Toute l’église était parée de tableaux, de devises et d’emblèmes qui avaient rapport aux armes ou à la vie du chancelier : plusieurs actions principales y étaient peintes. […] Aucun n’a parlé aux passions un langage plus propre à les captiver et à les soumettre : aucun n’a mieux connu le cœur humain et ne l’a peint avec plus d’éloquence. […] Le désespoir le plus amer était peint avec horreur sur son visage. […] La philosophie décrit et dépeint la nature ; la poésie la peint et l’embellit : elle peint aussi les hommes, elle les agrandit, les exagère, elle crée les héros et les dieux. L’histoire ne peint que l’homme, et le peint tel qu’il est : ainsi le ton de l’historien ne deviendra sublime que quand il fera le portrait des plus grands hommes, quand il exposera les plus grandes actions, les plus grands mouvements, les plus grandes révolutions ; et, partout ailleurs, il suffira qu’il soit majestueux et grave.
Je pourrais multiplier les exemples ; je me contenterai de citer une phrase de Fléchier : « Déjà prenait l’essor, pour se sauver vers les montagnes, cet aigle dont le vol hardi avait d’abord effrayé nos provinces122 ; » et cette belle construction de Bossuet déjà citée, qui reproduit si bien, par la hardie transposition du verbe et par le poids de toute la phrase la formidable pesanteur de l’objet à peindre : « Restait cette redoutable infanterie de l’armée d’Espagne… etc. » Souvent, sans inversion précise, la construction de Bossuet donne à sa parole un charme extrême. […] « Prenait l’essor est la principale action, c’est celle qu’il faut peindre sur le devant du tableau. […] L’action se peint avec toute sa promptitude dans : Déjà prenait l’essor ; elle se ralentirait, si on disait : il prenait déjà l’essor.
Apparemment Aristote était séduit par la réputation qu’avait usurpée ce bouffon d’Aristophane, bas et fourbe lui-même, et qui avait toujours peint ses semblables. […] Ces images nous font sourire si elles sont peintes avec finesse elles nous font rire, si les traits de cette maligne joie, aussi frappants qu’inattendus, sont aiguisés par la surprise.
La coupole peinte à fresque (ainsi désigne-t-on la manière de peindre sur les murailles) par Mignard, dont on voit ensuite l’éloge.
L’autre genre est simple, tendre et gracieux ; il naît d’objets plus ordinaires, comme la vue d’une fête, l’aspect des fleurs ; c’est un chant gracieux et doux qui, d’après le même poète, Peut peindre les festins, les danses et les ris. […] Ce sont les jeux et les plaisirs qu’il chante ; c’est le sentiment qu’il peint avec les couleurs les plus douces. […] La plaintive élégie, en longs habits de deuil, Sait, les cheveux épars, gémir sur un cercueil ; Elle peint, des amants, la joie et la tristesse Cependant la tristesse lui convient mieux que la joie ; et son véritable caractère est celui d’une douce mélancolie. […] Par conséquent, pour bien réussir dans ce genre, il faut bien sentir et bien peindre le sentiment avec des couleurs vraies et naturelles. […] Les images riantes ont aussi leurs grâces particulières, quand elles forment un contraste avec la situation du poète ou de ses personnages ; mais elles doivent être employées avec beaucoup de retenue, parce qu’il s’agit moins ici de peindre des objets gracieux que d’exprimer des sentiments délicats et tendres.
À chacune de ces trois choses se rapporte spécialement chacun des trois genres d’éloquence dont nous avons parlé ; le genre simple, aux preuves que l’orateur veut développer ; le genre fleuri, aux mœurs qu’il veut peindre ; le genre sublime, aux passions qu’il veut exciter. […] Bien souvent l’orateur, en faisant valoir une preuve, peint en même temps les mœurs, et excite les passions. […] C’est cette nature, qui est toujours et partout la même, qu’Aristote a parfaitement connue, puisqu’en peignant ses contemporains, il a peint les hommes des siècles postérieurs, et ceux du siècle présent. […] Il ne manquera pas alors de peindre avec force, de rendre son discours passionné, et d’émouvoir, par ce moyen, les passions de ses auditeurs. […] Un peintre qui veut composer un tableau, imagine d’abord le dessin, observe ensuite les proportions, et achève enfin son ouvrage, en donnant à l’objet qu’il peint, ce coloris qui lui est propre, et qui enlève tous les suffrages.
