Nous allons déterminer clairement cette différence, qu’il faut ensuite ne jamais perdre de vue. […] (Paradis perdu, liv. […] C’est surtout dans les premier et second livres du Paradis perdu que ce beau génie se déploie. […] Le latin se perdit insensiblement dans leur idiome, et le caractère du langage et de la prononciation changea totalement en Europe. […] Dans nos temps modernes, le langage est devenu plus correct et plus précis ; mais il a perdu de sa force et de sa vivacité.
Fidèles à notre plan, qui est de mettre le plus qu’il est possible nos préceptes en exemples, et les exemples eux-mêmes en opposition, nous allons rapprocher ici deux hommes d’une tournure d’esprit tout à fait différente, et qui, en portant malgré eux cet esprit dans leurs ouvrages, ont également contribué à corrompre et à perdre enfin l’éloquence académique : c’est Fontenelle et Thomas. […] Des Moscovites qui n’avaient encore qu’une légère teinture de discipline, nulle ancienne habitude de valeur, nulle réputation qu’ils craignissent de perdre, et qui leur enflât le courage, allaient trouver des Suédois exactement disciplinés depuis longtemps, accoutumés à combattre sous une longue suite de rois guerriers, leurs généraux animés par le seul souvenir de leur histoire. […] Charles avait le titre d’invincible, qu’un moment pouvait lui ôter ; les nations avaient déjà donné à Pierre Alexiowitz le nom de grand, qu’une défaite ne pouvait lui faire perdre, parce qu’il ne le devait pas à des victoires ».
C’est que, dans l’attente de cet état, où l’on n’arrive pas tout d’un coup, il faut supporter des retardements capables non-seulement d’exercer, mais d’épuiser toute la patience ; que, durant de longues années, il faut languir dans l’incertitude du succès, toujours flottant entre l’espérance et la crainte, et souvent, après des délais presque infinis, ayant encore l’affreux déboire de voir toutes ses prétentions échouer, et ne remportant, pour récompense de tant de pas malheureusement perdus, que la rage dans le cœur et la honte devant les hommes. […] Ce qui fit un héros du prince de Condé J’appelle le principe de ces grands exploits cette ardeur martiale qui ; sans témérité ni emportement, lui faisait tout oser et tout entreprendre ; ce feu qui, dans l’exécution, lui rendait tout possible et tout facile ; cette fermeté d’âme que jamais nul obstacle n’arrêta, que jamais nul péril n’épouvanta, que jamais nulle résistance ne lassa, ni ne rebuta ; cette vigilance que rien ne surprenait ; cette prévoyance à laquelle rien n’échappait ; cette étendue de pénétration avec laquelle, dans les plus hasardeuses occasions, il envisageait d’abord tout ce qui pouvoit ou troubler, ou favoriser l’événement des choses : semblable à un aigle dont la vue perçante fait en un moment la découverte de tout un vaste pays ; cette promptitude à prendre son parti, qu’on n’accusa jamais en lui de précipitation, et qui, sans avoir l’inconvénient de la lenteur des autres, en avait toute la maturité ; cette science qu’il pratiquait si bien, et qui le rendait si habile à profiter des conjonctures, à prévenir les desseins des ennemis presque avant qu’ils fussent conçus, et à ne pas perdre en vaines délibérations ces moments heureux qui décident du sort des armées ; cette activité que rien ne pouvait égaler, et qui, dans un jour de bataille, le partageant, pour ainsi dire, et le multipliant, faisait qu’il se trouvait partout, qu’il suppléait à tout, qu’il ralliait tout, qu’il maintenait tout : soldat et général tout à la fois, et, par sa présence, inspirant à tout le corps d’armée, jusqu’aux plus vils membres qui le composaient, son courage et sa valeur, ce sang-froid qu’il savait si bien conserver dans la chaleur du combat, cette tranquillité dont il n’était jamais plus sûr que quand on en venait aux mains, et dans l’horreur de la mêlée ; cette modération et cette douceur pour les siens, qui redoublaient à mesure que sa fierté pour l’ennemi était émue ; cet inflexible oubli de sa personne, qui n’écouta jamais la remontrance, et auquel constamment déterminé, il se fit toujours un devoir de prodiguer sa vie, et un jeu de braver la mort ; car tout cela est le vif portrait que chacun de vous se fait, au moment que je parle, du prince que nous avons perdu ; et voilà ce qui fait les héros1.
