni raison, ni assurance pour ce qu’il possède, ni ressource pour ce qu’il avait perdu ; et c’est par là qu’il vient à aimer l’obéissance, autant qu’il aime sa propre vie et sa propre tranquillité1. […] Ils doivent aimer à faire plaisir ; or il faut qu’ils châtient souvent, et perdent des gens à qui naturellement ils veulent du bien.

94. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre VI. De l’élocution et du style. »

Je suis perdu, je suis assassiné ! […] Et, puisque tu m’es enlevé, j’ai perdu mon support, ma connotation, ma joie : tout est fini pour moi, et je n’ai plus que faire au monde ! […] Souvent le simple et le sublime se touchent ; le seul précepte que l’écrivain ne doive pas perdre de vue, c’est celui des convenances : s’il a le sentiment vrai de la nature, son style prendra toujours le ton convenable à chaque sujet. […] Elle ne croyait pas être sublime, cette mère qui avait perdu son fils, et à qui l’on citait, pour la consoler, l’exemple d’Abraham obligé de sacrifier son fils Isaac, quand elle s’écriait : « Dieu n’aurait jamais commandé ce sacrifice à une mère !  […] On se console, parce qu’on emporte quelques fleurs cueillies en passant, qu’on voit se faner entre ses mains du matin au soir, et quelques fruits qu’on perd en les goûtant : enchantement, illusion !

95. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre V. Ouvrages historiques. »

Il le compare au grand roi, et donne avec tout le monde la supériorité à ce dernier : Guillaume III laissa la réputation d’un grand politique, quoiqu’il n’eût point été populaire, et d’un général à craindre, quoiqu’il eût perdu beaucoup de batailles. […] Cet ouvrage est entièrement perdu pour nous ; il ne nous en reste qu’un abrégé qui a été fait environ un siècle et demi plus tard par Justin, écrivain latin, peu connu d’ailleurs. […] -C, avait fait une Histoire du peuple romain depuis la mort de Sylla jusqu’à la conjuration de Catilina, aujourd’hui perdue à l’exception de quelques fragments. […] La tyrannie d’un prince ne met pas un État plus près de sa ruine que l’indifférence pour le bien commun n’y met une république… Quand il faut faire la fortune des amis et des parents de tous ceux qui ont part au gouvernement, tout est perdu : les lois sont éludées plus dangereusement qu’elles ne sont violées par un prince qui, étant toujours le plus grand citoyen de l’État, a le plus d’intérêt à sa conservation. […] Les ignorants y puisent des connaissances générales et indispensables, quoique superficielles ; et les savants y retrouvent certains faits dont ils avaient perdu le souvenir.

96. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — La Bruyère, 1646-1696 » pp. 155-177

Pamphile ou le vaniteux Un Pamphile est plein de lui-même, ne se perd pas de vue, ne sort point de l’idée de sa grandeur, de ses alliances, de sa charge, de sa dignité : il ramasse, pour ainsi dire, toutes ses pièces, s’en enveloppe1 pour se faire valoir ; il dit : Mon ordre, mon cordon bleu 2 ; il l’étale ou il le cache par ostentation : un Pamphile, en un mot, veut être grand ; il croit l’être, il ne l’est pas, il est d’après un grand3. […] C’est un homme qui est de mise un quart d’heure de suite, qui le moment d’après baisse, dégénère, perd le peu de lustre qu’un peu de mémoire lui donnait, et montre la corde. […] Elle se laisse toucher et manier ; elle ne perd rien à être vue de près : plus on la connaît, plus on l’admire ; elle se courbe par bonté vers ses inférieurs et revient sans effort dans son naturel ; elle s’abandonne quelquefois, se néglige, se relâche de ses avantages, toujours en pouvoir de les reprendre et de les faire valoir ; elle rit, joue et badine, mais avec dignité. […] Il vise également à se faire des patrons et des créatures : il est médiateur, confident, entremetteur ; il veut gouverner ; il a une ferveur de novice pour toutes les petites pratiques de cour ; il sait où il faut se placer pour être vu ; il sait vous embrasser, prendre part à votre joie, vous faire coup sur coup des questions empressées sur votre santé, sur vos affaires ; et, pendant que vous lui répondez, il perd le fil de sa curiosité, vous interrompt, entame un autre sujet ; ou, s’il survient quelqu’un à qui il doive un discours tout différent, il sait, en achevant de vous congratuler, lui faire un compliment de condoléance ; il pleure d’un œil, et il rit de l’autre. […] ne vous reposez point sur vos descendants pour le soin de votre mémoire et pour la durée de votre nom : les titres passent, la faveur s’évanouit, les dignités se perdent, les richesses se dissipent, et le merite dégénère.

97. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Chateaubriand, 1768-1848 » pp. 409-427

Ce livre, qui ramenait les âmes à la foi par l’imagination et la sensibilité, rendait enfin l’idéal perdu : il réhabilitait tout ce qu’avaient flétri des sarcasmes impies ; il protestait contre les persécuteurs qui avaient fermé les Églises, brisé les autels, proscrit les prêtres. […] La rivière qui coulait à mes pieds, tour à tour se perdait dans le bois, tour à tour reparaissait brillante des constellations de la nuit, qu’elle répétait dans son sein. […] Je viens encore de perdre une sœur1 que j’aimais tendrement, et qui est morte de chagrin dans le lieu d’indigence où l’avait reléguée Celui qui frappe souvent ses serviteurs pour les éprouver et les récompenser dans une autre vie. […] Le paysage placé immédiatement sous vos yeux n’a rien de bien rare, on peut le trouver partout ; mais suivez la perspective : elle vous conduit à travers des campagnes florissantes, une belle rivière, des ruines, des montagnes qui dominent ces ruines, et vous vous perdez dans des lointains infinis.

98. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Lacordaire, 1802-1861 » pp. 542-557

Perdus que nous sommes dans l’immensité visible et invisible des choses, accablés du spectacle de la terre et du ciel, des perspectives de l’histoire et des horizons sans fin de l’avenir, nous ne pouvons arriver à la persuasion de notre petitesse1 ; notre âme proteste contre nos yeux, et, de l’abîme où elle semble anéantie, elle nous suscite la pensée que nous servons, et le désir invincible de servir en effet. […] Laissez-le tel que la nature vient de l’ébaucher, laissez-le là nu, muet, plutôt mort que vivant ; il vivra peut-être, mais il vivra sans le savoir, hôte infirme de la création, âme perdue dans l’impuissance de se trouver elle-même. […] Un peuple, après avoir tenu longtemps avec honneur le sceptre de sa destinée, a perdu peu à peu le sens des grandes choses, il n’a plus su croire, ni délibérer, ni se dévouer. […] Les besoins et les malheurs du prochain ne trouvent que de l’indifférence, de la dureté même, dans les cœurs, lorsqu’on peut le négliger sans rien perdre, ou qu’on ne gagne rien à le secourir.

99. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre II. division de la rhétorique. — de l’invention  » pp. 24-37

Seulement, qu’on ne perde pas de vue le but de cette étude. […] Ne craignez point que plus tard l’individualité de vos idées perde quelque chose à cette étude. […] En appuyant sur la nécessité de l’érudition, je demande que vous mettiez assez de choix et d’ordre dans vos matériaux pour que votre intelligence ne soit pas perdue dans ses propres richesses et écrasée sous le faix ; qu’au contraire, elle le porte avec aisance, et maintienne son caractère individuel au milieu de toutes ces acquisitions étrangères.

100. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VI. des mœurs  » pp. 75-88

Cependant, bien que chaque individu ait en lui quelque chose de typique, et soit, comme on l’a dit, un microcosme, il n’est pas seul au monde, et, tout en s’étudiant soi-même, il ne doit point perdre de vue les autres, dans les diverses modifications que peuvent leur faire subir le climat, l’âge, le sexe, le tempérament, le pays, le siècle, la religion, les institutions politiques et sociales, les relations de famille, l’éducation, les occupations enfin, et les habitudes journalières. […] On comprend que l’éducation, le milieu dans lequel on se meut, les travaux et les habitudes journalières sont autant d’éléments qui modifient à l’infini les mœurs, les pensées, les expressions de chaque individu ; qu’ainsi l’orateur qui s’adresse aux hommes, aussi bien que l’historien, le romancier, le dramatiste, qui les mettent en scène, doivent étudier consciencieusement ces modifications qui leur viendront en aide pour l’invention, et ne jamais les perdre de vue, s’ils veulent conserver à leur pensée et à leur style deux mérites éminents, la vérité et la variété. […] Je ne puis qu’effleurer ce qu’il y aurait à dire à ce sujet, mais j’insiste d’autant plus vivement sur l’observation des bienséances qu’au milieu du bouleversement universel dont nous avons été témoins, le sentiment paraît s’en être perdu parmi nous.

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