l’on rirait d’un sot qui prétendrait faire un tableau sans avoir appris à dessiner et à peindre, et l’on trouverait tout naturel qu’un ignorant sût parler, sût écrire, sans étude et sans travail. […] II n’annonce pas qu’il les possède, mais elles se peignent d’elles-mêmes dans toutes ses paroles. […] Les mœurs de celui qui parle doivent se peindre dans son discours, sans qu’il y pense. […] Se garder de toute affectation, ne point proclamer nos qualités ; mais faire en sorte quelles se peignent d’elles-mêmes dans toutes nos paroles. […] Celui-là peint les hommes tels qu’ils devraient être ; celui-ci les peint tels qu’ils sont.
Le poète grec les a peints tels qu’ils étaient de son temps. […] Les caractères doivent se peindre le plus souvent par les actes ; c’est la manière à la fois la plus poétique et la plus frappante pour le lecteur. […] Le récit épique parcourt alors les temps, les lieux, comme il lui plaît ; il peint, à son gré, les objets de toute espèce, qu’ils soient horribles, hideux, dégoûtants même. […] Il décrit alors le palais de la Sottise et cette déesse elle-même : Stupidité (c’est un nom de la belle), Paraît aux yeux un vrai caméléon, Toujours changeant d’habitude et de ton ; Variant tout, excepté sa prunelle, Où l’on ne vit jamais une étincelle Du feu divin que l’on nomme raison ; Tel que Virgile a peint le vieux Protée, Qui, pour tromper les efforts d’Aristée, À ses regards devenait, tour à tour, Arbre ou rocher, quadrupède ou reptile ; Telle, aux regards de la stupide cour, La déité plaisamment versatile Change de forme à chaque instant du jour.
Cela est peint ; et la Citrouille : cela est digne du premier tome88. […] Le sublime ne peint que la vente, mais en un sujet noble ; il la peint tout entière dans sa cause et dans son effet ; il est l’expression ou l’image la plus digne de cette vérité212. […] N’ayez point d’esprit, peignez avec vérité, et votre ouvrage sera charmant. […] Quand Platon peint son juste imaginaire couvert de tout l’opprobre du crime et digne de tous les prix de la vertu398, il peint trait pour trait Jésus-Christ : la ressemblance est si frappante, que tous les Pères l’ont sentie, et qu’il n’est pas possible de s’y tromper. […] « Je les peins dans le meurtre à l’envi triomphants.
Elle est toujours affectée de ce qu’elle dit et de ce qu’elle raconte ; elle peint comme si elle voyait, et l’on croit voir ce qu’elle peint.
Quand l’allégorie peut se peindre, elle prend souvent le nom d’emblème. […] Bien des métaphores tirées de l’ouïe, de l’odorat, du goût, des êtres inanimés et abstraits, ne peuvent se peindre, et n’en sont pas moins des métaphores. […] Veut-il peindre les orages des passions qui grondent dans le cœur du jeune homme, à l’approche de la puberté, « Ulysse, s’écrie-t-il, ô sage Ulysse, prends garde à toi ; les outres que tu fermais avec tant de soin sont ouvertes ; les vents sont déjà déchaînés ; ne quitte plus un moment le gouvernail, ou tout est perdu. » Et dans son cinquième livre, quel charme n’ajoute pas l’allusion au tableau de la visite de Sophie dans l’atelier du menuisier où travaille Emile ?
Mérimée excelle à se détacher de lui-même, à soutenir le rôle d’un personnage imaginaire, à prendre le ton d’une situation, à faire parler un caractère, à peindre une physionomie par ses traits vivants. […] Du sommet on voyait percer l’extrémité d’une croix de bois peinte en noir.
Peignez à grands traits les parcs et les jardins superbes. […] Peignez les progrès d’Alexis dans le mal et les vains efforts de son père pour le corriger. […] Peignez le changement qui s’opère en lui. […] On peindra la désolation du jeune page ; il y aura entre lui et le prince une conversation courte et animée. […] Peignez la joie des Indiens qui voient la lune reparaître.