À mesure que la société a fait des progrès en civilisation, le génie et les mœurs ont perdu en force et en sublimité ce qu’ils ont gagné en politesse et en correction. […] Voyons maintenant ce que ce beau morceau a pu perdre ou gagner entre les mains de deux fameux traducteurs, Boileau et Pope. […] Milton, que son génie portait singulièrement au sublime, nous en offre presque continuellement des exemples, dans les 1er et 2e livres de son Paradis Perdu. […] Dans un fragment sur la guerre des dieux contre les géants, ce boursouflé déclamateur nous représente un de ces derniers faisant voler dans les airs l’île de Lemnos, avec tout l’atelier de Vulcain ; un autre arrachant le mont Ida avec ses forêts et ses fleuves ; et le poète ne manque pas d’observer que, tandis que la montagne était sur les épaules du géant, une de ses rivières coulait le long de son dos, etc. — Milton a transporté cette même fiction dans son Paradis Perdu, mais en l’ennoblissant par les détails, et en la relevant par le choix des expressions.
Les passions, de leur côté, apprivoisées par les relations plus étendues et plus suivies des hommes entre eux, refrénées par les lois, les coutumes, les bienséances sociales, perdirent de l’énergie de leurs manifestations. […] Si parfois la poésie fait encore entendre de nos jours une voix aussi pure et aussi brillante que dans les temps antérieurs, ce ne sont que des accents personnels, en quelque sorte, presque toujours sans écho, perdus dans la foule qui ne les écoute pas, et auxquels renonce le poëte lui-même, à mesure qu’il avance dans la société et se mêle à la vie active et réelle. […] Si l’on n’en perd de vue ni l’origine, ni la nature, il sera facile d’en apprécier le but, d’en déterminer et d’en limiter l’usage, d’en saisir et d’en signaler les défauts. […] Avant d’entrer dans les détails, et sans vouloir, je le répète, imposer mon système, je recommanderai seulement à celui qui étudie les figures, d’abord, de ne point perdre de vue dans son travail la division que je viens d’indiquer, d’en vérifier l’exactitude par l’examen des faits, et, à mesure que se présente un terme nouveau, de le ramener sous ce que j’ai appelé sa bannière ; cette attention lui facilitera l’intelligence et le souvenir de chaque figure ; ensuite de mettre à part, d’un côté, celles qui ne sont, selon la remarque consignée plus haut, que des idiotismes consacrés par l’usage, de simples catachrèses, n’admettant par conséquent aucun précepte, aucune modification, en un mot, choses de mémoire et de théorie ; de l’autre, celles qui sont entièrement abandonnées au libre arbitre de l’écrivain, et par là même obligent le rhéteur à en régler l’emploi, à en déterminer les limites, choses de réflexion et de pratique.
vous êtes perdu : vous sentez ce que vous dites ! […] Je te perds. […] Des aventuriers, rebut de républiques en guerre les unes contre les autres, des gens perdus de dettes et de crimes, et faisant métier de vendre leur bravoure au plus offrant. […] L’érudition, qui par une inspiration du génie a retrouvé le sens des hiéroglyphes, perdu depuis près de quinze siècles, soulève en ce moment le voile qui couvre l’écriture de Ninive et de Babylone. […] De vos propres désirs perdrez-vous la mémoire ?
Et combien parmi vous regrettent des frères, des parents, des amis perdus dans les combats ! […] Jamais votre Ordre n’a perdu ses droits en changeant de résidence. […] Si tu es vainqueur, tu augmenteras bien faiblement ta gloire et celle de ta patrie : Si tu es vaincu, tu perdras tout le fruit de tes triomphes et de tes hauts faits. […] Alors, tous les travaux passés seront perdus pour nous, ou du moins il faudra nous exposer à de nouvelles fatigues, à de nouveaux dangers. […] ta valeur te perdra !
Les vertus se perdent dans l’intérêt, comme les fleuves se perdent dans la mer73. […] Enfin c’est le plus grand caractère sensible de la toute-puissance de Dieu, que notre imagination se perde dans cette pensée. […] Ces dernières surtout furent perfectionnées chez vous par nos réfugiés, et nous avons perdu ce que vous avez acquis. […] La bataille fut entièrement perdue. […] Pour vous perdre après elle, elle a voulu périr.
Mon carrosse même avait été lié avec des cordes, et presque élevé sur le pont ; mais quelques uns de ceux qui le tiraient ayant lâché les câbles, il tomba dans le fond de l’eau et se perdit. […] Comment se faire aimer sans perdre un peu de l’autorité, et relâcher de la discipline nécessaire ? […] Les villes pour lesquelles ce triste spectacle était tout nouveau faisaient paraître une douleur encore plus véhémente que ceux qui l’accompagnaient ; et, comme si en voyant son cercueil on l’eût perdu une seconde fois, les cris et les larmes recommençaient. »
» lui répondis-je, et dans la vérité, je croyais que tout le monde avait perdu le sens. […] je suis perdu, je suis assassiné, on m’a coupé la gorge, on m’a dérobé mon argent. […] Mais vous irez vous engager dans des détours infinis, dans quelque chemin perdu ; vous vous jetterez dans quelque précipice. […] Comment se faire aimer sans perdre un peu de l’autorité, et relâcher de la discipline nécessaire ? […] Les jours, les mois, les années, s’enfoncent et se perdent sans retour dans l’abîme des temps.
Envoyé en Flandres en 1709, il attaqua les Impériaux à Malplaquet, près de Mons, leur tua vingt mille hommes, et perdit le champs de bataille, qu’il n’auroit pas perdu, s’il n’avoit pas été dangereusement blessé dans l’action.
Rival d’abord, et bientôt l’irréconciliable ennemi de Démosthène, il épiait depuis longtemps l’occasion, et cherchait lès moyens de perdre son adversaire. […] D’abord, nous ne combattons point avec des armes égales : je perdrais infiniment plus en perdant votre amitié, que lui en ne gagnant point sa cause. Si je perds votre amitié, il y va pour moi… Mais j’évite, en commençant, toute parole sinistre : lui, au contraire, il m’accuse, sans avoir rien à perdre.
Un seul jour perdu devrait nous laisser des regrets mille fois plus vifs et plus cuisants qu’une grande fortune manquée ; et cependant ce temps si précieux nous est à charge ; toute notre vie n’est qu’un art continuel de le perdre, et, malgré toutes nos attentions à le dissiper, il nous en reste toujours assez pour ne savoir encore qu’en faire ; et cependant la chose dont nous faisons le moins de cas sur la terre, c’est de notre temps ; nos offices, nous les réservons pour nos amis ; nos bienfaits, pour nos créatures ; nos biens, pour nos proches et pour nos enfants ; notre crédit et notre faveur, pour nous-mêmes ; nos louanges, pour ceux qui nous en paraissent dignes ; notre temps, nous le donnons à tout le monde, nous l’exposons, pour ainsi dire, en proie à tous les hommes ; on nous fait même plaisir de nous en décharger : c’est comme un poids que nous portons au milieu du monde, cherchant sans cesse quelqu’un qui nous en soulage. […] Les passions, les volontés injustes, les désirs excessifs et ambitieux que les princes mêlent à l’autorité, loin de l’étendre, l’affaiblissent ; ils deviennent moins puissants dès qu’ils veulent l’être plus que les lois ; ils perdent en croyant gagner : tout ce qui rend l’autorité injuste et odieuse l’énerve et la diminue1.
A chaque pas, du nombre il perdait l’avantage. […] A la jeunesse On dit qu’impatient d’abdiquer4 la jeunesse, Aux sordides calculs vous livrez vos vingt ans ; Qu’à moins d’un sang nouveau qui du vieux sol5 renaisse, La France et l’avenir ont perdu leur printemps. […] Elle est de vos aînés l’espoir et le trésor ; Portez-la fièrement, sans en perdre une goutte ; Portez-la devant vous comme un calice d’or.