Ceux-ci, graves et austères, dédaignent les ornements et n’estiment que cette éloquence mâle dont il leur semble que les grâces énerveraient la vigueur ; ceux-là, sentencieux, énergiques et profonds, sont avares de mots et peignent d’un seul trait. […] Plusieurs anciens, tels que des hommes sans nom et sans gloire, seront ensevelis dans l’oubli : Agricola, peint par l’histoire, livré par elle à la postérité, ne mourra point. » Mort de Turenne, Par Fléchier. […] Cicéron, de Suppliciis, peint en traits forts et rapides la fureur de Verrès : « Ipse inflammatus scelere et furore, in forum venit. […] J’ai vu ce même enfant dont je suis menacée, Tel qu’un songe effrayant l’a peint à ma pensée. […] — Récitez les vers d’Athalie dans lesquels Mathan peint sa criminelle ambition ?
Ce pronom figure merveilleusement au commencement du premier vers, pour peindre l’empressement de Nisus à se faire connaître des ennemis, et à arrêter le fer qui va frapper son ami Euryale. […] Le monosyllabe mons, qui finit le vers, peint très-bien la grosseur de la vague. […] et comme les deux mots venisti tandem peignent bien la joie et le bonheur du retour ! […] Il est facile de remarquer, dans les deux premiers vers, trois coupes différentes, qui peignent admirablement les trois circonstances les plus frappantes de la mort d’Euryale. […] Ces mots languescit moriens, mis au commencement du second vers, peignent admirablement bien la langueur du jeune héros qui défaille et se meurt.
C’est peint d’après nature. […] Le désordre de la phrase peint à merveille le trouble d’esprit que la joie cause à la laitière. […] Ce vers expressif peint une dégringolade. […] Le vieillard qui plante me plaît mieux que le vieillard qui bâtit, celui, par exemple, que La Bruyère peint sous ces traits : « N*** est moins affaibli par l’âge que par la maladie, car il ne passe point soixante-huit ans ; mais il a la goutte, et il est sujet à une colique néphrétique ; il a le visage décharné, le teint verdâtre, et qui menace ruine : il fait marner sa terre, et il compte que de quinze ans entiers il ne sera obligé de la fumer ; il plante un jeune bois, et il espère qu’en moins de vingt années il lui donnera un beau couvret. […] Lisez-le, et dites si Anacréon a su badiner avec plus de grâce, si Horace a paré la philosophie et la morale d’ornements poétiques plus variés et plus attrayants, si Térence a peint les mœurs des hommes avec plus de naturel et de vérité, si Virgile enfin a été plus touchant et plus harmonieux. »
Embellissez l’asile que vous avez choisi3 ; éclairez un peuple digne de vos leçons ; et vous qui savez si bien peindre les vertus et la liberté, apprenez-nous à les chérir dans nos murs comme dans vos écrits4. […] J’y reviendrai, monsieur, si mon ton familier ne vous déplaît pas ; car, dans l’épanchement de mon cœur, je n’en saurais prendre un autre : je me peindrai sans fard et sans modestie, je me montrerai à vous tel que je me vois et tel que je suis ; car, passant ma vie avec moi, je dois me connaître, et je vois, par la manière dont ceux qui pensent me pénétrer interprètent mes actions et ma conduite, qu’ils n’y entendent rien. […] On l’a vu invectiver contre les sciences qu’il cultivait, préconiser l’excellence de l’Évangile dont il détruisait les dogmes, peindre la beauté des vertus qu’il éteignait trop souvent dans l’âme de ses lecteurs. » 1. […] Il a été le plus éloquent des rêveurs qui savent peindre.
Quel fracas d’événements sinistres à peindre, de révolutions désastreuses à retracer, de grandes scènes d’infortunes à déployer ! […] On connaît le talent de Bossuet pour les portraits ; on sait de quelles couleurs il a peint celui de Cromwell, et combien sa nerveuse concision et la vérité énergique de son pinceau se rapprochent, en général, de la manière de Tacite, c’est-à-dire, de ce qu’il y a de plus parfait dans ce genre.
Il se peint tel qu’il est, sans se flatter. […] Le poëte a souvent trouvé de beaux accents pour peindre la tristesse et la douleur : Le seul bien qui me reste au monde Est d’avoir quelquefois pleuré.
quand ce personnage de Térence dit, au sujet d’un jeune homme dont on vient de lui peindre les égarements : Il rougit ; tout est gagné ! […] Lucain, voulant peindre l’abattement muet et la consternation profonde qui régnaient dans Rome, aux approches de la guerre civile, n’emploie qu’un trait ; et ce trait est sublime par sa précision : Erravit sine voce dolor.