Bien que cette querelle ait perdu son à-propos, la verve d’une ironie éloquente, des principes d’éternelle morale, la dialectique d’un bon sens convaincu, et les beautés d’un art supérieur assurent un intérêt durable à ce pamphlet, qui demeure comme une date impérissable de notre littérature. […] Tout le monde sait qu’il n’est jamais permis aux particuliers de demander la mort de personne, et que quand un homme nous aurait ruinés, estropiés, brûlé nos maisons, tué notre père, et qu’il se disposerait encore à nous assassiner et à nous perdre d’honneur3, on n’écouterait point en justice la demande que nous ferions de sa mort : de sorte qu’il a fallu établir des personnes publiques qui la demandent de la part du roi, ou plutôt de la part de Dieu. […] La nature les instruit à mesure que la nécessité les presse ; mais cette science fragile se perd avec les besoins qu’ils en ont : comme ils la reçoivent sans étude, ils n’ont pas le bonheur de la conserver ; et toutes les fois qu’elle leur est donnée, elle leur est nouvelle, puisque la nature n’ayant pour objet que de maintenir les animaux dans un ordre de perfection bornée, elle leur inspire cette science nécessaire, toujours égale, de peur qu’ils ne tombent dans le dépérissement, et ne permet pas qu’ils y ajoutent, de peur qu’ils ne passent les limites qu’elle leur a prescrites3. […] Nous avons beau enfler nos conceptions au delà des espaces imaginables, nous n’enfantons que des atomes au prix de la réalité des choses : c’est une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence nulle part4 ; enfin, c’est le plus grand caractère sensible de la toute-puissance de Dieu que notre imagination se perde dans cette pensée. […] Qu’il y voie une infinité d’univers, dont chacun a son firmament, ses planètes, sa terre, en la même proportion que le monde visible, dans cette terre, des animaux, et enfin des cirons, dans lesquels il retrouvera ce que les premiers ont donné ; et, trouvant encore dans les autres la même chose, sans fin et sans repos, qu’il se perde dans ces merveilles aussi étonnantes par leur petitesse que les autres par leur étendue : car qui n’admirera que notre corps, qui tantôt n’était pas perceptible dans l’univers, imperceptible lui-même dans le sein du tout, soit à présent un colosse, un monde ou plutôt un tout à l’égard du néant où l’on ne peut arriver1 ?
Mon esprit, grâce au ciel, n’a rien encore perdu de sa vigueur. […] Tallart devint stupide depuis quelques moments, et le maréchal de Villeroy perdit toute contenance. […] Quand Philippe osa dominer dans la Grèce, quand il parut aux portes d’Athènes, elle n’avait encore perdu que le temps. […] Il a perdu la jambe dont il a repoussé sa mère, et il est perclus du bras dont il a menacé son père. […] Je ne l’observais qu’à des moments perdus.
» et, « Vous m’avez perdu ! […] perdre tous ses paris, Vingt fois le coupe-gorge, et toujours premier pris ! […] me voilà perdu ! […] J’en demeurai ravi ; Mais ses traits ont perdu quiconque l’a suivi. […] ) … Votre discours me perd !
Tout est perdu, hors l’honneur. […] Tout est perdu, excepté l’honneur.
Cependant, ceux qui, en haine de celui qui gouverne, haïssent leur propre pays, et qui, pour perdre un homme seul, voudraient que la France se perdît, se moquaient de tous les préparatifs que nous faisions pour remédier à cette surprise. […] Il a tous les jours avis que l’on y fait des pratiques pour le perdre. […] Le beau ne perdrait rien de son prix, quand il serait commun à tout le genre humain : il en serait plus estimable. […] Les pères de famille espèrent la longueur de ma vie comme celle de leurs enfants : les enfants craignent de me perdre, comme ils craignent de perdre leur père. […] Les plus pervers ne sauraient perdre tout à fait ce penchant ; souvent il les met en contradiction avec eux-mêmes.
Au mesme temps, ou bientost après, le prince de Condé3 ayant saisi Orleans (15 avril 1562), les persecutions redoublees, les massacres et brustements qui se faisoient à Paris ayant contraint, après de grands dangers, Beroalde de s’enfuir avec sa famille, il fascha1 bien à ce petit garçon de quitter un cabinet de livres couverts2 somptueusement et autres meubles, par la beauté desquels on lui avoit osté le regret du pays, si bien qu’estant auprès de Villeneufve-Saint-George3, ses pensées tirèrent des larmes de ses yeux ; et Beroalde, le prenant par la main, luy dit : « Mon amy, ne sentez-vous point l’heur4 de ce que vous est5 de pouvoir, dès l’aage où vous estes, perdre quelque chose pour celuy qui vous a tout donné6 ? […] Une lettre courageuse La paix se fit5 et Aubigné se retirant escrivit un à Dieu au Roy son maistre, en ces termes : « Sire, vostre mesmoire vous reprochera douze ans de mon service, douze playes sur mon estomac6 : elle vous fera souvenir de vostre prison et que ceste main qui vous escrit en a desfaict les verrouils et est demourée pure en vous servant, vuide de vos bien-faits et des corruptions de vostre ennemy et de vous ; par cet escrit, elle vous recommande à Dieu à qui je donne mes services passez et vouë ceux de l’advenir, par lesquels je m’efforceray de vous faire cognoistre qu’en me perdant vous avez perdu vostre très fidele serviteur. » Le télégraphe électrique en 15981 Mon secret n’estant point de magie, mais par moyens naturels, est difficile et de coust2 selon ce qu’il entreprend. […] De faillir ; j’échouerai, je perdrai la gageure.